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Recherche pour “l'anneau unique”

"Le manuel des inquisiteurs", de Nicolau Eymerich & Francisco Peña

Publié le par Nébal

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EYMERICH (Nicolau) & PEÑA (Francisco), Le manuel des inquisiteurs, introduction, traduction et notes de Louis Sala-Molins, Paris, Albin Michel, coll. Bibliothèque de l’Evolution de l’Humanité, [1973, 2001] 2002, 298 p.
 
… ou comment joindre l’utile à l’agréable, en l’occurrence en partant d’une fort sympathique lecture de science-fiction pour aboutir à une passionnante étude d’histoire du droit.
 
Nicolau (ou Nicolas, c’est bien du même qu’il s’agit) Eymerich, vous le connaissez probablement déjà ; et si ce n’est pas le cas, il vous suffit de jeter un œil à mon précédent compte rendu : en envisageant le premier volume de la fameuse saga de Valerio Evangelisti, j’avais déjà eu l’occasion de dire quelques mots du véritable Nicolas Eymerich, qui fut un des plus fameux inquisiteurs de son temps. Il a acquis la majeure partie de sa réputation en rédigeant en Avignon aux environs de 1376 ce Manuel des inquisiteurs (ou Directorium inquisitorum, en latin dans le texte) à nul autre pareil. En effet, à la différence des ouvrages du même genre qui l’ont précédé, comme la célèbre Practica officii Inquisitionis de Bernard Gui, et de la plupart de ceux qui l’ont suivi, comme le plus célèbre encore Malleus Maleficarum, ou Marteau des sorcières, de Henry Institoris et Jacques Sprenger (dont je vous reparlerai sans doute un de ces jours), le livre d’Eymerich ne se contente pas de répertorier textes, cas et anecdotes issus de la pratique inquisitoriale, mais se veut à proprement parler un manuel, un ouvrage technique et utile aux praticiens, bâti sur un solide fond théologico-juridique, et qui soit réellement précieux aux inquisiteurs, en étant en mesure de répondre à toutes les questions que ces juges d’un genre particulier peuvent être amenés à se poser dans l’exercice de leur charge. Citons l’introduction de Louis Sala-Molins (pp. 15-18) :
 
 « Comme le notait A. Dondaine, Eymerich n’offre pas seulement comme ses prédécesseurs en droit inquisitorial des collections de textes juridiques et des récits de sentences – autant de fioritures à des descriptions longues, précises, méticuleuses, de la vie et les mœurs et les croyances de tel ou tel hérétique, des tenants de telle ou telle secte, le tout dans un certain désordre et entrelardé encore de longues dissertations apologétiques bâties sur des événements de valeur circonstancielle ; Eymerich « offre un traité systématique complètement élaboré en vue du seul exercice de la fonction ». L’œuvre d’Eymerich est plus que le manuel : c’est le directoire de l’inquisiteur. Eymerich réalise en droit inquisitorial ce que son compatriote et son frère en religion Raymond de Penyafort réalisa en droit canonique. C’est dire qu’Eymerich n’invente jamais : il lit, compare, collationne, confronte. Pas une ligne de son manuel qui ne renvoie aux textes conciliaires, bibliques, impériaux ou pontificaux. Pas une réflexion « personnelle » que n’étayent des passages de l’Ecriture ou de la patristique. Pas une astuce théologique que ne vienne justifier l’autorité de Thomas d’Aquin ou de quelque grand théologien. Et lorsque le doute est permis, Eymerich aligne, avec des scrupules de chartiste, les thèses en présence, qu’elles se contredisent ou qu’elles se complètent. Une somme, enracinée dans les textes, et dans laquelle s’enracine tout naturellement la procédure ; sa structuration parfaite fait sa parfaite clarté et son parfait mérite. Par souci d’efficacité, Eymerich disparaît derrière son texte, sauf à de rares exceptions et il ne se réfère que parcimonieusement à sa propre expérience d’inquisiteur. Si la neutralité – et l’innocence – existait en matière de compilation de textes juridiques ou théologiques, Eymerich serait un neutre – et un innocent. Et si l’institution avait une mémoire, le manuel qu’écrivait Eymerich serait cette mémoire.
 
