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Recherche pour “l'anneau unique”

"The Castle of Otranto", d'Horace Walpole

Publié le par Nébal

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WALPOLE (Horace), The Castle of Otranto, edited with an introduction and notes by Michael Gamer, London, Penguin Books, coll. Penguin Classics, 2001, XLII + 159 p.

 

Bon, j’ai du retard à rattraper, moi… Allez, c’est tipar.

 

Un beau jour (enfin, vu mon rythme de sommeil actuel, il devait faire encore nuit), je me suis réveillé avec une idée saugrenue en tête : « Et si que je lirais des livres in english in ze text, pour voir ? hein ? hein ? » Idée saugrenue s’il en est, quand on sait que mon niveau dans la langue de Shakespeare, s’il fut correct du temps où c’que j’avais des boutons sur la gueule, a considérablement pour ne pas dire dramatiquement chuté depuis mon entrée dans le supérieur. Quelques expériences ici ou là s’étaient d’ailleurs avérées des semi-réussites, mais sans doute cela venait-il du choix des textes : Stephen King, ça passait (en gros) ; Lewis Carroll, oui et non ; Bradbury et Wells, idem. Finalement, par pure lâcheté, je n’ai guère poursuivi (si ce n’est en comics, là, OK), et c’était sans doute un tort.

 

D’où l’idée saugrenue que voilà. Et cette fois, histoire de ne pas reculer devant l’adversité, je me suis payé un certain nombre de bouquins en VO. Et parmi ceux-là, quelques gothiques anglais, histoire de parfaire ma culture du genre. En effet, des grands classiques de ce domaine littéraire (entendu au sens strict), je n’avais lu jusqu’à présent (et en français, œuf corse) que Le Moine, de Matthew Lewis, que j’avais bien aimé au passage (normal, vu le côté éminemment « sadien » de la chose – quoi qu’ait pu en dire le divin marquis lui-même). D’où mon envie de commencer ce cycle de lectures anglaises par le « grand-père » de la littérature gothique britannique, The Castle of Otranto d’Horace Walpole.

 

D’Horace Walpole ? Mais c’est que ce petit filou cachait bien son jeu ! La première édition de ce texte séminal était signée « William Marshall, translator » : il s’agissait en effet de faire croire que le texte en question était une traduction d’un original italien datant de l’époque des croisades, retrouvé dans une vieille famille catholique du nord de l’Angleterre (ce qui, dans l’Albion d’alors, n’était certes pas innocent sur les plans politique, philosophique et spirituel)… Le pire étant que la supercherie a effectivement fonctionné, et en a berné quelques-uns. Mais dès la seconde édition, la vérité a été rétablie, et l’honorable Horace Walpole (d’autant plus honorable que, bien, bien qu’imprimeur à ses heures, il ne voulait pas de la réputation d’homme de lettres…) a reconnu sa paternité sur ce petit texte unique en son genre, destiné à réconcilier « two kinds of romances », l’ancienne et la moderne. Comprendre par-là la « naïveté » et la magie des récits de chevalerie et la psychologie et le sentiment des romans modernes.

 

Mais ce qui surprend énormément, chez ce « grand-père » de la littérature gothique (« grand-père », oui, je me répète : le genre ne sera véritablement à la mode, avec Ann Radcliffe et compagnie, qu’une ou deux générations plus tard), c’est son goût affiché pour l’humour (voyez la préface à la seconde édition, où Voltaire s’en prend plein la gueule, ce qui n’est pas pour me déplaire, uh uh…) et le grotesque, voire, diraient les mauvaises langues – et on en a un échantillon dans les appendices, comprenant des critiques contemporaines ou légèrement postérieures –, le ridicule.

 

Ainsi dès les toutes premières pages. La scène se déroule au château d’Otrante, dans le sud de l’Italie, cadre quasi unique de l’action. Conrad, chétif héritier de la maison d’Otrante, doit épouser Isabella. Mais – CHPLONK ! – il est écrasé le jour même, avant ses noces, par un heaume géant qui lui tombe du ciel directement sur la gueule (si, si !), première des nombreuses manifestations surnaturelles qui parsèment le roman, et dont bon nombre se ramènent à des éléments d’armure géants (ce qui a son sens, mais chut, chut…). C’est qu’une malédiction pèse sur la maison d’Otrante, qui a usurpé son pouvoir, et le tyrannique Manfred, dont Conrad était le seul fils, en est bien conscient ; il entend tout faire pour tromper la malédiction. Et bien que marié lui-même à la loyale Hippolita, le prince d’Otrante entend épouser Isabella en lieu et place de son fils (mouhahahaha !), afin d'en obtenir une descendance mâle. Il faut encore ajouter au tableau sa fille Mathilda, un jeune et brave paysan du nom de Théodore, le prêtre de l’église locale, le père Jérôme, et enfin toute une flopée de domestiques shakespeariens en diable (ceux qui font frémir Voltaire). Voilà pour les personnages et pour le décor.

 

Quant à l’histoire, vous vous en doutez déjà : fantômes, passages secrets, demoiselles en détresse, quiproquos, révélations improbables, drames familiaux, retournements de situation invraisemblables… le tout à fond de train, pour tenir dans une centaine de pages, en cinq chapitres extrêmement denses, et quasiment dénués de descriptions (ce qui en rend la lecture en anglais extrêmement aisée, dois-je dire) : tout passe dans les dialogues, très finement écrits ; on ne sera pas surpris d’apprendre que The Castle of Otranto a très tôt été adapté pour la scène, tant tout y incite ou presque. On notera au passage une chose qui a choqué à l’époque, mais qui me paraît un plus intéressant : l’absence de véritable morale dans cette histoire, ou plutôt le côté désagréable et injuste de sa « morale », puisqu’il s’agit bien, avec cette histoire de malédiction, de faire peser sur des innocents la faute commise par des ancêtres…

 

Au final, The Castle of Otranto se révèle être aujourd’hui encore ce qu’il était déjà il y a près de 250 ans : un divertissement efficace et jubilatoire, rondement mené et brillamment exécuté.

 

 Quelques mots pour finir sur cette édition : le fait est que c’est du beau boulot. On commence par une chronologie et une longue introduction suivie d’une bibliographie sur Horace Walpole et son œuvre, tout à fait intéressantes ; quelques notes viennent de temps en temps éclairer quelques points d’histoire ou de vocabulaire ; mais, surtout, il ne faut pas négliger les appendices, qui, comme je l’ai indiqué plus haut, contiennent de très intéressants jugements critiques sur The Castle of Otranto en particulier et/ou Horace Walpole en général (on y croise au passage quelques grands noms, comme Walter Scott). De la belle ouvrage, pour un classique de la littérature gothique, et de la littérature en général.

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"La Moustache", d'Emmanuel Carrère

Publié le par Nébal

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Réalisateur : Emmanuel Carrère.

Année : 2005.

Pays : France.

Genre : Drame / « Fantastique » ? / « Science-fiction » ?

Durée : 87 min.

