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Adventures in Middle-Earth : Eriador Adventures

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Eriador Adventures

Adventures in Middle-Earth : Eriador Adventures, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2018, 144 p.

BACK AGAIN

 

Je poursuis l’exploration de la gamme d’Adventures in Middle-Earth avec le recueil de scénarios Eriador Adventures (pouvant être envisagé comme une sorte de petite campagne, à ceci près que le lien est beaucoup, beaucoup plus relâché que dans Wilderland Adventures). Ce supplément est la transposition D&D5 du supplément Les Vestiges du Nord pour L’Anneau Unique, et il est intimement lié au supplément de contexte et de règles Rivendell Region Guide, transposition quant à lui de Fondcombe.

 

J’avais livré une chronique très détaillée des Vestiges du Nord à l’époque – et les différences entre les deux gammes, système mis entre parenthèses que je ne me sentirais pas encore très bien de critiquer de manière approfondie, ces différences donc ne justifient pas fondamentalement une « nouvelle » chronique, « nouvelle » de bout en bout, à supposer même qu’il y en ait vraiment. Rien ne me saute aux yeux, en tout cas, là où quelques rares pages du Rivendell Region Guide étaient effectivement inédites, tandis que quelques rares développements de Fondcombe n’avaient pas été repris dans ce supplément pour cause de redondance. Rien de la sorte, pour autant que je sache, dans Eriador Adventures. Dès lors, je vais pour l’essentiel reprendre ici ma chronique des Vestiges du Nord, en l’éditant quelque peu çà et là, si le passage des ans le justifie, ou plutôt si mon point de vue a évolué – maintenant, ce serait dans le détail, car, globalement, mon avis demeure le même : c’est un bon, voire un très bon, recueil de scénarios ; pas parfait, j’y trouve à redire à l’occasion, mais c’est un supplément de qualité dans l’ensemble.

 

Notons quand même d’emblée une chose, au regard de la mécanique D&D5 : le premier scénario suppose que les personnages sont de niveau 5 ou 6, et le dernier de niveau 9 ou 10, avec une progression très étagée entre les deux. Ce supplément pourrait donc aisément prendre le relais de Wilderland Adventures, qui va du niveau 1 au niveau 6 ou plus. Mirkwood Campaign, cependant, part du niveau 5 pour s’achever au niveau 15 ou au-delà – opérer la transition de cette grosse campagne aux aventures dans l’Eriador (ce que la conclusion de la campagne paraissait favoriser, d'ailleurs) supposerait donc un certain travail d’adaptation en termes de challenge, ceci alors même que le décompte des ans, le fait que les aventures dans l’Eriador soient postérieures à celles dans les Terres Sauvages, s’accommoderaient à vrai dire très bien de cette solution. Chroniquant Les Vestiges du Nord, j’envisageais « la totale » : d’abord Contes et légendes des Terres Sauvages, ensuite Ténèbres sur la Forêt Noire, ensuite Les Vestiges du Nord. Mais aujourd’hui je serais peut-être davantage porté à envisager Wilderland Adventures puis Eriador Adventures, en laissant de côté pour l’heure Mirkwood Campaign, qui demande vraiment beaucoup de boulot – même si le jeu en vaut sans doute la chandelle il est vrai. Bon, il faut que j’y réfléchisse…

 

Ceci étant, si l’on sort du challenge seulement formalisé au travers d’un système à niveaux, Eriador Adventures a quelque chose de relativement intimidant – Les Vestiges du Nord, dans la foulée du système de Fondcombe, postulait une adversité plus grande que dans les Terres Sauvages, en appuyant sur le retour de l’Ombre, avec entre autres la mécanique de l’Œil du Mordor, et il en reste tout de même quelque chose ici. En même temps, cette version D&D5 me paraît plus martiale et héroïque... J'ai le sentiment que c'est plus prononcé ici que dans Wilderland Adventures et Mirkwood Campaign. Bon, c’est sans doute à travailler au regard de l’ambiance, mais aussi des thèmes – quelques brèves lignes très bien vues en tête de chaque scénario.

 

AU-DELÀ DE FONDCOMBE

 

Eriador Adventures est donc intimement lié au Rivendell Region Guide, dont la lecture préalable est probablement indispensable. Nombre d’informations essentielles au bon déroulé des scénarios du présent recueil figurent uniquement dans le supplément de contexte antérieur. Il est toujours utile de s’y référer, par exemple pour les descriptions de tel ou tel lieu (les indications des scénarios à ce propos sont très lapidaires), mais aussi pour faire usage du bestiaire spécifique à l’Eriador Oriental (avec des aptitudes spéciales parfois, et éventuellement les règles appropriées aux « ennemis puissants »), ou encore des règles concernant l’Œil de Mordor (avec des suggestions quant aux épisodes de révélation en tête de chaque scénario, une bonne idée).

 

La lecture préalable du Rivendell Region Guide s’impose à un autre titre : c’est que la demeure d’Elrond en elle-même joue un certain rôle dans Eriador Adventures, constituant une base, et même probablement la base, la plus logique, de nos aventuriers : le premier scénario du recueil est d’ailleurs une occasion « d’ouvrir » le sanctuaire (car on ne se rend pas à Fondcombe si Elrond ne le désire pas), et, par la suite, la Dernière Maison Libre constitue souvent un point de départ, ou au moins un point de passage. À vrai dire, les autres possibilités de sanctuaires dans la région, eh bien…

 

La demeure d’Elrond est donc régulièrement prise en compte, par exemple, pour déterminer les voyages que doivent accomplir les PJ – et qui sont si importants dans Adventures in Middle-Earth. C'est d'ailleurs l'occasion de relever que le Rivendell Region Guide comportait une série de tables d'événements de voyage spécifiques, et qui, pour beaucoup d'entre elles, anticipaient les scénarios d'Eriador Adventures (ceci, pour le coup, est propre à la gamme Adventures in Middle-Earth).

 

C’est aussi l’endroit idéal pour y rencontrer des PNJ tout particulièrement importants et pouvant faire office de garants, tels Elrond lui-même, bien sûr, mais aussi Gandalf, qui a son importance ici ; sur un mode plus anecdotique, on peut également y croiser d’autres célébrités de l’univers tolkiénien, et notamment Bilbo (hélas pour le scénario du recueil qui m’emballe le moins). Tous sont à même de « confier des quêtes » aux héros – ce qui est forcément un peu artificiel, mais peut aussi, avec un peu d'application et de patine, participer de l’ambiance admirable du jeu, et nombre de conseils vont en ce sens.

CAUCHEMARS D’ANGMAR

 

Allez, penchons-nous sur le cœur de la bête – les six scénarios constituant ce supplément, et qui peuvent donc être plus ou moins liés (même si plutôt moins que plus, ambiance et thèmes mis à part). Cet examen va impliquer un paquet de SPOILERS – alors, amis joueurs, ouste ! Ne vous gâchez pas le plaisir…

 

Le premier scénario s’intitule « Nightmares of Angmar », et est important à plus d’un titre. Non le moindre : il est destiné, pour partie du moins, à introduire en Eriador des personnages originaires des Terres Sauvages. Ça n’est pas totalement une obligation, on peut envisager de le jouer d’emblée à l’ouest des Monts Brumeux, mais cela nécessite alors pas mal de réécriture, et je redoute que le scénario y perde une bonne partie de son sel…

 

Ceci étant, ce scénario me paraît de toute façon problématique à cet égard. Objectivement, il est bon et probablement même plus encore – il est long, par ailleurs. Mais, en fait de premier voyage dans la région, il me paraît… un peu too much : que le scénario développe un long voyage d’est en ouest est à cet égard dans l’ordre des choses – avec les périls qui vont bien ; mais ensuite, envoyer d’emblée, paf, comme ça, les PJ au cœur des Monts d’Angmar, et même, plus précisément, à Carn Dûm tant qu'à faire ? Pour une entrée en matière, c’est un peu sauvage : commencer par l’endroit le plus dangereux de la région ! Il y a là un paradoxe à mes yeux, car les scénarios suivants, à l’exception du tout dernier (qui comprend lui aussi une séquence en Angmar, mais pas à Carn Dûm, avant d’envoyer les joueurs du côté des Galgals, qui sont certes peu ou prou aussi redoutables), les scénarios suivants, donc, sont censés être « plus difficiles », alors qu’ils impliquent des endroits a priori moins périlleux… Du coup, Carn Dûm n’est peut-être pas aussi terrifiante ici qu’elle devrait l’être, sur un plan technique – et ça, pour le coup, ça me paraît tout de même regrettable. Comparaison hardie peut-être : vous imaginez commencer Le Seigneur des Anneaux en passant direct de la Comté au Mordor, avant d’enchaîner, dans cet ordre, la Lorien, le Mont Venteux et la Vieille Forêt, pour un finale dans la Moria, disons ?

 

Ceci étant, le scénario est bon, par ailleurs, et peut-être même plus que ça. Son point de départ – à l’est des Monts Brumeux, donc – est tout à fait intéressant. Il implique des Hommes des Collines du Gundabad, un peuple chassé de l’Eriador Oriental pour s’être acoquiné avec Angmar… Le MJ est pour le coup invité à se référer au Rhovanion Region Guide en plus du Rivendell Region Guide, au passage. Quoi qu’il en soit, ces hommes (et femmes) ont toutes les raisons de se montrer méfiants et même plus que ça à l’égard de nos aventuriers. Mais c’est une optique intéressante, explicitement envisagée : et si les héros se trouvaient là justement dans le but de tenter de rallier les Hommes des Collines aux Peuples Libres du Nord ? Malgré, ou justement en raison de, leurs liens ancestraux avec les Gobelins et les Wargs… Que l’on prenne cette option ou pas, le scénario s’ouvre en tout cas sur des séquences sociales pour le moins tendues.

 

Certes, le « véritable » début de l’aventure est probablement moins subtil – avec les Gobelins du coin, les traîtres, qui enlèvent les enfants de la petite communauté d’Hommes des Collines… En fait, ça passe – mais pour la seule raison, donc, qu’il s’agit là d’un « retournement d’alliance », car les Hommes des Collines croyaient toujours les Gobelins de leur côté. Du coup, l’aide apportée (probablement…) par les PJ reprend cette idée de rallier les Hommes des Collines aux Peuples Libres du Nord : le scénario est pertinent en tant que tel, mais attention, car les choix des joueurs peuvent avoir des conséquences cruciales pour la suite des événements, à une échelle autrement conséquente.

 

Et là le scénario est tout particulièrement bien pensé, qui intègre un PNJ très attentif au comportement des PJ, et qui jouera donc sans doute un rôle majeur dans la décision finale des Hommes des Collines : il s’agit d’une femme du nom d’Essylt. Tandis que ses congénères stupéfaits ne savent pas comment réagir face à la traîtrise des Gobelins (avec inévitablement, mais c’est bien vu, un vieux bonhomme qui explique en dépit du bon sens que les vrais coupables sont les PJ, que c’est leur faute si les Gobelins, etc.), la jeune femme, déjà affectée par la disparition de son père, Heddwyn, n’entend pas perdre non plus ses frères et sœurs… D’où un aspect essentiel du scénario : les « moments clés », où il s’agit pour les PJ, sans qu’ils le sachent (le Gardien des Légendes tient un compte secret, les scènes concernées ne sont jamais présentées comme telles), d’aller dans le sens d’Essylt, et de la toucher par leur désintéressement, leur bravoure, leur astuce, etc. Disons-le : passer au mieux ces « tests » informels s’annonce difficile, et je doute que les PJ parviennent à remporter suffisamment de succès à cet égard pour rallier définitivement Essylt, et derrière elle les Hommes des Collines… Mais la possibilité est là, qui a son importance.

 

L’affaire, bien sûr, se complique encore du fait même des pertes d’Essylt. Son père Heddwyn ? Non, il n’est pas mort, il avait seulement « disparu »… Mais seul le Gardien des Légendes le sait au départ : en fait, l’Homme des Collines est devenu le Serviteur-Sorcier d’Angmar – c’est-à-dire, en l’absence du chef des Nazgûl, le grand méchant de l’histoire (prendre garde à ne pas le confondre avec l’Intendant de Carn Dûm, évoqué dans le Rivendell Region Guide, qui n’a absolument rien à voir). Le scénario s’oriente donc vers une confrontation père/fille que l’on pourrait se contenter de trouver skywalkeresque, mais qui, fonction des choix des PJ (même inconscients), peut avoir des conséquences aussi surprenantes que douloureuses.

 

Mais nous n’en sommes pas encore là : les aventuriers doivent d’abord traverser les Monts Brumeux depuis les collines du Gundabad ; pour cela, ils vont emprunter la route du Long Val, pas très bien fréquentée sans doute, tout de même plus « paisible » à vue de nez que les cavernes empruntées par Bilbo, Gandalf et les Nains dans Le Hobbit ou a fortiori la Moria dans Le Seigneur des Anneaux… même si on y trouve là aussi une grosse bébête, un monstre plus ou moins défini (qui a peut-être quelque chose de lovecraftien, d’ailleurs ; à moins de se contenter d'y voir une variation sur Arachne ou même Ungoliant).

 

Une fois les montagnes franchies, les PJ ne sont certes pas au bout de leurs peines – car leur voyage se poursuit en Angmar : ils doivent traverser la Désolation Grise jusqu’au Chemin Gelé, puis emprunter ledit chemin jusqu’à Carn Dûm – un voyage périlleux… même s’il ne l’est pas autant qu’il devrait l’être, du fait de la position de ce scénario dans la chronologie à difficulté progressive d’Eriador Adventures.

 

En effet, seul semblant de concession, ici, à l’environnement dégradé et redoutable d’Angmar (et du Long Val avant ça, d’ailleurs) : les PJ feraient bien de ne pas accomplir ce voyage seuls, il leur faut un guide – un personnage est proposé en ce sens, du nom de Hwalda, et elle n'est pas inintéressante, par ailleurs. Quoi qu’il en soit, on perçoit bien l’artifice : la suggestion est plus qu’impérative, car la présence d’un guide diminue considérablement les périls du voyage – et c’est bien pour cela que nos aventuriers peuvent se rendre au cœur même d’Angmar dès ce premier scénario, et presque la fleur au fusil, enfin, à l’arc… Et j’ai donc un peu de mal avec cette approche. Ce qui vaut d’ailleurs pour Carn Dûm à proprement parler... La carte de ce plus ou moins donjon est fort jolie, mais, globalement, le lieu maudit n’a pas, disons, l’ampleur menaçante qu’il devrait avoir.

 

Quant à la fin, elle est un peu précipitée – avec un Glorfindel qui se trouvait là, allons bon, hop ! Coïncidence pratique, même s’il ne faut pas non plus en exagérer les implications : l’Elfe n’est pas à proprement parler un deus ex machina, car il n’est censé intervenir qu'après les actions essentielles de la compagnie (et la confrontation avec Heddwyn, notamment – Essylt étant de la partie). Mais il a quand même un rôle très utilitaire, en permettant aux PJ de gagner rapidement Fondcombe, ce qui leur permettra d’en faire un sanctuaire – le voyage jusqu’en Imladris n’a dès lors pas vraiment besoin d’être « joué », Glorfindel étant un meilleur guide encore que Hwalda.

 

J’imagine que ce compte rendu pourrait donner l’impression d’un « mauvais scénario », tant j’appuie sur ses dimensions problématiques… Mais, en fait, ce n’est pas le cas : globalement, je l’aime beaucoup, il comprend son lot de bonnes idées, et l’ambiance est très chouette. Mais il y a quelques « difficultés » narratives qui me chiffonnent, et donc au premier chef cette idée saugrenue de commencer la campagne en Eriador Oriental par Angmar… Mais je suppose que l’on doit pouvoir s’en accommoder, et que, dans l’ensemble, ça en vaut la peine.

 

PLUS DURE QUE PIERRE

 

Le scénario suivant, « Harder Than Stone », déborde d’Orques et de Trolls ; mais, si certaines scènes peuvent donner l’impression que les PJ peuvent se contenter d’en abattre un ou deux, là, comme ça, hop ! discrétos, c’est en fait un leurre – car la grosse armée est juste derrière, et c’est tout l’objet du scénario : les PJ doivent jouer un rôle d’éclaireurs – ils doivent rester discrets, et bien peser les risques d’une tentative d’infiltration : un couillon qui se précipiterait sur les vilaines bestioles en hurlant se ferait exploser la cheutron en moins de deux, et, pire encore, provoquerait probablement le même sort funeste pour ses camarades plus réfléchis…

 

C’était quelque chose qui m’avait particulièrement saisi en lisant Les Vestiges du Nord, et d’assez longs passages de ma chronique portaient sur le caractère « anti-bourrins » de la gamme de L’Anneau Unique. C’est probablement un peu moins vrai dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth – qui dérive après tout de D&D5, et l’optique est donc un peu plus martiale… Pas au point, je crois, de la contradiction ? Oui, les personnages se battent probablement davantage, le contexte est moins gritty – mais rappeler les joueurs à la prudence, de temps à autre, serait sans doute une bonne idée, et je crois que ce scénario est une bonne occasion pour ce faire.

 

Et les PJ, même s’ils ne se battent pas, ont beaucoup à faire – mais il s’agit essentiellement d’observer. Pour autant, ils ne sont pas de simples spectateurs, ils ont bien des choix à trancher, éventuellement périlleux, et je suppose que l’essentiel du travail du Gardien des Légendes porte sur l’ambiance à cet égard : les PJ doivent assister à des choses terriblement inquiétantes, et ressentir au plus profond d’eux-mêmes cette angoisse susceptible de se muer en terreur d’un instant à l’autre… Le « donjon » éventuel de l’histoire n’en est que plus oppressant, sur un mode passablement claustrophobe.

 

Le scénario démarre (classiquement) à Fondcombe, où l’on a découvert quelques indices d’activités « suspectes » dans une région proche – les aventuriers contribuent en fait directement à cette récolte d’indices en enquêtant sur ce qui est arrivé à une caravane naine, attaquée par des ennemis inconnus. C’est alors seulement qu’Elrond lui-même mandate les PJ pour en savoir davantage – mais l’idée est donc de récolter des informations, pas de se battre, car un combat à ce stade serait perdu d’avance, et nuisible à court et long termes – gaffe aux coups de sang, donc...

 

Indices ou pas, le « grand méchant » de l’affaire, un Troll « différent des autres » du nom de Capitaine Mormog, reste tout de même bien mystérieux – peut-être un peu trop ? Mais c’est un antagoniste qui a indéniablement du potentiel… sur le mode intuable, probablement.

 

Mais les PJ peuvent faire une autre rencontre étonnante, avec un PNJ très surprenant, et qui peut devenir un allié de poids : il s’agit de Feredrûn, la « chasseresse de l’Est », une créature plus ou moins angélique à l’origine liée à Oromë, mais victime d’une cruelle malédiction de Sauron… C’est un moyen d’introduire dans ces récits du Troisième Âge des éléments renvoyant davantage au Silmarillion, etc., avec un personnage résolument hors-normes, à bien méditer sans doute pour lui faire honneur, et à creuser, probablement, mais c’est donc assez intéressant.

 

Un mot tout de même sur la dimension « voyage » de ce deuxième scénario : rien de comparable peut-être à celui du premier scénario (dans l’absolu – puisque dans les faits le « guide » y contribue énormément à transformer le périple en balade…), mais le voyage de Fondcombe aux Landes d’Etten, en plusieurs étapes, est assez long et redoutable ; j’imagine qu’il est crucial, de la part du Gardien des Légendes, d’appuyer sur l’ambiance très particulière de la région, véritablement « découverte » ici (Angmar était un cas trop à part pour s’en faire une idée) – et son côté « semi désertique » est sans doute essentiel.

 

Un bon scénario – périlleux, mais justement : il doit inciter à ne pas se précipiter au combat... Encore que cette dimension me paraisse donc probablement moins marquée dans cette gamme D&D5 que dans celle de L’Anneau Unique.

UNE HISTOIRE D’ARCHERS

 

« Concerning Archers » est un scénario bien plus court – probablement le plus court d’Eriador Adventures. Hélas, il est aussi à mes yeux le ratage de ce recueil globalement de très bonne tenue… Et c’est sans doute d’autant plus regrettable qu’il partait de « bonnes intentions », sur un mode plus « léger » que d’habitude. Ceci étant, je serais peut-être moins sévère aujourd’hui que je ne l’étais à l’époque où je chroniquais Les Vestiges du Nord : je continue de penser qu’il est trop bancal, en trop d’endroits, pour véritablement fonctionner, mais il y a indéniablement quelque chose à en tirer au plan de l’ambiance, qui mérite probablement qu’on y consacre quelques efforts.

 

La brièveté de ce scénario est peut-être un peu trompeuse, au passage. En fait, on peut clairement le scinder en deux phases : la première peut correspondre à la phase de communauté d’un scénario précédent, et la phase d’aventure de celui-ci, à proprement parler, pourra être « retardée », car la mission n’a aucun caractère d’urgence ; simplement, si les PJ se trouvent à passer non loin de Fornost, eh bien, ils pourront en profiter pour accomplir la « quête » que leur a confié Bilbo…

 

Puisque c’est bien le fameux Hobbit qui joue au donneur d’ordres ici – à Fondcombe, comme de juste. En fait, cela nous vaut une introduction assez amusante, où le Hobbit se prend le chou avec un Elfe sur une vieille histoire… Bilbo est formel : il y avait des Hobbits à la bataille de Fornost, une compagnie d’archers ! Le Vieux Touque l’a dit et c’est donc vrai ! Mais l’Elfe dénonce une imposture : rien n’indique que des Hobbits aient participé à la bataille, il n’y a aucun témoignage sérieux en ce sens – en s’attachant à défendre ce point, Bilbo, comme le Vieux Touque avant lui, succombe à une sorte de « chauvinisme » un peu navrant… Bilbo, toujours cordial mais visiblement agacé, demande alors aux PJ, qui ont assisté à la scène, de se rendre à Fornost et d'en ramener la preuve qu’il a raison, et qu’une compagnie d’archers hobbits s’est bel et bien battue là-bas, aux côtés des Elfes et des Hommes...