« L’inquisiteur catalan part d’une constatation primaire : tout inquisiteur doit utiliser, dans l’exercice de sa charge, d’innombrables textes de diverses catégories dont personne n’a entrepris le regroupement complet. L’inquisiteur doit puiser dans les canons, dans les lois des empereurs et des rois, dans les constitutions, dans les appareils, les gloses, les encycliques, les chartes de privilèges et d’indults royaux, pontificaux, épiscopaux, dans les instructions des Inquisitions locales et dans celles des provinciaux des ordres religieux…, puiser de quoi s’éclairer. Et cela à chaque stade de l’exercice de sa fonction ; en enquêtant, en « processant », en condamnant, en torturant, en acquittant. Or, il n’existe pas de collection complète de tout ce matériel. D’où, fatalement, des risques graves d’erreur de procédure, voire d’irrégularité, et un manque flagrant d’unité dans l’exercice de la fonction inquisitoriale. Il faut donc, dit Eymerich, « regrouper en un seul livre les textes épars, et non pas au hasard, mais de telle sorte que rien n’y manque et que tout s’y ordonne harmonieusement ». Et le manuel naît, intégrant dans une seule trame « les canons, les lois, les constitutions, les appareils, les déterminations, les condamnations, les prohibitions, les approbations, les confirmations et les réponses, les lettres apostoliques, les indults, les conseils, l’analyse des erreurs des hérétiques ». A cette compilation, Eymerich ajoute encore – s’inspirant en cela de ses prédécesseurs – de nombreux formulaires, des modèles de rédaction de sentences, des formules d’abjuration et de condamnation, etc. Il regroupe enfin – citons-le mot à mot – « tout ce qui est nécessaire à l’exercice de l’Inquisition ».
 
« Mais la procédure n’est qu’un aspect des préoccupations de ce théologien qu’est aussi Eymerich. Il lui faut une argumentation dépassant le strict cadre juridique et construite de telle façon que tout inquisiteur puisse s’y référer pour trouver une réponse adéquate à chacune des turpitudes mentales dont pourrait être capable le plus farfelu des hérétiques : « Le manuel comporte trois parties. Il est question dans la première de la foi catholique et de son enracinement. La deuxième parle de la méchanceté hérétique qu’il s’agit de contrer. La troisième est consacrée à la pratique de l’office, qu’il faut perpétuer. » Dixit Eymerich. Le décor est ainsi planté. Explicitée aussi, dès le prologue, l’intention profonde de l’inquisiteur. Et il n’est pas trop osé de dire que l’on tient là, dans cette division tripartite et dans l’ambition de l’ensemble, le secret de la survie du Directorium inquisitorum. »
 
En effet, l’œuvre d’Eymerich, rationnelle, systématique, organisée, présente un caractère d’intemporalité et d’universalité auquel ne pouvaient prétendre ses prédécesseurs. Dès lors, il n’y a finalement rien d’étonnant à ce que Rome ait témoigné de son intérêt particulier pour cet ouvrage, jusqu’à en faire son guide officiel de la pratique inquisitoriale. Elle le fait imprimer dès 1503, et l’ouvrage connaîtra cinq rééditions entre 1578 et 1607, cette fois avec les commentaires de Francesco Peña, docteur en droit canon et en droit civil, destinés à le mettre au goût du jour. On voit ici toute la portée du texte eymericien…
 