Acteurs principaux : Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Mathieu Amalric, Hippolyte Girardot, Cylia Malki…

 

Non, non, vous ne rêvez pas : non seulement je vais vous entretenir d’un film, mais en plus il s’agit d’un film… français.

 

Diantre.

 

Serais-je tombé malade ?

 

Eh bien, peut-être. Mais il y a une raison bien simple à ce visionnage, qui tient au nom du réalisateur de la chose : Emmanuel Carrère est surtout connu en tant qu’écrivain, et je dois confesser ne pas l’avoir vraiment pratiqué ; mais ça me travaille depuis un moment, dans la mesure où nombre de personnes de bon goût de mon entourage m’ont éloquemment vanté les mérites de son œuvre. Pour ma part, j’avoue cependant n’en avoir lu qu’un seul bouquin : il s’agit – sans surprise – de son excellente « biographie romancée » de Philip K. Dick Je suis vivant et vous êtes morts.

 

Or La Moustache – à l’origine un roman du monsieur, qu’il a donc décidé de porter lui-même à l’écran ; je voulais au passage lire le livre avant de voir le film, mais les circonstances ont fait que… –, La Moustache, disais-je, repose sur un postulat que l’on pourra très légitimement trouver éminemment dickien (c’en est du moins une des trois grilles de lecture possibles ; dans les entretiens – assez inintéressants par ailleurs – qui accompagnent le film sur le DVD, Emmanuel Carrère évoque lui-même cette piste… sans toutefois citer explicitement le nom de Dick). Mais voyez plutôt.

 

Marc (Vincent Lindon, excellent) et Agnès Thiriez (Emmanuelle Devos, pas terrible) forment un couple parisien passablement bourge – y a qu’à voir leur putain d’appart’ –, a priori heureux et sans histoire. Marc porte la moustache depuis dix ans. Sur un coup de tête, pour faire une blague à sa femme et à ses amis, il décide subitement de la raser. Seulement voilà : ni sa femme, ni ses amis, ni ses collègues ne semblent s’en apercevoir ; ce qui l’agace un tantinet… Il finit par s’en plaindre… et on lui rétorque qu’il n’a jamais porté la moustache.

 

Et ce n’est que le début d’une spirale infernale qui plongera Marc dans un terrible cauchemar paranoïaque : devient-il fou ? est-ce sa femme qui délire et qui a incité son entourage à jouer le jeu, par un complot pervers ? est-il en train de glisser insidieusement dans un autre univers, voire de s’effacer progressivement ?

 

Une des réussites de La Moustache, un de ses atouts indéniables, est que c’est un film – et sans doute aussi un roman – qui ne donne pas d’explication, et laisse le spectateur/lecteur confronté à ces différentes interprétations sans lui en imposer une. Bien entendu, c’est dans tous les cas – et pas uniquement selon la grille de lecture la plus ouvertement « fantastique » voire « science-fictive » – franchement dickien. J’ai immédiatement pensé, devant ce pitch, à la fameuse anecdote concernant l’interrupteur pour allumer la lumière dans une pièce, qui semblait avoir mystérieusement changé de place ; mais on pourrait aussi évoquer nombre de nouvelles ou de romans de Philip K. Dick, même si la référence (le terme n’est peut-être pas très bien choisi…) la plus flagrante est l’excellent Coulez mes larmes, dit le policier (voire Le Maître du haut château, dont on ne répétera jamais assez que l’uchronie nazie, en dépit des apparences, n’est pas le sujet principal) ; de même, j’ai tout naturellement pensé aux deux conférences hallucinées sur la nature de la réalité et sur les modifications qu’elle subit pour une raison ou une autre que l’on trouve dans Si ce monde vous déplaît… Et si Emmanuel Carrère n’évoque donc pas explicitement Dick, je l’imagine cependant tout à fait conscient de cette filiation, de cette influence, qui n’a pas spécialement de raison de surprendre de sa part.

 

Certes, La Moustache, ce n’est pas que cela (même si, à partir de ce postulat, Carrère brode une intrigue remarquable, baignant dans une ambiance oppressante tout à fait réussie). C’est aussi – plus prosaïquement, et de manière plus, euh, « française » – l’histoire d’un couple ordinaire, qui bascule progressivement dans la suspicion, la peur et la colère. Les personnages de Marc et Agnès sont fort bien pensés, et le résultat est tout à fait saisissant (malgré l’interprétation en demi-teinte, donc, d’Emmanuelle Devos). Voilà un sujet qui en temps ordinaire ne m’intéresse pas plus que ça, mais qui est ici magnifiquement illustré, à tel point que le sort des deux époux ne saurait laisser indifférent.

 

Vous aurez compris (…) que j’ai beaucoup aimé ce film. Certes, la dimension dickienne, donc, n’y est sans doute pas pour rien ; même si l’on n’est pas ici dans une adaptation directe de l’auteur d’Ubik, j’aurais pourtant envie de dire que c’est malgré tout le film qui a le plus et le mieux saisi l’atmosphère de son œuvre que j’ai jamais vu, avec L’Échelle de Jacob, Ouvre les yeux, Fight Club et The Truman Show (mais derrière une adaptation officielle, cette fois, en l’occurrence l’excellent A Scanner Darkly de Richard Linklater).

 

Ce n’est pas pour autant un chef-d’œuvre, n’exagérons rien, et je lui reconnais volontiers bien des défauts. Sur le plan purement technique et esthétique, le film oscille entre l’intéressant – ainsi ce très beau plan où Vincent Lindon se retourne vers le miroir de la salle de bain, mais qu’une barre lui dissimule son absence de moustache – et, le plus souvent hélas, une banalité parfois un brin ennuyeuse. Notons également, dans ces considérations esthétiques, l’usage pour le moins déroutant qui est fait de la musique (un concerto pour violons de Philip Glass), qui vient, part, revient et s’interrompt abruptement, pas toujours à bon escient, même si, dans l’idée, ce n’est pas inintéressant. Il y a cependant plus gênant, à savoir le jeu des acteurs : si Vincent Lindon est irréprochable (euphémisme), les autres sont assez franchement médiocres (et notamment Emmanuelle Devos, donc ; c’est ennuyeux dans la mesure où une bonne part du film repose sur ses épaules…), voire pires (on notera ici, pour le plaisir, la brève, euh, « performance » de Mathieu Amalric, incroyablement mauvais dans la courte scène où il fait son apparition…). Un dernier reproche, enfin : j’ai trouvé la partie à Hong Kong un brin longuette, tout de même.

 

Oui, je sais, ça fait pas mal de choses. Mais ça ne m’a pas empêché d’apprécier très sincèrement ce film dont je trouve le point de départ fascinant, et qui parvient – mine de rien, c’est pas évident – à construire une œuvre entière autour de cette idée très simple. Grâces en soient rendues à Emmanuel Carrère et à Vincent Lindon, qui parviennent à insuffler à cette Moustache une ambiance unique en son genre, et qui fait froid dans le dos.

 

 

Putain, j’ai aimé un film français. Serais-je en train, moi aussi, de « basculer » ? Si j’en donne trop l’impression, n’hésitez pas à m’abattre, vous serez fort aimables.

