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The Fantastic Worlds of H.P. Lovecraft, de James Van Hise (ed.)

Publié le par Nébal

The Fantastic Worlds of H.P. Lovecraft, de James Van Hise (ed.)

VAN HISE (James) (ed.), The Fantastic Worlds of H.P. Lovecraft, Yucca Valley, CA, James Van Hise, 1999, 186 p.

 

The Fantastic Worlds of H.P. Lovecraft est un curieux et enthousiasmant objet, un pur produit du fandom à maints égards. Conçue et éditée (à son nom) par James Van Hise, fan notoire, passionné par les pulps et au moins autant par Star Trek (personne n’est parfait), cette anthologie critique rassemble des articles très divers, pour certains publiés originellement dans Lovecraft Studies, Crypt of Cthulhu, etc., ou bien des fanzines moins spécialisés, mais aussi d’autres encore pour lesquels il s’agit de la première publication, outre quelques archives remontant à fort longtemps mais toujours pertinentes. L’objet étonne par son grand format (une sorte de A4), qui n’en facilite peut-être pas la lecture, mais s’avère adapté en ce qu’il met bien valeur une abondante iconographie, très diverse là aussi. La forme est donc sympathique (et par ailleurs très « pro », quoi qu’il en soit des conditions de publication), et le fond l’est tout autant, voire davantage encore – on y trouve bien des articles aussi passionnants que passionnés, le plus souvent d’une érudition assez pointue, sans toutefois que ce soit au point de larguer le lecteur : il s’agit plutôt du témoignage enthousiaste et communicatif de fans prenant très au sérieux leur sujet, et à raison.

 

Le premier article, signé Will Murray (le nom qui revient le plus souvent au sommaire, et de loin – six articles sont de sa plume !), s’intitule « H.P. Lovecraft : Pulp Hound », et c’est un très gros morceau, tout à fait passionnant. Aujourd’hui, on associe instinctivement Lovecraft aux pulps, et tout particulièrement à Weird Tales. Mais l’article, en se penchant en long et en large sur le rapport de l’auteur à son « marché », montre bien combien cette relation s’avère complexe, et ce que Lovecraft en disait lui-même, le plus souvent, ne fait que compliquer encore les choses ! La correspondance de Lovecraft (notamment celle figurant dans les Selected Letters) est riche de virulentes diatribes contre les pulps et les « auteurs professionnels » (qui, de ce seul fait, ne peuvent prétendre être des « artistes »), et Lovecraft maintenait sans doute à cet égard, plus ou moins consciemment, une certaine pose. On sait cependant qu’il était, au moins dans les années 1910-1920, et quoi qu’il ait pu prétendre par ailleurs, un grand lecteur de pulps (et il continuera ensuite à lire au moins Weird Tales, où ses amis sont publiés – souvent des gens qu’il a lui-même introduits dans la revue, et qui y figurent alors bien plus souvent que lui…) – quand bien même volontiers critique : d’ailleurs, c’est à l’occasion d’une polémique qu’il avait initiée dans le courrier des lecteurs d’un de ces titres qu’on lui a fait connaître le monde du journalisme amateur, dans lequel il allait trouver un premier champ de publication, avant de saisir l’occasion de Weird Tales pour publier lui-même dans ces pulps dont il disait, suite à la polémique évoquée plus haut, pis que pendre. Pendant les premières années de la revue, Lovecraft est une « star » du « Unique Magazine », et est très régulièrement au sommaire. La situation change quand Farsnworth Wright devient le rédacteur en chef de la revue ; parfois « capricieux », très conscient des attentes de son lectorat par ailleurs, ce dernier n’accepte presque jamais un texte à première soumission, suggérant en lieu et place des révisions autorisant une éventuelle acceptation ultérieure – chose que Lovecraft vivait très mal, lui qui rechignait à ce genre d’exercice, et préférait généralement lâcher l’affaire… Par ailleurs, Wright a rejeté sur cette base bon nombre des plus grands textes de Lovecraft, quitte à y revenir – sans révisions, pourtant ! – quelques années plus tard… Parallèlement, les récits de Lovecraft tendaient à devenir de plus en plus longs et complexes, ce qui ne lui facilitait pas exactement la tâche pour les placer ici ou là : Wright, toujours lui mais il n’est pas le seul, refuse plusieurs récits très ambitieux (dont At the Mountains of Madness, et Lovecraft, qui y voit son meilleur texte, le vit horriblement mal et ruminera longtemps à ce sujet, y revenant sans cesse, et justifiant par-là son abandon de la « profession ») parce qu’ils sont trop longs, et par ailleurs impossibles à découper pour une publication en serial. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que Lovecraft, dans ses lettres privées, se montre aussi farouchement hostile à Wright, voire carrément haineux… Et, à vrai dire, quand par exception il lui soumet malgré tout un texte (ou tient compte du fait accompli quand un de ses amis en a soumis un à sa place, cela arrive plusieurs fois), il emploie dans les lettres qu’il lui adresse un ton volontiers sarcastique et amer, pointant du doigt ses rejets systématiques… Mais cet article a aussi pour intérêt de montrer une chose qui, semble-t-il, n’apparaît pas forcément dans les Selected Letters (peut-être délibérément ?) : Lovecraft n’a pas soumis des textes qu’à Weird Tales… Quoi qu’il ait pu prétendre à ce sujet, il a régulièrement tenté de trouver d’autres débouchés, d’autant plus nécessaires que son capital était de plus en plus rongé, que ses révisions ne lui rapportaient quasiment rien, qu’il n’avait pas d’autre activité professionnelle, et que la revue qui lui est aujourd’hui associée, loin d’avoir à l’époque son aura quasi « mythique », payait mal, à publication et non à acceptation (avec de longs délais, pouvant dépasser un an), et était qui plus est dans une situation économique très précaire au cœur de la Grande Dépression… Mais Lovecraft subit refus après refus, auprès de revues il est vrai plus « commerciales » et « vulgaires » encore que Weird Tales (et ses lettres débordent de haine à leur égard) ; sans doute a-t-il à l’occasion tenté des choses, fait quelques « concessions » pour parvenir à être publié (suscitant de douloureuses séquences d’auto-flagellation dans sa correspondance), mais sans grand succès (et, bien contraint d’accepter le fait, il s’enferme alors d’autant plus dans sa pose d’artiste qui n’a que mépris pour cette « littérature prolétarienne ») ; un passage sur ces « concessions » m’a tout spécialement intéressé, portant sur l’action dans « The Shadow Over Innsmouth », texte que Lovecraft lui-même considérait « expérimental » (il expliquait par ailleurs que l'action dans cette nouvelle, fuite et poursuite, était la seule qu'il se sentait éventuellement de mettre en scène, précisant nommément qu'il se sentait incapable de faire du Robert E. Howard avec plein de combats)… Astounding, après sa reprise, aurait pu inaugurer une nouvelle ère d’écriture pour Lovecraft, au sortir d’une période difficile où il avait abandonné, plus amer que jamais, la production de fictions (mais il consacrait beaucoup de temps aux révisions, notamment celles pour Hazel Heald, qu’il essayait là encore de caser un peu partout), dans la mesure où plusieurs de ses textes, soumis à la revue sans lui demander son avis par des camarades, avaient été acceptés. L’accueil du public, cependant, était assez mitigé… Mais, de toute façon, Lovecraft meurt peu après, et, par une cruelle ironie, la revue « weird » plus prestigieuse, plus Dunsany-Machen-Blackwood, qu’il appelait de ses vœux, ne naîtra que peu après sa mort (Unknown), tandis que Campbell, dès qu’il parvient à la tête d’Astounding, émet des commentaires définitifs quant à ce qu’il compte publier dans la fameuse revue de science-fiction, citant nommément Lovecraft comme exemple de ce qu’il ne faut surtout pas faire, un très mauvais écrivain, et une relique du passé à oublier au plus tôt… L’article est passionnant à bien des niveaux, notamment dans l’étude du caractère complexe de Lovecraft, et son insertion dans une histoire éditoriale très riche, qu’on aurait bien tort de limiter au seul Weird Tales – en résulte peu ou prou un panorama des pulps de l’imaginaire. Vraiment chouette.

 

Suivent trois brefs textes de H.P. Lovecraft lui-même, tirés de sa correspondance. Le premier, « Story-Writing : a Letter from HPL », répondant à une question d’un lecteur, détaille la méthode d’écriture de l’auteur ; pour l’essentiel, on y trouve surtout des indications de « bon sens » (l’une d’entre elles et non la moindre étant de ne pas s’enfermer dans une méthode stricte…). C’est néanmoins une synthèse intéressante, d’autant que Lovecraft illustre son propos par certains de ses propres récits. Deux points sont plus particulièrement notables à mes yeux : le mépris pour la fiction « commerciale », qui renvoie à l’article précédent, et surtout cet aspect souvent cité, la rédaction au préalable de deux synopsis – le premier dans l’ordre où ont lieu les événements, le second dans l’ordre de leur présentation au lecteur.

 

Suivent deux extraits. Tout d’abord, « Some Self-Criticism », un passage d’une lettre où Lovecraft se livre à une autocritique, donc, revenant sévèrement sur quelques-uns de ses textes antérieurs (mais, de manière plus ou moins implicite, c’est bien l’ensemble de sa production qu’il dénigre ainsi), et considérant que ce n’est qu’à partir de « The Colour Out of Space » qu’il a pu livrer quelque chose de « décent »…

 

Le dernier de ces brefs textes, « Lovecraft as an Illustrator », témoigne de l’inaptitude au dessin de l’auteur – quoi qu’on ait pu lui suggérer, comme par exemple de faire lui-même un frontispice pour « The Colour Out of Space »… Suivent quelques pages tirées des manuscrits de Lovecraft où il griffonnait cependant tel ou tel monstre… Des documents plutôt intéressants, par ailleurs.