Le manuel des inquisiteurs est ainsi un texte fondamental pour qui s’intéresse à cette institution si particulière qu’est l’Inquisition, objet de tous les phantasmes. Et il me paraît nécessaire, à cet égard, de revenir sur l’introduction et les notes de Louis Sala-Molins à cette édition abrégée (puisque ne comportant qu’une sélection de textes renvoyant essentiellement à la procédure ; les premières et deuxièmes parties du plan eymericien sont ici sabrées ; or, aucune mention de ce fait ne figure, ni sur la couverture, ni sur la page de garde, et ce n’est qu’en lisant l’introduction que le lecteur profane en est finalement instruit, ce que je ne trouve pour ma part guère honnête… et aussi un tantinet regrettable. Louis Sala-Molins ne se montre d’ailleurs guère sous son meilleur jour eu égard à cette question ; voyez cette note de la p. 69 : « A la sortie de cette édition, tel historien nous reprochait de ne point lui avoir proposé tout le Directorium. Il avait raison, le cher homme. Le cœur lui en dit-il d’y brûler à notre place quelques années de sa vie ? Libre à lui. Ceux qui voudraient en savoir davantage, nous leur en suggérons le moyen : planter là notre raccourci et chercher dans une très bonne bibliothèque la Somme d’Eymerich. Aussi simple que ça. » Ah ben c’est sympa, merci, vraiment…).
 
Dans son introduction comme dans ses notes – et peut-être dans sa sélection ? Je n’oserais le dire, mais ce serait alors plus gênant… –, Louis Sala-Molins se montre en effet clairement partisan, et défend une thèse contraire à celle qui est retenue par la majeure partie des historiens. En gros, l’historiographie contemporaine est revenue sur l’image de l’Inquisition que le XVIIIe et le XIXe siècles nous avaient léguée, et qui reste très répandue aujourd’hui : celle d’une institution unique en son genre, sanguinaire et odieuse, torturant et brûlant à tour de bras. Il ne s’agit pas de nier ces caractères (ce qui serait un négationnisme pour le moins puant), mais simplement de relativiser le portrait : on a fait observer que l’Inquisition n’était pas aussi arbitraire qu’on le prétendait ; que, si elle avait commis bien des atrocités, le bilan devait probablement être revu à la baisse ; qu’on lui a imputé des crimes qu’elle n’a pas commis, et qu’elle n’était peut-être pas si unique que cela (rappelons, notamment, que le « grand flamboiement » de l’Europe aux XVIe et XVIIe siècles, l’époque des bûchers de sorcières, n’avait strictement rien à voir avec l’Inquisition, et d’ailleurs que les pires massacres de ce type, et de loin, ont été commis dans l’Allemagne protestante) ; enfin, que les pires éléments à charge la concernant ne s’appliquaient pas tant à l’Inquisition dans son ensemble qu’à sa version espagnole de l’époque moderne, largement étatique et subordonnée aux Rois Catholiques, qui avaient même créé un Sénat inquisitorial destiné à la réguler. Louis Sala-Molins conteste cette vision des choses, ce qui est parfaitement légitime : pour lui, le Manuel d’Eymerich montre justement que toutes les atrocités imputées à l’Inquisition peuvent (et doivent) l’être à l’institution dans son ensemble ; et le fait que ce soit Rome qui ait ordonné l’édition du manuel au XVIe siècle avec les commentaires de Francesco Peña montre bien que la prétendue Inquisition espagnole était avant tout romaine. Ce qui se tient, et est parfaitement défendable. Je ne saurais certainement pas prétendre être un spécialiste de la question, et ne peux donc me positionner dans le débat.
 
Pourtant, je tiens à faire quelques remarques concernant l’argumentaire déployé par l’éditeur. Il me semble en effet que Louis Sala-Molins se montre indéniablement désireux de critiquer et de stigmatiser l’Inquisition (dans la longue citation plus haut, le passage sur la « neutralité » et « l’innocence » en témoigne déjà) : pour le citoyen, pour le philosophe, c’est parfaitement légitime, et il va de soi que je n’en ferais certainement pas l’éloge de mon côté… Mais cette attitude me paraît bien plus dommageable chez l’historien ! Et l’on peut bien regretter qu’un certain anticléricalisme, à l’occasion, vienne parasiter l’analyse, et affaiblir la démonstration.