 

L’idée est amusante, oui – le problème est qu’à mes yeux elle ne tient pas vraiment la route, elle n’est pas très crédible : Fondcombe est un lieu de connaissance, et probablement même le plus important de toute la Terre du Milieu – et l’anecdote de Bilbo ne se trouverait nulle part, même pour la contester ? La transmission des hauts faits du passé est proprement une mission de la Dernière Maison Libre : les chroniques sur la bataille de Fornost ne peuvent qu’y abonder. Mais cela va en fait bien au-delà : à Fondcombe même résident nombre de témoins de première main, des Elfes qui ont participé à la bataille, et qui devraient donc très bien savoir ce qu’il en est ; certains sont même expressément cités, comme Glorfindel, rencontré par les PJ lors de « Cauchemars d’Angmar »… mais seulement pour dire qu’ils « ne se souviennent pas » ? Je n’y crois pas. Je suppose qu’on pourrait y voir un thème, portant sur la nature du savoir, la détermination de ce qui fait l’histoire, les points de vue qui biaisent plus ou moins consciemment les chroniques du temps passé – et en tant qu’amateur d’histoire, cela pourrait ou même devrait me parler… Seulement, en l’espèce, je ne parviens pas à y croire ; et si ce point de départ est original, comme une manière sympathique de respirer entre deux gestes épiques (et justement, d’une certaine manière, pour questionner ces dernières, ce qui est plutôt bien vu), je bloque quand même d’emblée sur son côté « mal foutu ».

 

Je suppose que l’on pourrait peut-être s’en accommoder… Hélas, le reste du scénario – la phase d’aventure à proprement parler – est à peu près aussi balourd, en ce qui me concerne. En effet, à Fornost, même si le scénario suggère (forcément) de délayer un peu, je doute que l’artifice trompe qui que ce soit : bientôt, les « preuves » s’accumulent les unes après les autres. Et elles ne font que confirmer, à mon sens, pas tant la présence desdits archers hobbits, que le caractère hautement improbable de « l’amnésie » des Elfes les concernant – ou peut-être plus encore des Dúnedain, d’ailleurs, qui arpentent depuis des siècles ces terres pour rassembler des informations à Fondcombe ; si les PJ, pourtant pas forcément des experts en archéologie ou même en investigation, rassemblent aussi vite autant de « certitudes », il est assez invraisemblable que l’on ne trouve absolument rien à ce propos à Fondcombe – que ce soit pour appuyer la thèse de Bilbo, ou pour la contester. La thématique éventuelle du biais des chroniqueurs dans l’établissement de l’histoire atteint en fait vite ses limites.

 

Puis le surnaturel se met de la partie, de manière toujours assez balourde : figurez-vous qu’il suffit de s’attarder la nuit dans les ruines de Fornost pour que, très précisément, les archers hobbits fassent leur apparition ! Et décidément je trouve ça absurde… même si la scène n’est pas totalement inintéressante : il y a peut-être de quoi faire avec les réactions des PJ aux volées de flèches fantômes ! Mais le trait demeure assez grossier.

 

Et même en prenant en compte ces rares réussites temporaires, le scénario patauge toujours un peu plus dans la lourdeur et l’invraisemblance : le vase a débordé depuis longtemps, inutile de chercher quelle pouvait bien être la goutte d’eau – mais quand le fantôme de Rufus Touque lui-même se rapplique, avec sa petite chanson, on en est au stade du seau d’eau qui fait déborder un autre seau d’eau en en foutant partout. Voilà : « Une histoire d’archers » est à peu près aussi lourd que la métaphore à la con que je viens de commettre… Ce qui en dit long, non ?

 

Décidément, ce scénario, je n’y arrive pas, je le trouve raté. Au moins médiocre, peut-être même carrément mauvais. Et c’est bien dommage.

 

LA COMPAGNIE DU CHARIOT

 

Heureusement, ce mauvais moment passé, le niveau du recueil remonte radicalement, et il a encore à nous offrir des choses très intéressantes – et par ailleurs assez diverses.

 

En témoigne déjà « The Company of the Wain », même si je ne suis pas bien certain qu’il s’agisse d’un scénario à proprement parler : en fait, l’envisager ainsi n’est pas sans risques, peut-être, mais surtout si l’on enchaîne les épisodes d’Eriador Adventures – encore une fois, il vaut mieux diluer l’ensemble. Le problème, autrement, résiderait pour partie dans une vague redondance, notamment avec « Plus dure que pierre », mais « Cauchemars d’Angmar » pouvait déjà aller dans ce sens : les joueurs y sont amenés à observer des menaces grandissantes dans l’ombre, et l’idée d’un assaut frontal est déconseillée – même si, dans le cas présent, un tel assaut ne serait pas aussi suicidaire que face aux Orques et aux Trolls de Mormog, et peut donc être envisagé, à condition de bien s’y prendre.

 

La singularité très appréciable de ce scénario, à cet égard, réside dans le fait que la menace en question émane, non pas de Sauron et de ses agents, mais d’un tiers parti que l’on n’a guère eu l’occasion de mettre en scène pour l’heure (ou en tout cas sous cet angle) : Saroumane, qui commence à pencher dangereusement vers la corruption. Par ailleurs, on est à une échelle tout autre, avec une petite bande suspecte, pas une armée gigantesque.

 

Mais il vaut mieux diluer, donc – en n’envisageant pas tant, d’une certaine manière, « La Compagnie du Chariot » comme un scénario, mais plutôt comme un élément de contexte. Car ladite Compagnie est abondamment décrite, et fournit un lieu (même mobile…) et des PNJ intéressants, qui peuvent trouver à s’intégrer à plusieurs reprises, et somme toute assez naturellement, dans une campagne prenant l’Eriador Oriental pour cadre. Par ailleurs, même en l’envisageant comme un scénario, « La Compagnie du Chariot » ne fait sens qu’en multipliant les phases d’aventure, au moins deux, peut-être davantage, ce qui, à vrai dire ne m’incite que davantage à procéder ainsi que je vous le disais.

 

La Compagnie du Chariot est une caravane marchande, qui longe le Chemin Vert en faisant des allers-retours entre Bree et Tharbad (ou ce qu’il en reste). On s’en doute, ce genre de caravanes est très rare dans la région, qui a beaucoup souffert au cours des derniers siècle, au point de succomber à une forme de désertification… Mais la rareté de ces caravanes ne les rend que plus précieuses, et les hameaux disséminés le long du Chemin Vert n’en sont que plus ravis encore quand les marchands font halte près de chez eux ! Ce qui a ses conséquences : la Compagnie du Chariot se rencontre « dans la nature », loin de tout cadre urbain – même à l’échelle d’un village, hormis Bree éventuellement.

 

D’assez nombreux PNJ, membres de la Compagnie, sont ici décrits – avec, disons-le, une nette prédominance des sales types… Mais suffisamment d’ambiguïtés à côté pour qu’on ne les envisage pas unilatéralement comme des « méchants », ce qui ne serait pas très raisonnable.

 

On compte quand même quelques PNJ plus sympathiques dans le lot, et plutôt réussis : un Wose, notamment, exhibé comme un phénomène de foire (il a son pendant animal, un ours malmené par un dresseur abject…), et un artificier ami de Gandalf – et qui ne sait visiblement pas ce qu’il fait là ; tous deux peuvent susciter des histoires intéressantes, au point le cas échéant de devenir des alliés des plus utiles.

 

En fait, sans doute ces personnages plus sympathiques ont-ils un rôle moteur – en permettant aux PJ curieux de subodorer qu’il y a quelque chose de louche dans cette caravane… Mais la manière d’aborder le problème peut donc varier, de l’infiltration à la façon de « Plus dure que pierre » à l’assaut plus frontal, davantage envisageable ici, encore qu’à la condition de prendre quelques précautions – mais les PJ peuvent espérer libérer un ou deux alliés ; se jeter dans le combat n’est donc pas suicidaire cette fois-ci, mais quand même périlleux – à mûrement réfléchir, donc. Et à mettre en balance, sans doute, avec des scènes davantage tourné vers le social (dont un procès truqué assez savoureux).

 

Globalement, j’ai bien aimé, c’est assez malin et intrigant – mais j’y vois donc plutôt un élément de contexte, d’autant qu’il serait sans doute possible de l’intégrer à bien des créations personnelles sans que cela ne sonne comme un artifice un peu bancal.

CE QUI RÔDE EN DESSOUS

 

On retourne à un scénario probablement un peu plus « classique » avec « What Lies Beneath », mais ne pas y voir une critique de ma part : ce scénario est peut-être mon préféré du recueil ! Mais, certes, il a quelque chose de « classique », tout particulièrement dans son introduction : le point de départ est comme souvent Fondcombe, où Maître Elrond demande aux PJ de venir en aide à un Rôdeur du nom de Hiraval. Celui-ci est issu d’une bonne famille des anciens royaumes du Nord, et se désole que son manoir ancestral (enfin, les ruines de son manoir ancestral…), situé dans les Collines Venteuses, soit tombé aux mains de brigands… En fait, l’intérêt d’Elrond et des Elfes dans cette affaire est sans doute un peu limite, honnêtement, mais libre au Gardien des Légendes, j’imagine, de trouver comment rendre la chose plus convaincante. Par ailleurs, Hiraval… n’est pas très sympathique : le bonhomme est arrogant, sans doute bien trop sûr de lui, et porté aux coups de sang – ce qui, une fois de plus, peut rapidement s’avérer fatal.

 

Or il y a ici un biais – parce que les événements ne coïncident en fait pas au récit d’Hiraval, sans qu'il en ait forcément conscience. Il n'est pas à proprement parler un menteur… mais il se trompe ; et, cela, les PJ devront le déterminer par eux-mêmes. En effet, les « brigands » du manoir… n’en sont pas : ce sont des aventuriers, comme les PJ ! Enfin, des aventuriers débutants... L’idée est très bonne, et très amusante à sa manière… sauf que l’amusement cède bientôt la place à la crainte, voire à l’horreur, et le scénario perd bientôt son caractère presque wink-wink nudge-nudge pour devenir d’une extrême gravité, et poignante d’une certaine manière ; au fond, c’est un scénario parfaitement déprimant… et en cela il s’accorde très bien à l’ambiance globale du jeu, et peut-être tout particulièrement de cet entre-deux dans l’Eriador Oriental, où l’on devine, mais sans pouvoir y faire grand-chose, que l’Ombre grandit sans cesse, et que les lendemains ne chanteront pas. Nulle blague ici, en fait – mais une des plus belles illustrations de la thématique de la corruption dans toute la gamme.

 

Car Hiraval, pas forcément un mauvais bougre à la base, et certainement pas conscient de ce fait, est « corrompu »… par l’esprit vengeur d’un de ses propres ancêtres ! Or le « fantôme », dans ce manoir où bien trop de monde s’entasse, peut aussi exercer son pouvoir sur d’autres personnages – qu’ils s’agisse des PNJ aventuriers… ou des PJ aventuriers.

 

L’approche des « brigands » n’est déjà pas évidente – et il y a un monde entre la franchise, l’infiltration et l’assaut. L’idéal serait sans doute de jouer la dimension « sociale » du scénario, en confrontant verbalement PJ et PNJ, mais le risque est très élevé de ce que la rencontre dérape à tout moment – d’autant plus que Hiraval est proprement incontrôlable. Dans cette complexe affaire, les alliés ne sont pas forcément ceux que l’on croit, les ennemis pas davantage, et tout incite à ce que la rencontre vaguement ambiguë tourne à la boucherie alors même que les PJ ne le désirent pas – mais nul dirigisme pour autant : plusieurs éventualités sont envisagées, les PJ peuvent agir, et le destin faire des siennes ; c’est sans doute indispensable, d’ailleurs, pour comprendre la possession en jeu, et la gérer au mieux…

 

Mais ça marche très bien, sur le papier en tout cas : on se retrouve piégé dans un huis-clos oppressant et profondément déprimant, où l’empreinte du mal, saisissant les plus braves, les amène aux pires déprédations. Oui, c’est un scénario déprimant – voire dépressif ; mais il est parfaitement approprié au contexte, bien conçu, et tout à fait convaincant. L’ambiance est parfaite, et le scénario est par ailleurs riche de sa diversité – car, même dans un cadre ainsi limité, il offre des occasions de jouer l’infiltration, le combat, le social, la comédie, la terreur, la magie, etc. Ce sans virer au patchwork pour autant : vraiment intéressant !

 

(Et peut-être un chouia lovecraftien, d’une certaine manière ?)

 

OMBRES SUR TYRN GORTHAD

 

Nous en arrivons au dernier scénario d’Eriador Adventures, « Shadows Over Tyrn Gorthad », qui est aussi très probablement le plus long, indéniablement le plus complexe, et de loin le plus périlleux. Il s’étend sur au moins deux années, et il est une fois encore tout à fait indiqué de le mêler d’autres scénarios, de création personnelle le cas échéant. Par ailleurs, il implique de longs et périlleux voyages, et comprend trois parties « optionnelles » mais fort utiles qui, là encore, peuvent donc s’emmêler à d’autres récits, jusqu’au terrible finale du scénario – et de la campagne.

 

Cette fois, la mission est donnée par Gandalf lui-même – et, oui, à Fondcombe, comme d’hab’. C’est d’ailleurs une belle occasion de créer des liens éventuellement resserrés avec le magicien, qui, à terme, peut faire un garant de poids, je suppose, et par ailleurs autoriser des entreprises de communauté spécifiques très intéressantes. Maintenant, cet aspect du scénario a sa contrepartie, qui est qu'au fur et à mesure que l’aventure progresse, les PJ risquent de se sentir un peu les larbins de Gandalf, sur un mode presque « jeu vidéo » : allez me chercher ça, allez voir untel, jetez un œil là-bas, etc.

 

Tout part de rumeurs étranges et inquiétantes portant sur les Êtres des Galgals – ces créatures mort-vivantes dont on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elles sont tout particulièrement redoutables… En fait, la seule chose qui permet de les « gérer », c’est qu’elles semblent se voir imposer des limites à leurs actions, sans que l’on comprenne bien pourquoi : on ne les rencontre que dans les Hauts des Galgals, seulement de nuit, etc. Et c’est bien le problème : les rumeurs évoquent désormais des rencontres avec des Êtres des Galgals en dehors des seuls tombaux antédiluviens qu’ils hantent en principe, et parfois même en pleine journée ! Ce qui a de quoi faire paniquer même les plus stoïques. Et si Gandalf ne va pas jusqu’à paniquer, du moins fait-il part de son inquiétude. Lui-même n’en sait pas beaucoup plus sur l’origine de ces spectres – mais, derrière ce regain d’activité, il devine la magie du Roi-Sorcier d’Angmar. Comprendre cette magie implique de comprendre la Langue du Mordor – rarement employée. Mithrandir pense cependant avoir identifié une forteresse perdue dans les Monts d’Angmar (non, ce n’est donc pas Carn Dûm – ce qui renvoie au premier scénario et à sa dimension « problématique »), entièrement dévolue du temps du Roi-Sorcier à ses expériences magiques : à charge pour les PJ de s’y rendre, et de rapporter tout ce qu’ils peuvent y trouver de rédigé dans la Langue du Mordor, pour y déceler la clef des maléfices du Roi-Sorcier concernant les Êtres des Galgals…

 

Je suppose que cette « première quête » peut laisser un peu sceptique – elle a, je crois, un vague problème de crédibilité, même si pas au point d’ « Une histoire d’archers »… Encore que le postulat repose sur une vague entorse aux conceptions les plus tolkiéniennes de la magie, telles qu'elles étaient exposées dans le Loremaster's Guide : les sortilèges ne devraient pas, dans l'idéal se trouver sur des parchemins, ils ne sont pas en principe de nature « académique »...

 

Mais le périple, cette fois très rude (pas de guide pour « absorber » les périls, du moins après que Gandalf laisse les héros seuls, aux environs du Mont Gram…), ce périple donc vaut le détour, et, une fois sur place, il y a du matériau pour des scènes efficaces, sur un mode combatif (avec un Grand Orque hors-normes et bien balaise, notamment), ou, de manière plus intrigante et angoissante, ce qui me botte davantage, en faisant intervenir la magie de la Langue du Mordor – laquelle peut déboucher sur une forme de « possession » suintant la corruption.

 

Les PJ retournent alors à Fondcombe pour faire le bilan et mener des recherches sur place. C’est peut-être l’occasion de ménager une pause dans la narration – mais aussi de déterminer la suite des événements, car lesdites recherches, à ne surtout pas négliger, fournissent les seules pistes possibles pour jouer trois « mini-aventures » dites « optionnelles », mais dont les conséquences pourront s’avérer capitales au moment de conclure le scénario. Bien sûr, ce côté « pause », autant que les trames « optionnelles », sont parfaitement indiqués, une fois de plus, pour diluer la campagne.

 

Mais, si les PJ s’appliquent, ils pourront alors suivre trois pistes, donc. La première les conduit d’emblée dans les Galgals à proprement parler : s’ils s’y prennent bien (en ne s'y attardant pas la nuit, notamment...), ils ne courront pas forcément de risques, mais leur étude sur place leur permettra de comprendre des choses utiles concernant l’ancienneté des Galgals, la disposition des tombes, etc. Somme toute ce qui aurait pu ou dû se faire à Fornost dans « Une Histoire d’archers », mais de manière autrement convaincante à mes yeux.

 

La deuxième de ces intrigues optionnelles est peut-être la plus amusante. Les PJ vont (ou retournent…) à Fornost, cette fois pour localiser une sorte de chambre-forte mentionnée dans des écrits trouvés à Fondcombe. Bien sûr, la cache aux trésors (livresques) a été pillée… mais de fraîche date ! Les PJ peuvent remonter la piste d’une bande de voleurs nains, personnages vraiment pas recommandables sans être foncièrement maléfiques, et il y a sans doute moyen d’en tirer des scènes de négociation fort sympathiques…

 

Reste l’histoire de la Hobbite qui aurait survécu à une rencontre avec un spectre dans les Galgals mêmes. La scène se déroule pour l’essentiel à Bree, et le village et sa région n’ont été décrits que dans un supplément ultérieur de la gamme, Bree-Land Region Guide (que je n'ai pas lu, et pas davantage son modèle dans la gamme de L'Anneau Unique) ; je suppose que sa lecture pourrait se montrer utile, et je ferai ça prochainement. L’entretien avec la petite fille hobbite survivante aura surtout pour intérêt de déterminer l’existence d’une sorte de « sanctuaire » dans les Galgals : la tombe d’un prince elfique.

 

Il s’agit alors de faire à nouveau le point avec Gandalf… qui a cependant une autre « mission » à confier aux PJ, et sans doute la plus problématique de tout le scénario, puisqu’il s’agit de rendre visite à… Tom Bombadil ! Gai dol, gai dol, tout ça... Tom Bombadil qui vit bien sûr dans la Vieille Forêt – est-elle décrite à son tour dans le Bree-Land Region Guide ? À lire les résumés, je n’en ai pas l’impression… Auquel cas elle ne serait décrite dans aucun supplément, et ce serait un peu dommage. Mais le vrai problème est ailleurs : il réside en nul autre que Tom Bombadil lui-même… Un personnage fantasque, et dont la séquence dans Le Seigneur des Anneaux soulève couramment la perplexité : il est insaisissable, incompréhensible, on ne sait même pas ce qu’il est au juste… mais, surtout, et quand bien même on devine en lui un immense pouvoir, peu ou prou divin, il n’est pas toujours évident de le prendre au sérieux. Et comment l’interpréter ? La quasi-totalité de ses répliques, ici, sont rimées… Et, très franchement, je ne me sens pas d’improviser des alexandrins ou truc au doigt mouillé !

 

La rencontre est aussi problématique dans la mesure où, contrairement à ce que l’on pouvait supposer (et qui pouvait « justifier » que Gandalf envoie les PJ auprès de l’étrange bonhomme ?), il ne s’agit pas ici d’aller à la pêche aux informations sur les Êtres des Galgals (tout proches, par ailleurs) : l’intérêt de cette rencontre est « technique », d’une certaine manière, car il consiste à faire bénéficier les PJ de la « protection divine », ou « bénédiction », de Tom Bombadil. Celle-ci leur est acquise d’emblée – la rencontre a pour but de déterminer à quel niveau elle fonctionnera, en conséquence du comportement des PJ lors de la rencontre. Mouais… C’est à n’en pas douter utile pour la suite des événements, sur un mode pragmatique, mais tout de même passablement artificiel : comme si on bardait les héros d’artefacts et de sortilèges avant de les envoyer ramoner sa vilaine petite gueule au Boss de Fin de Niveau… Alors si on y ajoute la difficulté à saisir et à interpréter Tom Bombadil...

 

On retrouve ensuite Gandalf à Bree, non loin, et c’est le moment du finale – bien balaise : le magicien doit exécuter un long et complexe rituel (pas forcément très « Istari », pour le coup – et on en revient au souci concernant la nature de la magie chez Tolkien), rituel qui a pour but de « renforcer la barrière », c’est-à-dire de soumettre à nouveau et pour un bon bout de temps les Êtres des Galgals aux limitations qui les bridaient jusqu’alors : l’impossibilité de quitter les Galgals ou de sortir de jour, pour l’essentiel.

 

Et c’est ici qu’interviennent les conséquences de tout ce que les PJ ont fait au cours de ce long scénario. Le rituel de Gandalf est long (seize heures) autant que complexe ; il lui faut, par étapes, cumuler un certain nombre de succès pour mener à bien son entreprise… sauf qu’il part d’un degré de difficulté TRÈS élevé ; pour avoir une chance de réussir, il lui faut donc autant d’informations que possible. Certaines (la plupart) interviennent directement dans l’exécution du rituel, et font baisser le DD – plus il y a de ces informations qui ont été rapportées à Gandalf, et moins le rituel est difficile (relativement, hein !). D’autres de ces informations ont un intérêt pratique au-delà de la seule diminution du DD – ainsi la localisation de la colline du prince elfique, « sanctuaire » que les personnages feraient bien de choisir pour exécuter le rituel, s’ils espèrent pouvoir parvenir à son accomplissement.