 

On retrouve Will Murray, avec « Lost Lovecraftian Pearls : The ʺTarbisʺ Collaboration », un article assez palpitant, prenant quelque peu la forme d’une enquête policière, ou d’archéologie littéraire… L’étude par l’auteur de la correspondance de E. Hoffmann Price (coauteur avec Lovecraft de « Through the Gates of the Silver Key », suite à la nouvelle de Lovecraft « The Silver Key », sur une base conçue par Price sous le titre « The Lord of Illusion », puis considérablement révisée par Lovecraft) l’a amené à repérer, à son grand étonnement et à celui de S.T. Joshi qui l’accompagnait dans ses recherches, des allusions concernant une autre « collaboration », antérieure – une nouvelle simplement appelée « Tarbis » dans les échanges épistolaires entre les deux écrivains, et identifiée ensuite comme étant « Tarbis of the Lake », nouvelle publiée sous le seul nom de Price dans Weird Tales en 1934, où elle avait semble-t-il rencontré un certain succès, à en croire les louanges de lecteurs dans le courrier de la revue, « The Eyrie », la qualifiant de « truly weird » à une époque où la revue s’essaye à des récits plus conventionnels (policiers, notamment) pour assurer ses ventes, ce qui ne plait pas à son lectorat traditionnel réclamant du « weird » avant toute chose ; la nouvelle a plus tard été reprise dans un recueil de Price. Déterminer la part de Lovecraft dans tout cela n’est sans doute pas chose aisée, mais une étude approfondie de la correspondance de Price laisse supposer que les choses se sont probablement passées comme cela : à l’origine, « Tarbis of the Lake » était un des premiers, voire le premier, textes professionnels de Price ; il avait été rejeté, et avait dormi dans des cartons ; mais Price, qui y tenait, l’a ressorti bien des années plus tard, et, lors d’une épique session de travail de 25 heures (mention qui revient tout le temps dans ses lettres) à l’occasion d’une visite de Lovecraft à Price à la Nouvelle-Orléans, les deux hommes l’ont semble-t-il entièrement révisée ; la nouvelle, sous cette forme, a été rejetée par plusieurs pulps ; Farnsworth Wright de Weird Tales, à son habitude, l’a rejetée lui aussi, mais en suggérant des révisions (voir plus haut) ; Price en était furieux – et Lovecraft semble-t-il plus encore –, mais le premier s’est attelé à la tâche, sans l’assistance du gentleman de Providence, et a considérablement réécrit et « clarifié » une fois encore le texte, lui ajoutant 1500 mots (il en faisait 4000 suite à la collaboration Price-Lovecraft) ; il a alors été accepté par Wright, qui a mis beaucoup de temps à le publier (à tel point que Price envisageait de le soumettre à une autre revue, même s’il s’en est abstenu en définitive), ce qui arrivera enfin en 1934 – soit plus de dix ans après la première soumission du texte par Price entamant sa carrière d’auteur professionnel. Pour l’anecdote, Price le cannibalisera encore plus tard, pour en tirer un récit « spicy » destiné à un tout autre marché ; il avait suggéré à Lovecraft de s’impliquer dans l’affaire, mais ce dernier a bien évidemment refusé… Will Murray décortique ensuite la nouvelle telle qu’elle a été publiée, la citant abondamment… et, dois-je dire, ça m’a l’air assez calamiteux ! La nouvelle se passe en France (cocorico ?) – elle commence à Lourdes, et implique une aristocrate du nom de Tarbis Dulac, en laquelle le héros, très enquêteur de l’étrange (son nom, Rankin, est par ailleurs un renvoi évident à l’illustrateur de Weird Tales Hugh Rankin, qui est justement amené à livrer un dessin pour cette histoire, reproduit ici…), devine la vieille reine éthiopienne Tarbis, rejetée par Moïse, et qui aurait ensuite gagné ce qui serait un jour la France, où son nom serait resté, notamment dans la désignation d’une ville (Tarbes, je suppose…) ; la tournure « weird » s’exprime surtout dans l’emploi d’une momie et de longues considérations sur la magie égyptienne… En l’état, Will Murray cite plusieurs passages, trahissant selon lui clairement la patte de Lovecraft par endroits, là où le style plus conventionnel de Price ne fait aucun doute en d’autres occasions – notamment dans des dialogues semble-t-il assez laborieux, et absolument pas lovecraftiens pour un sou… Le texte tel qu’il a été publié est sans doute davantage de Price que de Lovecraft – mais demeure le vague espoir de dénicher un jour la version « intermédiaire » du texte, résultant de la collaboration des deux auteurs, qui pourrait permettre de déterminer avec plus d’assurance qui a fait quoi… Beaucoup aimé cet article – même s’il peut paraître ultra-pointu présenté comme ça, il est finalement très ludique… Un point tout personnel, par contre : les nombreuses citations de lettres de E. Hoffmann Price me laissent, à l’instar de ses deux textes dans The Last Celt compilés par Glenn Lord, l’image d’un type plutôt désagréable, notamment en ce qu’il ne se prenait vraiment pas pour de la merde… Il a beau user d’un ton humoristique, qui pourrait en théorie amoindrir cette image, j’ai vraiment l’impression d’un pénible et d’un arrogant…

 

Robert Weinberg, dans « H.P. Lovecraft in Astounding », livre un article assez déconcertant quant à la place de deux récits de Lovecraft dans les pages d’Astounding Stories, célèbre pulp consacré à la science-fiction ; c’est en effet dans cette revue qu’ont été publiées deux œuvres essentielles de Lovecraft, et effectivement plus tournées vers la SF, même si Lovecraft ne semble pas les avoir conçues à cet effet (ce n’est même pas lui qui les a soumises à la revue…), à savoir At the Mountains of Madness et « The Shadow Out of Time ». Le problème de cet article est qu’il pèche un peu dans l’analyse, insistant sur la dimension « rendez-vous manqué » entre Lovecraft et le lectorat de SF, quand la suite de l’article, autant que la biographie de l’auteur, laissent supposer que les choses étaient plus compliquées que ça. Et l’assertion voulant que le rédacteur en chef de la revue n’ait même pas lu ces deux textes avant de les accepter et publier (!) mériterait pour le moins d’être plus étayée… On peut en retenir, effectivement, que les conditions de publication étaient déplorables, les textes étant affligés de coupes et de coquilles qui avaient rendu Lovecraft furieux. Mais le vrai intérêt est ailleurs, dans la simple citation d’extraits du courrier des lecteurs de la revue : quelques-uns y voyaient déjà des textes brillants et destinés à perdurer, et se félicitaient de ce que Lovecraft ait rejoint les pages de la revue… mais bien plus nombreux étaient ceux qui avaient détesté et ne se privaient pas de le dire – avec un reproche permanent : trop de descriptions, il ne se passe rien… Et, bien sûr, ce n’était pas pour eux de la science-fiction. Rien de bien surprenant sans doute.

 

L’article de Donald R. Burleson intitulé « Humour Beneath Horror : Some Sources for ʺThe Dunwich Horrorʺ and ʺThe Whisperer in Darknessʺ » était censé figurer dans le n° 12 de Lovecraft Studies, à en croire les références, mais mon compte rendu n’en fait pas état ; j’ai l’impression qu’il se trouvait en fait dans le n° 2, que je n’ai pas lu… Peu importe. Quoi qu’il en soit, parler d’ « humour », ici, est sans doute un peu fort – et même le terme « in-jokes » n’est pas forcément pertinent. Si Lovecraft disait que l’humour et l’horreur ne pouvaient pas ou ne devaient pas être mêlés, on trouve pourtant des traits parodiques çà et là dans son œuvre, aucun doute à cet égard (et gommons l’image du sinistre « reclus », tous les témoignages comme sa correspondance font état d’un personnage volontiers blagueur) ; et l’on y trouve encore plus d’allusions cryptiques à ses amis (Clark Ashton Smith, Robert E. Howard, Robert Bloch bien sûr pour l’exemple le plus éloquent…) ou ennemis (l’article évoque notamment une allusion transparente à Farnsworth Wright, encore lui). C’est sur cette base que Burleson entame son enquête, portant pour l’essentiel sur les noms de famille figurant dans deux nouvelles, « The Dunwich Horror » (où certains n’ont justement pas manqué de voir une dimension parodique – Burleson lui-même, en fait, à en croire S.T. Joshi dans The Rise, Fall, and Rise of the Cthulhu Mythos…) et « The Whisperer in Darkness ». On sait que ces deux nouvelles ont été inspirées par les voyages de Lovecraft, respectivement dans le nord du Massachusetts et dans le Vermont – il ne s’en est jamais caché. Il n’a par contre rien dit des noms y figurant… Burleson s’est donc lancé dans une enquête de terrain (passant aussi par des entretiens ou une correspondance avec des personnes qui avaient vu Lovecraft en ces occasions, toujours vivantes à la fin des années 1970), et a pu déterminer avec certitude que tous les noms de famille figurant dans « The Dunwich Horror » apparaissent dans l’histoire locale d’Athol, la bourgade du nord du Massachusetts où il s’était rendu (les paysans d’un côté, de l’autre les professeurs toujours associés Rice et Morgan – dont les deux noms sont justement associés dans l’histoire d’Athol) ; il n’y a en fait que deux exceptions – les personnages centraux que sont Wilbur Whateley et Henry Armitage (Burleson avance que Lovecraft aurait pu emprunter ces noms à deux évêques bien réels, mais on manque ici d’éléments pour affirmer quoi que ce soit, et je ne suis pas vraiment convaincu… On suppose par contre qu’il a probablement emprunté le nom de Dunwich au poète Swinburne, lequel faisait référence dans une de ses œuvres à un village anglais bien réel, depuis longtemps submergé ; mais le nom apparaît aussi dans le récit d’Arthur Machen « The Terror »). Même chose ou presque pour « The Whisperer in Darkness », notamment en ce qui concerne Akeley, avec ses variantes (là encore, pour ce qui est de Wilmarth, la source, s’il y en a une, est plus douteuse). Reste enfin des extrapolations, voulant voir dans le personnage d’Henry Akeley son ami Vrest Orton qui l’avait accueilli dans le Vermont, et avait à cette occasion livré un des premiers articles critiques sur Lovecraft – ce qui en ferait un prédécesseur de Robert (Bloch) Blake dans « The Haunter of the Dark »… mais à mes yeux c’est là une supposition bien hardie. Mais que faire de tout ça ? L’enquête de Burleson révèle sans doute quelque chose, mais j’ai du mal à voir ce qu’il serait possible d’en tirer… D’autant que je ne trouve pas que cet emploi de noms piochés dans les histoires locales ait vraiment un caractère d’ « in-jokes » : qui aurait bien pu en rire ? Même les gens qui avaient accueilli Lovecraft dans ses pérégrinations dans le nord du Massachusetts et dans le Vermont sont probablement passés à côté… Alors parler d’ « humour » et de « blagues »… On est vraiment là dans l’exégèse la plus pointilleuse, en tout cas.