D’autant que plusieurs points de l’argumentaire de Louis Sala-Molins me paraissent hautement contestables ; ainsi quand – dans un discours d’ailleurs passablement contradictoire – il entend montrer le caractère « unique » de l’Inquisition et critiquer le relativisme « justifiant » la dureté de l’Inquisition par la dureté de l’époque, en arguant de sa tendance à se durcir à l’époque moderne (j’y reviendrai) là où la tendance générale serait à l’adoucissement du droit pénal (p. 68). Je me demande bien où il est allé cherché ça ! Loin de s’adoucir, le droit pénal et la procédure pénale des justices royales de l’époque moderne tendent bien au contraire à devenir de plus en plus sévères, l’Inquisition n’a ici rien d’une exception (voyez l’
Histoire du droit pénal et de la justice criminelle de Jean-Marie Carbasse)… Et si les deux auteurs mettent en avant la spécificité de l'hérésie pour justifier des entorses au droit commun, les juristes royaux ne font à vrai dire pas autre chose, quand ils en viennent à traiter de la lèse-majesté et de la justice retenue du roi de France.
 
Le caractère « unique » de l’Inquisition, et le refus d’accorder un statut particulier à l’Inquisition espagnole (pour les raisons évoquées plus haut), me paraissent de même très contestables : si c’est bien Rome qui décide de l’édition du Manuel révisé par Francesco Peña, il n’en reste pas moins que cet ouvrage est destiné avant tout à l’Inquisition espagnole (le commentateur fait plusieurs fois références au Sénat inquisitorial et à la notion propre à l’Espagne de « vieux chrétien », inexistante du temps d’Eymerich, inconnue du reste de l’Europe, et établissant dans la péninsule ibérique une distinction, en gros, entre chrétiens « de souche », si j’ose employer cette immonde et absurde expression, et chrétiens « récents », comprendre par-là les Juifs et les musulmans convertis, qui restaient suspects sur plusieurs générations, conformément, par exemple, aux tristement célèbres statuts de Tolède : la haine religieuse cède ici le pas à une sorte de haine raciale, préfigurant le racisme « moderne » en dépassant la simple xénophobie) ; d’autant que, partout ailleurs en Europe, l’Inquisition n’est plus, soit qu’elle ait été balayée par la Réforme (qui, sans surprise, a traumatisé le bon docteur Peña ! Voyez cet édifiant formulaire d’accusation « moderne », donné en guise d’exemple p. 154 : « Moi, Augustin, fiscal de la Sainte Inquisition, j’accuse devant toi, Révérend Inquisiteur, le nommé Martin Luther d’avoir abandonné la foi catholique et adhéré à l’horrible hérésie manichéenne et à telle et telle autre hérésie, alors qu’il a été baptisé dans le catholicisme et que chacun le tient pour catholique. Je l’accuse de prêcher, d’écrire, de composer et d’affirmer d’innombrables dogmes hérétiques, faux, scandaleux et très suspects de convenir aux hérésies ci-dessus nommées. »), soit que ses fonctions, entre autres du fait des troubles suscités par le Grand Schisme et la crise conciliaire, puis, justement, par la Réforme, aient été récupérées par les justices étatiques, ainsi en France, où la poursuite de l’hérésie, la lutte contre la sorcellerie, contre le blasphème, bref, contre tout ce qui constitue la lèse-majesté divine, sont de la compétence des juges royaux, qui ont empiété sur les privilèges des juges ecclésiastiques, y compris de ces juges délégués que sont les inquisiteurs : à l’époque moderne, les ambitions de théocratie pontificale issues de la réforme grégorienne, qui imprègnent encore si manifestement le texte eymericien, ne sont plus qu’un vain souvenir… La survivance de l’Inquisition en Espagne est bien un cas particulier ; l’Inquisition espagnole, sur bien des points (et notamment sa haine des Juifs, et sa défiance de tous ceux qui ne peuvent s’honorer du titre de « vieux chrétiens »), doit être distinguée de l’Inquisition du temps d’Eymerich (qui s’en prenait bien aux Juifs convertis puis relaps, certes, mais comme à tout relaps, sans prévoir de statut particulier ; fait « amusant », au passage : le devoir imposé aux inquisiteurs de poursuivre et condamner les Juifs considérés hérétiques… par rapport à la loi mosaïque !) ; et les responsabilités sont partagées : les Rois Catholiques y ont leur part, sans doute bien plus importante que celle de Rome – ils ne feraient après tout que suivre l’exemple du Roi Très-Chrétien…
 