 

Enfin et surtout, il s’agit de se protéger – et tout particulièrement de protéger Gandalf, trop absorbé dans sa magie pour pouvoir lutter, contre des Êtres des Galgals mécontents de la tournure des événements… Le magicien a certes disposé des brasiers, et est en mesure de préparer quelques effets pyrotechniques de bon aloi, mais la tâche de le protéger revient bien sûr pour l’essentiel aux PJ – et il est à souhaiter qu’ils bénéficient quant à eux de la bénédiction « maximale » de Tom Bombadil, sans quoi leurs chances de réussite s’amenuisent drastiquement…

 

Car cet ultime combat est très difficile – qui fait intervenir un Roi des Esprits passablement costaud, et toute une horde (littéralement !) d’Êtres des Galgals. Ceux-ci, en principe, sont d’abord contraints de garder leurs distances, mais, à mesure que les heures défilent, ils s’enhardissent, et ce que le rituel progresse ou pas… En fait, il est à souhaiter qu’à ce stade le rituel ait déjà bien avancé – parce que cela détermine le nombre d’Êtres des Galgals qu’il faut anéantir pour que Gandalf arrive au bout de son sortilège élaboré. Il faut comprendre que les Êtres des Galgals arrivent en nombre presque infini – or un seul de ces Êtres peut déjà constituer un antagoniste de taille...

 

Si les PJ l’emportent, c’est très gratifiant : ils ont vraiment joué un rôle essentiel pour contenir une menace considérable. Mais le scénario envisage des résultats intermédiaires, des « semi réussites »… mais aussi l’échec total et la mort de l’ensemble de la compagnie (Gandalf, bien évidemment, survit, et revient alors plus tard avec une autre communauté pour achever ce qu’il avait commencé…). C'est que tout cela est envisageable...

 

Ce scénario n’est pas sans poser quelques problèmes – notamment son côté plus « mécanique » que d’habitude, son articulation chronologique à bien mûrir, et la scène avec Tom Bombadil... dont la perspective me terrifie, je crois que c’est le mot. Mais il est globalement plutôt chouette, voire très chouette ; notamment du fait de l’ampleur de ses implications, et de la variété des situations qu’il autorise. J’imagine par ailleurs qu’un peu de travail suffirait à rendre le scénario « moins mécanique », en le mêlant d’autres aventures, notamment : d’une certaine manière c’est fait pour – jouer le scénario « en bloc » me paraît nuisible à la qualité de l’intrigue. Mais, sur ces bases, il y a donc de quoi faire.

 

CONCLUSION

 

Sentiment qui vaut, je suppose, pour l’ensemble du recueil, de très bonne tenue.

 

Si l’on excepte le ratage (très secondaire heureusement) d’ « Une histoire d’archers », Eriador Adventures comprend des scénarios assez variés, parfois classiques en apparence mais comportant souvent des bonnes idées plus inattendues et à même de faire la différence. Deux scénarios au moins (le premier et le dernier) sont d’une ampleur conséquente, qui permettent aux PJ d’intervenir vraiment dans le déroulé des événements au niveau global de la Terre du Milieu dans l’attente de la Guerre de l’Anneau. Deux autres, « Plus dure que pierre » et « La Compagnie du Chariot » (même avec l’impression mentionnée plus haut qu’il vaut peut-être mieux envisager ce dernier « scénario » comme un élément de contexte), jouent davantage du registre de la suspicion et de l’infiltration, même si je suppose qu’ils permettent moins que leurs équivalents dans Les Vestiges du Nord de repenser les notions d’héroïsme et de pragmatisme dans un cadre plus que jamais hostile, participant ainsi avec pertinence à la coloration grave et sombre du tableau d'ensemble : le changement de mécanique a probablement un impact à cet égard, avec la tournure plus martiale du système D&D5, mais, avec un peu d’application, je veux croire qu’on pourrait atteindre un objectif relativement similaire, en tout cas en termes d’ambiance. Le scénario restant, peut-être mon préféré donc, incarne ces divers éléments à une échelle microcosmique qui n’en est que plus saisissante pour les PJ, attaqués personnellement dans leurs valeurs.

 

Notez, par ailleurs, que la plupart de ces scénarios jouent sur la peur des PJ. Il ne s’agit pas forcément d’horreur à proprement parler (quoique, dans le premier et les deux derniers, ça pourrait se discuter, en fait…), mais cet effet très sensible me paraît vraiment bien vu.

 

Résultat très convaincant, donc, et qui s’accorde très bien au contexte du Rivendell Region Guide, en illustrant avec pertinence sa singularité. Je suppose qu’on ne pouvait pas attendre mieux.

 

La suite de la gamme ? Pour le moment seulement le Bree-Land Region Guide, sauf erreur, et pour le coup un supplément totalement inédit en ce qui me concerne. Et donc à bientôt...

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CR Barbarians of Lemuria : La Tour d'Ajhaskar (01)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : La Tour d'Ajhaskar (01)

Première séance du scénario « La Tour d’Ajhaskar », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Vincent Basset, et figure dans le supplément Chroniques lémuriennes, pp. 76-101.

 

L’illustration en tête d’article provient de ce scénario (p. 79), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

EDIT 13/02/2019 : si je ne suis plus en mesure de rédiger des comptes rendus détaillés, Maître Nepuul Qomrax s’est mis à prendre des notes plus détaillées, et les voici pour cette séance :

 

La prison de Lysor

 

L'aventure commence en prison, dans une cellule bondée où tous les membres de la petite compagnie d'aventuriers sont entassés ensemble parmi les détenus de droit commun, pour avoir provoqué une rixe dans un tripot de Lysor, au cours d'une soirée particulièrement arrosée. Nepuul a refusé de payer pour les autres, prétextant de la piètre qualité du breuvage proposé, et le ton est monté. Ils sont accompagnés d'un certain Samzara, marchand de son état – ce genre de marchand ventripotent et débonnaire qui a toujours une rareté à vous vendre ou une mission à vous proposer. Mais cette fois, Samzara a l'air nerveux, et fait part de son inquiétude à ses nouveaux amis : le nouveau capitaine de la garde, un certain Dramik, est un homme beaucoup trop zélé pour laisser s'épanouir le petit commerce, et applique à la lettre la nouvelle politique du roi de Lysor, qui consiste à envoyer tous les prévenus, sans distinction, aux galères, d'où beaucoup ne reviennent pas.

 

Après une journée à croupir dans ce lieu pour le moins inconfortable, les aventuriers et Samzara sont tirés de leur geôle par la garde, qui les conduit auprès du capitaine Dramik, entouré d'une dizaine de gardes. L'homme en impose, et les condamne d'abord à dix mois de galère pour les effrayer ; il leur propose ensuite un « arrangement » pour éviter cette peine : tous seront amnistiés s'ils mènent à bien une mission qui, à première vue, semble simple : retrouver un conseiller du roi Kolmus qui manque à l'appel. L'homme semble n'être tout simplement pas sorti de chez lui depuis plusieurs jours. Samzara pressent visiblement un coup fourré, et interroge Dramik sur l'identité de ce conseiller. Un brin réticent, Dramik lâche le nom : Ajhaskar. Aussitôt, Samzara se ravise en tremblant : il préfère encore les galères... Sans ménagement, la garde le ramène en cellule.

 

Visiblement gêné par cette défection, Dramik accepte pourtant d'en dire plus au sujet d'Ajhaskar. C'est un sorcier de renom ; personne ne l'a vu sortir de sa tour, mais aucun des hommes envoyés chez lui par Kolmus n'est revenu. Les aventuriers n'ont pas vraiment le choix, mais Redhart a vite repris ses esprits : il faut faire un contrat en bonne et due forme, pour s'assurer que tout soit fait dans les règles ; ses comparses réclament également une récompense en cas de réussite, car après tout, si l'on en juge par la réaction du marchand, ce mage n'a pas l'air commode. Dramik est sévère, mais intègre : il accepte leurs conditions, et le départ est fixé au lendemain, à l'aube.

 

Les aventuriers passent le reste de la soirée à rassembler leur équipement, après un bref détour par les geôles afin d'interroger Samzara au sujet de cet Ajhaskar : Samzara explique que nul n'est jamais parvenu à le défier sans en mourir, ni à ressortir vivant de sa tour après y avoir pénétré sans être invité.

 

La tour d'Ajhaskar

 

Comme prévu, le groupe quitte la prison aux premières lueurs du jour. Il suffit de lever le nez pour apercevoir la tour d'Ajhaskar. C'est une anomalie dans une ville aussi dense que Lysor : elle trône au sommet d'une colline boisée, vierge de tout autre bâtiment. Les gardes postés au pied de la tour sont nerveux : ils ont cru entendre des bruits étranges en provenance du bois qui entoure le bâtiment.

 

Cependant, les aventuriers choisissent d'entrer sans précaution particulière, et découvrent un large vestibule en marbre. Nepuul remarque une main qui dépasse de la porte à doubles battants, au fond de la salle : elle n'était pas visible du dehors. Et impossible de ressortir pour vérifier : les voilà prisonniers.

 

Après une rapide exploration de l'aile ouest du bâtiment, ils pénètrent dans une sorte de hall au fond duquel un trône monumental est gardé par deux statues imposantes qui représentent des andraks – ce sont les lions des montagnes de l'Axos, d'où Ajhaskar, d'après Samzara, est originaire (on le surnomme d’ailleurs parfois l’Andrak) ; dès leur arrivée, elles s'animent et se jettent sur le groupe. Ces statues d'obsidienne se déplacent sans faire aucun bruit, paraissent insensibles à la douleur, et les flèches de Myrkhan ricochent sur leur peau de pierre ; mais les coups les plus puissants les blessent, et à leur mort, elles explosent en une myriade d'éclats meurtriers que Redhart et Narjeva esquivent habilement ; Liu s'illustre en sautant lestement sur le dos du second quadrupède pour entraver ses mouvements et l'écraser de ses poings d'acier.

 

Après une exploration infructueuse de la pièce, les aventuriers poursuivent leur tour du rez-de-chaussée. Les pièces qu'ils traversent, salon cossu, grande salle de bains, sont d'une grande opulence : objets précieux d'origines variées, meubles ouvragés, tapisseries d'un goût exquis, eau claire... Cet Ajhaskar aime vivre dans le luxe, c'est certain.

 

La cuisine semble également déserte, mais à peine le groupe est-il entré dans la pièce que deux domestiques apeurés, la vieille Ilda et son neveu Kurik, mais aussi Otos, quant à lui au service du roi Colmus, sortent d'un débarras. Otos est terrorisé et semble incapable de prononcer un mot. La vieille femme, Ilda, se dit enfermée depuis cinq jours : elle n'a rien pu faire pour sauver les gardes, ni le courtisan envoyé par le roi, et qui a sans doute péri sous les griffes du démon gardien Krulak, à l’étage. L'accès à l'étage supérieur et à la cave leur est interdit. Elle est convaincue de la disparition d'Ajhaskar et de son disciple Robos ; traumatisée par tous ces événements, elle est incapable d’en dire plus.

 

Derrière eux, un escalier communique avec le premier étage et avec la cave ; d'un commun accord, le groupe abandonne Ilda, Otos et Kurik à leur sort, et descend à la cave, où il découvre un étrange mécanisme hydraulique : c'est une sorte de noria actionnée par un squelette animé. L'imprudent Kalev s'approche de la sombre mare qui occupe la moitié de la pièce, et esquive juste à temps l'attaque d'une sorte de limace géante (un xolth) sur lequel Redhart s'empresse de pratiquer, avec la sauvagerie qui lui est coutumière, une coupe sagittale du plus bel effet.

 

Et voici la vidéo de ce compte rendu :

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai eu recours au morceau de Lustmord « Aldebaran of the Hyades » (sur l’album The Place Where the Black Stars Hang), au morceau « bassAliens » de Sunn O))) sur l’album White2, et aux bandes originales des jeux vidéo The Elder Scrolls V : Skyrim et Darkest Dungeon. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Il y avait six joueurs, qui avaient déjà participé aux premiers scénarios, à savoir « Mariage amer », « Les Larmes de Jouvence » et « Un ennui mortel ». Ils incarnaient Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 3 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 3) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 4 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 1).

 

Et voici donc l’enregistrement de cette séance – qui, hélas, s’interrompt brusquement car involontairement, le serveur nous ayant lâché… Mille excuses, mais voici déjà ce qui a pu être sauvé :

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Adventures in Middle-Earth : Rivendell Region Guide

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Rivendell Region Guide

Adventures in Middle-Earth : Rivendell Region Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2018, 144 p.

Je poursuis l’exploration de la gamme d’Adventures in Middle-Earth, cette fois avec le Rivendell Region Guide, transposition D&D5 du supplément Fondcombe pour L’Anneau Unique – et, à l’instar de son prédécesseur, ce supplément de contexte et de règles est intimement lié à un recueil de scénarios, en l’espèce Eriador Adventures, transposition des Vestiges du Nord, et j'y reviendrai plus tard.

 

Or j’avais chroniqué en leur temps ces deux suppléments de manière assez détaillée (surtout Les Vestiges du Nord, certes) – et les différences entre les deux gammes, système mis entre parenthèses car je ne me sentirais pas encore très bien de le critiquer de manière approfondie, ces différences donc ne justifient pas fondamentalement une « nouvelle » chronique, « nouvelle » de bout en bout. En fait de différences, il n’y a probablement que trois choses à mettre en avant : tout d’abord, un ajout, en toute fin de volume, avec un chapitre intitulé « A Barren and Pathless Country », addition très bienvenue visant à personnaliser les événements tirés sur les tables de voyage – en notant, c’est important, que les suggestions contenues dans ces pages prennent souvent Eriador Adventures pour base, et il faudra donc sans doute y revenir en traitant de cet autre supplément. Ensuite, en dehors de cet ajout, il nous faut relever au rang des différences deux « absences »… qui n’en sont en fait pas vraiment : en effet, si la culture héroïque des Rôdeurs du Nord ne figure pas dans ce supplément… c’est tout simplement qu’elle apparaissait dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth dès le Player’s Guide ! De même, les règles de création d’objets magiques, qui étaient un apport essentiel du supplément Fondcombe dans la gamme de L’Anneau Unique, sont ici à vue de nez moins détaillées ou inédites, pour la simple raison que le Loremaster’s Guide comprenait déjà un système développé à cet égard (ce qui ne suffit pas à régler totalement la question : les chapitres dédiés aux objets magiques et aux armes et armures légendaires dans le Rivendell Region Guide demeurent assez amples, car il faut traiter des règles sur les jets pour trouver des objets magiques, de celles sur les objets maudits, du principe de l’index et de son illustration…). Mais, pour tout le reste, c’est bien de transposition qu’il s’agit.

 

Le Rivendell Region Guide ne couvre pas que Fondcombe, bien sûr – la demeure cachée d’Elrond le Demi-Elfe est assurément un endroit important et même probablement crucial pour les héros, qui ne trouveront en principe guère d’autres sanctuaires dans le coin, mais le supplément couvre plus globalement l’Eriador oriental : nous avons franchi les Monts Brumeux qui marquaient la frontière occidentale de la gamme jusqu’alors, et envisageons désormais le pays qui s’étend à l’ouest jusqu’à Bree (cette ville et ses environs immédiats ne sont toutefois pas décrits ici, mais réservés pour un autre supplément, déjà sorti semble-t-il – quand je le lirai, ce sera la première fois que je me pencherai sur un supplément d’Adventures in Middle-Earth sans avoir lu au préalable « l’original » dans la gamme de L’Anneau Unique), au nord jusqu’aux Monts d’Angmar, et au sud jusqu’aux ruines de Tharbad.

 

Et il faut bien prendre en compte un aspect fondamental de la région ici dépeinte : elle est en fait bien plus « sauvage », incomparablement plus, que les Terres (pourtant dites) Sauvages à l’est des Monts Brumeux ; en effet, si la Forêt Noire au cœur de la région jusqu’ici dépeinte n’était certes guère propice à l’établissement des « Peuples Libres du Nord », l’Ombre y planant de nouveau et les araignées rôdant entre les arbres, on trouvait cependant çà et là des foyers de « civilisation » (certes, le terme est parfois un peu fort…) de part et d’autre – dans la vallée de l’Anduin à l’ouest et surtout, à l'est, dans les environs du Mont Solitaire, avec Dale et la Ville du Lac en redescendant vers le sud, non loin du Palais de Thranduil à la lisière nord-est de la Forêt Noire. La situation est tout autre dans l’Eriador oriental ; c’est bien simple : entre Bree à l’ouest et Fondcombe à l’est, il n’y a peu ou prou… rien. Aucun centre urbain de quelque taille que ce soit ; on évoque bien des fermes, voire des hameaux à l’occasion, mais, pour l’essentiel, nous sommes dans un désert ; et si les Rôdeurs du Nord, héritiers des Dúnedain, l’arpentent sans cesse, et éventuellement de même pour certains Hauts Elfes de Fondcombe, plus rares encore sans doute, le fait est que la région est on ne peut plus sauvage et dangereuse, tout sauf propice à l’établissement des hommes – ou du moins de ceux d’entre eux qui ne succombent pas à l’appel du Mordor… Mais même ces derniers ne peuvent véritablement être rattachés à des centres urbains de quelque importance que ce soit (on déconseillera cependant aux novices de s'aventurer en Angmar). La carte de la région est éloquente à cet égard, qui comprend plusieurs régions, et vastes encore, simplement appelées « terres désertes » (et dont on ne saura rien de plus) ; or les régions nommées et décrites dans le supplément ne sont guère plus peuplées… Si l’ensemble de la région n’est pas qualifié de « sauvage », à l’encontre de ce qui se produit à l’est des Monts Brumeux, c’est sans doute parce que cette zone géographique n’a pas toujours été ainsi : elle a abrité des civilisations importantes, les Elfes d’Eregion s’alliant (outre les Nains de la Moria) aux héritiers de Númenor ayant fondé le royaume d’Arnor, bien vite cependant scindé en trois royaumes concurrents, qui ont succombé progressivement. Les ruines sont partout dans le Nord… à condition de pouvoir les repérer, tant nombre d’entre elles, sous le poids des ans et des assauts des Orques et autres troupes du Roi-Sorcier d’Angmar, ont été peu ou prou réduites à néant. Et la défaite, au bout du compte, du chef des Nazgûl… n’y a en fait rien changé : l’Eriador oriental n’est plus que le reflet désert et déprimant d’une vaine gloire depuis longtemps oubliée… Et, aux araignées géantes de la Forêt Noire, qui formaient une part essentielle du bestiaire de la gamme antérieure pour compléter les inévitables Orques, répondent ici les Trolls, qui ont fait des régions les plus orientales de l’Eriador leur terrain de chasse, tandis que les morts-vivants, d’une espèce ou d’une autre, y abondent plus que partout ailleurs, des sinistres Hauts des Galgals aux inquiétants reliquats de l’Angmar…

 

C’est là la force indéniable et l'éventuelle faiblesse de ce cadre de jeu : il est superbement rendu dans ce supplément, qui met bien en valeur l’ambiance très particulière de cette région maudite ; mais c’est aussi un cadre très rude, plus sauvage encore que les Terres Sauvages, donc, qu’il peut être délicat de mettre en scène, et je suppose qu'il ne se montre pertinent qu’à la condition d’une adversité à la hauteur – même si, à la différence de Fondcombe, et probablement en raison du système D&D5 avec la progression des héros par niveaux, mais aussi, en face, les niveaux de challenge adaptables, etc., le Rivendell Region Guide n’avance pas explicitement que l’Eriador oriental devrait être réservé à des héros ayant déjà beaucoup de bagage (ce qui ressort particulièrement dans le traitement très distinct des « nouvelles » cultures héroïques dans les deux gammes : dans AiME, on pouvait jouer un Dúnedain dès le départ, et un Haut Elfe de Fondcombe « relativement jeune », à la suggestion de ce supplément cette fois, n’est pas absurdement plus puissant que tout autre personnage du même niveau).

 

Le cadre de jeu décrit dans ce supplément fait l’objet de deux chapitres constituant clairement son cœur. Le premier, portant sur l’histoire de l’Eriador, est remarquablement bien fait, d’une lecture passionnante et, en même temps, il transmet bien au lecteur le caractère passablement dépressif associé à la région. Tout au plus émettrais-je une très mesquine et pinailleuse remarque – en fait exactement la même que celle que j’avais formulée en chroniquant Fondcombe : outre la chronologie des événements passés, très bien faite, une autre, même très souple et guère détaillée, portant sur l’époque de jeu, aurait peut-être été utile – à moins certes de se contenter de dire qu'il ne se passe rien dans ce désert, mais ce serait tout de même un peu frustrant... C'est que l’écoulement du temps, dans la gamme, a une importance toute particulière, en collant au canon tolkiénien, et ce supplément précis semble qui plus est couvrir une période immédiatement postérieure à celle de la gamme des Terres Sauvages ; l’agitation de Sauron en témoigne, on aura l’occasion d’y revenir. On n'a pas besoin de quelque chose d'aussi détaillé que dans Mirkwood Campaign, hein ! Mais peut-être est-ce un faux problème et une critique infondée...