 

Retour à Will Murray pour le très étrange article qu’est « Lovecraft, Blackwood and Chambers : a Colloquium of Ghosts ». Un article si étrange, en fait, que je me suis demandé s’il n’y avait pas là-dedans une part de canular… Mais il semblerait que nom : en tout cas, le livre que cite l’auteur, Fiction Writers on Fiction Writing, existe bel et bien ; il s’agit d’une réflexion sur l’écriture, aux allures de méthode, où l’éditeur, Arthur Sullivant Hoffman (notamment en charge de la revue Adventure), pose des questions sur leur art à divers écrivains, parmi lesquels deux nous intéressent tout particulièrement (ou devraient nous intéresser…), à savoir Algernon Blackwood et Robert W. Chambers. Lovecraft n’a probablement jamais lu ce livre (paru en 1923, l’année du lancement de Weird Tales), mais peu importe : l’objectif de Will Murray est de rassembler plusieurs textes sur l’écriture de fictions dus à Lovecraft, généralement issus de ses lettres, et d’en faire un montage de « réponses » aux questions de Hoffman, en les comparant aux véritables réponses (autrement courtes…) des deux autres auteurs – il pense pouvoir ainsi afficher une parenté supplémentaire entre Lovecraft et Blackwood (et Lovecraft mentionne d’ailleurs régulièrement Blackwood dans ses « réponses »), là où Chambers, bien loin du Roi en jaune, répond en quelques mots à peine, et son laconisme a quelque chose de passablement méprisant (autant dire que ses « réponses » sont inutiles). Le montage est plutôt bien fait… Mais s’il est une chose qui en ressort, à mon sens, et bien avant la parenté avec Blackwood, c’est à quel point les conceptions esthétiques de Lovecraft pouvaient être aux antipodes de sa pratique réelle, en bien des occasions : on retrouve la pose de l’aristocrate des lettres, écrivant pour son seul plaisir et n’ayant que mépris pour la canaille des pulps et l’écriture « professionnelle », l’auteur aussi qui prône un style « simple », ce genre de choses… Un bien curieux objet que ce « colloque de fantômes », mais cette synthèse des idées de Lovecraft concernant l’art de l’écriture est sans doute bien vue.

 

Suit un bref article de Stanley C. Sargent, « Howard Phillips Whateley ? ». Lovecraft a somme toute peu écrit sur lui (même si l’on dispose de brefs textes autobiographiques, bien connus par ailleurs), mais on a pu interpréter certaines de ses nouvelles comme comportant une part d’auto-analyse. L’auteur cite « The Outsider », forcément, mais d’autres textes pourraient aussi être mentionnés (comme « The Silver Key » et The Dream-Quest of Unknown Kadath, sinon l’ensemble du « cycle de Randolph Carter »). Et pourquoi pas « The Dunwich Horror » ? Quand l’auteur résume la biographie de Wilbur Whateley en deux paragraphes, on peut difficilement s’empêcher de penser qu’il a touché quelque chose… Il y a bien du Lovecraft dans le monstrueux personnage (consciemment ou non) ; mais je suis moins convaincu par la suite, et, s’il y a sans doute du vrai dans les implications du personnage de Henry Armitage, les développements concernant le jumeau invisible de Wilbur me paraissent un peu trop tordus… C’est néanmoins une grille de lecture assez intéressante – montrant que ce texte presque unanimement décrié par la critique joshiesque n’est pas aussi unilatéralement creux qu’elle le prétend ?

 

Dans « H.P. Lovecraft : Problems in Critical Recognition » (article publié originellement en 1990), Peter Cannon constate que Lovecraft, quand on veut bien parler de lui (il est selon l'auteur peu ou prou inconnu des milieux universitaires), suscite des réactions on ne peut plus contrastées, d’aucuns y voyant un génie, d’autres (plus nombreux sans doute…) un tâcheron à oublier au plus tôt… Il dresse alors un parallèle entre Lovecraft et « son dieu » Poe, dont l’acceptation au fil du temps varie elle aussi, mais les différences sont en fin de compte peut-être plus frappantes que les ressemblances… Il ne me semble pas possible de tirer grand-chose de plus de cet article, conçu à un instant précis pour constater une situation précise. Il y a sans doute bien du chemin à accomplir, mais, un quart de siècle plus tard, j’ai l’impression qu’il y a eu certains changements à cet égard – aux États-Unis comme en France, d’ailleurs. Du moins ai-je l’impression que l’auteur n’est plus autant « ignoré » dans les milieux académiques…

 

Dans « Weird Tales in Retrospect », article publié initialement en 1956, August Derleth revient sur les trente ans de parution de « The Unique Magazine ». Il a comme de juste tendance à le juger plus que positivement, le plaçant clairement au-dessus du lot (tout en louant quelques concurrents tardifs, et notamment The Magazine of Fantasy and Science-Fiction) et louant la revue pour ses auteurs les plus brillants, qu’elle a révélés et soutenus (au premier rang desquels Lovecraft, bien sûr, mais aussi Clark Ashton Smith, et ultérieurement Ray Bradbury ; notons l’absence de Robert E. Howard, loué à demi-mots pour « The Black Stone », mais sévèrement jugé par ailleurs, et notamment pour ses populaires récits consacrés à Conan, que Derleth juge très pauvres sur le plan littéraire…), mais il se montre finalement suffisamment pondéré à l’occasion – ainsi quand il critique, sans doute à bon droit, les ronchons qui regrettent les « good old days » : des trois éditeurs de la revue, tous ont publié des drouilles au milieu des réussites, et les deux derniers n’ont pas manqué d’être critiqués comme étant infiniment moins bons que leur(s) prédécesseur(s)… sans véritable raison. Derleth s’arrête notamment sur le cas de Farnsworth Wright, et, s’il ne se montre pas aussi haineux à son encontre que Lovecraft lui-même, il lui reproche néanmoins d’avoir publié quantité de textes médiocres tout en refusant des chefs-d’œuvre, sans doute parce qu’il avait bien trop en tête les attentes supposées des lecteurs (son attitude à l’égard des textes refusés de Lovecraft, surtout après la mort du gentleman de Providence, est par ailleurs implicitement critiquée). D’autres sujets « polémiques » sont abordés – comme la place de la science-fiction dans la revue, celle qu’elle accordait à des récits « trop horribles » (citant notamment « The Loved Dead » de C.M. Eddy, Jr., nouvelle révisée par Lovecraft), ou encore l’effet des couvertures sexy de Margaret Brundage. Mais, finalement, ce qui m’a le plus marqué ici, c’est l’oubli absolu dans lequel sont tombées toutes les stars de la revue, notamment dans ses premières années… Sans doute à bon droit, en même temps. Lovecraft, Howard et Bradbury (sans doute plus que Clark Ashton Smith) sont ici vraiment des exceptions.