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"A la recherche du temps perdu", de Marcel Proust

Publié le par Nébal

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PROUST (Marcel), À la recherche du temps perdu, [s.l.], Humanis, 2012, [édition numérique]

 

Hop, Nébal poursuit sa découverte des grands classiques de la littérature qu’il était honteusement passé à côté, cette fois avec un gros morceau : l’intégrale d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, c’est-à-dire Du côté de chez Swann, À l’ombre des jeunes filles en fleur (putain que ce titre est beau ; prix Goncourt, au passage), Le Côté de Guermantes, Sodome et Gomorrhe, La Prisonnière, Albertine disparue (parfois titré La Fugitive, telle était la volonté de Proust), et enfin Le Temps retrouvé. Ce qui nous fait un beau livre pour le moins épais, d’autant qu’il obéit au style proustien – c’est quelque chose – et est donc composé de chapitres interminables, faits de paragraphes interminables, eux-mêmes le produit de phrases interminables.

 

Je ne pensais pas en parler tout de suite – c’est que je suis à la bourre pour plein de trucs –, mais, dans la mesure où ça a déjà commencé à s’écharper sur Proust dans les commentaires de mon non-compte rendu d’Ulysse de Joyce, je me suis dit qu’il pouvait être approprié de fournir un espace à la discussion (pal inclus).

 

Commençons par résumer Proust.

 

 

Hop !

 

 

Plus sérieusement, je ne crois pas que cela soit très utile…

 

À la recherche du temps perdu est une œuvre d’une ambition folle ; c’est à bien des égards l’œuvre d’une vie. Il s’agit, pour le narrateur madeleinophage – je ne vous ferai pas l’insulte de vous rappeler cet épisode ultraconnu –, de replonger dans son passé, et d’élaborer ainsi une sorte d’histoire parallèle à celle de l’auteur, histoire prenant place dans la haute bourgeoisie et l’aristocratie françaises de la fin du XIXe siècle et du début du XXe (ce qui nous vaut quelques beaux moments consacrés, entre autres, à l’affaire Dreyfus ou à la Première Guerre mondiale).

 

Autant dire que c’est méchamment snob, à un point parfois difficilement supportable. Un des intervenants dans les commentaires mentionnés plus haut dénonçait dès lors le caractère de romancier « people » de Proust, ave sa fascination plus ou moins bien placée pour les salons de la haute (notamment celui de l’incontournable Mme Verdurin, insupportable comme c’est pas permis) et leurs histoires de fesses (notamment, mais pas seulement, homosexuelles, avérées chez le baron de Charlus, suspectées chez Albertine). On pourrait difficilement le nier. Mais on aurait à mon sens tort de limiter la Recherche à cette dimension plus ou moins pénible, et d’un intérêt parfois douteux.

 

C’est qu’il y a tant de choses là-dedans. En fin de compte (oui, en fin : Le Temps retrouvé est capital dans cette aproche), ces salons et ces histoires de fesses relèvent pas mal de l’épiphénomène. L’ambition est tout autre : il s’agit véritablement de faire de la vie une œuvre d’art, par un processus de transposition et adaptation sans pareil. Proust procède à la recréation de tout un univers, d’une richesse peu commune, voire unique, avec ses grandes figures, ses drames, ses passions, ses productions artistiques (la musique de Vinteuil, la peinture d’Elstir, etc.)… Aussi la Recherche est-elle une œuvre multidimensionnelle : peinture acerbe d’un milieu social et d’une époque, oui, mais tout autant réflexion sur le temps, la mémoire et l’art (avec des vrais passages de pures dissertations dedans).

 

Il me semble dès lors possible – quand bien même c’est nécessairement arbitraire – de découper la Recherche en trois temps. Le premier est composé de Du côté de chez Swann, À l’ombre des jeunes filles en fleurs et Le Côté de Guermantes. C’est là le cœur du roman, et très probablement la partie que l’on qualifiera le plus volontiers de chef-d’œuvre. Tout est là, et c’est rien de le dire ; mais l’auteur y met aussi les formes : son style est extraordinaire, et met en valeur son propos et ses personnages, d’une profondeur tout à fait remarquable. Chaque page, ici, est un régal, et stupéfiante d’intelligence comme de beauté.

 

Cependant – cela n’engage bien évidemment que moi – la qualité de l’ensemble diminue quelque peu – voire sacrément – par la suite. Affaire Dreyfus exceptée, je n’ai pas trouvé mon bonheur dans les trois volumes suivants, Sodome et Gomorrhe, La Prisonnière et Albertine disparue. La relation de ce petit con de narrateur avec Albertine suscite bien des pages pénibles, d’autant plus qu’elles sont atrocement bavardes. Quant aux affaires de cul des snobinards fréquentés par ledit petit con de narrateur, elles commencent à devenir franchement chiantes.

 

Mais, heureusement, il y a Le Temps retrouvé, qui relève à nouveau du chef-d’œuvre. Les pages consacrées à l’impitoyable vieillesse sont d’une cruauté terrible, le fond philosophique de l’œuvre est d’une intelligence tout à fait singulière.

 

Au final, et malgré la baisse de régime des tomes 4 à 6 – à mes yeux en tout cas, donc –, À la recherche du temps perdu mérite bien ses lauriers de grand classique de la littérature française et, au-delà, mondiale. Œuvre rare, qui peut se permettre sa mégalomanie – c’est pas tous les jours que ça arrive –, la Recherche est d’une richesse et d’une beauté tout à fait uniques. Je n’en ferais pas pour autant le plus impérissable des chefs-d’œuvre, ni même le sommet de la littérature française (Flaubert rules, non mais oh), mais y a pas, c’est quelque chose. Et on ne peut pas le limiter à une romance « people » ; le pal pour ceux qui oseraient.

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"Devil Story : Il était une fois le Diable", de Bernard Launois

Publié le par Nébal

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Titre : Devil Story : Il était une fois le Diable.
Réalisateur : Bernard Launois.
Année : 1985.
Pays : France.
Genre : Horreur.
Durée : 72 min.
Acteurs principaux : Véronique Renaud, Marcel Portier, Catherine Day, Nicole Desailly, Christian Paumelle, Pascal Simon…
 
(Hop, à tout seigneur tout honneur, le lien vers la chouette chronique de Rico sur Nanarland : http://www.nanarland.com/Chroniques/Main.php?id_film=devilstory )
 
David Lynch est un fumiste, un escroc, un vil plagiaire. Et Kubrick aussi, d’ailleurs. Et tous les autres. Tous. Sans exception. Des voleurs, des menteurs, qui ont tout pris au plus grand cinéaste de tous les temps, le seul, le vrai, qui se trouve être Français, en plus (oui, Môssieur), j’ai nommé Bernard Launois. Avec cet extraordinaire Devil Story : Il était une fois le diable, M. Launois a réalisé le plus grand film d’auteur (avec un grand « H ») de l’histoire du cinéma. Et il ne sera jamais dépassé.
 