 

Le second, et le plus long, de ces chapitres de background, est donc géographique, et décrit l’Eriador oriental, zone par zone. Comme dit plus haut, il y a cependant des « Terres désertes » laissées absolument à la seule imagination du Gardien des Légendes, le cas échéant – ce que je trouve un brin regrettable, tout de même… Mais le reste est très bien fait, en donnant les informations utiles en matière de géographie générale, de faune, etc., et en décrivant aussi quelques « lieux » à visiter (ou à fuir comme la mort…) et des « rencontres » potentielles. Mais, concernant ces dernières, il faut noter une différence essentielle par rapport à la gamme antérieure et tout spécialement au « modèle » du présent supplément, le Rhovanion Region Guide : les PNJ de l’Eriador Oriental ne se contentent pas d’être beaucoup, beaucoup moins nombreux que ceux du Rhovanion (Fondcombe au sens strict étant bien sûr une exception), ils sont aussi incomparablement plus souvent des antagonistes, qu’il s’agisse d’Orques, de Trolls, de Wargs ou de morts-vivants ; les PNJ « positifs » sont vraiment très rares, une Elfe mélancolique ici, un Rôdeur bourru là, et un vieux débris excentrique entre les deux… C’est dans l’ordre des choses, au regard des caractères propres à cette région, mais c’est décidément une dimension sur laquelle il me paraît important d’insister.

 

Pour en finir avec le background pur, revenons brièvement sur le premier chapitre, « Imladris », et qui décrit donc la maison d’Elrond le Demi-Elfe – que l’on peut bien sûr croiser, de même qu’Arwen, etc. Le format est comparable à ce que l’on a déjà pu lire dans les précédents éléments de contexte de la gamme : on y trouve l’essentiel, et pas grand-chose de plus – les plans assez pointilleux de la demeure et de ses environs ne bénéficient du coup pas nécessairement de développements liés : au boulot, Gardien des Légendes ! C’était là un aspect que je regrettais en chroniquant Fondcombe, mais mon ressenti a évolué, et j’envisage aujourd’hui cette approche assez caractéristique d’un œil plus favorable. Ce chapitre a bien sûr des aspects techniques essentiels, liés à l’idée de faire de Fondcombe un sanctuaire (et, encore une fois, ils ne sont pas exactement nombreux dans cette région déserte…), ce qui autorise ensuite diverses entreprises de la phase de communauté spécifiques (consulter un maître du savoir – ce qui peut s’avérer utile notamment au regard des objets magiques, j’y reviendrai –, mais aussi composer une poésie…), outre la possibilité de faire de certains personnages des garants de poids – dont bien sûr Elrond lui-même, mais d’autres options peuvent être envisagées, comme celle liant les héros, non pas à un personnage unique, mais à une « association » des grands de ce monde, à savoir le Conseil Blanc.

 

Passons au chapitre « Evils of the North », qui est une sorte de « bestiaire amélioré », lié à la base au cadre de jeu de l’Eriador oriental (en y incluant nombre de PNJ antagonistes uniques, donc), mais dont les développements peuvent en fait se montrer utile dans d’autres cadres de jeu – d’une part en étoffant un peu un bestiaire relativement succinct jusqu’alors (qui combinait les éléments du Loremaster’s Guide et du Rhovanion Region Guide), en mettant l’accent surtout sur les Trolls et les morts-vivants, endémiques dans la région couverte mais que l’on peut éventuellement rencontrer ailleurs (à vrai dire, j’avais fait cette remarque concernant les morts-vivants en chroniquant le Loremaster’s Guide ; le chapitre se montre particulièrement détaillé les concernant, avec une typologie utile, des capacités propres, etc.) ; d’autres part en développant de nouvelles facultés, de nouveaux traits, destinés à produire des antagonistes « puissants », qu’il s’agisse de créatures uniques ou, et c’est là peut-être quelque chose de plus spécialement pertinent dans le système D&D5, de troupes pas moins puissantes en raison d’aptitudes propres et qui jouent régulièrement de la synergie. Et c’est bien fait : de quoi donner du challenge à ceux qui en veulent (j’avais noté des critiques de ce type sur le ouèbe, en chroniquant les précédents volumes de la gamme d’Adventures in Middle-Earth), mais sans déséquilibrer l’univers au seul motif d’abreuver les héros en équivalents simili-tolkiéniens de déités et demi-dieux à défoncer au marteau de guerre pour pexer comme des porcs. En fait, à tort ou à raison, ce chapitre me paraît plus « subtil » et adéquat que son équivalent dans Fondcombe.

 

Au plan technique, reste enfin deux sujets à traiter qui, là encore, dépassent le seul cadre de l’Eriador oriental. On trouve tout d’abord deux chapitres consacrés aux « objets magiques » (ou du moins de valeur), ainsi qu’aux armes et armures légendaires. Chroniquant Fondcombe, j’avais fait part de mon scepticisme au regard de cet intitulé, puis de mon enthousiasme après lecture – et c’est ce même sentiment qui domine aujourd’hui, en relevant cependant, donc, que le système ici décrit, s’il comprend nombre d’apports appréciables, est peut-être moins « exhaustif » que dans le supplément de L’Anneau Unique, dans la mesure où le Loremaster’s Guide comprenait déjà nombre d’éléments à ce propos. Mais, oui, c’est vraiment très bien fait : les auteurs ont su éviter le travers de l’artefact grobillesque, tout en offrant la possibilité au Gardien des Légendes de semer dans sa campagne des trésors d’un ordre à part, aux capacités éventuellement amusantes (et même « magiques »), mais pouvant aussi (surtout ?) jouer un rôle crucial dans l’histoire. Car on y insiste : si la méthode ici décrite, combinée à celle du Loremaster’s Guide, peut le cas échéant générer des objets magiques sur le pouce, ce n’est pas sans danger… et c’est même assez fortement déconseillé. Non, si la découverte de ces objets tiendra éventuellement du hasard (avec des règles simples sur les « jets de trésor »), ou à vrai dire d'un hasard un peu forcé par la prédestination (on y revient souvent), le MJ doit quant à lui créer au préalable un « index » directement approprié à sa campagne : y figureront de simples objets précieux, mais aussi des reliques merveilleuses (c’est-à-dire des objets « magiques » hors armes et armures) et des armes et armures fabuleuses, personnalisés pour qu’ils puissent servir la campagne en tombant dans les mains de qui en aura l’utilité, et par ailleurs dotés d’un nom et d’une histoire – détails en apparence, qui changent pourtant tout. Trois exemples d’index en témoignent, le premier approprié au cadre des Terres Sauvages (avec les personnages prétirés de ce cadre dans L’Anneau Unique comme dans Adventures in Middle-Earth), un autre adapté aux scénarios d’Eriador Adventures/Les Vestiges du Nord, et enfin un exemple sans doute plus parlant dans l’absolu, mon chouchou – portant sur la compagnie de Bilbo dans Le Hobbit. Mentionnons enfin qu’il se trouve des objets maudits, et que le rôle de la corruption dans l’acquisition et l’utilisation de ces merveilles s’inscrit là encore pleinement dans les concepts tolkiéniens.

 

Reste enfin un chapitre sur l’Œil du Mordor : Sauron se manifeste de plus en plus (d’autant que nous sommes en principe quelques années après le début de la campagne dans les Terres Sauvages, comme défini dans les suppléments antérieurs), et ce n’est pas sans incidences pour nos héros – quels qu’ils soient, d’ailleurs : ils peuvent attirer son attention, chose toujours dangereuse… D’où l’idée de tenir un compte de la Vigilance de l’Œil, fluctuante au gré des situations et incidents (dépendant par exemple du nombre de personnages de la compagnie, de leurs origines, de la région où ils se trouvent, de leur démonstration de facultés hors-normes voire « magiques »…) ; passé un certain seuil (car les héros peuvent se montrer précautionneux), il en résulte la Traque – qui n’est pas à prendre au pied de la lettre : bien sûr, il ne s’agit pas de faire systématiquement apparaître une bien opportune bande d’Orques de passage, mais bien plutôt, pour le MJ, de traduire d’une manière ou d’une autre une adversité plus forte – ou « pesante », ce mot me paraît très indiqué : plus que de confronter systématiquement les héros à tel ou tel combat ou obstacle, l’idée sera donc d’exprimer une « mauvaise volonté » de la nature elle-même à laisser faire les choses – évocatrice d'un sombre destin, s’acharnant tout particulièrement sur la communauté. À condition de prendre bien soin d’éviter les solutions de facilité, il y a sans doute là un bel outil d’ambiance – et qui, comme toujours dans cette gamme décidément subtile, s’avère parfaitement approprié à l’univers tolkiénien. Il faut toutefois prendre garde à ne pas rendre l’épreuve des PJ insurmontable avec ce genre de règle optionnelle ; mais avec des héros un peu aguerris, et un MJ qui fait preuve de souplesse, c’est sans doute tout à fait pertinent.

 

Un bon supplément, donc – voire très bon ; même si à manier avec quelques précautions. Il comprend un cadre aussi fascinant que rude, et des éléments techniques ou de background pouvant changer la perspective du jeu – d’où la nécessité de prendre bien garde à ce que l’on en fait.

 

Prochain épisode, le supplément jumeau de celui-ci : Eriador Adventures, transposition des Vestiges du Nord. À un de ces jours…

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Adventures in Middle-Earth : Mirkwood Campaign

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Mirkwood Campaign

Adventures in Middle-Earth : Mirkwood Campaign, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 144 p.

Retour à la gamme d’Adventures in Middle-Earth, avec Mirkwood Campaign. Comme pour le Rhovanion Region Guide et Wilderland Adventures précédemment, il s’agit d’une transposition (presque mot pour mot, si le système diffère, et si l’on trouve en annexe un bref complément inédit sur les événements de voyage adaptés à certains backgrounds, qui ne m'a pas convaincu plus que ça), une transposition disais-je d’un supplément de la gamme de L’Anneau Unique, en l’espèce Ténèbres sur la Forêt Noire – une campagne, ou un squelette de campagne, qui se déroule sur trente années... Et, même si je ne vais pas rentrer dans les détails, quelques SPOILERS sont à craindre : alors ouste les joueurs !

 

Trente années, donc – plus précisément, la campagne se déroule entre les années 2947 et 2977 du Troisième Âge, et se situe intégralement dans les Terres Sauvages, si pas toujours dans la Forêt Noire. Le Rhovanion Region Guide est peu ou prou indispensable pour mener cette campagne, non seulement parce que certains lieux et personnages y sont décrits qui y jouent un rôle parfois crucial sans qu'ils soient détaillés plus avant dans le présent supplément, mais aussi, j’y reviendrai, parce que le MJ sera probablement amené à développer des épisodes de son cru pour faire le liant.

 

Quoi qu’il en soit, la campagne compte parmi ses principaux atouts une ambiance remarquable, parfaitement adaptée à l’univers tolkiénien, et qui parvient à se montrer à la fois farouchement épique… et foncièrement déprimante. Et c’est un aspect à prendre en compte, tout particulièrement si vos joueurs, sur un mode donjonnesque plus classique, s’attendent à voir leurs héros surpuissants vaincre le Mal. Les PJ seront bien les héros de cette aventure, aucun doute à ce sujet, mais, aussi brillants et courageux soient-ils, ils ne parviendront pas à triompher de leurs ennemis – ils ne seront pas ceux qui vaincront l’Ombre, cette tâche appartiendra à une certaine Communauté un demi-siècle après la fin de cette aventure ; ils pourront, cependant, retarder un peu la domination de l’Ombre, ou la contenir pour un temps – et il faudra leur faire sentir combien c’est déjà quelque chose d’énorme et de digne des plus grands héros.

 

Maintenant, dans tous les cas, comme le titre de la campagne dans la gamme de L’Anneau Unique l’exprime plus ouvertement que cette transposition D&D5, les ténèbres s’abattront sur la Forêt Noire, sous la forme de trois Nazgûl que Sauron, préparant son retour en Mordor, dépêche pour rebâtir Dol Guldur et affecter les Peuples Libres du Nord dans leur ensemble, devenus trop confiants depuis la mort de Smaug et la Bataille des Cinq Armées. Les esprits maléfiques sauront user de toutes leurs ressources pour accomplir cette funeste mission – incluant des alliés puissants, comme le Loup-Garou et le Dragon de la Forêt Noire, ou la progéniture d’Arachne, mais aussi en tablant sur les faiblesses et la mesquinerie des hommes, des elfes et des nains, la corruption qui ronge leurs cœurs, la jalousie et l’arrogance qui leur font prendre les pires décisions, leur refus obstiné d’envisager le tableau dans son ensemble pour s’en tenir à la pureté illusoire et bien précaire de leurs îlots culturels plus ou moins solidement fortifiés… Oui, les ténèbres s’abattent une fois de plus sur la Forêt Noire, et les personnages seront aux premières loges pour le constater.

 

Plus précisément, ils seront amenés à prendre part à de nombreux événements tournant autour des Hommes des Bois des Terres Sauvages, le sort de ces derniers étant au cœur de la campagne ; et, d’une manière ou d’une autre, ce destin sera tragique : passé ces trente années, les Hommes des Bois ne seront plus en tant que tels – et leur sort affectera considérablement d’autres communautés des Peuples Libres du Nord, tout spécialement les Béornides et les Elfes Sylvains. Mais les personnages sont censés intervenir dans cette affaire, à plusieurs reprises, et de manière éventuellement déterminante : il est très recommandé, à vrai dire, qu’un au moins des PJ soit un Homme (ou une Femme…) des Bois, afin, non seulement de l’impliquer plus personnellement dans cette histoire, mais aussi de lui donner un levier, des possibilités d’action, qui seraient moins justifiables pour des personnages issus d’autres cultures héroïques – cela dit, on peut, concernant ces derniers, jouer sur les titres : « Ami des Hommes des Bois », ce genre de choses ; maintenant, l’implication n’est probablement pas aussi forte, et un PJ Homme des Bois est donc très bienvenu voire nécessaire. Car ces personnages pourront ainsi participer aux assemblées des Hommes des Bois, qui, au fil de ces trente années, auront bien des questions compliquées à régler – et, à cet égard, même si on reste dans une ambiance tolkiénienne (et qui plus est rustique et/ou martiale) bien éloignée des politicailleries machiavéliques du « Trône de Fer », dilemmes, alliances de circonstances et trahisons inéluctables seront de la partie, qui scelleront, en bien ou en mal, le destin de communautés spécifiques d’abord, celui de la culture héroïque dans son ensemble à terme – et c’est vraiment très bien fait, très bien écrit, avec là encore une ambiance travaillée et tout à fait remarquable.

 

Maintenant, le tragique destin des Hommes des Bois ne relève bien sûr pas que de la parlotte, loin de là, et des héros sont requis pour repousser des menaces autrement concrètes. Ce gros fil rouge de la campagne est en fait constitué de multiples fils rouges qui constituent autant de trames en tant que tels : des morts-vivants s’en prennent aux Hommes des Bois de la Brèche Est, dont le statut est encore à définir ; à l’ouest, les Filles de la Rivière elles-mêmes peuvent succomber à la corruption ; et, surtout, le Loup-Garou de la Forêt Noire, peu ou prou intuable, multiplie les massacres… en même temps qu’il envenime les rapports entre les Hommes des Bois et les Elfes Sylvains, notamment quand on découvre la véritable nature de la Lampe de Balthi. En fin de compte, cette lampe jouera un peu le rôle d’un ersatz (approprié) de l’Anneau Unique dans cette campagne – la fin de celle-ci sera largement déterminée par la décision des joueurs quant à ce qu’il faut faire de cet artefact. Dans tous les cas, la conclusion sera on ne peut plus épique : un assaut guerrier perdu d’avance mais pas moins stimulant et éventuellement à même de porter des fruits malgré tout, ou la fuite vers Fondcombe… et éventuellement un autre théâtre de jeu dans l’Eriador (j’avais déjà chroniqué les suppléments pour L’Anneau Unique qu’étaient Fondcombe et Les Vestiges du Nord, je reviendrai si nécessaire sur leurs transpositions pour Adventures in Middle-Earth, à savoir Rivendell Region Guide et Eriador Adventures).

 

Voici pour les grandes lignes. Quelques mots maintenant sur la forme de ce supplément, avec quelques vagues données techniques le cas échéant. Et, d’ores et déjà, on peut relever que, dans les termes de D&D5, la campagne s’adresse à des PJ de niveau 5 au départ et qui devraient avoir atteint au moins le niveau 15 au moment du dernier scénario ; le fait que la campagne débute avec des personnages de niveau 5 incite à jouer un prologue plus ou moins développé – le cas échéant, la petite campagne de Wilderland Adventures peut tout à fait remplir ce rôle (même si je suppose que le tout début de Mirkwood Campaign pourra paraître un peu mou après les ultimes confrontations entre les PJ et le Roi au Gibet).

 

La campagne se déroule donc sur trente ans (2947-2977 T.A.), et chaque année se voit attribuer son scénario, avec phase d’aventure et phase de communauté – même si ces trente années sont regroupées en cinq périodes plus vastes qui témoignent de ce que l’Ombre s’abat toujours davantage sur la Forêt Noire.

 

Maintenant, la maigre épaisseur de ce supplément, d’autant plus s’il est censé couvrir trente années de jeu et comprendre trente scénarios, trahit d’emblée son caractère quelque peu « squelettique » : Mirkwood Campaign n’est absolument pas une campagne « clef en main » (si ce n’est pas un bac à sable non plus), plutôt un squelette de campagne, oui, et les trente « scénarios » la composant ne sont le plus souvent que des synopsis. Cela dit, le supplément est plutôt varié à cet égard : certains de ces épisodes sont assez développés, avec des personnages, des lieux et des événements approfondis, quand d’autres affichent frontalement leur caractère de synopsis (par exemple, pour ce qui est de l’an 2970, la phase d’aventure se contente peu ou prou de dire : « Les PJ chassent le Dragon de la Forêt Noire », et, pour les détails, il faudra repasser, il n’y a absolument rien concernant l’environnement, le comportement du monstre, etc.) ; et, pour certaines années, le « scénario » ne consiste en fait qu’en une simple rencontre de passage avec tel ou tel PNJ, n’impliquant pas vraiment d’action, etc., et qui ne durera probablement pas le temps d'une séance de jeu complète. Pour le coup, la campagne se montre assez diverse, oui, tout en demeurant essentiellement cohérente.

 

Certains épisodes ne constituent donc pas vraiment des aventures – et c’est normal : c’est au MJ de boucher les trous avec des scénarios de son cru. Le supplément n’en fait pas mystère : on ne peut pas se contenter d’enchaîner les années dans ces circonstances, il faut y mettre un peu de gras, et de personnel. Ici plus que jamais, le Rhovanion Region Guide est un outil indispensable, permettant au MJ d’étoffer le squelette de campagne sans quitter l’environnement de jeu – mais en prenant quelques précautions : dans Mirkwood Campaign, tel geste ici, telle parole là, peuvent avoir des répercussions cruciales des années voire des décennies plus tard – il faut donc s’assurer que l’on ne dispose pas avec trop de liberté d’un PNJ ou d’un lieu importants pour la campagne. Cette dimension de la campagne est aussi enthousiasmante… qu’intimidante, tout particulièrement en ce qui me concerne : quand je dispose d’un cadre de jeu aussi riche, et que je sors des scénarios du commerce, j’ai une fâcheuse tendance à trop me disperser, au point de me perdre et de rendre l’ensemble injouable… Dans la perspective de maîtriser Mirkwood Campaign, il me faudra, si j’ose dire aha, apprendre à me maîtriser moi-même, à me discipliner….

 

Mais cet effort personnel bien compris est un moyen de choix pour rendre l’épopée de Mirkwood Campaign plus enrichissante et stimulante pour tous – notamment en ce qu’il s’agit d’accentuer l’implication des PJ : pour que la campagne fonctionne, ils doivent nouer des liens, et si possible plus émotionnels qu’utilitaires, avec des personnages et des lieux de la campagne – de sorte que le personnage souffre dans sa chair quand sa communauté se fait attaquer, ou quand un ami succombe à la peste ; ceci étant, à ces extrêmes de noirceur, il faut probablement opposer aussi des moments plus lumineux et qui impliquent tout autant (la campagne incite à jouer à fond de l’opposition entre les ténèbres et la lumière, et je suppose que ça en fait partie) : ici une fête qui ressoude les liens dans la communauté, là un mariage ou la naissance d’un enfant… C’est d’autant plus important que nous parlons d’une histoire se déroulant sur trente années – et tous les aventuriers ne comptent pas persévérer dans leur fonction sur une aussi longue période ; à vrai dire, les chances pour que le groupe des aventuriers de 2947 et celui des aventuriers de 2977 coïncident parfaitement, sont assez limitées ; la mort au combat n'étant pas seule en cause, mais tout autant la progression inéluctable de la corruption... ou tout simplement la vieillesse qui incite à se poser enfin quelque part. La désignation d’un héritier peut constituer un ressort narratif utile, qui permet de relancer l’aventure. Et la campagne incite à jouer de tout cela. Elle propose d’ailleurs un système très simple permettant aux PJ de gérer leurs « domaines », qui ne sont pas nécessairement fonciers même s’ils le sont souvent ; il ne faut certainement pas y voir un moyen d’accumuler de la fortune, mais un moyen d’ancrer les personnages dans leurs communautés respectives, de les impliquer personnellement et émotionnellement. Mais, au-delà des seuls domaines, il est donc sans doute très important que les personnages nouent des liens autres que purement utilitaires avec tel ou tel personnage, etc. – c’est une affaire d’immersion, et la campagne n’en sera que plus forte.