 

Après quoi James Van Hise, qui édite donc cette anthologie critique, livre un « H.P.L. Visits New York – And Runs Screaming ! ʺThe Horror at Red Hookʺ and ʺHeʺ » guère satisfaisant… Le titre a peut-être quelque chose d’amusant, mais, gros problème, il ne correspond absolument pas au contenu : si l’auteur résume hâtivement « The Horror at Red Hook » et « He » (certainement pas les meilleurs textes de Lovecraft – même si je veux bien concéder que, dans mon souvenir, il y a un certain travail sur l’atmosphère dans la seconde de ces nouvelles…), il n’en fait absolument rien – il n’y a pas le moindre aspect critique de quelque sorte que ce soit, et même le rapport à New York, qu’on pourrait supposer central à en juger par le titre de l’article, le thème des nouvelles, et ce que l’on sait de la biographie de Lovecraft, n’est absolument pas envisagé ! En fait, le propos essentiel de James Van Hise dans cet article bancal est tout autre : il entend surtout singulariser l’originalité de Lovecraft par rapport aux pastiches fainéants qui l’ont suivi, et qui se contentent bien trop souvent de procéder mécaniquement en « cochant des cases » de ce qui est censé être « du Lovecraft », sans surtout chercher à y glisser le moindre semblant de voix personnelle. Oui, sans doute – ou du moins ça a été très vrai, peut-être un tout petit peu moins maintenant… Mais, là encore, on ne va guère plus loin. Et si l’article insiste sur l’originalité de Lovecraft, paradoxalement, en l’inscrivant (à raison) dans l’histoire de la littérature « weird », et en ajoutant (bien sûr) qu’on aurait tort d’analyser son œuvre au seul crible de son prétendu « Mythe de Cthulhu » quand d’autres textes mériteraient bien qu’on s’y attarde (c’est vrai – mais probablement pas « The Horror at Red Hook » et « He », pour autant…), là encore, il se contente de la déclaration, ne cherchant en rien à l’étayer. Enfin, vers la conclusion, l’article aborde encore une autre dimension absolument sans rapport avec le titre : il dit que Lovecraft ne se contente pas de faire des allusions à l’horreur, mais qu’il la montre dans toute sa matérialité ; James Van Hise précise que Robert Weinberg, à ce sujet, lui avait dit qu’il se trompait du tout au tout – mais je ne lui donne pas tout à fait tort pour ma part : si je ne ferais pas de cette « monstration » l’élément essentiel de la singularité de Lovecraft – James Van Hise le prétend quant à lui –, je le rejoins volontiers au moins pour dire qu’on a bien trop souvent mal interprété le rôle de « l’indicible » dans les œuvres du gentleman de Providence ; car, oui, bien souvent, Lovecraft montre… N’empêche : cet article de bric et de broc manque de structure comme de propos – c’est peu dire ; c’est incomparablement moins brillant ou même utile qu’à peu près tout le reste dans ce volume…

 

On retrouve ensuite Will Murray pour « Roots of the Miskatonic », un article de géographie et toponymie lovecraftienne – à peu près contemporain de l’article qui suit immédiatement, et qui adopte une approche plus globale sur ce thème. L’auteur cherche donc à établir le cours du fleuve Miskatonic d’après les nombreuses nouvelles où Lovecraft le mentionne, cours qui évoque à bien des égards celui du Connecticut, mais pas seulement, et qui, outre quelques bizarreries qui affectent toujours son parcours, a sans doute été « déplacé » au fil des textes (on y revient dans l’article suivant). Après quoi, se basant sur une vague déclaration de Lovecraft disant que le nom de Miskatonic était « un méli-mélo de racines algonquines », Will Murray étudie les toponymes issus de cette langue (et des dialectes qui en dérivent), dans l’espoir d’obtenir une traduction… Je suis plutôt sceptique pour ma part – j’aurais tendance à croire que Lovecraft a emprunté une racine ici et un suffixe là, sans avoir de vraie signification en tête ; mais Will Murray avance, dans une étude assez complexe quand bien même l’article est assez bref, qu’il était peut-être parfaitement conscient de ce que son lieu mythique désignait… Ce genre d’articles est amusant, quand bien même « extrême » à sa manière : ça oscille entre l’exégèse de pointe dans la quête des sources, d’une part, et d’autre part plus ou moins de délire spéculatif louchant sur l’absurde ; mais c’est amusant…

 

J’avais déjà lu la première version de l’article suivant, toujours de Will Murray, « In Search of Arkham Country I » (dans Lovecraft Studies, no. 13), et mon appréciation à l’époque ressemblait pas mal à celle que je viens d’exprimer pour « Roots of the Miskatonic », et pour les mêmes raisons : cette enquête de terrain ultra-pointue me paraît quelque peu absurde dès sa raison d’être. Pourtant, je ne peux nier que Will Murray marque bien des points, en démontrant – car pour le coup cela tient bien de la démonstration – que les explications données par Lovecraft lui-même à ce sujet (identification de Arkham à Salem, de Kingsport à Marblehead, etc.) ne sauraient s’avérer toujours pertinentes – ne serait-ce que parce que, dans le cas d’Arkham, la plus importante de ces villes de fiction, on trouve très souvent la mention conjointe des deux villes, en évoquant des migrations de Salem à Arkham, etc. L’identification est donc impossible, puisque les deux villes, apparaissant en même temps, sont nécessairement distinctes – mais l’inspiration pas forcément invalidée pour autant, ce me semble… En fait, ce que je retiens surtout de cet article, ce qui me paraît en constituer l’apport le plus intéressant, c’est que la « géographie mythique » de Lovecraft est fluctuante : si, comme dans l’article qui précède immédiatement, le Miskatonic a sans doute vu son cours changer au fil des années et des récits, il ne fait absolument aucun doute qu’il en va de même pour Arkham, d’abord clairement présentée comme se trouvant à l’intérieur des terres, et plus tard seulement comme une ville portuaire – et c’est alors seulement que Lovecraft, dans sa correspondance, mettra en avant l’assimilation à Salem. Cet aspect me paraît effectivement intéressant, et sa mise au jour justifier à elle seule l’article, en ce qu’elle participe d’un constat plus global : quoi que l’on ait longtemps pu en dire, en tirant des conséquences un peu forcées des allégations de Lovecraft lui-même dans sa correspondance, puis en subissant une lecture derlethienne de son œuvre, tendant à la systématisation à tous les niveaux, la géographie mythique de Lovecraft, à l’instar de sa pseudo-mythologie, n’est en fait pas un système parfaitement cohérent – ses frontières, au sens littéral comme au sens figuré, ont évolué au gré des récits de Lovecraft et de ce qui lui paraissait le plus pertinent, de manière spécifique, pour chaque texte. Jusqu’ici, l’article de Will Murray est donc très convaincant, et son travail (de titan) tout à fait admirable. Mais l’article ne manque pas, ultérieurement, de pousser le bouchon un peu loin à mon goût – et d’une manière finalement paradoxale puisque, une fois le caractère « non systémique » de la géographie lovecraftienne démontré, l’auteur réintroduit pourtant ce « système », d’une certaine manière, en cherchant à déterminer précisément quelle ville réelle correspond à quelle ville imaginaire. Or, pour une recherche de ce genre, immanquablement, il a recours à des spéculations bien hardies, avec leur lot de coïncidences forcément significatives, et de toponymes « ressemblants » de manière « déterminante » ; du coup, un certain nombre de ses suppositions dans les pages les plus hypothétiques de cet article me paraissent guère étayées, au mieux – outre qu’elles ne sont sans doute guère significatives (ainsi, par exemple, la volonté de voir dans le patelin d’Oakham, non seulement la source du nom Arkham, mais encore la situation originaire la ville hantée…). Reste une chose, pourtant, qui me paraît plus intéressante, quand bien même hautement spéculative là encore : pourquoi Lovecraft a-t-il ainsi « déplacé » sa région d’Arkham et le cours du Miskatonic ? Will Murray avance que cela pourrait être une conséquence de l’aménagement du « Quabbin Reservoir », amené (après la mort de Lovecraft, mais les travaux avaient bien commencé un peu avant l’époque où il a procédé au « déplacement » d’Arkham et du Miskatonic, vers 1929) à submerger toute la région initialement envisagée – et notamment ce Massachusetts bosselé et sauvage où réside bel et bien l’inspiration (englobante de plusieurs endroits réels) du village maudit de Dunwich (qui, lui, ne réapparaît pas ultérieurement). On évoque d’ailleurs, dans « The Colour Out of Space », un projet similaire… Que cet aménagement du territoire ait influé sur la géographie lovecraftienne est donc assez crédible – mais l’article s’égare peut-être en ce qui concerne d’autres « assimilations », qui me paraissent plus hasardeuses…

 

« In Search of Arkham Country II » n’est pas la deuxième partie de l’article qui précède, mais un retour sur la question, trois ans plus tard ; Will Murray fait état des suppositions faites en la matière par des individus externes aux cercles critiques lovecraftiens, mais revenant sur la question de ce Massachusetts imaginaire. Un premier article, jugé assez sévèrement dans l’ensemble (car reprenant largement les propos de Lovecraft sur Arkham qui serait Salem, etc.), l’amène à revoir quelque peu sa thèse sur l’Arkham située à l’intérieur des terres – et qu’il cherchait donc à Oakham : la journaliste mentionne en effet une bourgade du nom de New Salem, qui aurait été fondée – comme il est souvent dit dans les récits lovecraftiens portant sur Arkham (mais on retrouve aussi cette idée dans « The Dunwich Horror ») – par des colons exilés de Salem suite aux procès de sorcellerie… Will Murray en vient donc à dire que cette Arkham originelle, si elle a emprunté son nom à Oakham, a peut-être bien emprunté sa genèse voire sa situation géographique à New Salem (par ailleurs, il revient sur une relation pas si évidente que cela, mais qui peut faire sens : si l’on retient aujourd’hui le nom de Salem pour les procès de sorcellerie, à bon droit, c’est en oubliant toutefois que les faits incriminés avaient en fait eu lieu dans le patelin de Danvers…). Après quoi Will Murray évoque la lettre, publiée dans un journal local, d’un vieux bonhomme disant avoir croisé Lovecraft à l’époque de « The Dunwich Horror », et, en tout cas, avoir exercé en tant qu’instituteur dans la région que l’écrivain avait décrite sous le nom de Dunwich, avec ses alentours ; il confirmerait ainsi que la région en cause reposerait bien désormais sous les eaux du « Quabbin Reservoir » ; lui aussi, à son tour, se livre cependant à quelques spéculations hardies (par exemple en envisageant que Lovecraft aurait pu dissimuler des noms et envisager à terme que sa Dunwich soit submergée… de crainte de poursuites légales, ce qui me paraît pour le moins improbable !). Mais Will Murray voit dans tout cela l’occasion d’affiner son analyse dans « In Search of Arkham Country I », de la confirmer globalement, et de la préciser à travers la prise en compte de New Salem. Bon…