Sur tous ces points, encore une fois, je ne saurais prétendre être un spécialiste ; l’éditeur est évidemment bien plus compétent que moi, je ne fais que donner mes impressions… Il est un point, ceci dit, sur lequel je ne passe pas. Dans son combat farouche (et un tantinet arrogant : le style, lourd d'invectives, est pénible…) en faveur de sa thèse, Louis Sala-Molins en vient à commettre un impair qui me paraît cette fois impardonnable : mettre tous ses ennemis dans le même panier. Qu’il s’en prenne vertement à un sinistre sectateur de l’Opus Dei qui a plagié son édition du Manuel des inquisiteurs, et l’a utilisée au mépris de la raison et de la vérité pour en dresser finalement un éloge (!) de l’Inquisition, présentée comme une institution douce et humaine (!), c’est tout à fait normal : ces abominables personnages font de la propagande révisionniste, pas de l’histoire ; ce sont des escrocs, des menteurs, de la trempe des pires défenseurs scolastiques de la tyrannie. Je n’admets pas, par contre, que Louis Sala-Molins, par des tours de passe-passe, leur assimile des historiens compétents, qui ne font que relativiser la noirceur de l’institution inquisitoriale. Pour l’éditeur, remettre en cause le caractère unique de l’Inquisition, ou la comparer à d’autres institutions, est tout simplement criminel, et il emploie à nouveau ici le terme de « révisionnisme », avec les mêmes connotations (on oublie trop souvent aujourd’hui, en se cachant derrière des insultes, que la révision est une nécessité de l’étude de l’histoire…). Halte-là ! Cette fois, c’est un historien qui fait son travail ! Et pour ma part, je n’admets pas ce caractère prétendument unique de l’Inquisition : je crois, bien au contraire, qu’il est nécessaire, pour étudier cette institution, de l’étudier dans le temps, avec ses évolutions, sous ses différentes formes, et de la comparer éventuellement avec d’autres institutions vouées, notamment, à la police politique (qui m'intéresse plus particulièrement). Faute de quoi, on sacrifierait la science sur l’autel de la dénonciation anticléricale ; autant dire que l’on tomberait à son tour dans la police de la pensée… Et quand Louis Sala-Molins s’attaque aussi violemment à ceux qu’il appelle les « comparatistes », « sérialistes », « quantitativistes », « relativistes », etc., il ne diffère finalement guère d’Eymerich s’en prenant aux cathares, aux pélagiens, aux vaudois, aux photiniens, etc. Et de même quand il les range tous sous le vocable insultant de « révisionnistes », ne se livre-t-il pas lui même à la chasse aux hérétiques ? Pour ma part, j’ai toujours adopté une optique relativiste, que ce soit en matière d’histoire, de droit, de politique, de philosophie, ou de tout ce que vous voudrez. Le relativisme et le scepticisme seuls me semblent à même de constituer une science valable, quand bien même nécessairement imparfaite. L’attitude intransigeante de Louis Sala-Molins sur ces question me paraît donc franchement déplorable…
 
Mais tout cela, bien entendu, ne doit pas empêcher de lire sa longue introduction, souvent intéressante, ni a fortiori dispenser de lire le traité d’Eymerich. On y trouvera en effet bien des choses passionnantes.
 
Les textes sélectionnés par l’éditeur renvoient tous à la partie procédurale du manuel. On commence ainsi par envisager la « juridiction de l’inquisiteur ». Il s’agit ici de définir l’hérésie, de distinguer les différents types d’hérétiques (non en fonction de leur secte, mais selon qu’ils sont manifestes ou secrets, affirmatifs ou négatifs, etc.), les hérésiarques, les blasphémateurs, bref, tous ceux qui peuvent nécessiter l’intervention de l’inquisiteur. On voit ici que son champ de compétence est extrêmement large. La question est résumée plus loin (p. 252) :
 