 

Et l’immersion passe par un autre aspect très important de Mirkwood Campaign, et qui m’intéresse tout particulièrement : le sentiment nécessaire que le monde évolue en dehors des seules actions des personnages. Pour chaque année, la première entrée liste un certain nombre d’événements – et, dans certains cas, le bref paragraphe dédié à la phase de communauté à la fin de chaque année en comprend quelques autres, ne serait-ce que des indications d’ordre climatique (avec leur impact éventuel sur les domaines). Les PJ doivent pouvoir y avoir accès ; il ne faut probablement pas tout leur dire, et certainement pas en bloc au travers d’un artifice de narration gros et lourd comme un blogueur rôliste, mais certaines au moins de ces informations doivent atteindre les PJ, des informations qui leur permettent de se faire une vague idée (je suppose qu’elle doit demeurer un peu vague) de ce qui se produit ailleurs. À vrai dire, cette approche peut être employée également pour informer les PJ d’événements auxquels ils auraient pu prendre part, quand la tournure de la campagne en a décidé autrement : les PJ ne sont pas forcément supposés jouer tous les trente « scénarios » de Mirkwood Campaign – parfois, pour des raisons de cohérence ou de dynamique interne, mieux vaut faire l’impasse sur tel épisode, quand ses implications ne sont pas trop bouleversantes ; à moins justement de jouer sur ce qu’elles peuvent avoir de bouleversant à terme pour affecter les PJ et renforcer leur sentiment d’immersion, tout en leur offrant la possibilité de s’intéresser davantage, mettons, à tel coin de la Forêt Noire qui n’avait pas plus que ça retenu leur attention jusqu’alors (une méthode dont je suppose qu’elle pourrait se montrer tout particulièrement utile concernant le Royaume Sylvestre, surtout bien sûr s’il n’y a pas d’Elfe dans le groupe…).

 

Tout cela rend cette campagne un peu intimidante parfois, souvent enthousiasmante en tout cas, bien conçue et bénéficiant d’une ambiance remarquable. J’ajouterai pour conclure que ce supplément est, une fois de plus, et peut-être plus encore que ses prédécesseurs, très bien écrit, vraiment très agréable à lire – les illustrations de qualité renforçant encore le plaisir du lecteur.

 

J’aurais juste un tout petit bémol à cet égard : je regrette un peu que le supplément ne comprenne pas vraiment de cartes spécifiques, ou de plans de tel ou tel lieu (éventuellement des bons vieux donjons des familles, même s’ils sont rares) ; une mise à jour de Ténèbres sur la Forêt Noire à cet égard aurait pu se montrer utile, ou en tout cas bienvenue.

 

Ce léger regret mis à part, Mirkwood Campaign est un supplément de grande qualité, et j’espère pouvoir maîtriser cette campagne, ou commencer à le faire en tout cas, d’ici quelques mois. À suivre, donc – même si d’ici-là je vais poursuivre l’exploration de la gamme, tout d’abord avec le Rivendell Region Guide (je verrai cependant si en livrer une chronique, ainsi que d’Eriador Adventures, sera pertinent ou pas, car je m’étais déjà montré très bavard concernant Fondcombe et Les Vestiges du Nord pour L’Anneau Unique).

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CR Barbarians of Lemuria : Un ennui mortel (02)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Un ennui mortel (02)

Deuxième et dernière séance du scénario « Un ennui mortel », pour Barbarians of Lemuria, dont vous trouverez la première séance ici. Il est dû à Lionel Beaupère, et figure dans le supplément Chroniques lémuriennes, pp. 28-41.

 

L’illustration en tête d’article provient de ce scénario (p. 37), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, pour évoquer quelque chose de l’ambiance du Khanat, j’ai fait appel, notamment, au morceau « Wolf Totem » de The Hu, ainsi qu’aux morceaux de Yat-Kha « Solun chaagai sovet churtum », « Karangailyg kara hovaa (Dyngyldai) » et « Kaa khem », figurant tous trois sur l’album Yenisei Punk. Autrement, j’ai eu recours aux morceaux de Lustmord « Aldebaran of the Hyades » (sur l’album The Place Where the Black Stars Hang) et « Babel » (sur l’album The Word as Power) ; aux morceaux « Final Insult » de T.G.V.T. et « The Awakening » de Nightmare Lodge, tous deux sur la compilation Ant-Hology marquant le cinquième anniversaire du label Ant-Zen ; ainsi qu’au « Main Theme » de la bande originale signée Goblin de Dawn of the Dead (ou, plus exactement, à « L’Alba dei Morti Viventi », bande originale du film Zombie de George A. Romero, dans son montage européen supervisé par Dario Argento) ; et enfin à la bande originale du jeu vidéo Darkest Dungeon. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Il y avait six joueurs, qui avaient déjà participé aux premiers scénarios, à savoir « Mariage amer » et « Les Larmes de Jouvence ». Ils incarnaient Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 2 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 3) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 3 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 1).

 

Et voici donc l’enregistrement de cette séance :

Nous jouerons un autre scénario officiel dans les semaines qui viennent, j’ai mon idée là-dessus. Et donc :

 

À suivre…

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CR Barbarians of Lemuria : Un ennui mortel (01)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Un ennui mortel (01)

Je ne suis plus en mesure de rédiger et enregistrer les comptes rendus de parties, cela me prend beaucoup trop de temps, me demande beaucoup trop d'efforts… Mais je vais continuer de diffuser les enregistrements tant que c’est possible.

 

Et donc, première séance du scénario « Un ennui mortel », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Lionel Beaupère, et figure dans le supplément Chroniques lémuriennes, pp. 28-41.

 

L’illustration en tête d’article provient de ce scénario (p. 33), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, pour évoquer quelque chose de l’ambiance du Khanat, j’ai fait appel, notamment, au morceau « Wolf Totem » de The Hu, ainsi qu’aux morceaux de Yat-Kha « Solun chaagai sovet churtum », « Karangailyg kara hovaa (Dyngyldai) » et « Kaa khem », figurant tous trois sur l’album Yenisei Punk. Autrement, j’ai eu recours aux morceaux « bassAliens » et « Decay2 [Nihil’s Maw] » de Sunn O))) (sur l’album White2), « Aldebaran of the Hyades » de Lustmord (sur l’album The Place Where the Black Stars Hang) et « Translation » de Biosphere (sur l’album Autour de la Lune), et enfin à la bande originale du jeu vidéo Darkest Dungeon. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Il y avait six joueurs, qui avaient déjà participé aux premiers scénarios, à savoir « Mariage amer » et « Les Larmes de Jouvence ». Ils incarnaient Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 2 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 3) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 3 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 1).


Et voici donc l’enregistrement de cette première séance :

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Adventures in Middle-Earth : Wilderland Adventures

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Wilderland Adventures

Adventures in Middle-Earth : Wilderland Adventures, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 159 p.

PROLOGUE

 

Où l’on poursuit l’exploration de la gamme Adventures in Middle-Earth, avec cette fois Wilderland Adventures, un recueil de sept scénarios destinés à des PJ de niveau 1 à 6 approximativement, et qui peuvent être joués isolément, ou bien être liés pour former une petite campagne (les trois premières aventures sont plutôt conçues comme indépendantes, le liant se développe surtout par la suite). Cette petite campagne peut à son tour se muer en un prologue pour la grosse campagne à suivre, Ténèbres sur la Forêt Noire ou Mirkwood Campaign.

 

Car, oui, à ce stade, comme noté précédemment concernant le Rhovanion Region Guide, la gamme Adventures in Middle-Earth consiste en transpositions pures et simples de la gamme de L’Anneau Unique : en l’espèce, Wilderland Adventures est l’équivalent pour AiME des Contes et légendes des Terres Sauvages – que j’avais lu il y a bien longtemps, mais pour en pondre une chronique salement creuse

 

Bon, bref, il ne faut donc pas s’attendre à du contenu inédit, l’essentiel des modifications renvoyant à la seule mécanique du jeu. Je relève cependant un apport vraiment très intéressant : des tables d’événements de voyage adaptées à chacun des sept scénarios – et ça c’est super bien !

 

Au rang technique, au passage, une autre bonne idée doit être mentionnée : on trouve ici, comme dans les scénarios lus ultérieurement, des suggestions pour gérer l’expérience en dehors des seuls combats – le Loremaster’s Guide demeurait invraisemblablement muet à cet égard, mais les aventures semblent avoir comblé utilement cette défaillance inexplicable.

 

Bien, voyons maintenant ce qu’il y a sous le capot… Attention : je ne vais certes pas décrire les scénarios par le menu, je ne vais pas « raconter l’histoire », mais, en relevant tel ou tel point dans le cadre de cette chronique, je vais très probablement balancer quelques SPOILERS çà et là. Adonc, joueurs, ne lisez pas au-delà !

DON’T LEAVE THE PATH

 

J’ai indirectement évoqué le premier scénario, « Don’t Leave the Path », en traitant du scénario d’introduction Eaves of Mirkwood – en effet, tous deux remplissent d’une certaine manière la même fonction de « petit bain » dans les Terres Sauvages et notamment la Forêt Noire, et présentent aussi bien des atouts que des inconvénients. Je tends décidément à croire que bricoler une synthèse des deux serait l’approche la plus pertinente – permettant de rééquilibrer les choses, de ne conserver que les atouts des deux aventures, même si c’est probablement l’essence de « Don’t Leave the Path » qui doit l’emporter, le contenu d’Eaves of Mirkwood étant moins décisif et pouvant demeurer optionnel.

 

Reste que, sur le papier, « Don’t Leave the Path » n’est à première vue pas très enthousiasmant : cette première (et c’est un souci…) traversée de la Forêt Noire repose à la base sur une implication défaillante (on tombe sur un marchand et on décide aussitôt de l’escorter de l’autre côté du petit bosquet, tranquille), puis enchaîne les événements sans queue ni tête, jusqu’à ce que, hop, on soit de l’autre côté. Pris indépendamment, les événements successifs peuvent être chouettes, s’ils ne brillent pas par l’originalité (j’aurais cependant un bémol pour le plus ou moins passe-droit accordé d’emblée aux PJ au regard du Royaume Sylvestre et même du Palais de Thranduil, ça ne me paraît pas du tout dans le ton, et vraiment pas approprié, d’autant plus pour des personnages débutants) ; mais l’enchaînement des séquences est donc à son tour un peu défaillant.

 

Et puis, à tout prendre, je tends à croire que ce premier voyage ferait plus de sens d’ouest en est (enfin, ça dépend des origines des PJ, bien sûr…). Car son véritable objet (ou pas ; disons dans la perspective d'un prologue à Ténèbres sur la Forêt Noire/Mirkwood Campaignest d’introduire les personnages aux spécificités de l’inquiétante Forêt Noire, et la proclamation de Bard peut jouer un rôle moteur un peu plus convaincant que la rencontre par hasard d’un marchand (ce qui est suggéré partout, mais notamment dans Eaves of Mirkwood) ; quoi qu’il en soit, cette traversée, car primordiale, doit être mémorable – et influer sur le ressenti ultérieur des personnages à chaque fois qu’ils s’enfonceront dans les bois.

 

Qu’importe si les PJ se trouvent donc, en fin de scénario, du côté d’Esgaroth ou de Dale, là où le scénario suivant de Wilderland Adventures débute dans la vallée de l’Anduin – on s’adapte, et ce ne sera certainement pas la dernière fois dans la campagne étendue ; par ailleurs, si on a joué Eaves of Mirkwood avant (ou avec…) « Don’t Leave the Path », avec les gestes adéquats, Rowanhold peut jouer le rôle d’un sanctuaire à l’ouest adapté pour reprendre en main le fil du récit.

 

Un scénario à travailler, donc (là où les suivants se montreront d’emblée plus solides) – mais on lui reconnaîtra un joli travail sur l’ambiance de la Forêt Noire, qu’il s’agit de faire ressortir plus particulièrement en arrangeant un récit un peu moins cousu de fil blanc.

 

OF LEAVES & STEWED HOBBIT

 

Le deuxième scénario, « Of Leaves & Stewed Hobbit », est a priori bien plus enthousiasmant, car inventif et singulier – éventuellement drôle, aussi, même s’il peut s’avérer dangereux ; il demande donc une attention particulière du MJ en termes d’ambiance et de narration, car son objet est de livrer des scènes un peu entre-deux-eaux, où la matière plutôt légère du roman Le Hobbit doit en principe l’emporter, mais en prenant en compte que les PJ seront néanmoins submergés par les gobelins, dans leurs inquiétants tunnels et dans une ruine à proximité du Haut Col – un pas de côté et ça présente le risque de devenir une tuerie d’autant plus malvenue que l’aventure s’adresse à des personnages de bas niveau (2 ou 3 en théorie).

 

Et, honnêtement, le comportement à adopter dans les tunnels n’a rien de si évident – il n’y en a pas 36 000, hein, mais ça ne coule pas de source quand même, surtout si les joueurs se verraient bien faire dans le Donj’ bastonneux. La scène est à mûrir, et il faudra éventuellement songer à trouver comment aiguillonner les joueurs dans telle ou telle direction, sans bien sûr les priver de leur liberté et de leur mainmise sur les événements – ce qui n’est jamais évident.

 

Ces mises en garde bien intégrées, oui, ce scénario est assez enthousiasmant – et il introduit par ailleurs une chouette idée qui pourra se montrer utile dans la suite des opérations, avec cette auberge tenue par un hobbit dans les Terres Sauvages, typiquement l’endroit incongru et attachant où les personnages seront tentés de faire halte lors de leurs excursions dans la région. À vrai dire, plus particulièrement dans la perspective de Ténèbres sur la Forêt Noire/Mirkwood Campaign, où de tels endroits sont cruciaux mais aussi menacés à terme, il serait très profitable qu’ils s’y attachent bel et bien, comme à un sanctuaire mais doté d’un surplus d’implication émotionnelle, renvoyant pour le coup davantage aux sentiments associés au pays natal (un personnage hobbit y sera probablement plus sensible encore – c’est loin, la Comté…) ; en fait, le genre d’endroits pour lequel on se bat… et dont la perte éventuelle suscitera regrets et colère ou dépit. Par-fait !

KINSTRIFE & DARK TIDINGS

 

Avec le troisième scénario, « Kinstrife & Dark Tidings », la qualité augmente encore d’un cran. Ce qui n’a rien d’évident à la base, car l’idée fondatrice du scénario est somme toute très banale (encore que pas forcément dans ce cadre : l’enquête policière n’est probablement pas un genre instinctivement associé à la Terre du Milieu…), mais une écriture habile et de très bonnes idées en sus çà et là en font une vraie réussite.

 

Et ce en dépit d’une implication là encore un peu molle, peut-être – cela dit, elle a au moins pour mérite de permettre aux PJ de rencontrer un des grands de ce monde, Beorn, qui pourrait devenir un garant de poids (surtout sous sa forme d’ours, eh). Quoi qu’il en soit, les PJ sont chargés de mettre la main sur un prisonnier évadé, un meurtrier, pour le conduire à son procès ; mais ils découvriront que le mauvais élément, pas intrinsèquement mauvais finalement, a cependant été amené à fréquenter une bande de brigands…

 

Sur cette base relativement commune, le scénario emporte l’adhésion du fait de plusieurs bonnes idées. La première porte sur l’incertitude quant aux événements qui se sont produits et se sont soldés par le meurtre. Le scénario fournit divers éléments au MJ pour qu’il décide de ce qui s’est passé au juste, plutôt que de lui imposer un récit figé. Mais, surtout, ensuite, il confronte les PJ aux rumeurs quant aux personnages impliqués et à ce qui s’est produit exactement – l’enquête n’est pas compliquée par le manque d’informations, ou pas seulement, mais par un trop-plein dans lequel il n’est pas facile de trier le bon grain de l’ivraie. On n’est pas obligé d’aller jusqu’au Rashômon, hein, de toute évidence, mais c’est bien vu.

 

Et il importe bel et bien de faire ressortir d’une manière ou d’une autre l’ambiguïté de la situation. On présente souvent l’univers tolkiénien comme manichéen – et il l’est au sens où le bien absolu et le mal absolu sont des réalités incontestables, et en lutte. Mais ces absolus sont l’apanage de personnages hors-normes, le plus souvent – pour le quidam, une Terre du Milieu en nuances de gris n’est pas si incongrue, outre que tout acte ou toute parole ne se classe pas si aisément au prisme d’une lecture morale exclusive de toute autre considération. Ici, en l’espèce, les PJ sont invités à participer en dernier ressort au procès du meurtrier, et c’est un très bon moment pour mettre en avant que, entre autres choses, le droit et la morale ne coïncident pas toujours, et ne sont par ailleurs pas universels – en confrontant les héros à des mœurs, des traditions, à mille lieues de celles des joueurs : c’est le moment ou jamais de jouer à l’anthropologue avec les us et coutumes des Béornides et des Hommes des Bois. Là encore, nul besoin de pousser les choses au point de la théorisation un peu absurde et mal-de-crânesque, mais il y a assurément de quoi susciter une belle scène de roleplay, riche et complexe, sur la base de ce procès géré avec le système des audiences.

 

Mais ce scénario va au-delà de cette seule dimension policière et judiciaire, bien sûr – dans la confrontation des PJ à la bande de brigands : c’est qu’il s’agit de ramener le meurtrier, avant de le juger ! En même temps que de se débarrasser des fauteurs de troubles... Les options sont nombreuses, et incluent de la stratégie à plus ou moins long terme, avec une belle bataille précédant le procès, et pouvant décider de son cours…

 

Oui, vraiment un très bon scénario – et je le dis d’autant plus volontiers que je n’y croyais pas vraiment à la base.

THOSE WHO TARRY NO LONGER

 

Ces trois premiers scénarios, on le voit, sont largement indépendants, même s’ils fournissent quelques occasions de semer des indices, et de travailler des ambiances ou des thèmes, qui pourront se montrer utiles par la suite. Avec le quatrième scénario, « Those Who Tarry No Longer », les choses commencent à prendre une tout autre tournure, plus liée mais aussi plus « macro », l’armature encore à peine esquissée d’une petite campagne, donc.

 

On retrouve cependant ici ce classique problème d’implication… À la lisière ouest de la Forêt Noire, les PJ rencontrent un groupe d’elfes – incluant en guest-star Legolas, allons bon. Ils accompagnent une des leurs, une Noldor qui a vécu les éléments du Silmarillion, mais qui succombe enfin, après bien des millénaires, à l’appel de la mer, et se rend donc aux Havres Gris. Et là, pour une raison passablement mystérieuse, ladite dame et Legolas décident de confier aux PJ la tâche de l’accompagner seuls dans les Monts Brumeux, là où des envoyés d’Elrond doivent prendre le relais ! Euh… On a quand même du mal à s’expliquer une chose pareille...

 

La suite immédiate du scénario n’est pas moins périlleuse à maîtriser – avec notamment une intervention plus deus ex machina que jamais des aigles, dont c’est certes le rôle, à ce qu’il semblerait, dans l’univers tolkiénien (des mèmes le disent). Surtout, en chemin, il faudrait idéalement trouver à véhiculer auprès des joueurs la nostalgie vaguement déprimée de la vieille dame, et, en même temps, l’émerveillement qui doit toujours accompagner les échos des temps jadis – elle a tout vécu, hein, tout ! C'est le moment de balancer du lore tolkiénien. Avec de l’application et une table bien disposée, ça peut être absolument génial – mais le risque de sombrer dans la balourdise ennuyeuse est non négligeable…

 

Cependant, le jeu en vaut la chandelle, parce que la dernière partie du scénario est vraiment splendide – ceci alors même qu’elle joue d’un effet relativement banal et souvent casse-gueule : le rêve. Tandis que la dame elfe est assaillie par un premier avatar du grand méchant de cette campagne, un spectre appelé le Roi au Gibet, les PJ se retrouvent attirés dans leurs rêves et cauchemars, qui consistent en même temps en une sorte de voyage dans le temps : ils se retrouvent plusieurs siècles plus tôt, et subissent ainsi de plein fouet la menace de l’Ombre quand elle se révèle dans toute sa puissance – et les PJ vivront ainsi, à l’instar de leurs ancêtres, des événements horriblement traumatisants. C’est aussi en cela, et pas seulement au regard de l’apparition du Roi au Gibet, que ce scénario, vraiment très bien écrit, est plus « macro » que tout ce que nous avons lu jusqu’alors – et ça en fait vraiment, vraiment, un prologue idéal, ou une partie de prologue, pour Ténèbres sur la Forêt Noire/Mirkwood Campaign.

 

Excellent, en définitive !

A DARKNESS IN THE MARSHES

 

Après quoi « A Darkness in the Marshes » ramène la menace au présent – ce qui éclaire sous un autre jour plusieurs des événements antérieurs. Et le caractère global de cette menace est mis en avant par la personnalité qui amène les PJ à se pencher sur la question : tout bonnement Radagast le Brun. Mais l’enquête aura lieu de l’autre côté de l’Anduin par rapport à Rhosgobel – les personnages devront se rendre à Castel-Pic, qui fait face à certaines difficultés dues notamment à une présence gobeline toujours plus importante dans la région. La source de la menace sera identifiée comme étant le Dwimmerhorn, une forteresse difficile à dénicher, quelque part dans les Champs d’Iris. Là-bas, orques et mauvais hommes esclavagistes constituent une armée au service du Roi au Gibet – cette ombre à peine entraperçue dans le scénario précédent, mais qui, elle aussi, devient de plus en plus concrète…

 

Seulement… Eh bien, le Dwimmerhorn est une forteresse : les PJ ne peuvent certes pas espérer mener l’assaut à eux seuls et en triompher. Ils ont été envoyés en repérage, et il s’agit donc pour eux de pénétrer la forteresse et d’y dénicher des informations utiles – incluant probablement la nature du Roi au Gibet. Mais l’infiltration est périlleuse, et, à terme, il y a fort à parier qu’ils seront repérés...

 

Le scénario bifurquera alors vers une phase plus épique, une longue course-poursuite sur plusieurs jours, avec un système capitalisant sur les échecs comme sur les réussites antérieurs. Le système de voyage est ainsi subverti par la marche forcée, avec des éléments de règles adéquats. C’est bien pensé, ça a l’air très chouette, et potentiellement très flippant !

 

Enfin, ce scénario s’achève sur un ultime coup de théâtre, car la menace du Roi au Gibet prend des formes bien différentes : la trahison est une arme de choix, outre les masses d’orques prêts au combat…

 

Un très chouette scénario, varié, cohérent pourtant, palpitant. Pris indépendamment (j’insiste – j’entends par-là en choisissant de ne pas jouer le recueil comme une campagne), je pense que c’est celui qui tient le plus la route, celui qui fonctionne le mieux, dans toutes ces Wilderland Adventures.