 

S.T. Joshi livre ensuite « R.H. Barlow and the Recognition of Lovecraft », qui revient sur le cas – pas forcément très connu – du (très) jeune Robert H. Barlow, que Lovecraft avait désigné comme son exécuteur littéraire, à la surprise de tous, et au grand dépit d’August Derleth, tout particulièrement excédé par ce choix qui lui semblait incompréhensible (même s’il n’était lui-même guère âgé non plus)… L’article est donc l’occasion de revenir sur ce que Barlow a pu faire pour préserver les œuvres de Lovecraft et leur assurer une reconnaissance posthume, et c’est tout sauf négligeable. Le personnage est tout de même assez fascinant ; et si Lovecraft avait nombre de jeunes correspondants, celui-ci se distingue pourtant : quand il entame une correspondance suivie avec Lovecraft, en 1931, il n’est âgé que de 13 ans ! Et il n’en a que 19 quand le gentleman de Providence décède, et qu’il lui faut donc entreprendre sa difficile tâche d’exécuteur littéraire… La jeunesse de Barlow, à bien des égards, est certes un trait caractéristique de son mode de de fonctionnement : dans les années 1930, il multiplie les projets d’édition, avec un enthousiasme flagrant… mais a tendance à papillonner un peu trop : sitôt un projet entamé, il passe à un autre sans mener le premier à terme, aussi n’en sort-il rien en définitive… Pourtant, son activité aura des conséquences cruciales pour ce qui est de la reconnaissance posthume de Lovecraft : du vivant de l’auteur, il collecte inlassablement ses manuscrits (toutes époques et tous genres : sans doute a-t-il été un des premiers à voir l’intérêt des essais ou de la poésie de Lovecraft, et, très vite après le décès de son maître, il entreprend de rassembler également ses lettres auprès de nombre de ses correspondants, autant de documents précieux qu’il confie à la garde de la Bibliothèque John Hay de l’Université Brown à Providence – pourtant plus que sceptique à l’époque, mais qui n’a sans doute pas regretté ces acquisitions précoces…) ; auparavant, il offre parfois de taper ces textes à la machine en lieu et place de Lovecraft lui-même (qui détestait cela) ; il lance quelques projets d’édition de ses œuvres (notamment The Shunned House et Fungi from Yuggoth), mais qui n’aboutissent pas ; on lui devra cependant plus tard une édition du Commonplace Book, témoignant de sa lucidité, et qui, pour être semble-t-il criblée d’erreurs, l’est cependant bien moins que celle publiée par Derleth et Wandrei via Arkham House – et, si ses relations avec ces derniers n’étaient semble-t-il guère amicales, il a joué un rôle dans les premières publications de la maison, et notamment dans l’édition des romans de Lovecraft The Case of Charles Dexter Ward et The Dream-Quest of Unknown Kadath (il avait travaillé dessus du vivant de Lovecraft), et plus tard de At the Mountains of Madness. Mais voilà : Derleth et Wandrei l’ont plus ou moins mis de côté, sans plus d’égards, au point de récupérer finalement son statut d’exécuteur littéraire (je ne me souviens plus des circonstances exactes, par contre ?) ; et, de toute façon, le jeune Barlow, qui avait la bougeotte, a eu tendance à s’éloigner du fandom d’alors, gagnant ultérieurement un certain renom en tant qu’anthropologue et archéologue, tout particulièrement au Mexique ; ses fictions « weird » ont pour la plupart été oubliées (y compris ses « collaborations » avec Lovecraft, même s’il faut peut-être accorder une place particulière à « The Night Ocean », où le rôle de chacun a longtemps fait débat, et à la révision « ʺ’Till All the Seasʺ », figurant dans The Horror in the Museum and other revisions ; mentionnons enfin la sympathique petite blague que les deux ont concoctée ensemble, « The Battle That Ended the Century »), et on l’a davantage apprécié en tant qu’anthropologue, donc, mais aussi poète. La carrière de Robert H. Barlow, dans quelque domaine que ce soit, a hélas connu une fin prématurée : il s’est suicidé en 1951, à l’âge de 33 ans seulement… Un article tout à fait bienvenu, portant sur un personnage des plus intéressants, et dont le rôle dans la perpétuation de l’œuvre lovecraftienne doit sans doute être réévalué.

 

L’article suivant, dès le titre, a quelque chose de passablement déroutant : August Derleth y dénonce les « Myths About Lovecraft », alors qu’il ne s’est certes pas privé d’en propager lui-même, et un bon paquet (la « black magic quote », les « collaborations posthumes » sur lesquelles je vais d’ailleurs revenir, etc. Voir The Rise, Fall, and Rise of the Cthulhu Mythos)… Mais cet article, originellement publié en 1949, dénonce effectivement certains fantasmes d’antan – ainsi que d’autres allégations qui n’étaient pas forcément si « mythiques » que cela… Non, Lovecraft n’est pas mort de faim ; non, il ne s’est pas davantage suicidé – sur ces deux points, on ne saurait contester Derleth, et il est assez navrant de constater combien la mort d’un auteur (ou de quiconque a atteint un certain statut dans quelque domaine que ce soit, sans doute) est à même de susciter les pires fantasmes… Le troisième point, cependant, est autrement problématique : Derleth y nie que Lovecraft ait été « violemment antisémite » (le contexte de l’article, un peu après la Deuxième Guerre mondiale, avait sans doute considérablement changé la donne en la matière…), défense qui ne tient toutefois guère – il n’a pas tort sur tous les points, cependant, ainsi quand il explique que Lovecraft, au départ du moins, était violemment hostile à quiconque ne s’inscrivait pas dans sa propre culture, sans faire vraiment de détail (pas dit que ça en constitue une image plus sympathique à cet égard...), et en avançant qu’il s’agissait plus là d’un sentiment de peur pour l’inconnu et pour le changement, plutôt qu’un racisme « instinctif », Derleth avançant que ce comportement relève du seul complexe d’infériorité (ce qui est sans doute à débattre, au mieux… et oublie la part de théorisation et rationalisation du racisme chez Lovecraft, qui le distingue à mon sens clairement du racisme véritablement instinctif du quidam), que ne ressentait en rien Lovecraft (à voir ?) ; apparaît aussi l’idée que Lovecraft, sur le tard, aurait considérablement modéré ses opinions en l’espèce (son tournant politique ne fait aucun doute ; sur la question plus spécifique du racisme, je suis quand même plus réservé) ; quant à l’argument utile selon lequel Lovecraft ne pouvait être antisémite, puisqu’il avait épousé une Juive, bon… Les derniers « mythes » sont en rapport avec l’activité d’Arkham House, la maison d’édition que Derleth avait fondée avec Donald Wandrei pour publier les œuvres de Lovecraft. Là aussi, la vérité est parfois un brin différente que ce que Derleth en dit… Il commence par nier que sa maison gagne « une fortune » sur le dos de Lovecraft, et c’est sans doute indéniablement une calomnie (a fortiori en 1949…) ; après quoi il s’en prend violemment aux « fans » critiquant Arkham House pour sa mainmise et ses éditions « bâclées », et prétendant pouvoir faire mieux de leur côté – mais ici, Derleth se montre très agressif, et aussi très possessif : les textes de Lovecraft seront publiés par Arkham House, point – la maison a le droit pour elle, et ne laissera certainement pas quiconque s’approprier les œuvres de Lovecraft pour générer des revenus indus et « pirates » (avouons qu’après le « mythe » précédent, et l’article de S.T. Joshi sur Robert H. Barlow, cette revendication d'exclusivité a quelque chose d’un brin déstabilisant…). Le dernier « mythe » est très étonnant, Derleth reconnaissant volontiers que, non, Lovecraft n’a pas laissé derrière lui nombre de manuscrits inachevés – il parle de l’ébauche qu’il a utilisée pour écrire The Lurker at the Treshold, ce qui est déjà une déformation notable, pourtant, mais dit qu’il n’y a peu ou prou rien d’autre… ce qui ne l’empêchera cependant pas de poursuivre l’imposture de ses « collaborations posthumes ». Un autre aspect à retenir quant à ce qui concerne ce dernier « mythe » : Derleth y annonce déjà les « derniers » projets de publication concernant Lovecraft, à savoir Something About Cats and other pieces… et les Selected Letters, en envisageant semble-t-il une publication rapide et condensée en un unique volume, quand les cinq volumes finalement édités ne commenceront à paraître que quinze ans plus tard et demanderont des années de travail ! Un document intéressant, à ne pas prendre pour argent comptant, donc, mais très éclairant sur son contexte.