Espérons-le, du moins (quoique…). Parce que pour un film d’horreur, ben là, du coup, c’est vraiment horrible ! Devil Story est une de ces œuvres rares qui aguichent le superlatif. Tout est « le plus » quelque chose, dans cette abomination. Pas étonnant, dans un sens, que ça soit le dernier film de son auteur (qui avait semble-t-il commencé sa pathétique carrière dans le film de fesses avant qu’il ne devienne film de boules, puis avait enchaîné sur d’abjectes comédies franchouillardes, avant de finir sur ce chef-d'oeuvre). En comparaison, Eric Rohmer fait figure de réalisateur correct, et Jean Rollin de virtuose. C’est dire… Produit en faisant la quête dans le métro de Saint-Barnabé-les-Flôts, photographié par un sadique, filmé avec les pieds de la scripte, monté par un nazi, interprété par des recalés au casting de Plus belle la vie, et, surtout, écrit par un fou dangereux, Devil Story est un film somme, une expérience, une grosse merde. Un nanar de compétition.
 
Plan bucolique sur la campagne normande. C’est joli, la Normandie. Quand soudain… TADAAAAAAAAAA !!! Surgit à l’écran un… heu… un type bizarre, sorte de sous-Leatherface mal maquillé, vêtu d’un pantalon militaire et d’un manteau noir de SS. Ca commence fort. Le type beugle, agite frénétiquement son couteau, et se rue sur ses victimes innocentes (en se prenant les pieds dans une tente). MASSACRE ! Gros plan sur le cadavre d’une victime ; le réalisateur semblant très content de son unique effet gore d’une inventivité et d’une efficacité sensationnelles, à savoir une poire qui fait « pssscchit » et fait gicler un peu de vin rouge toutes les deux secondes, le plan s’étire sur une durée inqualifiable, à la manière de ce que l’on pouvait voir dans le légendaire Blood Feast d’Hershell Gordon Lewis, mais en plus ridicule encore (et ça reviendra souvent dans le film, qui a de toutes façons une tendance ahurissante à faire s'éterniser les plans pour gagner du métrage…). Mais retournons maintenant à notre joyeux massacreur nazi ; il s’en prend à d’autres campeurs innocents qui ramassent du bois en sautillant et chantonnant (juré, j’invente rien) ; puis c’est le générique ; et puis hop un autre meurtre, comme ça, d’un automobiliste de passage et de sa bourgeoise qui n'en revient tellement pas qu'elle continue d'ouvrir et de fermer les yeux une fois morte. De temps à autre on voit un cheval. Noir, c’est important. Et puis on rejoint notre héroïne, touriste blonde comme il se doit. Un chat noir la regarde. Miaou. Miaou. Eclair. Cheval. Chat. Aaaaaaaaaaaaaah ! Mais non chérie ce n’est rien. La jeune fille perturbée et son ahuri d’époux se rendent dans une auberge (qui ressemble fort à un putain de château, oui) tandis que retentit la Toccata et fugue en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, agrémentée de coups de tonnerre de temps à autre (astucieux et original, n’est-ce pas ?).
 
Sans qu’on lui ait rien demandé, l’aubergiste, pressé par sa grognasse, se met à raconter la lugubre histoire du patelin. Flash-back : auparavant, dans le coin, y’avait des naufrageurs (on voit cinq types en costumes ridicules allumer un feu, et un stock-shot de bateau) ; sauf qu’une fois, il y a cent ou deux-cents ans, on sait plus, ils ont ainsi fait s’échouer un navire anglais « qui aurait dit-on fait une brève escale en Egypte pour y ramasser quelque chose, on n’a jamais su ce que c’était ». Aaaaaaaaaaah ! Les naufrageurs, on les a jamais revus après cette nuit d’équinoxe, mais ils ont des descendants, une vieille sorcière et son dégénéré de fils (oui, le nazi). Sinon, y’a aussi un cheval qui rode dans le coin (le cheval noir, donc), et c’est le cheval du Diable. D’ailleurs, l’aubergiste a juré de lui défoncer sa vilaine trogne, au canasson. Alors on le voit bientôt prendre son fusil, et essayer de taper avec la crosse sur un stock-shot de cheval courant à au moins 50 m de lui ; ensuite, à plusieurs reprises au cours du film, on le verra tirer sur le cheval (c’est-à-dire : on le voit tirer, on voit le stock-shot de cheval, le vieux se retourne dans l’autre sens et tire, on revoit le stock-shot de cheval, ad lib.), ce qui constitue une sorte d’intrigant « fil rouge ». Et en plus il ne recharge jamais.
 
La blonde, de son côté, attirée par une force obscure, décide de sortir en nuisette et ciré jaune en plein milieu de la nuit (parce que cette fois c’est bien la nuit ; ce film accumulait jusque-là les faux-raccords jour / nuit à une fréquence qui ferait pâlir de jalousie un Ed Wood au sommet de sa forme) ; elle prend sa voiture, croise le cheval, a peur du cheval, fuit vers une maison isolée qui se trouve bien sûr être celle du nazi et de sa psychopathe de mère, et découvre dans la joie ce qui sera quasiment son unique réplique jusqu’à la fin du film : « AAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!! » Et puis une maquette de galion sort d’une colline, et alors là y’a un sarcophage (enfin, un couvercle de sarcophage), et il en sort une momie, et pis y'a une histoire de sœur aussi, et…
 
Bon. C’est déjà assez confus comme ça. Désolé mais je fais ce que je peux. Seulement voilà : ce film est totalement in-com-pré-hen-sible. Cherchez pas. C’est impossible. D’où Lynch c’est qu’un pédé. La succession de twists ridicules à la fin du métrage n’arrange certes pas les choses (mais bordel, qu’est-ce qu’il fout là, ce putain de chat qu’on n’avait pas vu depuis une heure ?!?). Par contre, un point positif : c’est ridicule du début à la fin.
 
Une expérience, vous dis-je. Moi, en tout cas, j’en sors traumatisé, et j’imagine que ça se voit…
 
Désolé.

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La Ménagerie de papier, de Ken Liu

Publié le par Nébal

La Ménagerie de papier, de Ken Liu

LIU (Ken), La Ménagerie de papier, ouvrage proposé par Ellen Herzfeld & Dominique Martel, traduit [de l'américain] et harmonisé par Pierre-Paul Durastanti, Saint-Mammès – Aulnay-sous-Bois, Le Bélial' – Quarante-deux, [2004, 2009, 2011-2014] 2015, 438 p.

 

C'est sans doute vrai dans tout milieu, a fortiori s'il est relativement fermé, mais ça se constate en tout cas très clairement dans le fandom SF : il y a une propension à l'enthousiasme exagéré, une tendance à voir dans telle ou telle nouveauté un « chef-d'œuvre », en tablant sur sa pérennité, une volonté de qualifier de « génie », de « prodige » ou de « surdoué » tel ou tel auteur qui fait l'actualité. Mais au final, tout cela nous donne régulièrement de bons bouquins, cependant rarement aussi bons que ce que l'on prétendait...