THE CROSSINGS OF CELDUIN

 

Mais il a un concurrent de choix avec son successeur, « The Crossings of Celduin », qui est probablement mon scénario préféré dans le recueil, mais davantage en l’inscrivant dans la campagne.

 

Qu’ils en aient bien conscience ou pas, les actions des PJ, en révélant bien trop tôt pour ce qu’elle était la menace du Dwimmerhorn, a contraint le Roi au Gibet à changer, non seulement ses plans, mais son théâtre d’opérations – c’est maintenant, à l’est de la Forêt Noire, à la région de Dale qu’il compte s’en prendre…

 

Or les PJ s’y trouvent – forcément… Dans la ville tout récemment reconstruite, on célèbre l’anniversaire de la Bataille des Cinq Armées. À l’instigation d’un marchand (corrompu…) promettant des récompenses hors-normes aux vainqueurs, un grand tournoi se met en place, qui verra des dizaines voire des centaines de compétiteurs se mesurer à l’arc, à l’équitation, à la lutte, à la mêlée – avec un système bien pensé pour que les PJ y participent, et éventuellement y brillent, en se confrontant avec des PNJ bien décidés à l’emporter ; ça a l’air très amusant.

 

Mais le pot aux roses est dévoilé lors du bal masqué (une scène amusante là aussi) qui conclut les réjouissances : les convives sont tous empoisonnés ! Le tournoi faisait partie d’un stratagème tordu pour mettre hors de combat tous ceux qui seraient à même de prendre les armes pour défendre Dale… alors qu’une armée d’orques et d’hommes mauvais, ultérieurement seulement identifiés comme aux ordres du Roi au Gibet, vient du sud pour fondre sur la cité de Bard.

 

Le roi doit lever une armée pour défendre la région, mais les conditions ne pouvaient pas être pires – et il lui faut gagner du temps : les PJ, en relativement bonne condition par rapport aux autres « guerriers » de la ville (eh), sont envoyés (seuls !) dans un petit village au sud, avec un pont, le seul endroit où une armée de la taille de celle qui a été aperçue peut franchir la Rivière Courante. Le voyage est précipité, et, arrivés sur place, les PJ ont tout juste le temps de jauger les défenses du village et le pouls des villageois (dont un chef têtu qui leur est ouvertement hostile, tout disposé à laisser les orques franchir le pont en échange d’une bien illusoire garantie de ne pas s’en prendre à son bled), avant que les éclaireurs du Roi au Gibet ne fassent leur apparition…

 

Dès lors, il s’agit littéralement d’un siège : les PJ ont pour mission de gagner du temps à Bard – et un système prend en compte comment ils s’y attellent : fonction de leurs actions, les PJ gagnent des avantages sur leurs jets, qui ont, comme dans le scénario précédent (abstraitement : ça n’est pas ressenti comme tel, les scénarios ne sont pas le moins du monde redondants), un caractère cumulatif, décidant du succès ou de l’échec final.

 

Mais la portée de ce dernier varie selon le temps gagné par les PJ ; disons-le, dans tous les cas, l’armée du Roi au Gibet ne prendra pas Dale – elle sera vaincue par Bard et ses alliés. Mais les actes des PJ n’en ont pas moins une véritable importance, au regard du temps gagné et des vies épargnées : à une échelle microcosmique, ce scénario traduit bien les implications générales de la gamme et notamment de Ténèbres sur la Forêt Noire/Mirkwood Campaign – il ne s’agit pas de l’emporter sur Sauron, ce sera l’affaire d’autres personnages quelques décennies plus tard ; mais protéger les siens sur l’heure, autant que possible, gagner du temps, épargner des vies, sont des objectifs bien dignes de héros.

 

Un scénario très impressionnant – très dense, bourré de bonnes idées, stimulant, stressant, et dont le fond est plus que pertinent : peut-être bien le sommet du recueil, surtout quand il est envisagé comme une mini-campagne.

THE WATCH ON THE HEATH

 

Reste un dernier scénario, « The Watch on the Heath », davantage problématique à mes yeux. Mais il faut noter d’emblée une chose : si les péripéties comme le ton distinguent « The Watch on the Heath » de « The Crossings of Celduin », qui constituent donc deux scénarios différents, ils s’enchaînent cependant immédiatement, ce qui a une conséquence non négligeable au regard de la mécanique d’Adventures in Middle-Earth (comme de L’Anneau Unique), à savoir qu’il n’y a pas de phase de communauté entre les deux épisodes. Les personnages seront donc d’autant plus sensibles à des choses comme l’épuisement ou la corruption…

 

Peu de temps après leur retour à Dale, les PJ sont convoqués par le Roi Sous La Montagne – une bonne occasion de le rencontrer et de pénétrer en Erebor, ce qui n’est pas si facile que ça. La visite dans les archives du marchand corrompu qui avait empoisonné tout le monde quelques jours plus tôt aiguille en effet les PJ vers un ultime centre d’intérêt du Roi au Gibet, et probablement celui sur lequel il s’est replié après sa défaite militaire face aux Peuples Libres du Nord, toujours unis cinq ans (en principe) après la Bataille des Cinq Armées – une vieille tour de guet naine, abandonnée de longue date, et surveillant la Brande Desséchée : ils doivent s’y rendre pour mettre un terme à la menace posée par le spectre… mais l’endroit est particulièrement dangereux, « whence came the Great Worms » ! Et il y en a toujours… En fait, pour anéantir un Roi au Gibet autrement indestructible, les PJ devront idéalement conclure une alliance avec un dragon ! Car, si le Roi au Gibet s’est rendu dans la Brande Desséchée, c’est dans l’optique de faire usage de la Chaîne du Thangorodrim, une relique noire du Premier Âge entraperçue dans le Dwimmerhorn, pour asservir un Grand Ver…

 

Ce scénario renchérit sur la dimension épique de l’aventure, mais d’une manière bien différente de « The Crossings of Celduin » : c’est cette fois la démesure qui l'emporte, avec un environnement hors-normes et ouvertement menaçant, qui n’a pas forcément grand-chose à envier au Mordor, et des antagonistes sans commune mesure, outre des références glaçantes au passé de la Terre du Milieu, incluant des événements relativement proches, dont surtout la mort de Smaug et, quelques siècles plus tôt, les dragons chassant les nains des Montagnes Grises, mais aussi d’autres bien plus lointains, dont le règne de Morgoth et ses armées titanesques abondant en Grands Vers…

 

Mais tout cela me laisse un peu perplexe, pour plusieurs raisons : déjà, l’idée de négocier avec un dragon… Il faut jouer serré, car, à tout prendre, le Ver est comme de juste porté à vouloir faire des brochettes avec les PJ – et nous parlons de personnages de niveau 6 approximativement, soit encore un niveau relativement bas : est-il pertinent, dans ces conditions, de les confronter à un dragon, même dans un récit où tout doit être fait pour éviter le combat ? Par ailleurs, le dragon comme le Roi au Gibet risquent de voler la vedette aux PJ, ce qui n’est généralement pas une bonne idée – et, après les batailles folles de « The Crossings of Celduin », j’ai un peu peur que ça tombe à plat, que le climax de la campagne se situe dans l’épisode précédent, et que cet ultime développement, en définitive, ne soit qu’une coda… Ce qui serait sans doute un peu dommage.

 

Mais ceci tient à ma lecture seule : peut-être ces préventions n’ont-elles pas lieu d’être – je suis preneur de retours de jeu si jamais. Et le scénario, par ailleurs, n'est pas mauvais, hein ! Mais je le crois un bon cran en dessous des deux précédents, notamment.

 

ON JOUE ?

 

Quoi qu’il en soit, même avec quelques petits bémols çà et là, dont j’ai fait mention pour chaque scénario, Wilderland Adventures me fait l’effet d’un très bon recueil de scénarios, d’une qualité vraiment supérieure à la moyenne, et assez constante – aucune de ces aventures n’est « mauvaise », tout au plus peut-on hausser un sourcil devant tel ou tel développement, qu’un peu de travail personnel devrait suffire à gérer au mieux.

 

Et le reste est bon voire très bon, avec une ambiance irréprochable, et des morceaux de bravoure à noter : les dilemmes enchaînés de « Kinstrife & Dark Tidings », l’éprouvant cauchemar prophétique de « Those Who Tarry No Longer », la fuite éperdue du Dwimmerhorn dans « A Darkness in the Marshes », le tournoi et la bataille du pont dans « The Crossings of Celduin »…

 

Tout cela est vraiment bel et bon et donne vraiment envie de jouer – alors y a plus qu’à !

 

Prochain épisode dans mes chroniques de la gamme d’Adventures in Middle-Earth : le dernier volet du triptyque des Terres Sauvages, à savoir Mirkwood Campaign, transposition de Ténèbres sur la Forêt Noire. Restez tunés, comme on dit en sindarin…

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Adventures in Middle-Earth : Rhovanion Region Guide

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Rhovanion Region Guide

Adventures in Middle-Earth: Rhovanion Region Guide, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 144 p.

D'UNE GAMME À L’AUTRE

 

Je poursuis l’exploration de la gamme d’Adventures in Middle-Earth, avec le Rhovanion Region Guide ; à ce stade, l’aspect « transposition » de la gamme de L’Anneau Unique devient plus marqué car, si les premiers suppléments, avec leurs considérations techniques abondantes, mêlaient reprises de la gamme originelle et développements plus inédits liés au système D&D5, nous en arrivons cette fois à un supplément d’ordre essentiellement « fluff », comme disent les bons Françouais, qui comme tel reprend presque mot pour mot son modèle, en l’espèce le Guide des Terres Sauvages. Les modifications portent donc essentiellement sur les rares passages où les règles doivent intervenir (par exemple, nouvelles cultures héroïques, nouvelles entreprises de communauté, bestiaire et caractéristiques des autres PNJ, ce genre de choses). Pour ce qui est du reste, c’est-à-dire l’essentiel et de loin, rien de bien neuf a priori par rapport au Guide des Terres Sauvages – je suppose donc que ma vieille chronique de ce supplément demeure en gros valable, même si je dois dire que, aujourd’hui, j’envisage l’ensemble de manière plus positive encore.

 

Pour autant, comme dans la gamme de L’Anneau Unique, il serait sans doute préférable d’envisager ce supplément de contexte en même temps que les deux suppléments de scénarios qui le précèdent et le suivent dans la chronologie de la gamme, à savoir Wilderland Adventures (reprenant largement Contes et Légendes des Terres Sauvages) et Mirkwood Campaign (même chose pour Ténèbres sur la Forêt Noire). J’ai d’ores et déjà lu le premier, qui m’a pleinement satisfait, mais il me paraît préférable, contre l’ordre de publication, de commencer par le supplément de contexte ; et je lirai très prochainement Mirkwood Campaign, je vous tiens au jus.

 

LA RÉGION COUVERTE

 

Adonc, le Rhovanion Region Guide est un supplément de contexte, qui couvre la majeure partie des Terres Sauvages, soit le cadre initial des gammes aussi bien de L’Anneau Unique que d’Adventures in Middle-Earth.

 

Il est sans doute utile, avant d’envisager la chose de manière davantage détaillée, de définir juste un peu plus précisément la région couverte par ce guide : pour l’essentiel, il s’agit, à l’ouest, de la vallée de l’Anduin, des montagnes au nord jusqu’à la Lorien au sud (non incluse – de même que la Moria, si jamais vous vous posez la question, mais il semblerait qu’il y a depuis quelque temps un projet de supplément dédié à cette dernière, nous verrons bien) ; puis, plus à l’est, le guide couvre l’ensemble de la Forêt Noire. Ces deux grands ensembles sont envisagés successivement, et, au sein de chacun, on procède du nord au sud, et d’ouest en est (ce qui revient, dans la première partie, à traverser sans cesse l'Anduin).

 

Par contre, il importe de noter que ce supplément ne concerne pas le moins du monde les régions à l’est de la Forêt Noire, pourtant capitales dans cette gamme initiale. Si les brèves informations figurant dans le Player’s Guide et le Loremaster’s Guide ne suffisent pas (en notant que ce dernier reprend toutefois le Guide de la Ville du Lac de la gamme de L’Anneau Unique), il faut alors se référer à d’autres sources – en l’espèce essentiellement Erebor pour L’Anneau Unique, que j'ai chroniqué assez récemment et qui couvre, non seulement le Mont Solitaire, mais aussi Dale et les régions environnantes (ce supplément relativement récent pour L’Anneau Unique, et à l’heure actuelle le dernier à avoir été traduit en français, sera probablement transposé pour Adventures in Middle-Earth un de ces jours, mais je n’en sais pas davantage ; dans l'immédiat, si c'est le seul contexte qui importe, on peut bien sûr se référer à ce guide de la gamme originelle, hein).

 

Bien évidemment, d’autres régions ont pu être décrites dans d’autres suppléments sans que cela soit aussi problématique, car elles sont cette fois bien distinctes des Terres Sauvages – voyez par exemple Fondcombe pour L’Anneau Unique, mais il y a eu aussi, en VO seulement et pas lus de mon côté, le Rohan ainsi que Bree.

 

Enfin, on relèvera que ce guide englobe trois des origines culturelles jouables : à l’ouest de la Forêt Noire, les Béornides et les Hommes des Bois ; au nord de ladite forêt, le Royaume Sylvestre des elfes.

 

DES NÉCROMANCIENS ET DES HOMMES

 

Le guide s’ouvre sur des considérations générales où l’histoire a une place importante. Le Rhovanion, tel qu’il est décrit dans ce supplément, qui mêle comme des juste des créations personnelles à l’orthodoxie purement tolkiénienne, a une complexe histoire, qui s’articule autour de deux mouvements majeurs : d’une part, la présence fluctuante des Hommes du Nord, qui sont à l’origine de plusieurs des cultures de la région, mais aussi de celle des Rohirrim, avec Eorl le Jeune, etc. ; ces hommes n’ont cessé de naviguer le long des berges de l’Anduin, et éventuellement aux lisières de la Forêt Noire, ainsi qu’à l’est de cette dernière, où leurs réalisations majeures n’ont toutefois guère laissé de traces, même si l’idée au moins d’un antique Royaume du Nord a persisté dans les légendes, et continue d'inspirer certains monarques en puissance à l'époque du jeu ; les mouvements migratoires associés à cette histoire tumultueuse ont beaucoup compté dans l’établissement et la perpétuation ou au contraire l’oubli de cultures propres à la région, et dotées d’identités marquées.

 

D’autre part, bien sûr, il faut prendre en compte la présence, elle aussi fluctuante, du Nécromancien et de ses séides à Dol Guldur – qui fournira le prétexte à Ténèbres sur la Forêt Noire/Mirkwood Campaign. L’idée générale est celle d’une corruption progressive, et parfois assez rapide, de la région dans son ensemble – ce qui se manifeste plus que jamais dans la dégradation du splendide Vertbois le Grand en l'inquiétante Forêt Noire ; car, si le Nécromancien et les siens sont régulièrement chassés de Dol Guldur, ils reviennent toujours, et leurs absences temporaires ne suffisent pas à réparer le mal qui a été fait – à maints égards, la corruption est inéluctable, et le sera encore à l’avenir : les héros ne sauveront pas la région. En outre, la corruption du Nécromancien s’étend au-delà de la seule Forêt Noire : à l’ouest, la Vallée de l’Anduin en subit elle aussi les contrecoups, et nombre des hommes qui y vivent ont plus ou moins fait serment d’allégeance à Dol Guldur, pas forcément en raison d’un tempérament véritablement maléfique, mais souvent par absence de toute alternative.

 

Ces deux trajectoires, pas nécessairement liées, me paraissent les plus importantes – ce qui a son revers : les elfes, dans cette histoire, sont en fait essentiellement en retrait : Vertbois le Grand entier a été leur, mais ils n’ont pu s’opposer avec efficacité au Nécromancien – dès lors qu’ils ont reculé, le mal était fait, et on n’y reviendrait plus. La politique isolationniste de Thranduil, qui s’est replié avec ses sujets dans le Royaume Sylvestre au nord de la forêt, a achevé de graver dans le marbre, ou dans l'écorce, ce déclin funeste…

 

(Les nains sont bien sûr encore moins présents – mais pas totalement absents : ce sont eux qui ont construit jadis la vieille route de la forêt, et leurs allers et retours entre les Monts du Fer et les lointaines Montagnes Bleues ont participé à l’identité culturelle de la région ; quant aux hobbits… j’y reviendrai.)

 

LE GUIDE DU ROUTARD DES TERRES SAUVAGES

 

Le guide couvre onze régions rassemblées sous l’intitulé des « pays de la rivière », et huit autres qui constituent ensemble la Forêt Noire.

 

Chacune de ces dix-neuf régions est présentée de la même manière – avec en tête une carte plus resserrée, qui permet de faire figurer les lieux notables de chaque région (il y en a généralement trois ou quatre pour chaque item).

 

On commence par quelques généralités, qui s’achèvent toujours par des suggestions d’environnement adaptées pour typer les combats, renvoyant au système du Loremaster’s Guide.

 

Ensuite, nous avons quelques brefs développements sur la faune et la flore, puis sur les habitants de la région – cette dernière catégorie est généralement assez brève, s’en tenant à ce stade à des généralités. Les Terres Sauvages sont en tant que telles souvent assez désertes, mais il y a tout de même, autour des berges de l’Anduin, des régions davantage peuplées (tout est relatif, hein...) – au cœur du pays béornide ou de celui des Hommes des Bois, en tout cas ; cependant, des peuples non affiliés peuvent être croisés çà et là… et des brigands un peu partout. Le cas de la Forêt Noire est différent : à l’ouest, il y a certes les Hommes des Bois, et au nord le Royaume Sylvestre – mais tout le reste est inhabité… sinon par des créatures infréquentables.

 

Puis viennent les deux parties les plus développées – relativement équilibrées, cette fois, avec les exceptions des régions où règnent les Béornides, les Hommes des Bois et les Elfes Sylvains, forcément plus détaillées. On commence par quelques PNJ notables, qui peuvent être « bons » ou « mauvais » ; les caractéristiques de ces personnages, quand il y en a, se trouvent généralement dans cette section, à l’exception de celles des créatures (les orques, les araignées…) qui relèvent autrement du « bestiaire », auquel cas, même pour les personnages uniques, il faut se référer au dernier chapitre de ce supplément (plus ou moins bizarrement, les hommes « génériques » tels que les Hommes des Collines du Gundabad ou les Hommes Sauvages de la Forêt Noire figurent également dans le bestiaire seul). On trouve parmi ces PNJ des garants éventuels, y compris parmi les célébrités des Terres du Milieu – mais, dans ce dernier cas, leurs caractéristiques ne sont pas systématiquement mentionnées : à titre d’exemples, nous avons celles de Thranduil, mais pas celles de Radagast – quant à Beorn, nous ne l’avons ici que sous sa (redoutable…) forme d’ours ; je suppose qu’il faut se référer à d’autres suppléments pour le reste – même amoindri, le défaut récurrent de la gamme de L’Anneau Unique, à savoir qu’elle impliquait souvent de jongler avec plusieurs volumes, a laissé quelques traces dans la gamme d’Adventures in Middle-Earth. Ceci dit, en a-t-on vraiment besoin, de ces caractéristiques ? Plus utile, pour nombre de ces PNJ, et pas seulement les stars, nous avons les informations concernant leurs motivations et leurs attentes, qui permettent d’utiliser au mieux le système des audiences – qui me paraissait superflu ou trop compliqué à première vue, mais chaque supplément lu m’incite davantage à en faire finalement usage…

 

Enfin, chaque région a donc ses « lieux notables », mentionnés sur la carte de la région. Ces lieux sont très divers, allant de la ruine étrange au village, en passant par le « donjon » ou la clairière… Pour les plus importants de ces lieux (en termes narratifs s’entend), nous disposons parfois de cartes – mais c’est tout sauf systématique, et je suppose notamment que certaines ont été délaissées parce que figurant, soit dans Wilderland Adventures, soit dans Mirkwood Campaign (et on en revient le cas échéant au jonglage ?) ; le plus souvent, ce sont des lieux « bons » qui bénéficient d’une carte, même s’il y a quelques exceptions (Dol Guldur...).

 

Enfin, dans ces différentes sections, mais surtout dans les deux dernières, on trouve çà et là des amorces de scénarios, généralement intéressantes – mais des amorces, hein, certainement pas des trucs clef en main, ce n’est pas le propos de ce supplément...

 

Quoi qu’il en soit, de manière générale, c’est du très beau boulot – l’idéal pour un supplément de contexte de ce type : il n’y en a, ni trop, ni pas assez. Les apports personnels se mêlent généralement très bien aux informations fournies par Tolkien lui-même. L'ambiance est soignée, tout particulièrement en ce qui concerne la Forêt Noire, dont on appréhende bien qu'elle n'est pas une forêt comme les autres. Enfin, chaque région a son identité propre, heureusement pas au prix de la cohérence globale : c’est un univers crédible, pas un patchwork (à la différence, par exemple, du Cadre de campagne : La Mer Intérieure pour Pathfinder, même si j’avais apprécié la lecture de ce supplément). Oui, du beau boulot, vraiment.

 

QUAND MÊME UN PEU DE CRUNCH

 

Tout supplément de contexte qu’il soit, le Rhovanion Region Guide comprend cependant quelques éléments d’ordre technique – rares, mais qui peuvent avoir leur importance.

 

J’avais déjà relevé que, même si ce n’est pas systématique, on trouvait de temps en temps des caractéristiques pour les PNJ – un bref bestiaire en fin de volume complète ces données éparses, en répartissant les antagonistes par catégories (les périls de la Vallée de l’Anduin, les émissaires de l’Ennemi, les périls de la Forêt Noire ; oui, la deuxième catégorie est à bon droit distinguée des deux autres), aussi bien pour des créatures génériques que pour des « monstres » uniques et nommés (chefs orques ou wargs pour l’essentiel). On découvre donc ici de nouvelles variations sur les orques, mais aussi sur les araignées, des hommes « mauvais » pas entrevus jusqu’alors, et… des trucs plus bizarres, qui pour l’essentiel respectent le canon tolkiénien (je suis un peu sceptique pour certaines choses, comme les basilics, mais pas au point du rejet). À noter, pour les ceusses qui se plaignaient du manque de challenge dans le seul bestiaire du Loremaster’s Guide, ce n’est pas vraiment ce supplément qui répondra à leurs attentes (davantage les recueils de scénarios comme Wilderland Adventures, à vue de nez) : on n’y dépasse que rarement le niveau de challenge 4 – cependant, cela arrive parfois… et les trois araignées nommées de la descendance d’Arachne sont d’un tout autre niveau, c'est peu dire !