 

S.T. Joshi nous propose ensuite « A Look at Lovecraft’s Letters », utile synthèse sur le sujet. C’est notoire, Lovecraft, même s’il dit s’y être mis somme toute tardivement (et sans doute sa découverte du journalisme amateur a-t-elle joué un rôle ici), était un grand épistolier – sans pareil, à vrai dire. Les cinq volumes des Selected Letters, s’ils sont déjà assez touffus, n’en donnent en fait qu’un échantillon très limité (d’autant que des coupes sont effectuées dans ces lettres – S.T. Joshi évoque par exemple une lettre à Robert Bloch dont seuls trois paragraphes ont été publiés… alors qu’elle faisait 46 pages !) ; à se fonder sur l’estimation courante d’une correspondance complète tournant autour des 100 000 lettres, Joshi avance qu’un millier de volumes de taille similaire seraient nécessaires pour l’offrir au public (si seulement c’était possible, au sens où l’on disposerait de tout ce matériau – c’est bien sûr très loin d’être le cas) ; comparant aux trente années nécessaires à l’édition de la correspondance de Voltaire en (seulement…) 107 volumes, Joshi avance que, en s’y mettant maintenant, l’entreprise ne serait pas achevée avant le tournant du XXIVe siècle…Tout ceci est amusant (autant qu’absurde – ne serait-ce qu’en raison des lettres perdues voire détruites, majoritaires, et de leur intérêt intrinsèque, sans doute variable), mais, ce qu’il faut en retenir, c’est donc que, outre le volume écrasant de la correspondance si on la compare à la fiction ou à la poésie lovecraftiennes, même avec les Selected Letters, pourtant assez uniques en leur genre (quels auteurs d’imaginaire se sont venus accorder cet honneur ?), nous sommes très, très loin de disposer d’un matériau suffisant pour appréhender au mieux Lovecraft. Ceci étant, ne fantasmons pas trop : la plupart de ces lettres, sans doute, étaient brèves (une feuille recto-verso, disons) et probablement prosaïques, sans rien de commun avec les monstres épistolaires qu’il commettait souvent par ailleurs (il a parfois envoyé des lettres de plus de 100 pages, on n’ose imaginer la réaction de ses destinataires à la réception de pareils courriers…), même si ce sont bien sûr le plus souvent ces derniers qui nous intéressent – des lettres aux allures d’essais, cependant écrites au fil de la plume (même si sans doute moins que ce que Lovecraft prétendait – on a retrouvé à l’occasion des notes de rédaction, avec des esquisses de plans), et pouvant aborder une infinité de sujets, des plus sérieux aux plus triviaux, en employant par ailleurs une multitude de tons : dans le fond comme dans la forme, Lovecraft, en effet, s’adaptait à ses correspondants (mais il ne s’agit certainement pas d’hypocrisie pour autant ! Cela relève bien plus de l’attention et du jeu, dans une égale mesure) – aussi une lettre adressée à Elizabeth Toldridge n’a-t-elle sans doute pas grand-chose à voir avec une lettre à Frank Belknap Long, ou une lettre à August Derleth avec une lettre à Robert E. Howard… Par ailleurs, si l’abondante correspondance avec ce dernier a un statut particulier (qui fait l’objet de l’article suivant), et si Joshi considère que « le pinacle de l’art épistolaire » de Lovecraft réside dans ses échanges avec Frank Belknap Long et Clark Ashton Smith, il avance aussi que les noms moins connus ayant fait l’objet d’une correspondance suivie (notamment des personnalités du journalisme amateur, des correspondants réguliers éventuellement membres des cercles de correspondance tel que le Kalem Club) sont régulièrement ceux qui ont occasionné les échanges les plus enrichissants (pour ce qui est des auteurs « weird », par ailleurs, Howard et Smith sont sans doute des exceptions – les lettres de Lovecraft à des auteurs en place ne sont semble-t-il guère édifiantes). Quoi qu’il en soit, ces monstres aux allures d’essais (et dont, parfois, des essais ont bel et bien été tirés ultérieurement) sont aussi très instructifs quant à l’évolution du style de Lovecraft – bien plus que ses fictions ou poésies : Joshi s’étend ainsi sur le parasitage (ponctuel) du XVIIIe siècle, voyant Lovecraft vainement tenter de sonner comme ces auteurs qu’il appréciait tant, et qui, tels Walpole, Johnson, Dryden, etc., sont aujourd’hui connus, d'après Joshi… bien plus pour leur correspondance que pour leurs fictions ou leur poésie (certains, à l’évidence, rédigeant d’ailleurs leurs lettres en ayant à l’esprit qu’elles seraient un jour compilées et publiées…). Joshi, à vrai dire, semble exprimer que Lovecraft, à ses yeux, mériterait d’être bien davantage connu pour sa correspondance que pour ses fictions… Sans dénigrer ces dernières, bien sûr, mais c'est quand même une déclaration hardie. Il semble d'ailleurs croire que cela pourrait bien être le cas à terme (j’en doute, quand même…). Une certitude en tout cas : si nombre de critiques n’ont cessé de colporter l’idée que Lovecraft était beaucoup trop accaparé par ses lettres, qu’il perdait son temps à s’épancher ainsi dans une littérature « privée », qu’il aurait dû en écrire moins, et – le syllogisme est un peu bancal… – qu’ainsi il aurait écrit davantage de fictions (aucune certitude à ce sujet, vraiment aucune !), car ce sont elles qui comptent vraiment, Joshi n’est vraiment pas d’accord ; outre que personne sans doute n’a à dire à qui que ce soit ce qu’il doit écrire, cette vison bien courte néglige la richesse stylistique autant que philosophique des lettres, parfois d’ailleurs des ateliers pour ses fictions, qui, au-delà de leur poids minime comparé à celui de la correspondance, bénéficiaient ainsi considérablement des échanges de Lovecraft, lesquels, parfois, les suscitaient…

 