 

Ces derniers temps, dans cette catégorie, on a beaucoup vu circuler le nom de Ken Liu, jeune auteur américain d'origine chinoise, qui a livré en quelques années à peine tout un tas de nouvelles, de toutes tailles, dont bon nombre ont su attirer l'attention. C'est peu dire : ainsi que ne manquent pas de le rappeler un bandeau et la quatrième de couverture, la seule nouvelle qui donne son titre à ce recueil (sans équivalent en anglais) a été lauréate à la fois du Hugo, du Nebula et du World Fantasy Award, fait unique (« Mono no aware » a également été lauréate du Hugo 2013, mais ça me paraît plus discutable). Tout cela pouvait bien légitimement susciter la curiosité pour cet auteur au parcours déjà bien rempli, et l'idée de ce recueil s'imposait d'autant plus que, de son propre aveu (dans un avant-propos qui fait un peu peur pour la suite, à tort heureusement), l'auteur se tourne aujourd'hui davantage vers la forme longue et la traduction.

 

Alors ? Enthousiasme ? Chef-d'œuvre ? Génie ? Prodige ? Surdoué ?

 

Ben pour une fois c'est bien possible.

 

En tout cas, à la lecture de ce seul recueil, on ne peut que reconnaître que Ken Liu figure parmi les plus brillants nouvellistes SF actuels, même si j'avoue pour ma part ne pas le trouver aussi systématiquement bluffant qu'un Ted Chiang ou un Greg Egan ; il joue néanmoins indubitablement dans leur cour des grands.

 

L'auteur dit ne pas attacher beaucoup d'importance à la distinction entre les sous-genres de l'imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique), ni même, à vrai dire, accorder une grande importance à la notion de genre. Tant mieux pour lui comme pour nous, même si l'on note malgré tout dans ce recueil (au-delà du titre renvoyant à une nouvelle de fantasy, pour le coup) une assez nette prédominance de la science-fiction (mais cela traduit peut-être les goûts des Quarante-deux plutôt que ceux de Ken Liu à proprement parler?).

 

Quoi qu'il en soit, on trouve bien des choses variées dans cette Ménagerie de papier (dont quelques short short, mais pas vraiment de novelettes ou novellas). On est même parfois à la limite de l'exercice de style, mais le plus fort, c'est que ça marche quand même à chaque fois (ou presque : je trouve personnellement que le registre humoristique ne lui sied guère, ainsi qu'en témoigne à mon sens « Le Golem au GMS » – mais c'est un cas unique dans ce recueil). On ne prétendra pas que Ken Liu fait dans la « hard science », lui préférant un registre plus poético-philosophique. Mais, ceci mis à part, on trouve vraiment de tout ou presque dans ce recueil très bien conçu (et dont les dernières nouvelles, sans que l'on puisse forcément parler de « cycle » au sens strict, constituent un ensemble presque insécable jouant sur un lexique et des thèmes communs).

 

Le recueil est par ailleurs parcouru de thèmes transversaux, le plus important, et de loin, et ce dès la première nouvelle, étant le souvenir (ou la mémoire, comme vous voudrez) ; on s'interroge ainsi régulièrement sur la part jouée par le souvenir dans la constitution de la personnalité, ou sur le sens des traditions à l'heure de la conquête spatiale et des nanotechnologies. Se pose aussi, tout naturellement (?), la question de l'exil (ou immigration)...

 

Or le recueil sait systématiquement ou presque poser ces questions délicates avec une grande finesse... doublée d'une certaine astuce dans la manipulation du lecteur. Ainsi, on croit à un moment lire un énième pamphlet anti-Facebook-Apple-Google et compagnie, mais la vérité s'avère autrement plus complexe qu'une simple hostilité remâchant sans cesse les même arguments qui n'en sont pas. La première nouvelle est à vrai dire exemplaire (et d'autant mieux placée), qui joue des stéréotypes « gentil/méchant » jusqu'à l'extrême limite de la tension des contraires, avec une intelligence parfaite, et donc éloignée de tout manichéisme au final.

 

L'intelligence, oui : c'est sans doute ce terme qui, retourné dans tous les sens, définira le mieux La Ménagerie de papier. On a vanté les qualités de nouvelliste de Ken Liu ? On avait bien raison : là, on tient effectivement quelque chose, pour une fois. On en veut davantage, du coup ; d'autres traductions de nouvelles, déjà ; mais si le monsieur se montre aussi brillant dans la forme longue... Bon, verra bien. Mais avec impatience.

 

EDIT :

 

Raoul et Gérard Abdaloff en causent ici.

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Chroniques Oubliées Fantasy

Publié le par Nébal

Chroniques Oubliées Fantasy

Chroniques Oubliées Fantasy. Casus Belli HS #1, Black Book, septembre 2014, 336 p.

 

Toujours en quête, pour le principe, d’un jeu donjonneux jouable, et en attendant éventuellement la traduction de la dernière mouture de Donjons & Dragons, la cinquième, qui semble recueillir dans l’ensemble des échos très favorables, j’ai depuis sa parution été attiré par Chroniques Oubliées Fantasy, un jeu de rôle complet publié en tant que hors-série de Casus Belli (la version Black Book), rassemblant divers éléments publiés au fur et à mesure dans la revue rôlistique, après une boîte d’initiation depuis longtemps indisponible. J’avais envie de quelque chose de classique mais enthousiasmant, et de relativement simple – tout en permettant une expérience de jeu variée, et sans faire dans l’ultra-simple comme d’autres jeux contemporains (cela dit, je vous parlerai très bientôt de La Lune et Douze Lotus, que j’ai dévoré, et qui m’a vraiment convaincu).

 

Chronique Oubliées Fantasy semblait bien répondre à ce cahier des charges. Certes, c’est du D20, basé sur la licence OGL 3.5 – comme Pathfinder, par exemple, également distribué en France par Black Book (le présent ouvrage propose d’ailleurs des passerelles entre les deux systèmes) ; mais on est (heureusement) très loin de la dimension simulationniste du titre de Paizo comme du Donj’ équivalent. Chroniques Oubliées Fantasy est en effet d’un abord autrement facile, et pour cause : à l’instar de la boîte qu’il vient prolonger, il garde une très nette optique d’initiation ; mais c’est un jeu d’initiation qui reste jouable une fois celle-ci assurée, et c’est bien tout ce qui en fait l’intérêt.

 

Dense mais lisible, plutôt bien organisé dans l’ensemble, en couleurs, doté d’illustrations allant du sympa à l’atroce, le jeu – que j’ai chopé pour ma part dans sa version « de base », arborant les couleurs de Casus Belli, et non une couverture rigide réservée à l’édition « deluxe » (le contenu étant par ailleurs le même) – a une certaine gueule, et on en a sans doute pour son argent avec ce relativement gros bouquin (même si on regrettera d’assez nombreuses coquilles, mais bon : c’est la norme…).