 

Comme dit précédemment, certains des PNJ rencontrés peuvent devenir des garants – et les lieux où ils résident des sanctuaires. On trouve çà et là quelques informations permettant de mettre en scène comment les PJ pourraient ouvrir tel ou tel sanctuaire, et rencontrer au moins tel PNJ, dans l’espoir d’en faire peut-être un garant plus tard. Par ailleurs, un nombre non négligeable des sanctuaires potentiels sont associés à des entreprises de la phase de communauté uniques – et c’est vraiment ainsi que cette phase devient enthousiasmante et toujours plus riche. Même si… honnêtement, certaines de ces entreprises n’ont guère d’intérêt. Mais, au moins, il y a du choix…

 

Enfin, relevons que ce guide offre la possibilité d’intégrer au jeu trois nouvelles cultures héroïques – même s’il s’agit surtout de variations sur des cultures existantes pour l’essentiel, ainsi, très clairement, des Hommes des Bois de Castel-Pic (qui ne sont pas très « bois », justement), et des Elfes… Volages ? Je ne sais plus comment ils traduisaient « Wayward »… Une troisième culture est cependant un peu à part : celle des Hobbits Sauvages de la Vallée de l’Anduin ; ils ont assurément davantage de raisons de se trouver ici que leurs lointains cousins de la Comté, mais je ne suis pas certain qu’ils soient très jouables – c’est quand même quelque chose de vraiment à part dans cet univers, un secret pour ainsi dire...

 

PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS, TANT QUE LE NÉCROMANCIEN N’Y EST PAS

 

Le Rhovanion Region Guide, comme son modèle le Guide des Terres Sauvages, est donc un très bon supplément de contexte, riche d’informations toujours pertinentes et utiles, sans trop en faire, mais sans jamais qu’il y manque quoi que ce soit.

 

C’est aussi un livre d’une lecture très agréable (du genre qui fait plaisir même quand on n’envisage pas vraiment d’y jouer), en ce qu’il est bien écrit et agrémenté d’illustrations de qualité, bien dans l’ambiance (je regrette juste un peu que certains plans soient en bichromie, généralement rouge sur fond beige, mais c’est vraiment pour pinailler).

 

Je suis donc toujours enthousiaste – d’autant que j’ai lu depuis Wilderland Adventures, que j’ai beaucoup aimé, et dont je vous parlerai très prochainement. À suivre, donc...

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Adventures in Middle-Earth : Eaves of Mirkwood & Loremaster's Screen

Publié le par Nébal

Adventures in Middle-Earth : Eaves of Mirkwood & Loremaster's Screen

Adventures in Middle-Earth: Eaves of Mirkwood & Loremaster’s Screen, Sophisticated Games – Cubicle 7, 2017, 31 p. + écran quatre volets

L’ÉCRAN DU MAÎTRE DE JEU

 

Je poursuis l’exploration de la gamme d’Adventures in Middle-Earth avec un autre petit supplément +¨matos bonus, après The Road Goes Ever On et ses cartes : cette fois, c’est du traditionnel écran du MJ qu’il s’agit, qui est accompagné d’un livret d’une trentaine de pages consistant essentiellement en un scénario d’introduction, sauf erreur totalement inédit (au sens où il ne s’agit pas de transposer quelque chose qui existait dans la gamme de L’Anneau Unique).

 

Comme parler du scénario impliquera de balancer quelques SPOILERS, autant commencer par le reste. Et d’abord cet écran (en précisant, comme pour The Road Goes Ever On, qu’ayant lu ce supplément en pdf, je ne peux pas juger de la qualité matérielle de cet écran).

 

Il est un peu problématique, à plus d’un titre… Déjà, il reprend, côté joueurs, l’illustration de l’écran de L’Anneau Unique (dans Écran du Gardien des Légendes et Guide de la Ville du Lac – ledit guide, au passage, ayant été intégré pour Adventures in Middle-Earth dans le Loremaster’s Guide), avec le même inconvénient : cette vue de la Ville du Lac est très jolie, mais elle n’est vraiment pas, absolument pas, représentative de l’atmosphère « normale » du jeu, focalisé sur les voyages dans les Terres Sauvages, autant dire des zones où la densité de population est par essence extrêmement faible – Esgaroth est une exception dans cet univers… Cette remarque de bon sens était très répandue du temps du supplément de L’Anneau Unique, mais Cubicle 7 n’en a pas moins simplement repris cette illustration. Dommage…

 

Et côté MJ ? Dans l’ordre, le premier panneau est principalement occupé par la table des attitudes de départ des diverses cultures (probablement très utile), avec en complément la table de la progression de l’Ombre chez les personnages (très certainement inutile sur un écran). Le panneau 2 est presque intégralement consacré aux sources de corruption (OK...), avec aussi un index des règles de référence (admettons). Le panneau 3 est consacré à un récapitulatif des règles spéciales portant sur les voyages, les audiences et la corruption (décidément…), avec aussi un bref listage (pour le coup totalement inutile – c’est un mini-index qui porte sur trois pages seulement du Player’s Guide...) des entreprises de communauté « génériques ». Enfin, le dernier panneau comprend les tables « brutes » pour les jets d’embarquement et d’arrivée lors des voyages, ce qui peut le faire.

 

Et donc, oui : cet écran ne comprend que des éléments propres à la gamme d’Adventures in Middle-Earth – rien ne renvoie à D&D5, là où certaines données du corpus de règles auraient été fort utiles (les états et conditions, notamment). Il semblerait que se posait un problème de licence (impliquant de reproduire toute la licence OGL dans l’écran, un truc comme ça ?), mais du coup cet écran n’est pas forcément des plus pratique en jeu – d’aucuns le doubleront en fait avec l’écran de D&D5, je suppose, une solution pas forcément très ergonomique ni élégante. Enfin, si l’on a besoin d’un écran, en même temps...

 

RÈGLES OPTIONNELLES (OU ERRATA ?) DE CLASSES

 

Rapidement – mais cela peut avoir son importance : ce supplément contient un élément complémentaire qualifié de « règles optionnelles » pour les classes d’érudits et de gardiens ; en fait de « règles optionnelles », certains parlent plus ouvertement d’errata… Il s’agirait d’équilibrer un peu plus ces deux classes – ce qui, globalement, revient en fait à les rendre plus puissantes. Je suppose que cette évolution a été suggérée par des retours d’expérience quant à ce déséquilibre des classes, mais, en même temps, ça me gêne un chouia – j’étais déjà pas fan de la guérison plus ou moins magique dans le Player’s Guide, là l’orientation devient décidément très « guérisseur de Donj ou de meuporg »… Bon, si c’est utile, en pratique, OK, mais...

 

LE SCÉNARIO

 

Généralités inoffensives

 

Et donc, le scénario, Eaves of Mirkwood. Les SPOILERS n’interviendront qu’un peu plus tard, vous pouvez donc lire deux paragraphes supplémentaires de cette chronique sans vous gâcher quoi que ce soit.

 

Il s’agit d’un scénario d’introduction, conçu comme tel – il ne faut donc pas en attendre des miracles de narration, encore que, il y a quelques bonnes surprises à cet égard. Mais l’objet principal de ce scénario, outre donner un premier aperçu de l’ambiance de la gamme, est de présenter en douceur les particularités techniques du jeu – au regard notamment de deux ensembles de règles spécifiques, portant d’une part sur les voyages, et d’autre part sur les audiences ; pour ce qui est des autres systèmes spécifiques, la corruption peut certes commencer d’ores et déjà à ronger les personnages, mais sans que cela nécessite de faire appel à des considérations très techniques, et la phase de communauté peut être envisagée un peu de la même manière (avec une suggestion de garant, ou de pré-garant, quand même bien excessive…). Cependant, même pour ce qui est des voyages et des audiences, les systèmes utilisés ici sont simplifiés – il s’agit d’une première approche.

 

Conséquence notable : puisque des personnages prétirés sont fournis (en fait ceux que l’on retrouve tout au long de la gamme des Terres Sauvages d’Adventures in Middle-Earth comme de L’Anneau Unique en son temps), vous avez dans ce petit livret de quoi faire jouer ce scénario sans vous référer au Player’s Guide (sans même parler des autres suppléments), dès l’instant que vous avez accès au SRD (que vous trouverez par exemple en français sur le site AideDD). Introduction, qu’on vous dit !

 

Dans le détail, SPOILERS inclus

 

OK, maintenant, envisageons plus concrètement ce scénario, avec des SPOILERS, donc.

 

Une première idée est à noter d’emblée : ce scénario se situe à l’ouest de la Forêt Noire, alors que les PJ souhaitent se rendre à Dale (ou probablement d’abord à Esgaroth), attirés qu'ils sont par les opportunités offertes par le décret du roi Bard. Le scénario repose donc sur l’idée que les personnages vont traverser la Forêt Noire, d’une manière ou d’une autre, si on en reste ici pour l’essentiel à la lisière. C’est à prendre en compte si vous souhaitez en faire le point de départ d’une campagne qui se prolongerait par exemple avec les scénarios de Wilderland Adventures (je vous en parlerai très prochainement), dont le premier scénario suppose que les PJ se trouvent à l’est de la Forêt Noire, à proximité du Long Lac – or ce scénario est à son tour conçu comme une introduction, surtout à l’ambiance très particulière de cette forêt hors-normes (qu’il s’agit donc de traverser d’est en ouest). On peut supposer, même en partant seulement de ce dernier scénario, que les personnages, à un moment ou à un autre, ont déjà traversé l’ex-Verbois le Grand, et Eaves of Mirkwood peut donc se montrer utile à cet égard ; cependant, si vous comptez l’employer dans cette optique, qui fait très certainement sens, je vous conseillerais à vue de nez de vous référer également à « Don’t Leave the Path », du coup – un scénario certainement pas parfait, et même un peu problématique, mais qui comprend des éléments d’ambiance très intéressants à mettre en scène : de quoi « gonfler » un peu Eaves of Mirkwood, car les PJ doivent vraiment se rendre compte que cette forêt n’est absolument pas comme les autres ; or Eaves of Mirkwood, en tant que scénario d’introduction, se montre assez peu disert à cet égard, et il serait dommage, si vous comptez aller au-delà, que la Forêt Noire manque autant de caractère, tout particulièrement pour une première exploration. Bon, je suppose que ça se discute, mais, perso, je vois les choses comme ça, et songe en fait à combiner les deux aventures, pour en tirer une introduction un peu plus costaude. Ce qui en changera très probablement la durée : Eaves of Mirkwood, en tant que scénario d’introduction, est vraiment conçu comme un one-shot jouable en trois ou quatre heures (c’est la théorie, mais je n’y arrive jamais, bouhouhou) – associé à « Don’t Leave the Path », c’est forcément plus long...

 

Quoi qu’il en soit, dans Eaves of Mirkwood, les PJ entament donc la traversée de la Forêt par l’ouest, en partant des contrées des Hommes des Bois. Après un peu de préparation, c’est ici que le scénario offre une version simplifiée (considérablement) du système de voyage – du coup, il n’a rien ici d’intimidant, là où la mécanique complète peut facilement tourner au gros machin lourdingue si on n’y prend pas garde. Simplifier est pertinent pour ne pas effrayer – mais, oui, c’est vraiment une première approche, une mise en bouche disons.

 

Dans tous les cas, les personnages sont amenés à croiser la route d’une bande de voyageurs nains aux prises avec des orques – et c’est donc une occasion de tester le système de combat, de manière relativement inoffensive. C’est fait pour.

 

Après quoi les PJ sont amenés à sympathiser avec ces nains – et c’est probablement le moment le plus intéressant du scénario, propice à de sympathiques opportunités de roleplay bien dans l’esprit du Hobbit (bien plus que du Seigneur des Anneaux – c’est approprié pour un début) : les personnages festoient (ils s’en mordront bientôt les doigts), échangent des nouvelles, chantent (on est chez Tolkien, hein !), se livrent à des concours d’énigmes (une aide de jeu en donne douze exemples, généralement assez aisés à transposer en français ai-je l’impression, mais pensez-y à l’avance), et le clou de la soirée est probablement le concours de ronds de fumée, avec table et règles rigolotes à la clef. Tout ça, pour le coup, ne coulait pas forcément de source dans un scénario d’introduction, a fortiori si on est porté à le réduire à sa dimension mécanique, mais il y a de quoi faire, c’est bien pensé et enthousiasmant.

 

Seulement voilà : cet excellent cochon, dont les convives se réjouissent ? Il a été « emprunté » par un des nains, un peu indélicat pour le coup… C’était une offrande en sacrifice, par des Hommes des Bois du coin (rappel, même avec un peu de voyage, nous en sommes encore pour l’essentiel à la lisière de la Forêt de Grand-Peur…), une offrande conventionnelle donc au gros warg du coin, un tyranneau qui les persécute depuis bien trop longtemps. Les Hommes des Bois ont découvert que les nains et/ou les PJ ont volé leur cochon (parlez-moi d’enjeu dramatique ! Et pourtant ça colle parfaitement), et capturent les voleurs en groupe – pas de vraie scène de combat ici, on fait dans le narratif, les joueurs ne peuvent de toute façon pas y échapper, et (peut-être surtout ?) il ne faut vraiment pas leur donner la moindre occasion de tuer un des Hommes des Bois. En fait, même « narratif », ce faux combat, à mon sens, doit être envisagé comme une leçon : vous êtes dans la Terre du Milieu, pas dans un donjon aléatoire, ne faites rien que vous pourriez regretter – vos gestes ont des conséquences, et vous êtes censés, à la base au moins, être des personnages moraux : en fait, il faut vraiment, dans l’idéal, que les personnages ressentent une certaine culpabilité pour le vol du cochon, même s’ils n’en sont pas directement responsables.

 

Les PJ et les nains sont ainsi ramenés au village des Hommes des Bois, où la patronne, Gailavira, va les interroger – et c’est donc l’occasion d’introduire les joueurs au système, un peu simplifié, des audiences. Encore que : en fait de simplification, il est très tentant d’envisager cette scène au prisme des suggestions en la matière du Loremaster’s Guide – d’ailleurs, le scénario propose une table très riche renvoyant aux motivations et attentes de Gailavira. Du coup, là encore, il ne s’agit pas seulement d’aborder un élément purement technique : clairement, il s’agit aussi d’introduire les PJ aux manières et aux modes de pensée des gens qu’ils seront amenés à rencontrer – et à peser, là encore, combien dans cette optique des comportements un peu trop je-m’en-foutistes leur nuiront immédiatement et irrémédiablement. Bien vu !

 

Maintenant, le scénario d’introduction impliquait sans doute un dernier combat, plus velu, si j’ose dire, que celui contre les orques : vous vous en doutez, le warg déboule au pire moment, et les PJ ont ainsi l’occasion, éventuellement, de se racheter, si nécessaire, aux yeux de Gailavira et des siens. Le warg est un antagoniste autrement conséquent que les orques de passage un peu plus haut, et c’est très bien ainsi – cela incite d’autant plus les PJ à tirer parti des options du terrain, ce genre de choses : un combat de cet ordre ne saurait être réduit à « je le tape, il me tape ». Maintenant, si je suis incapable d’en juger moi-même, j’ai lu çà et là des retours d’expérience selon lesquels le warg peut se montrer vraiment dangereux pour des personnages de niveau 1, qui n’ont tout de même pas des masses de PV, et pourraient aisément se faire éliminer en un tour chacun – c’est à prendre en compte, et il faut notamment avoir cet élément en tête quand on envisage, ou pas, d’associer au warg quelques orques ou truc, d’autant que le gros loup s’y connaît en tactiques de meute… Un PNJ dévoré pour l'exemple, éventuellement, peut constituer un avertissement (pas très subtil certes).

 

Mais on va partir du principe que tout est bien qui finit bien : le warg est éliminé, Gailavira pardonne à ses « invités », et en ture vers de nouvelles avenroutes. C’est le bon moment, si jamais, pour placer une phase de communauté : en fait, il est suggéré de permettre aux PJ d’envisager ce village comme un sanctuaire, ou en tout cas Gailavira comme un garant – il n’est jamais trop tôt pour souligner aux joueurs que les sanctuaires, et les garants dans une moindre mesure, sont cruciaux dans une campagne.

 

Cependant, pour ma part, je me passerais certainement de l’ultime suggestion en la matière : faire que les persos, hop ! tombent direct sur… Gandalf, à la fin de ce scénario ! Je trouve ça grotesque, en fait… En clin d’œil à la fin d’une partie isolée et sans conséquences, admettons, mais si vous voulez poursuivre vos aventures au-delà, non, franchement, non. Même si cela pourrait expliquer une traversée sans plus d’encombres de la Forêt Noire pour gagner Esgaroth puis Dale – quelle coïncidence, c’est justement où se rend Mithrandir ! Mf…

 

CONCLUSION

 

Ce tout petit bémol mis à part, et il est vraiment sans importance, Eaves of Mirkwood me paraît faire le job, et plutôt bien. Toutefois, en guise d’introduction à une campagne, je tends donc à croire que ce scénario gagnerait à être un peu plus développé en matière d’ambiance, ce pour quoi « Don’t Leave the Path » pourrait être utile.

 

L’écran, par contre, n’a franchement rien d’indispensable. À vous de voir, donc.

 

Quant à moi, la prochaine étape sera le Rhovanion Region Guide – oui, même si Wilderland Adventures est antérieur dans la gamme : je suis têtu, j’aime avoir mon gros contexte avant de zoomer sur les aventures...

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CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de Jouvence (03)

Publié le par Nébal

CR Barbarians of Lemuria : Les Larmes de Jouvence (03)

Troisième et dernière séance du scénario « Les Larmes de Jouvence », pour Barbarians of Lemuria. Il est dû à Andrea Salvatores, et figure dans le livre de base, pp. 180-187. Vous trouverez le compte rendu et l’enregistrement de la première séance ici, et de la deuxième .

 

L’illustration en tête d’article provient du livre de base (p. 185), et est due (forcément) à Emmanuel Roudier.

 

Voici l’enregistrement de ce troisième compte rendu :

Voici également, pour ceux que cela intéresserait, l’enregistrement brut de cette troisième séance (on dit « actual play » ?) :

J'ai utilisé, en guise d'illustration sonore, diverses musiques dont je n'ai comme de juste pas les droits, qui demeurent à leurs propriétaires respectifs. Durant cette séance, j’ai surtout fait appel, outre des compilations de musique traditionnelle arabe ou orientale que j’ai trouvé en ligne, au morceau « bassAliens » de Sunn O))) (sur l’album White2), au morceau « Phill 2 » de KTL (sur l’album V), au morceau de Lustmord « Babel » (sur l’album The Word as Power), et aux morceaux de Dead Can Dance « The Host of Seraphim » (sur l’album The Serpent’s Egg), « Yulunga » (sur l’album Into the Labyrinth) et « Saltarello » (sur l’album Aion), ainsi qu’aux bandes originales des jeux vidéos Darkest Dungeon et The Elder Scrolls V : Skyrim. Comme d’habitude, j’ai réservé l’immortelle bande originale de Conan le Barbare de John Milius par Basil Poledouris pour la préparation de la partie et son debrief…

 

Il y avait six joueurs, à savoir Kalev, originaire des marais de Festrel (Batelier 1 – Mendiant 0 – Voleur 1 – Ménestrel 2) ; Liu Jun-Mi, un Ghataï d’ascendance xi lu (Barbare 0 – Mercenaire 1 – Dresseur 1 – Gladiateur 2) ; Myrkhan, originaire de Tyrus (Gamin des rues 1 – Chasseur 2 – Forgeron 0 – Soldat archer 1) ; Narjeva, originaire d’Urceb (Esclave 0 – Courtisane 1 – Assassin 2 – Prêtresse de Nemmereth 2) ; Nepuul Qomrax, originaire de Zalut (Scribe 2 – Alchimiste 3 – Marchand 0 – Médecin 1) ; et enfin Redhart Finken, de Parsool (Docker 0 – Matelot 1 – Mercenaire 3 – Marchand 0).

 

I : QUE FAIRE ?

 

Les aventuriers ont enfin rencontré l’Alchimiste – alors même qu’il prépare les Larmes de Jouvence. Mais ils ont aussi découvert que, pour accomplir cette opération, il devait soumettre Azar Al’Tamûl, le père de Manna et Denh, à des souffrances atroces… Et ils hésitent dès lors quant à la marche à suivre. Ils se retirent à quelque distance pour en discuter – l’Alchimiste s’en moque, il est trop occupé à se délecter des souffrances de son « patient ».

 

Narjeva est d’ores et déjà fixée : en tant que prêtresse de Nemmereth, elle est outrée par ce procédé qui joue avec un peu trop de nonchalance de la vie et de la mort – et tous (enfin, presque… Redhart Finken est un peu à la traîne…) admettent maintenant que Manna Al’Tamûl leur a menti, d’emblée, en prétendant que son père s’était absenté pour affaires : il apparaît clairement qu’elle et son frère Denh se sont emparés de leur père, qui ne comptait pas dilapider des sommes folles en quête d’une vaine rumeur, pour le confier à l’Alchimiste – car les Larmes de Jouvence ne peuvent être extraites que d’un membre de la famille de la personne à soigner, en l’espèce Adel, le petit-fils malade d’Azar.