« Nous avons déjà dit qu’il [l’inquisiteur] peut procéder contre les blasphémateurs, les jeteurs de sorts, les nécromanciens, les excommuniés, les apostats, les schismatiques, les néophytes revenus à leurs erreurs antérieures, les juifs, les infidèles vivant parmi les chrétiens, les invocateurs du diable. Mais disons d’une façon générale que l’inquisiteur « procède » contre tous les suspects d’hérésie, les diffamés d’hérésie, les hérétiques, leurs fidèles, ceux qui les hébergent, les défendent ou les favorisent et contre ceux qui mettent des entraves au Saint-Office, contre tous ceux qui, directement ou indirectement, retardent son action. »
 
Ce qui fait déjà beaucoup de monde… Mais le commentaire de Francesco Peña est ici particulièrement édifiant (ibid.) :
 
« Disons, d’une formule plus courte et plus claire que l’inquisiteur peut « procéder » contre tout le monde, hormis les quelques exceptions (le pape, ses légats, les évêques) tenant à la nature même de l’autorité déléguée de l’inquisiteur. »
 
L’air de rien, en passant ainsi d’une liste d’exceptions à une généralité, le docteur catalan du XVIe siècle étend considérablement la portée du texte eymericien, et c’est une pratique que l’on retrouvera souvent dans l’ouvrage. Disons-le franchement : très nombreux sont les passages d’Eymerich à même d’écœurer le lecteur ; mais les commentaires sont souvent bien pires… On constate un indéniable durcissement de la pratique inquisitoriale du XIVe au XVIe siècle, comme on le voit dans la longue partie suivante. Derrière la froideur de la procédure, la répétition des formulaires d’accusation, de délation (on y fait énormément appel, et on fait tout pour l’encourager…), d’abjuration, etc., on entend régulièrement les cris des prévenus détenus dans les prisons inquisitoriales (souhaitées horribles et sévères...), torturés ou condamnés au bûcher (quand bien même la torture n’était pas systématique, et le bûcher encore moins) : en matière d’hérésie s’instaure une véritable présomption de culpabilité ; le moindre faisceau d’éléments à charge (et la rumeur publique en fait partie), qui seraient d’un poids insuffisant pour que le juge « civil » fasse quoi que ce soit, légitime ici le recours à la torture, seul moyen d’obtenir l’aveu, « reine des preuves ». Eymerich se montre le plus souvent très dur, ici, mais un fond d’humanité le rattrape à l’occasion ; Peña, généralement, se montre bien plus catégorique : quand Eymerich rappelle (pour la condamnation, non pour la torture) la règle romaine testis unus, testis nullus, c’est pour inciter à rassembler le plus de témoignages possibles (sans retarder inconsidérément la procédure, ceci dit) ; Peña, lui, se contente à peu de choses près d’une lecture a minima de l’adage, selon laquelle deux témoignages concordants suffisent à condamner au bûcher…
 
On en jugera d’ailleurs par la petite sélection de citations effectuée par l’éditeur en exergue de l’ouvrage (p. 7). Seule une phrase d’Eymerich est retenue : « Tout ce que l’on fait pour la conversion des hérétiques, tout est grâce. » L’inquisiteur autorise ainsi de ruser avec l’hérétique, en jouant sur le sens du mot « grâce »… Nombreux sont les passages où Eymerich témoigne de sa ruse, d'ailleurs, d’une manière que l’on retrouve directement dans les romans de Valerio Evangelisti (un passage du Manuel fournit l’évidente inspiration d’un mémorable interrogatoire des Chaînes d’Eymerich…). Mais voyons maintenant le petit florilège de Peña (ibid.) :
 
« La finalité des procès et de la condamnation à mort n’est pas de sauver l’âme de l’accusé, mais de maintenir le bien public et de terroriser le peuple. » On le sait (voir ma note sur l’ouvrage de Jean-Marie Carbasse) ; mais la franchise de Peña n’en est pas moins frappante… Poursuivons :
 