 

La base est très classique, avec les races habituelles des jeux d’heroic fantasy (même si d’autres, un peu moins convenues, sont présentées ultérieurement, dans le gros chapitre fourre-tout des règles optionnelles), et des profils (équivalent des classes) assez banals dans l’ensemble, même s’il y a quelques originalités relatives ici ou là (et on trouve par ailleurs, ultérieurement, des profils de prestige, inaccessibles à la création du personnage). Chaque profil repose pour l’essentiel sur plusieurs voies, et c’est là à la fois le gros atout et la faille éventuelle de Chroniques Oubliées Fantasy. En effet, ces voies – composées de cinq rangs – sont autant de « règles spéciales » (ce qui vaut d’ailleurs, dans le système de base, pour la magie également : on n’apprend pas des sorts parallèlement dans un grimoire, tout figure dans les voies), passablement rébarbatives à la lecture, et qu’il est bien entendu impossible d’appréhender en totalité pour un pauvre MJ censé faire l’arbitre et porter tout le poids de la mécanique ; mais certes, dès l’instant qu’une collaboration honnête s’instaure entre le MJ et les joueurs, ce problème n’en est plus vraiment un, et ces voies permettent alors de rendre chaque personnage unique, et de l’amener à accomplir des actes héroïques dont on se souviendra longtemps. La dimension épique est en effet très marquée ici, et ce que l’on aborde le jeu selon une approche high fantasy ou low fantasy (les deux sont envisagées).

 

Et il faut bien reconnaître que l’on peut parvenir à tout ça en usant d’une mécanique très simple, voire élémentaire. Oubliez les listes de compétences interminables : on se base ici uniquement sur les caractéristiques (les six classiques), et même plus précisément sur les modificateurs qu’elles entraînent. Tout en découle – avec une éventuelle pondération par les voies. Et il en va de même pour le système de combat, qui tient en quelques pages très claires, bien loin des lourdeurs simulationnistes auxquelles le genre nous a habitués.

 

Cela dit, rien de « simpliste » pour autant. Chroniques Oubliées Fantasy semble garantir une authentique expérience de jeu parfaitement à même de se renouveler sans sombrer dans la répétition et la lassitude. Et si on souhaite pimenter les choses au fur et à mesure, libre au MJ de piocher dans le long chapitre de « règles optionnelles » (une soixantaine de pages), permettant de moduler totalement le système, que ce soit par des détails (qui peuvent avoir leur importance…) ou par des éléments qui semblent a priori plus fondamentaux (par exemple, le système de « magie vancienne » typique du jeu à Gygax). Cet aspect modulaire me plaît beaucoup ; mais on avouera par contre qu’il n’est pas toujours évident de se repérer dans ce gros chapitre fourre-tout (une table des matières interne aurait été bienvenue, déjà…). D’autres chapitres participent d’ailleurs de cette optique, en montrant comment créer des objets magiques, ou, surtout, des rencontres (système complètement refait – l’original avait semble-t-il été critiqué dans la parution en revue –, bien plus complexe que la base, mais qui me paraît assez bien foutu) ; cela dit, dans l’immédiat, on peut très bien se contenter de l’abondant bestiaire qui figure dans cet ouvrage…

 

L’aspect « initiation », dans Chroniques Oubliées Fantasy, vaut aussi comme de juste pour le MJ. Et celui-ci est vraiment pris par la main, d’une manière très élégante : les chapitres de conseils au MJ m’ont rarement paru utiles, mais là c’est très bien fait, rien à redire ; cela vaut d’ailleurs aussi pour le scénario d’initiation en fin de volume (qui reprend, trente ans plus tard, le cadre de Clairval de la boîte d’initiation) : certes, cette aventure à base de gobos crétins n’a rien de vraiment palpitant ; on ne fait pas ici dans l’épique, non ; mais, pour apprendre à gérer une partie, ça me semble vraiment très bien fait.

 

Après avoir un peu hésité sur les voies et ce qu’elles impliquent, donc, je n’ai pu à terme que m’avouer pleinement convaincu par Chroniques Oubliées Fantasy. Ce jeu correspond exactement à ce que je cherchais (enfin !) ; sans aller jusqu’à parler de « perfection », on ne peut qu’applaudir le sérieux et la pertinence dont ont fait preuve les auteurs ; ne manque à vrai dire qu’une chose : un univers. Mais bon, c’est de la fantasy classique, alors on peut adapter sans souci… Je n’en ferais donc même pas un bémol : Chroniques Oubliées Fantasy est bel et bien le jeu donjonneux mais jouable que j’attendais.

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Dimension URSS, de Patrice Lajoye (éd.)

Publié le par Nébal

 

LAJOYE (Patrice) (éd.), Dimension URSS, Encino, Black Coat Press, coll. Rivière Blanche – Fusée, 2009, 295 p.

Ma chronique figurait sur le défunt site du Cafard cosmique... La revoici.

 

 

Inutile de se voiler la face, Camarades : depuis que des vermines réactionnaires ont vandalisé un mur à Berlin, en 1989, la science-fiction soviétique ne se porte pas au mieux. Le KGB est d’ailleurs formel : en France, à titre d’exemple, les prolétaires n’ont plus accès à rien dans ce domaine depuis des années.


Heureusement, le camarade Patrice Lajoye, qui s’y connaît en entrisme, vient de publier une anthologie dans l’audacieuse collection « Rivière Blanche » (coutumière de ces recueils étrangers) qui devrait être en mesure de pallier ce manque cruel. Et si l’anthologiste a choisi de faire l’impasse sur la production la plus ouvertement propagandiste et didactique pour privilégier les auteurs dits de la « quatrième vague » - « l’exotisme » de ces nouvelles, pour un lecteur français, consistant dès lors en un subtil décalage, et non en une différence radicale -, il n’en reste pas moins que ce Dimension URSS, unique en son genre, présente bien des atouts à même de raviver chez les prolétaires français le goût pour la science-fiction des soviets.

 

Après une (trop) courte préface du camarade Lajoye expliquant le pourquoi du comment, l’anthologie s’ouvre sur une bizarrerie à la limite du hors-sujet, puisque pré-soviétique : « La Terre, Scènes des temps futurs » est en effet une pièce de théâtre du camarade Valeri Brioussov antérieure à la Glorieuse Révolution d’Octobre. Mais ce choix se révèle étrangement pertinent, tant ce texte, pompeux certes, mais aussi visionnaire à bien des égards, dans sa description d’une apocalypse molle, semble anticiper la destinée de l’URSS et celle de sa production science-fictive. Un très bon choix, donc, et une excellente introduction.

Suivent deux nouvelles de science-fiction humoristique brodant sur le thème du savant fou, l’excellente « Au-dessus du néant », d’Alexandre Beliaev (s’inscrivant dans une série), puis, sans doute un plus anecdotique (et très didactique, comme il était alors d’usage), « L’Éveil du professeur Berne », de Vladimir Savtchenko.

Héroïsme et patriotisme sont au menu avec « L’Astronaute », de Valentina Jouravliova, une nouvelle dans « la stricte orthodoxie soviétique » ; mais elle est compensée, immédiatement après, par « Sur un sentier poudreux », de Dmitri Bilenkine, courte nouvelle où un héros soviétique se trompe - rappelez-vous, il ne s’agit heureusement que de fiction.