 

Si certains des aventuriers, dont Redhart donc, seraient tout disposés à accomplir leur mission sans plus de scrupules, Nepuul Qomrax, d’abord hésitant, rejoint finalement Narjeva – pas tant pour des raisons éthiques que parce qu’il suppose que délivrer Azar de son supplice serait bien plus sûrement rémunérateur que de se plier aux exigences douteuses d’une Manna Al’Tamûl qui leur a d’ores et déjà menti. En outre, le Zaluti a un intérêt très personnel à se débarrasser de l’Alchimiste : il compte bien, avec le soutien financier d’Azar, récupérer, sinon le Palais du Roi-Sorcier Men’darr à proprement parler, du moins tout le précieux matériel alchimique qui s’y trouve, et l’impressionnante bibliothèque qui va avec…

 

Redhart n’a rien contre le fait de tuer l’Alchimiste, cela dit (Myrkhan non plus, qui se méfie naturellement de cette engeance) – même si le mercenaire souhaiterait accomplir quand même la mission en attendant qu’il achève d’extraire les Larmes de Jouvence d’Azar pour les ramener malgré tout à Manna. En même temps, avec des contrats rédigés dans les formes, il serait tout à fait disposé à éliminer tout le monde dans « cette famille de tarés »…

 

Narjeva n’a pas envie d’en débattre davantage. Elle se rend auprès de l’Alchimiste, et compte l’attaquer sans plus attendre – les autres la suivent, elle a décidé pour eux.

 

II : FACE À L’ALCHIMISTE

 

Mais Redhart n’aime pas rester en arrière ! Et c’est en définitive lui qui assène le premier coup à l’Alchimiste, qui ne leur prêtait toujours pas la moindre attention – alors même que les intentions des aventuriers à ce stade étaient pour le moins explicites ! Le mercenaire vise la tête, il se méfie des dons magiques de son adversaire – mais celui-ci se montre plus résistant qu’il ne le croyait ; il avait bel et bien préparé quelque chose contre toute attaque de cet ordre… et ses mouvements sont étonnamment vifs.

 

Narjeva, plus prudente que Redhart, n’en attaque pas moins dans sa foulée, et vise quant à elle l’œil… ou, du moins, là où elle suppose que se trouve cet organe, la capuche de l'Alchimiste dissimulant son visage. Mais le coup ne semble pas lui faire le moindre dégât !

 

Et l’Alchimiste a d’autres tours dans son sac. Il ne cherche pas à riposter, mais se désengage à une vitesse impressionnante, comme en lévitant à quelques centimètres au-dessus du sol – une fois à quelque distance de ses assaillants, il sort de sa manche une petite fiole qu’il porte à ses lèvres, en engloutissant le contenu ; et l’effet de la potion devient bientôt évident : la flèche que lui décoche Myrkhan ricoche sur sa peau, comme si elle avait heurté de la pierre ! Et la hache d’abordage de Parsool de Redhart lui inflige à peine une égratignure… tandis que la lame de la rapière de Narjeva se tord quand elle l’appuie contre son ventre. Nepuul comprend qu’il s’agit d’une fiole de résistance, qui lui confère comme une peau de pierre – et, sans être éternel, cet effet peut durer un bon moment… Il le crie à ses camarades ! Et redoute que, maintenant que l’Alchimiste a assuré sa défense, il passe très vite à l’offensive… et qui sait quelles autres potions il cache dans ses manches ? Outre qu'il semble marmonner des rituels à la façon des sorciers...

 

Liu Jun-Mi ne se sent pas d’attaquer l’Alchimiste dans ces conditions – ou bien est-ce qu’il fait preuve de davantage d’empathie qu’il ne le prétend habituellement ? Il sait qu’Azar Al’Tamûl souffre dans sa cuve, et veut le tirer de là… mais il se méfie de ce liquide qui baigne le pauvre homme : y plongeant sa lance, il constate aussitôt qu’elle est comme rongée par un acide, et elle émet de la fumée… Redhart lui crie de venir les aider !

 

Mais le mercenaire, furieux de la résistance imprévue de l’Alchimiste, lui assène en hurlant un coup de hache d’une brutalité inouïe ! [En termes de jeu : Succès Légendaire avec deux fois l’option Coup dévastateur, pour 12 points de dégâts supplémentaires…] Il outrepasse l’armure magique de l’Alchimiste, et lui fend le crâne en deux ! En retirant sa hache, il fait tomber la capuche de son adversaire, révélant ainsi un visage hideux, qui n’a absolument rien d’humain – ou, plutôt, qui est constitué de très nombreux visages humains luttant pour s’imposer quelques secondes aux dépends des autres : les yeux, les oreilles, les nez, les bouches, sont encore en mouvement constant, et jaillissent brièvement des endroits les plus incongrus, avant de disparaître tout aussi soudainement – l’effet secondaire mentionné par l’Alchimiste lui-même, conséquence de ce qu’il a prolongé durant des siècles sa vie à l’aide de Larmes de Jouvence extraites de victimes qui ne lui étaient pas liées… Puis le visage de l'Alchimiste se fige une dernière fois, à jamais.

 

III : SE REMETTRE ET RENTRER

 

Azar Al’Tamûl baigne toujours dans sa cuve où il souffre atrocement – Liu Jun-Mi au-dessus de lui contemple sa lance rongée et fumante… Nepuul rejoint le Ghataï ; observant le vieil homme, il comprend sans peine qu’il a subi énormément de dégâts, même si, à en croire l’Alchimiste, le processus est encore réversible – mais la médecine conventionnelle est clairement impuissante.

 

Il faut le sortir de là – on débarrasse la table où s’entassait tout un bric-à-brac alchimique afin de l’y allonger. Après avoir débattu de plusieurs méthodes pour extraire Azar Al’Tamûl de la cuve sans se brûler, Nepuul et Redhart jettent un œil aux diverses potions qui se trouvent dans cette salle ; le Zaluti repère bientôt d’autres fioles de résistance – probablement ce que l’Alchimiste utilisait lui-même pour procéder à ce genre de manipulations. Liu Jun-Mi en boit une, et sa peau se densifie : il peut plonger les bras dans la cuve sans crainte, c'est tout juste s'ils fument un peu après coup, et en sortir le pauvre Azar Al’Tamûl.

 

La victime de ses propres enfants a toujours les yeux exorbités et la bouche figée sur un cri muet de terreur et de douleur mêlées. Nepuul comprend vite qu’il mourra bientôt s’il ne trouve pas un moyen de soigner au plus vite les blessures subies… Narjeva adresse une prière à Nemmereth – et, est-ce l’intervention du dieu de la mort, son regard est attiré sur une canalisation – en la suivant, elle découvre qu’elle aboutit à une sorte de petit robinet, qui goutte très lentement dans une fiole placée pile en dessous : il s’agit des Larmes de Jouvence extraites d’Azar Al’Tamûl – sans plus attendre, Narjeva lui en fait boire tout le contenu : c’était effectivement, à ce stade, le seul moyen de sauver le vieil homme, en annulant le processus entamé par l’Alchimiste. Tous sont convaincus de ce que la potion a fait son effet et qu’Azar est hors de danger – c’est visible, d’une certaine manière. Cependant, le vieil homme a vécu une expérience extrêmement traumatisante, et les séquelles psychologiques sont peut-être plus graves que les physiques – dans tous les cas, il faudra attendre quelques jours pour qu’il revienne un tant soit peu à lui.

 

Les aventuriers n’ont aucune envie de traverser le Désert de Beshaar avec un compagnon aussi lourdement handicapé – ils décident donc de passer ces quelques jours nécessaires au rétablissement d’Azar Al’Tamûl dans le Palais du Roi-Sorcier Men’darr, Nepuul veillant son patient avec le plus grand soin. En explorant les environs, ils découvrent un réseau de grottes à proximité : il s’y trouve des sortes d’étables, où les gardes ont parqué les coursiers des sables des héros (il y a aussi une petite charrette, que l’on peut atteler à ces animaux) – mais aussi des cuisines et des réserves bien fournies, et une petite source produisant une eau limpide et délicieusement rafraîchissante. Liu Jun-Mi dès lors ne quitte pas ces lieux – il refuse de remettre les pieds dans le Palais du Roi-Sorcier.

 

Les autres ne se privent pas de piller les trésors de l’Alchimiste, et Nepuul tout particulièrement met la main sur d’autres fioles de résistance ainsi que des potions d’anti-fièvre et de neutralisation d’acide ; il lorgne sur la riche bibliothèque démonique du palais, mais ils ne peuvent pas se charger outre-mesure : ils ont bien dix jours de traversée du désert devant eux pour retourner à Badhasar. Or Nepuul craint de manquer d’yzane… même s’il a de quoi préparer quelques doses supplémentaires en usant du très bon matériel de l’Alchimiste.

 

Au bout de trois jours, Azar Al’Tamûl retrouve la faculté de parler – du moins parvient-il à prononcer quelques mots, si pas encore de quoi tenir une conversation suivie. Il ne comprend pas très bien ce qui lui est arrivé, où il se trouve, comment il est arrivé là, qui sont les aventuriers… Progressivement, cependant, alors qu'il réapprend à parler, les souvenirs reviennent – et sa souffrance morale, sa peine d’avoir été ainsi trahi par les siens, apparaît à tous (davantage que sa colère). Il confirme enfin qu’il a été enlevé par ses enfants, qui ont simulé son départ « pour affaires » (sans doute avec la complicité de quelques employés de la Maison Al’Tamûl…), puis convoyé ici par Denh, dans l’espoir de sauver la vie du petit Adel. Il est maintenant bien obligé d’admettre que la « légende » des Larmes de Jouvence était fondée, lui qui refusait d’en entendre parler et de dépenser des fortunes pour pister des chimères dans le désert… et ce constat n’est pas sans l’affecter également.

 

Nepuul se demande ce qui les attend à Badhasar : il suppose que, si Manna Al’Tamûl a sacrifié son propre père, elle ne fera que peu de cas d’une bande de mercenaires ayant découvert le pot aux roses… Elle ne peut tout simplement pas courir le risque que des indiscrets révèlent comment elle a sauvé son fils en sacrifiant son père. Azar ne se fait pas d’illusions à ce propos. Mais il est un homme puissant à Badhasar – il y aura des alliés, si le besoin s’en fait sentir. Il demeure encore indécis quant à la marche à suivre… même s’il préférerait régler l’affaire sans effusions de sang, de toute évidence. Quoi qu’il en soit, il saura récompenser ceux qui lui ont sauvé la vie – en abondance.

 

Il est temps de reprendre la route de Badhasar. Les conditions du voyage retour sont les mêmes qu’à l’aller : des dunes à perte de vue, des tempêtes de sable quotidiennes, des journées insupportablement chaudes, des nuits très froides. Ils repassent par l’oasis de Bakinar, où l’ermite marmonne toujours la même prière sans leur prêter la moindre attention. L’odeur d’ammoniac les assaille de temps à autre, mais les ombres jaunes ne se manifestent pas autrement. Ils atteignent Badhasar après dix jours de voyage sans plus d’histoires.

 

IV : RÉUNION DE FAMILLE

 

Les aventuriers entendent pénétrer discrètement dans la ville. Azar peut les y aider : Aristan, un riche marchand de Badhasar, est de ses amis proches – et suffisamment proche pour qu’Azar sache qu’il fait de la contrebande, en utilisant des accès secrets au souk, qu’il connaît (et qui n’attireront pas l’attention des nombreux « espions » qui rôdent dans le souk à la nuit tombée). Aristan s’avère aussi fiable qu’Azar l’espérait – et pas moins outré de la trahison de Manna et Denh, qu’il connaît depuis leur plus tendre enfance.

 

Ils discutent de la marche à suivre – l’idée la plus prisée consiste à prétendre avoir accompli la mission, en présentant à Manna Al’Tamûl de fausses Larmes de Jouvence, et de jauger sa réaction, mais, dans tous les cas, il s’agit surtout dès lors de la confronter à son père – même si Azar est très indécis, il n’a pas la moindre idée de ce qu’il fera dès lors. Aristan, le cas échéant, est tout disposé à fournir quelques-uns de ses hommes pour dissuader Manna Al’Tamûl de tout geste violent inconsidéré.

 

Après avoir discuté de plusieurs subterfuges, tous les héros se rendent au Palais Turquoise, à l’exception de Redhart, qui est incapable de mentir, et qui reste en arrière avec les hommes d’Aristan et Azar Al’Tamûl. Les quelques gardes de service dans le palais reconnaissent les héros, et on les invite à suivre l’un d’entre eux, qui les conduit à Manna Al’Tamûl.

 

Elle les attendait avec impatience. Ont-ils réussi à trouver les Larmes de Jouvence ? demande-t-elle aussitôt d’un ton suppliant. Narjeva prétend que c’est bien le cas... Alors il faut les faire boire à Adel tout de suite, il a beaucoup souffert ces derniers jours et n’en a plus pour très longtemps ! Mais Kalev refuse de lui donner la fiole tant qu’elle ne les a pas payés. Manna étonnée relève l’absence de « M. Finken », avec qui elle avait dressé le contrat – mais il avait des affaires dans le souk. Qu’importe, le contrat vaut pour tous, et Manna est une marchande honorable, elle les paiera comme convenu ! « Maintenant », insiste Kalev. Dans un cri de rage, Manna ouvre des tiroirs et renverse des coffrets, y saisissant des poignées de pièces d’or et de pierres précieuses qu’elle jette avec mépris aux pieds des aventuriers ! « Vous en avez assez, comme ça ? Tenez, prenez ça ! Et ça ! Et encore ça ! Vous êtes satisfaits ? La fiole, bon sang ! C’est la vie de mon fils qui est en jeu ! » Furieuse et nerveusement épuisée, elle décroche des dagues suspendues aux murs, fracasse des statues par terre… Mais Nepuul, sarcastique, avance que d’autres membres de la famille Al’Tamûl ont souffert dans cette affaire – pas seulement Denh, non… Manna voit très bien où il veut en venir, et essaye d'évacuer la question, sans grande habileté : son père s’est rendu au Palais du Roi-Sorcier Men'darr de son plein gré, mais c'est qu'il voulait garder la chose secrète, de crainte du qu’en dira-t-on… « Je vous en prie ! Mon fils a besoin des Larmes de Jouvence ! C’est le seul moyen de sauver sa vie ! » Mais le Zaluti poursuit : Azar Al’Tamûl n’avait pas l’air très volontaire, dans cette cuve… Narjeva en rajoute – avec la fiole dans les mains, qu’elle refuse à Manna. Celle-ci s’effondre, en sanglots : « Je n’avais pas le choix… C’était un vieil homme ! Mon fils avait toute sa vie devant lui ! C’était injuste qu’il périsse ainsi ! Et son grand-père refusait de monter une expédition pour le sauver, son propre petit-fils ! Il était riche à millions mais ne comptait pas sacrifier la moindre piécette ! Et vous allez me prétendre que… Je vous en supplie, donnez-moi les Larmes de Jouvence ! »

 

C’est alors qu’Azar Al’Tamûl pénètre dans le salon, accompagné de Redhart et de quelques-uns des hommes d’Aristan. La gravité d’Azar, plus triste que coléreux (mais bel et bien indigné), contraste avec la jovialité déplacée du mercenaire de Parsool. Voyant son père, Manna baisse la tête, vaincue, et pleure en silence. Redhart n’attend pas davantage pour interroger le vieil homme sur leur récompense – outre les biens précieux jetés par Manna. Azar va s’en occuper dès que possible – mais il doit d’abord s’entretenir avec sa fille ; s’ils veulent bien se retirer un moment ? Ils obtempèrent.

 

Narjeva s’enquiert cependant auprès de Manna d’où se trouve son fils : « Où voulez-vous qu’il soit… Dans son lit, à gémir… Il ne le quittera que pour être couché dans un cercueil… » La prêtresse de Nemmereth se rend dans la chambre du petit Adel, dont la douleur est palpable, et recommande son âme auprès du dieu de la mort. Nepuul, qui a accompagné Narjeva, soulage les souffrances du petit garçon à l’agonie avec une dose d’yzane. Il n’en a plus que pour quelques jours au plus.

 

Les aventuriers retrouvent Azar, qui a confié sa fille à deux gardes loyaux – il n’est pas comme elle, en mesure de faire couler le sang de la chair de sa chair : elle sera exilée. Il a préparé une récompense pour ses sauveurs – et les remercie encore d’avoir su… « faire le bon choix », dit-il en hésitant visiblement.  Cependant… Les Al’Tamûl ont la réputation d’être durs en affaires. Les héros ont toute sa gratitude, et sa protection, mais… « Ne nous voilons pas la face : vous vous êtes fait une ennemie. Je vous engage à ne pas rester plus longtemps dans cette ville. Comprenez-bien… » Il se tourne plus particulièrement vers Narjeva : « Le souk nocturne a ses activités… particulières ; et Aristan m’a confié qu’un contrat était pendant à la Guilde des Assassins de la ville. Ma fille se doutait bien que vous perceriez son secret, et avait pris ses dispositions pour que vous soyez éliminés sitôt les Larmes de Jouvence entre ses mains. Le problème est qu’un contrat est un contrat, et il est impossible d’annuler cet engagement. Même moi, avec toute ma fortune, je ne peux rien y faire. Je vous enjoins donc à quitter la ville au plus tôt. À vrai dire, c’est la région que vous devez quitter – nous savons ce qu’il en est des assassins à Halakh… Mais je ne pense pas que la Guilde vous poursuivra au-delà, si vous partez dès maintenant. »

 

Les héros, notamment Redhart, pensaient négocier avec Azar de juteux contrats, et Nepuul voulait s’entretenir avec lui du sort du Palais du Roi-Sorcier Men’darr et de tout ce qui s’y trouve, mais ça n’est visiblement pas le moment : Azar est mortellement sérieux. Narjeva, en tant qu’assassin, comprend très bien que ce ne sont pas des paroles en l’air, et que son statut ne la protège par ailleurs en rien. Les aventuriers, déçus, n’insistent pas, et prennent leurs dispositions pour quitter Badhasar au plus vite, à dos de coursiers des sables que leur offre Azar

 

V : ÉPILOGUES

 

Les aventuriers finissent par se séparer pour vaquer à leurs propres occupations. Liu Jun-Mi retourne dans le Khanat, où il avait chargé un chasseur bei wei de lui trouver un ourson à dresser ; il se consacre à la tâche… ce qui, pour lui, implique de s’entraîner quotidiennement à lutter avec son nouvel animal de compagnie.

 

Nepuul Qomrax dépense tout son butin pour monter, quelques mois plus tard, une expédition à destination du Palais du Roi-Sorcier Men’darr, pour en rapatrier son matériel alchimique et, surtout, sa précieuse bibliothèque, riche de vieux grimoires en démonique. Il prend cependant bien soin de passer au large de Badhasar, et de s’entourer de mercenaires à même de le protéger contre toute velléité d’assassinat… mais ses nuits dans le Désert de Beshaar ne sont pas tranquilles. De retour sain et sauf à Satarla, l'alchimiste songe également à confectionner une arme de qualité exceptionnelle pour un de ses compagnons de route – Narjeva, peut-être ?

 

Redhart Finken a obtenu d’Azar Al’Tamûl de conserver une copie de la carte indiquant l'emplacement du Palais du Roi-Sorcier Men’darr (l’original restant aux mains des sages de l’Observatoire) – il aime les cartes, il a envie de se lancer dans une collection… De retour à Parsool, il étale son butin dans bien des soirées de débauche, et rencontre l’amour de sa vie, « son petit oiseau bleu », Ronja Krijfer, la fille d’un riche marchand de la ville, qui exige contre sa main une dot colossale (et dépassant largement les fonds de Redhart, qui est toujours aussi prompt à dépenser tout ce qu’il gagne). La jeune femme a les traits d’un bulldog, et le caractère qui va avec – autoritaire, hautaine, méchante avec les domestiques comme avec les membres de sa famille… Redhart est sous le charme.

 

Kalev s’achète une lyre, et engage tout un orchestre pour faire des tournées dans tout le Golfe de Satarla, ceci afin d’accroître sa renommée en tant que ménestrel, mais aussi compositeur – il écrit d’ailleurs des chansons sur ses aventures et celles de ses compagnons ; il en dédie une tout spécialement à Redhart. Mais le public ne se montre pas aussi réceptif qu’il l’espérait…

 

Narjeva a été assez secouée par cette aventure – qui a renforcé en même temps sa vocation de prêtresse de Nemmereth. Se repenchant sur son parcours, elle a le sentiment d’avoir jusqu’alors suivi cette carrière plus par opportunisme qu’en raison d’une foi sincère. Mais les manœuvres de Manna Al’Tamûl comme de l’Alchimiste, et le jeu mesquin avec la vie et la mort qui créait en même temps les Larmes de Jouvence et les ombres jaunes, ont changé tout cela. Ce véritable bouleversement spirituel confine à vrai dire au fanatisme, et Narjeva dépense tout son butin pour édifier son propre sanctuaire dédié à Nemmereth, près de sa ville natale d’Urceb. Le contrat sur sa tête conclu par Manna Al’Tamûl suscite en elle des réactions diverses, allant de la pitié à la haine – elle fait jouer ses contacts parmi les assassins de Lémurie pour, non seulement déjouer les plans de ceux qui souhaiteraient s’en prendre à elle, mais aussi pister la responsable de cet état de fait, en attendant le bon moment pour frapper…

 

Myrkhan, enfin, s’est lui aussi rendu à Urceb­ – les nombreuses catacombes de la ville excitant sa curiosité. Il en a exploré autant que possible, en faisant l’acquisition de nombreuses cartes plus ou moins fiables. Après quoi il a parcouru en long et en large les Plaines de Klaar – espérant apprivoiser sa méfiance et sa crainte des sorciers dans ces terres abritant les ruines de leur gloire passée. Sans grand succès…

 

C’est fini pour « Les Larmes de Jouvence », mais, courant janvier, nous jouerons probablement un autre scénario de la gamme officielle de Barbarians of Lemuria – j’ai plusieurs pistes, je n’ai pas encore choisi. Quoi qu’il en soit : à suivre…

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