Suit un autre article consacré à la correspondance, mais à un de ses aspects plus précisément : « The Lovecraft/Howard Correspondence », dû à Rusty Burke. Ce dernier est sans doute plus un howardien qu’un lovecraftien et, à l’occasion, ça se sent… Ceci dit, bien qu’étant pour ma part de l’autre côté du détroit, je ne me sens finalement guère souvent de lui donner tort, jusque dans ses perfidies ! La correspondance entre Lovecraft et Howard, quoi qu’il en soit, bénéficie d’une certaine aura – rien d’étonnant à cela : nous y voyons après tout deux des plus importants auteurs d’imaginaire du XXe siècle converser et débattre au fil de très longs et très complexes échanges… Les débuts de cette correspondance sont bien sûr rappelés (un point de détail linguistique et anthropologique qui avait intrigué Howard lorsqu’il avait lu – et adoré – la réédition de « The Rats in the Walls » dans Weird Tales) ; se met alors en place une correspondance suivie (Farnsworth Wright ayant transmis à Lovecraft), qui se montre souvent, et dès le début, d’une extrême érudition – tout d’abord centrée sur des questions historiques, ethnologiques et linguistiques, mais dépassant somme toute assez vite ce seul cadre. La grande particularité de cette correspondance, au-delà, réside dans l’attitude de Howard, qui tranche sur celle de bon nombre des correspondants de Lovecraft – a fortiori parmi les plus jeunes : si, dans les premiers temps, il joue volontiers le rôle de l’admirateur, face à un Lovecraft qui, à son habitude sans doute, endosse quelque peu de lui-même un rôle de maître et de mentor (à plus ou moins bon droit…), cette première étape de la correspondance ne s’éternise pas ; car Howard n’a rien d’un fan transi, au fond – et, surtout, il ne se laisse pas faire… C’est ainsi qu’on en arrive progressivement à la longue et complexe controverse opposant barbarie et civilisation – y sont corrélés d’autres débats, portant sur l’importance respective du physique et du mental, ou encore sur le maintien de l’ordre et le rôle des autorités à cet égard. Lovecraft est ici égal à lui-même : l’admirateur de Rome est nécessairement porté sur la défense de l’ordre social, et, par ailleurs, l’aristocrate de l’intellect confère une bien plus grande importance aux facultés de l’esprit, recherche scientifique et art, qu’aux vulgaires « qualités » physiques, reliquats d’un âge antérieur où la brute avait son rôle – un passé à déplorer, ou plutôt y a-t-il tout lieu de se féliciter de ce que la civilisation ait permis de passer à autre chose… Ici, il y a peut-être un vague paradoxe : notre gentleman foncièrement conservateur, voire carrément réactionnaire, a beau vivre souvent dans le passé, il en vient malgré tout à priser un certain progrès ! Mais il est vrai que ses opinions politiques ont évolué durant toute la période de cette correspondance (1930-1936), et peut-être même Howard n’y est-il pas pour rien… Ce dernier, sans doute, est lui aussi égal à lui-même : le Texan loue la Frontière et son esprit, admire autant (si ce n’est plus, ce que semble croire Lovecraft, et peut-être Howard en rajoute-t-il) les performances physiques que les performances intellectuelles ou artistiques, et défend contre vents et marées la liberté individuelle – ce qui passe notamment par la dénonciation de la corruption des autorités en place et de leurs sbires policiers, mais tout autant par la vigoureuse critique des sympathies politiques de Lovecraft concernant ses « amis fascistes »… Mais ce qui explique cette farouche opposition – parfois aux extrêmes limites de la cordialité, d’ailleurs (mais les deux hommes s’estimaient et admiraient assurément : d’un paragraphe à l’autre, ils passent à tout autre chose, et le feu de la controverse laisse la place à une amitié sincère et enjouée – avec éventuellement des excuses concernant les assauts les plus virulents suscités par le débat, d’ailleurs…) –, du moins en partie, réside dans les manières d’êtres (plus ou moins inconscientes, sans doute) des deux correspondants : Lovecraft, assumant du moins au début son rôle de mentor, ne rechigne pas à l’étalage d’érudition, qui s’avère parfois teinté d’une vague condescendance ; or Howard n’étant ni idiot, ni inculte (ou en tout cas sans doute bien moins qu’il le disait), finit par réagir à ce travers avec fougue… Parallèlement, Lovecraft a sans doute quelque chose d’obtus, en bien des circonstances : il tend à tirer des généralités des propos de Howard quand cela n’avait pas lieu d’être, déforme plus ou moins consciemment ce que son « adversaire » dit (c’est tout particulièrement flagrant dans le débat annexe opposant le physique au mental), et tend par ailleurs – c’est ici qu’il est tout particulièrement borné – à enrober ses propres idées d’une aura de rationalité scientifique les rendant incontestables (autant pour l’épistémologie de la falsification, hein, même si ça doit venir plus tard), là où, avec un mépris sans doute guère conscient, il relègue les allégations de Howard, quelles qu’elles soient, au rang d’ « opinions », par essence moins solides… En face, Howard, donc, ne se laisse pas faire ; et, là encore, sa manière d’être l’amène à s’opposer vigoureusement à Lovecraft, probablement de deux manières : d’une part, il « romance » ses exemples, en rajoutant sans cesse, en narrateur passionné qu’il est… mais au point parfois de déformer radicalement la vérité (ainsi quand il traite de la violence inhérente à la Frontière, en mélangeant les époques sans vergogne – mais sans doute parce que la différence lui paraissait sincèrement nulle et non avenue –, et en dressant l’étrange tableau d’un Texas des booms pétroliers largement plus violent qu’il ne l’était en réalité ; d’où une opposition radicale avec la Nouvelle-Angleterre de Lovecraft, le gentleman de Providence étant par nature porté au régionalisme au point de faire de son petit coin de terre l’alpha et l’oméga en toutes matières, et le pinacle de la civilisation autant que le cadre privilégié de l’horreur…) ; d’autre part – c’est plus délicat sans doute, la question a fait débat chez les exégètes howardiens –, je ne me sens pas d’exclure une certaine tendance à la paranoïa de la part de Howard (ce qui renvoie donc à la question de ses « ennemis », voir le Blood & Thunder de Mark Finn pour une contestation de cet aspect – qui ne m’a pas totalement convaincu, mais je ne suis certes pas un expert en la matière) ; en tout cas, des fois, il sur-interprète clairement les propos de Lovecraft, ce qui étonne considérablement ce dernier, ne comprenant pas quelle mouche pique subitement son ami : il est vrai qu’il était porté sur le sarcasme fielleux, mais comme un comportement social n’empêchant certainement pas la cordialité globale, et ne prêtant guère à conséquence… Mais Howard, lui, en vient à déceler des attaques partout, et ses réponses s’en ressentent, souvent bien plus perfides que ce qu’il avait cru, à tort, lire dans les lettres de Lovecraft… Les malentendus, de part et d’autre, sont donc légion ; pourtant, globalement, le débat vole étonnamment haut et s’avère des plus intéressants. Sans doute, par ailleurs, a-t-il joué un rôle crucial dans l’évolution des récits de Robert E. Howard (probablement moins du côté de Lovecraft, même si ce n’est pas totalement exclu pour autant). Les dissertations, au début de la correspondance entre les deux hommes, portant sur le peuplement antique des îles britanniques et les légendes du « Petit Peuple », avaient sans doute déjà joué leur rôle (par exemple dans « Les Vers de la Terre », et d’autres récits figurant de même dans Bran Mak Morn), sans même parler des variations « cthuliennes » de Howard, ce qui va bien au-delà du seul pastiche « La Pierre Noire ». Le débat, toutefois, va tout changer en la matière – l’influence relevant alors plutôt des encouragements de Lovecraft et des frustrations de Howard, autorisant enfin le développement d’une voix toute personnelle. Ainsi, à en croire Rusty Burke, si Howard a écrit « Au-delà de la Rivière Noire » et « Les Clous rouges », probablement les deux meilleures histoires de Conan (et sauf erreur les dernières), c’est en bonne partie du fait de cette controverse – Howard cherchant à clarifier et à exprimer au mieux son ressenti sur la question, y trouvant l’occasion de récits d’une profondeur indéniable, tranchant tout particulièrement sur les nouvelles « à formule » qu’il avait été amené à vendre en profitant de l’engouement déjà sensible pour le plus célèbre de ses héros récurrents (ce qui a pu aussi jouer sur des textes plus mineurs, et notamment Almuric semble-t-il, pas évoqué ici toutefois) ; mais une autre raison d’aborder la fiction sous cet angle réside dans cette correspondance : les acclamations enjouées de Lovecraft concernant les récits « western » qui émaillent les lettres de Howard (et qui, effectivement, vont bien au-delà de la simple évocation historique, pour devenir recréations artistiques, donnant l’impression d’un « Two-Gun Bob » qui aurait assisté lui-même aux événements qu’il rapporte) ; assez tôt, en effet, Lovecraft incite son correspondant à écrire dans cette direction, et si Howard concède que c’est là une chose qu’il aimerait faire un jour, il semble tout d’abord douter de sa capacité à produire une histoire intéressante dans ce cadre, et en tout cas à la hauteur de sa fascination… Dès lors, outre les textes cités, l’orientation tardive des récits de Howard, portant de plus en plus sur le « sud-ouest » des États-Unis, a peut-être quelque chose à y voir – c’est même assez probable en ce qui concerne certains textes fantastiques figurant dans Les Ombres de Canaan (où, d’ailleurs, si le cadre ne correspond pas tout à fait, la nouvelle « Les Pigeons de l’enfer » relève bien elle aussi de la « réponse » à Lovecraft) ; cela vaut peut-être aussi pour les westerns « légers » à la Breckinridge Elkins qui l’occuperont les dernières années de sa vie ; quant à des récits « western » plus « graves »… peut-être Howard n’a-t-il pas eu le temps de s’y mettre (même s’il en existe bien quelques-uns, comme « The Vultures of Wahpeton », que je n’ai toutefois pas lu). Son suicide, à n’en pas douter, a beaucoup affecté Lovecraft – et peu importe que les deux écrivains ne se soient jamais rencontré : leurs échanges, uniques en leur genre, d’une ampleur et d’une profondeur rares, étaient assurément à même de créer un lien très fort, bien au-delà des rancœurs et des exaspérations qui en venaient à les émailler au fil de l’interminable et pourtant passionnante controverse. Le gentleman de Providence y reviendra, d’ailleurs, y compris dans sa nécrologie – et peut-être est-ce même là qu’il en viendra à avouer, à demi-mots, que Howard était, si ça se trouve, dans le vrai, et que lui-même se trompait peut-être…

 

Rien à dire ici sur l’article de John Haefele, « Chronogical Listing of H.P. Lovecraft Photographs : Where Reproductions Have Been Published » : tout est dans le titre, c’est un outil de recherche…

 

Après quoi Ben Indick livre « The EOD », pour « Esoteric Order of Dagon » ; mais rien à voir en fait avec la secte apparaissant dans « The Shadow over Innsmouth » : il s’agit là d’une variante tardive du mouvement du journalisme amateur (pas tout à fait un fanzine, donc, l’auteur parle d’ « APAzine » – « APA » pour « Amateur Press Association » ; l’idée étant que les numéros de la revue compilent les propres fanzines des participants pour en former un gros recueil, quatre fois par an – les contributeurs sont en principe tenus d’y participer à chaque fois, et le recueil circule entre les différents « acolytes » ; je ne sais pas s’il existe un terme français pour rendre cette notion ?). Il m’est difficile d’en retirer grand-chose, toutefois – non que le texte soit intrinsèquement mauvais, mais il témoigne d’une activité on ne peut plus fandomique, et qui ne fait sans doute guère sens pour qui n’en a pas été – d’autant plus après tout ce temps, et au-delà de l’Atlantique encore… Tout au plus puis-je relever quelques collaborateurs notoires – au milieu d’un grand nombre d’inconnus en ce qui me concerne. Le premier à me parler, dès le départ, est Dirk W. Mosig – un des principaux artisans du renouveau de la critique lovecraftienne dans les années 1970 (voyez Mosig at Last), mais qui, dans ce milieu qu’il ne comprenait guère, avait sans doute tout du chien dans un jeu de quilles… Plus tard, on relèvera l’apparition de la plupart des grands noms de l’exégèse lovecraftienne – comme S.T. Joshi, qui succèdera à Mollie Burleson à la tête de l’entreprise (celle-ci ne s’appelait pas Burleson au départ, mais Werba – c’est justement dans le cadre de cette activité qu’elle a rencontré Donald R. Burleson et l’a épousé), mais aussi David Schultz, Darrel Schweitzer, Robert M. Price, et bien d’autres encore. Une autre époque, tout de même – Ben Indick, qui a vécu tout cela de l’intérieur, en témoigne assez, même s’il tendait alors (l’article initial date de 1992, mais a été révisé pour cette publication de 1999) à croire, ou vouloir croire, que l’entreprise se poursuivrait encore longtemps (je ne sais pas ce qu’il en est, mais ai tendance à croire que l’informatique et Internet lui ont été fatales…?).