On retourne à quelque chose qui marque plus durablement les esprits avec « Le Pré », de Karen A. Simonian, variation finalement bien trouvée sur le thème des arches stellaires. Notons au passage que cet auteur est le seul à avoir deux textes dans cette anthologie. Mais on avouera que cette première nouvelle, acerbe et poétique, est plus convaincante que la lourde « Le Saule épanché et le roseau tremblant », qui conclut l’anthologie, et dans laquelle le culte de la mère-patrie (l’Arménie, en l’occurrence) se révèle un peu agaçant.

On passera rapidement sur « Une dernière histoire de télépathie », de Roman Podolny, récit convenu, et sur « Quels drôles d’arbres », de Victor Koloupaev. Ces deux textes ne soutiennent en effet pas la comparaison avec la plupart des nouvelles qui suivent, comme la transfiguration science-fictive du mythe de « Pygmalion », par Vladimir Drozd, auteur qui signe là son unique incursion dans les littératures de l’imaginaire, avec un incontestable brio poétique.

Si « Un cheechako dans le désert », de l’auteur populaire Kir Boulytchev se montre ensuite d’une pénible naïveté (mais l’auteur s’adressait à la jeunesse avec sa série « Alice »), les choses redeviennent autrement plus sérieuses avec la superbe « La Station intermédiaire », de Valentina Soloviova : fantastique ? science-fiction ? Peu importe : ce texte est un petit bijou, un vrai chef-d’œuvre, sans doute et de loin le meilleur texte de l’anthologie.

Autre réussite notable : « La Toute Dernière Guerre au monde », de Vladimir Pokrovski, typique de la thématique du désarmement nucléaire dans les années 1980, où les points de vue alternent entre un homme et une bombe. Impressionnant, de même que « Vingt Milliards d’années après la fin du monde », de Pavel Amnouel, variation rondement menée sur la crainte de l’holocauste nucléaire, et qui - fait rare - adopte pendant un bon moment le point de vue des capitalistes américains.

Le tout, vous l’aurez compris camarades, constitue une anthologie variée, mûrement réfléchie et de très bonne facture dans l’ensemble, avec quelques perles surnageant au milieu de textes dont aucun ne saurait véritablement être qualifié de mauvais.

 

Cerise sur le gâteau : le camarade Lajoye a complété son travail par une passionnante postface sur la science-fiction soviétique en général et la « quatrième vague » en particulier, dont on regrettera qu’elle soit aussi courte. Encore une bonne idée pour finir : l’anthologie se conclut sur un port-folio de couvertures de la revue Tekhnika Molodeji (La Technique pour les jeunes), qui accueillait régulièrement de la science-fiction dans ses pages.

Le bilan est donc positif. Mais il est pourtant une critique sur laquelle on ne saurait faire l’impasse : les traductions (quand bien même « révisées » pour les nouvelles qui avaient déjà connu une traduction française dans des organes de propagande moscovites) sont souvent loin de faire honneur aux textes ; certaines phrases se montrent d’une pénible lourdeur, tandis que d’autres... ne veulent tout simplement rien dire. Les coquilles étant en outre assez nombreuses, on regrettera donc que cette anthologie, par ailleurs plutôt réussie, n’ait pas bénéficié d’une relecture à la hauteur...

 

En attendant, lecteurs de tous les pays, Unissez-vous ! Malgré ces derniers défauts, Dimension URSS reste un ouvrage tout ce qu’il y a de sympathique, et le prolétaire français victime de l’oppression capitaliste-réactionnaire y trouvera de quoi s’initier à la science-fiction soviétique dans ses divers aspects. Une réussite, donc ; ne reste plus qu’à espérer que l’anthologiste retrousse ses manches pour un Dimension Russie...

 

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"Terminus radieux", d'Antoine Volodine

Publié le par Nébal

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VOLODINE (Antoine), Terminus radieux, Paris, Seuil, coll. Fiction & Cie, 2014, 616 p.

 

 

 

Et hop, voilà le dernier Antoine Volodine. Et il gagne le prix Médicis, en plus. Oui, un roman d'Antoine Volodine. Autant dire un roman de science-fiction, au fond, même s'il n'est pas certain que l'auteur revendiquerait cette appartenance, lui qui n'est plus publié en science-fiction depuis fort longtemps.

 

 

 

Peu importe. C'était là un roman à côté duquel je ne comptais pas passer. Et même si je n'ai pas pu assister à la rencontre avec l'auteur à la librairie Charybde, je me suis empressé de me procurer cet ultime opus et d'en faire la lecture. Et il est temps, maintenant, d'en faire le bilan.

 

 

 

 

 

 

Et celui-ci ne sera pas uniquement élogieux. Je trouve en effet des choses à reprocher à ce pavé extrêmement ambitieux. Et je ne sais pas s'il méritait vraiment le Médicis. Une chose me paraît certaine, en tout cas : Terminus radieux est nettement moins bon que Des anges mineurs ou Bardo or not Bardo. Ce qui n'en fait pas un mauvais roman pour autant, hein. Non... Mais il va m'être difficile de le juger à sa juste valeur et de lui décerner la récompense qu'il mérite, et pas une autre...

 

 

 

Nous sommes toujours dans le cadre habituel des romans post-exotiques d'Antoine Volodine. Plus précisément, le cadre se détermine ici en rapport avec une Deuxième Union soviétique. « Terminus radieux » (ouh le joli nom) est un kolkhoze. Àsa tête, un certain Solovieï. Juste en dessous, ses trois filles. En dessous, des larbins divers, plus ou moins hauts placés dans la société. Tout ce petit monde est peu ou prou immortel. Et ces gens-là vivent dans la taïga pendant des siècles, émaillés d'accidents nucléaires.

 

 

 

Un cadre paradisiaque, n'est-il pas ? De quoi passer une éternité réjouissante, en bonne compagnie et dans le sain respect des vertus et principes du socialisme. Ou presque... Car à la vérité, tout ce beau monde ne s'entend pas forcément très bien. Il y a des rivalités entre générations, entre sexes et entre castes. Et ces gens constituent peu ou prou un festin pour les corbeaux...

 

 

 

Il y en a, des choses, dans Terminus radieux. Beaucoup. Trop, en ce qui me concerne... Et je ne saurais véritablement en dresser ici la liste exhaustive. Roman total, Terminus radieux balaye une multitude de thèmes, de l'utopie soviétique à la création littéraire, en passant par l'immortalité et l'atome. L'action se déroule sur plusieurs siècles, qui voient s'assembler et se déchirer des communautés de pionniers aux relations ambiguës. Savoir ce qu'ils veulent, au juste, et ce dont ils rêvent ? Veulent-ils tous la même chose, d'ailleurs, et la veulent-ils continuellement, sur la durée ? C'est à vrai dire peu probable. L'expérience de « Terminus radieux » est bien plus probablement destinée à mettre en évidence les failles et les lacunes de cet Homme rouge éternel, les défaillances de son rêve toujours reconduit. Immortels ou morts-vivants, ils végètent dans une nature hostile. Le kolkhoze en vient à constituer une fin en soi, un horizon indépassable.

 

 

 

On pourrait continuer ainsi longtemps, en agitant telles des marionnettes les divers protagonistes, plus ou moins humains. Mais résumer Terminus radieux serait absurde. Il faut le vivre.