« Le rôle de l’avocat est de presser l’accusé d’avouer et de se repentir, et de solliciter une pénitence pour le crime qu’il a commis. » Une conception originale… Ajoutons que, si Eymerich se montre déjà passablement réservé sur la possibilité d’accorder un défenseur à l’hérétique, Peña, lui, s’y oppose encore plus. Précisons enfin que le défenseur d’un hérétique… pouvait lui-même être poursuivi de ce seul fait, ce qui devait être assez dissuasif ! Mais continuons :
 
« Que tout soit fait pour que le pénitent ne puisse se proclamer innocent afin de ne pas donner au peuple le moindre motif de croire que la condamnation est injuste. » De toute évidence, Le Prince est passé par là…
 
« Bien qu’il soit dur de conduire au bûcher un innocent… », Peña juge tout de même cela préférable à la possibilité de laisser un coupable en liberté ; en cela, il n’était alors pas le seul, et il a beaucoup d’adeptes aujourd’hui…
 
« Je loue l’habitude de torturer les accusés. » L’air du temps… Eymerich comme Peña, ceci dit, expliquent que la torture n’est qu’un dernier recours, et nécessite en principe l’autorisation de l’évêque ; mais Peña, une fois de plus, se montre bien plus généreux pour l’inquisiteur… Et nous parlons ici de torturer l’accusé (normal, quoi…) ; mais la question se pose aussi de torturer les témoins… et obtient une réponse affirmative ! Bien évidemment (bande de petits sadiques !), nombre de pages sont consacrées à la torture ; ne vous attendez pas, ceci dit, à des anecdotes racoleuses, ou des descriptions des procédés : il n’y en a pas. On ne parle ici que de droit ; c’est amplement suffisant…
 
On pourrait continuer longtemps ainsi, notamment avec la partie qui clôt l’ouvrage, consacrée aux « questions afférentes », où l’aspect pratique du manuel ressort particulièrement (jusque dans les aspects financiers, où Eymerich se montre bien larmoyant...).

Le Manuel des inquisiteurs démontre assez la justesse de la phrase de Valerio Evangelisti (p. 61) : « On comprend que l’expression « légende noire » est effectivement impropre. La couleur était celle-là, mais ce n’était vraiment pas une légende. » Sans doute, ceci dit, vaut-il mieux avoir quelques connaissances de base en histoire médiévale et moderne, et plus encore en histoire du droit, pour apprécier pleinement l’ouvrage. Il serait dommage, en effet, de s’arrêter à la dénonciation scandalisée, dans l’esprit plus ou moins hypocrite de la « repentance » de Jean-Paul II en mars 2000 « pour les crimes et pour les horreurs de l’Inquisition »… Ces crimes ne sauraient faire de doute ; le traité eymericien témoigne d’un projet inconcevable et odieux pour qui le regarde du XXIe siècle débutant (... disons depuis une démocratie libérale telle que la France...). Mais d’un projet unique ? Incomparable ? D’une pure « histoire ancienne » ? Non. Je soutiens, quant à moi, qu’une lecture plus reposée, plus « froide » de cet ouvrage sera bien plus utile : relativiser l’Inquisition, c’est aussi l’identifier dans ses manifestations contemporaines, parfois bien pires – les précautions procédurales d’Eymerich étant mises de côté au nom d'une raison d'Etat qui n'a rien à envier à la pureté de la foi –, mais qui n’ont pas à subir ce juste stigmate d’infamie ; c’est enfin faire honneur à la science, au meilleur de l’homme que d’envisager ses pires aspects avec la justice que les chiens de garde des fanatismes en tous genres refusent à leurs « Ennemis » indifférenciés.

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L'Empereur-Dieu de Dune, de Frank Herbert

Publié le par Nébal

L'Empereur-Dieu de Dune, de Frank Herbert

HERBERT (Frank), L’Empereur-Dieu de Dune, [God Emperor of Dune], traduit de l’américain par Guy Abadia, Paris, Robert Laffont – Presses Pocket, coll. Science-fiction, [1981-1982] 1987, 600 p.