 

On passe à tout autre chose avec « A Pre-Lovecraft Cthulhu Dreamer », de Leon L. Gammell, article traitant d’un éventuel prédécesseur de Lovecraft largement sombré dans l’oubli (mais pas forcément une influence à proprement parler, c’est même peu probable, si pas impossible), à savoir le roman The Rod of the Snake, publié en 1917, et dû à Vere Shortt (en fait, en partie seulement, quand bien même l’essentiel : Shortt est mort au Front pendant la Première Guerre mondiale, et le roman a été achevé par sa sœur, Frances Matthews). Un roman sans doute guère satisfaisant dans l’ensemble, d’autant que son propos « weird » souffre d’un parasitage de romance (rien à voir avec Lovecraft, pour le coup… On a pu relever toutefois que le personnage de la grande-prêtresse pouvait faire penser à la terrible négresse de « Medusa’s Coil », c’est assez vrai), qui plus est très convenue, et peut-être encore davantage quand Mme Matthews prend le relais (la fin du roman ne faisant clairement pas montre du même imaginaire que le début). Mais on y trouve des éléments qui, pour l’auteur, anticipent bien le « Mythe de Cthulhu », avec des divinités inconnues (et « extérieures »), issues des temps anciens de la Lémurie (présentée comme étant la plus vieille partie de l’Atlantide), et qu’une association grand-guignolesque de mulâtres (nous sommes en France, au passage) entend bien rappeler dans notre dimension pour asseoir sa domination sur la planète… Oui, il y a bien quelque chose là-dedans, c’est indéniable – mais en fait, et Leon L. Gammell le reconnaît en un endroit, c’est peut-être plus « pré-derlethien » que « pré-lovecraftien » à proprement parler (avec l’idée de ces dieux extérieurs plus ou moins « bannis », et d’une lutte millénaire opposant les dieux « bons » de la Lémurie – ici un serpent, qui orne la baguette du titre, artefact bénéfique dont la fonction a quelque chose du « signe des Anciens » façon Derleth – et ses dieux « mauvais » – ici un singe, aperçu via une statuette, qui, pour le coup, entre en résonance avec la statuette de Cthulhu dans « The Call of Cthulhu ») ; du coup, même si la ressemblance mérite bien d’être relevée, je tends à ne la considérer que comme superficielle (au sens où l’apport essentiel de Lovecraft ne consiste pas forcément en cette célèbre pseudo-mythologie, quoi qu’on en ait dit, mais en la philosophie indifférentiste, matérialiste et imprégnée d’horreur cosmique qui la fonde – c’est à débattre, toutefois) ; mais elle peut indiquer, j’imagine, qu’il y avait quelque chose dans l’air du temps ? Le plus ennuyeux dans cette histoire, cependant… c’est que les longs extraits de The Rod of the Snake qui sont ici repris sont très peu enthousiasmants, pour rester poli ; le style est au mieux terne, et l’intrigue, au fur et à mesure qu’elle progresse, se montre de plus en plus tristement convenue – jusqu’à un climax assez navrant (dû à Frances Matthews, donc) à base de jeune fille (la fiancée du héros, ben oui) enlevée (ben oui) pour être sacrifiée aux Puissances des Ténèbres (ben oui) par les mulâtres (ben oui), lesquelles Puissances, frustrées de leur cadeau par l’intervention opportune des « gentils » (ben oui), se retournent contre la prêtresse impie (ben oui), et ouf, la morale est sauve, et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants (les « gentils », pas les Puissances des Ténèbres, hein…). Dommage. Une dernière remarque en passant, quand même : la scène où le héros s’entretient avec un occultiste de la Lémurie et de ses dieux m’a beaucoup fait penser à la nouvelle de Colin Wilson « The Return of the Lloigor », dans Tales of the Cthulhu Mythos – ce n’est sans doute qu’une coïncidence, mais ça m’a quand même interloqué.

 

Suit « Rusty Chains », un article publié initialement dans un fanzine en 1956, et dans lequel un tout jeune écrivain de science-fiction (âgé de 22 ans alors, mais qui avait commencé à publier quatre ans plus tôt), peu ou prou inconnu alors, dit tout le mal qu’il pense de Lovecraft ; ledit écrivain est un certain… John Brunner. Il explique que Lovecraft, comme bien d’autres auteurs (dont par exemple Robert Heinlein, tout de même), jouissait d’une excellente réputation dans le fandom SF, qui l’a fait s’attendre à quelque chose d’extraordinaire et d’inégalé ; rude déception, du coup, quand il s’est mis à le lire (ou du moins à essayer, il ne semble pas avoir vraiment creusé la question, de manière générale)… Pour lui, Lovecraft est un très mauvais écrivain, et cela va même plus loin : il n’est pas une simple déception à ses yeux, pure question d’opinion, mais bien un auteur objectivement entièrement dépourvu du moindre intérêt (Brunner va jusqu’à dire que c’est le premier auteur « réputé » à lui avoir fait cette impression). Sa diatribe contient sans doute du vrai à l’occasion, mais pèche à bien des égards – notamment en ce que, d’une part, Brunner n’a finalement pas assez lu Lovecraft pour en dire quoi que ce soit (il fait des allusions à quelques tentatives çà et là, mais le seul texte qu’il cite véritablement est At the Mountains of Madness, et pour dire qu’il n’a jamais pu le lire en entier), et, surtout, de toute évidence, il ne le comprend pas – effectivement, au sens le plus strict, il ne « voit » pas ce qui en fait l’intérêt, et un certain nombre de ses critiques tombent complètement à côté de la plaque ; par exemple, quand il critique le manichéisme de Lovecraft, ses créatures étant à ses yeux « maléfiques », y compris les Choses Très Anciennes de At the Mountains of Madness (sacré contresens…), quand il critique son « fantastique » comme passéiste (autant pour la dimension SF pourtant marquée de ce texte précisément), ou encore quand il consacre d’assez longs développements à « démontrer » que la seule véritable horreur est par essence psychologique (rien d’étonnant à ce qu’il n’ait pas apprécié le matérialisme et « l’objectivité » de Lovecraft, avec ses personnages archétypaux réduits à leur fonction de perception…). Ce texte très violent, sans doute guère convaincant dans l'ensemble, suscite immanquablement des réponses, auxquelles Brunner répondra à son tour ; le problème est sans doute que les trois zélotes de Lovecraft qui montent hardiment à l’assaut (encore que le ton reste globalement courtois) ne se montrent pas forcément beaucoup plus pertinents ; c’est du moins le cas, assez clairement, en ce qui concerne Sam Moskowitz et Edward Wood (une note précise que « This is not the same Ed Wood who made bad movies »…), qui colportent eux aussi des interprétations douteuses, en usant d’une rhétorique parfois maladroite ; entre les deux, toutefois, il y a Fritz Leiber – écrivain déjà reconnu, et que Brunner admirait… Leiber touche juste à l’occasion, notamment en citant d’autres « classiques » qui peuvent faire un effet similaire à celui qu’évoque Brunner par rapport à Lovecraft – le plus amusant dans tout ça étant que les œuvres citées par Leiber… sont justement admirées par Brunner, joli retournement de situation ! J’ajouterais, à titre personnel, que je ne peux totalement jeter la pierre à Brunner en l’espèce, quand bien même j’adule Lovecraft : sa réaction n’a pas manqué de me ramener à la mienne, quand j’ai essayé de lire Van Vogt, auteur loué et célébré dans le milieu comme un merveilleux « classique », un « incontournable », et que j’ai pourtant systématiquement détesté – et j’ai quand même poussé le vice jusqu’à en lire sept bouquins, maso de moi ; beuh… Et puis un truc amusant dans la réponse de Leiber, par ailleurs – parmi les œuvres « difficiles » et « lentes » qu’il énumère, en appuyant sur leurs défauts… figure déjà Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, alors que les trois volumes n’en étaient parus qu’au cours des deux années précédentes ! Sacrée surprise, là – mais Leiber ne se montre pas vraiment enthousiaste… Quoi qu’il en soit, sa réponse n’est pas beaucoup plus convaincante que les autres, en définitive… Les quatre participants, en fait, témoignent d’un certain embarras, chacun à sa manière. Suit un retour tardif de James Van Hise, dont je retiendrai surtout une chose assez juste : à l’époque de cette petite controverse fandomique, si, à en croire Brunner, on présentait Lovecraft comme un grand auteur du genre, c’était dans le milieu très restreint des lecteurs les plus curieux de l’imaginaire ; on peut comprendre, dès lors, que Brunner, à cette époque, ait prétendu que Lovecraft, en triste et poussiéreuse relique d’un passé qui n’a rien de glorieux (et là je veux bien le rejoindre : cette tendance des fans a toujours se tourner vers un supposé « Âge d’Or » est aussi vaine qu’agaçante), ne manquerait pas de sombrer bientôt dans les limbes… alors que c’est justement durant la décennie suivante qu’il émergera de plus en plus, jusqu’à bénéficier d’une célébrité posthume inouïe, et l’on voit bien ce qu’il en est maintenant.

 

Un dernier article en guise de postface : « Amateur Affairs », signé par Hyman Bradofsky, et publié durant l’été 1937, peu après la mort de Lovecraft. Cet article, non exempt d’une certaine maladresse à l’occasion, et qui s’étend sur l’investissement de Lovecraft dans le milieu du journalisme amateur, s’avère pourtant étonnamment juste et lucide (par exemple en mettant en avant la dimension « scientifique » de l’auteur, et en subodorant les trésors de sa correspondance d’une manière qui n’est pas sans évoquer les allégations de S.T. Joshi plus haut dans le recueil) – et, bien sûr, il se montre aussi assez touchant…

 

Ces derniers articles, en y incluant cette « postface », mettent bien l’accent sur une dimension essentielle de cet ouvrage : il émane du fandom, et s’assume pleinement en tant que tel, avec même un certain zèle tenant peu ou prou de l’apologie sinon de la croisade. Mais c’est un aspect intéressant de la chose et qui, finalement, se mêle très bien à l’exégèse érudite des articles les plus pointus le composant ; en même temps, dès le départ, Will Murray nous gâtait avec son long article sur Lovecraft et les pulps… La boucle est ainsi bouclée, et d’une manière, non seulement pertinente, mais aussi tout à fait sympathique. The Fantastic Worlds of H.P. Lovecraft est une très chouette anthologie critique, et même mieux que ça. Très recommandable.

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