 

 

 

Non, ce n'est pas le meilleur Volodine. Non, il ne méritait peut-être pas le Médicis, à moins de considérer que celui-ci récompense une œuvre globale et non un titre particulier. Mais cela reste une expérience à vivre, qui ne saurait laisser indifférent.

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"La Lumière d'Orion", de Valerio Evangelisti

Publié le par Nébal

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EVANGELISTI (Valerio), La Lumière d'Orion, traduit de l'italien par Jacques Barbéri, [s,l,], La Volte, [2007] 2014, 329 p.

 

 

 

Et hop ! Un nouveau Nicolas Eymerich. Le huitième, dans l'ordre. Je ne pouvais bien évidemment pas passer à côté, vous savez combien j'apprécie la série des aventures de ce salopard d'inquisiteur. Cependant, je ne suis pas à l'heure actuelle dans les meilleures conditions pour lire et a fortiori chroniquer ces romans... Et, je ne vous le cacherai pas, si je garde de La Lumière d'Orion le souvenir d'un bon divertissement, à la hauteur des critères de la saga, je défaille quand vient le moment de passer aux détails...

 

 

 

Qu'en dire ? Tout d'abord, que nous trouvons dans ce roman les principes habituels de la série : l'histoire, unique, se déroule donc sur trois époques, qui viennent éclairer chacune sous un angle différent la trame à laquelle se retrouve confronté l'inquisiteur Nicolas Eymerich. Je ne peux hélas m'avancer beaucoup plus en la matière, ayant largement oublié les implications fondamentales de ces trois branches de l'histoire...

 

 

 

Le gros de l'intrigue, cependant, se déroule en 1366, et pour l'essentiel à Constantinople. Un cadre de choix pour une enquête d'Eymerich, qui lui permet de se confronter à une chrétienté autre, en proie aux assauts de l'Islam. Mais c'est surtout une hérésie chrétienne qui va justifier l'intervention de l'inquisiteur, hérésie illustrée par une fresque inspirée par le poète Pétrarque...

 

 

 

Le reste de l'intrigue se déroule en deux temps : « Par-delà les siècles », en Irak, des soldats qui n'ont plus rien d'humain s'affrontent autour des colonnes de Ninive. Au XXIe siècle, de son côté, dans l'Union des États Américains, le professeur Frullifer envisage de faire sauter Bételgeuse pour générer l'arme suprême...

 

 

 

Bref : l'inquisiteur Nicolas Eymerich a du pain sur la planche, ça, pas de doute. Problème : je ne me souviens plus comment il s'y prend au juste... La seule chose que je peux dire de La Lumière d'Orion, c'est qu'il s'agit d'un bon divertissement : à ce compte-là, c'est donc un digne épisode de la série Nicolas Eymerich. Certes, il ne se montre pas stupéfiant d'originalité, mais bon, c'est le jeu : les amateurs de la série seront en terrain connu. On appréciera toujours autant l'astuce dont fait preuve l'auteur (un peu moins ses jugements à l'emporte-pièce : Nicolas Eymerich est un beau salaud, oui, mais je tends à penser que le personnage aurait été plus intéressant s'il avait eu la complexité de son modèle historique).

 

 

 

Autrement, La Lumière d'Orion, pour autant que je m'en souvienne, vaut surtout pour le joli cadre byzantin ; occasion de choix de plonger l'inquisiteur Nicolas Eymerich dans un univers déconcertant, d'autant plus qu'il se montre en fin de compte proche, mais seulement par certains aspects, de l'Europe occidentale qu'arpente plus classiquement le père Nicolas.

 

 

 

Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, je ne dispose pas d'assez de matière pour livrer une chronique véritablement complète, argumentée et solide de La Lumière d'Orion... Un roman correct, un épisode à la hauteur des autres. Je suis franchement désolé, mais je ne peux pas en dire plus...

 

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"La Dernière Frontière", d'Howard Fast

Publié le par Nébal

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FAST (Howard), La Dernière Frontière, [The Last Frontier], traduit de l'américain par Catherine de Palaminy, Paris, Gallmeister, coll. Totem, [1941] 2014, 307 p.

 

Vous vous en rappelez peut-être, c'est avec la brillante collection « Totem » des éditions Gallmeister que j'ai fait mes premières et plus bluffants découvertes dans le genre du western littéraire, avec Contrée indienne de Dorothy M. Johnson, Lonesome Dove de Larry McMurtry et Le Tireur de Glendon Swarthout. Il n'y avait donc rien que de très logique à ce que je continue de jeter un œil sur les publications de la collection. En avril dernier est paru cette Dernière Frontière d'Howard Fast (auteur notamment du Spartacus très politique adapté au cinéma par Stanley Kubrick avec Kirk Douglas), La couverture est assez éloquente : oui, il s'agit bien de tracer ici une page importante de la question indienne ; je ne pouvais donc pas décemment passer à côté.

 

Nous sommes en 1878. Les Indiens des plaines, et notamment les Cheyennes qui nous intéressent plus particulièrement ici, ont été parqués dans ce que l'on appelle alors le Territoire indien, aujourd'hui l'Oklahoma. Une terre pauvre, bien loin des plaines qu'arpentaient depuis des siècles les Cheyennes... C'est bien entendu inacceptable, et les Cheyennes comptent bien retrouver leur bien. Trois cents d'entre eux, hommes, femmes et enfants, décident donc de s'enfuir pour retourner dans leurs terres des Black Hills. Un baroud d'honneur, dans un pays tout entier à leurs trousses, où civils et surtout militaires, incarnant l'autorité de Washington, feront tout leur possible pour les ramener dans leur Territoire, idéal pour leur extinction programmée.

 

 La Dernière Frontière, qui repose pour autant que je sache sur une histoire vraie, nous rapporte ainsi le dernier sursaut de liberté et de dignité de la nation cheyenne, dans des États-Unis au développement rapide, qui s'empressent d'enterrer leurs premiers occupants. Mais le récit se montre d'autant plus fort et astucieux qu'il est ethnocentré : nous ne verrons pas, ici, le point de vue des Cheyennes ; nous devrons le deviner à travers les interrogations des officiers blancs qui ont pour mission de les ramener « chez eux », et qui ne comprennent pas cet exode, saugrenu et « illégitime » à leurs yeux. Ce déplacement, bien pensé, permet sans doute d'éviter de noyer le récit sous les « bons sentiments » ; nulle commisération, ici, et Howard Fast est trop adroit pour faire péter les violons à tout bout de champ. Son histoire n'en gagne que plus de poigne.

 

Certes, je ne ferais pas pour autant de La Dernière Frontière un chef-d'œuvre du genre, et il ne me paraît pas à même de rivaliser avec les trois titres que j'ai cités en début de chronique : il lui manque une certaine élégance stylistique, et en même temps une virulence dans le propos adroitement tempérée par une profonde humanité. Cela reste néanmoins un bon western, assez unique en son genre, poignant sans trémolos donc, et qui retrace avec finesse une page méconnue de la triste destinée du grand peuple cheyenne. Pas mal, donc, et même mieux que ça.

 

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