 

Ainsi que j’avais déjà eu l’occasion de le dire, j’ai lu une première fois le « cycle de Dune » tout gamin – ça a été mon premier vrai contact avec la science-fiction littéraire, à bien des égards. Mais c’était bien trop tôt, sans doute : passé le cultissime roman original, dont le contenu aventureux pouvait me parler sans que je perçoive bien pour autant tout ce qui le sous-tend (et fait probablement son véritable intérêt), j’étais passablement largué par le contenu mystique (beuh) et philosophique des tomes suivants – qui ne m’ont du coup pas forcément laissé beaucoup de souvenirs, si ce n’est celui d’avoir bien ramé à l’occasion (notamment sur Les Hérétiques de Dune), même si j’ai poursuivi la lecture jusqu’à son terme, PARCE QUE.

 

Je me souvenais cependant qu’un volume dans l’ensemble m’avait fait une forte impression, et ce quand bien même je passais sans doute largement à côté de son propos, du moins dans ses dimensions les plus complexes – et j’en j’avais pleinement conscience. Ce volume était le quatrième roman, L’Empereur-Dieu de Dune, que j’en suis venu à idéaliser et à proclamer meilleur volet du cycle dans sa globalité.

 

À l’époque, découvrant un peu au pif la SF littéraire, je n’avais probablement aucune idée de ce que la notion de « sense of wonder » pouvait recouvrir – je n’en entendrais parler que bien plus tard. J’ai été d’autant plus stupéfait de voir qu’un livre était capable de faire ça. En fait, il y avait sans doute un aspect préparatoire, dans Dune à proprement parler : au-delà de la majesté improbable des long-courriers de la Guilde, illustration classique du procédé, l’idée d’un Imperium de 10 000 ans, selon un calendrier sans doute bien postérieur à celui de l’ère chrétienne, me remuait déjà délicieusement l’estomac. Mais L’Empereur-Dieu de Dune poussait cet effet encore plus loin : l’image de Leto Atréides II, l’hybride improbable entre l’humain qu’il avait été (peut-être, c’était quand même une « Abomination » dès le départ…) et un colossal ver des sables (là aussi, bébête si inconcevablement énorme qu’elle participe de l’effet « sense of wonder » basique), m’a pas mal chamboulé ; mais plus encore, sans doute, l’idée que ce monstre régnait sur l’Empire galactique depuis plus de 3500 ans ! Inévitablement, je rapportais cette durée invraisemblable à l’histoire de la Terre, et l’idée d’un unique dirigeant d’un unique empire, dont le règne aurait commencé avant même l’époque d’un Ramsès II pour se poursuivre jusqu’à nos jours, me laissait totalement pantois. J’avais oublié, pourtant, que l’effet était en fait redoublé dans le roman de Frank Herbert, puisque le récit emprunte à l’occasion la voie de commentaires émis par des « archéologues » retrouvant les « Mémoires volés » de l’Empereur-Dieu quelques milliers d’années plus tard encore ! Cet abîme dans lequel le futur inconcevablement lointain se transforme en un passé tout aussi éloigné m’impressionne toujours, je suis bon public à cet égard. Dingue, l’effet que l’on peut produire avec quelques nombres, hein ? Même s’il vaut toujours mieux, bien sûr, au risque sinon d’amoindrir l’effet voire de l’anéantir, les enrober d’un propos solide et d’images fortes – ce dont ne manque pas ce quatrième roman, heureusement… du moins au début.

 

Ces « Mémoires » fournissent la plupart des exergues habituelles du roman (et sont souvent assez pénibles, comme d’habitude, mais j’aurai l’occasion d’y revenir), et c’est à bien des égards leur vol, justement, qui ouvre ce quatrième tome. Une scène qui m’avait d’ailleurs considérablement marqué, elle aussi : plus de vingt ans après ma première lecture, je me souvenais encore de ces rebelles courant désespérément, les loups du tyran à leurs trousses, et je me souvenais aussi de leur chef, la vindicative Siona – et je me souvenais aussi, peut-être pas qu’elle était elle aussi une Atréides, mais du moins que sa rébellion était dans un sens conçue et orchestrée par le despote même qu’elle était supposée abattre…

 

L’idée est donc présente dès le départ, et je ne révèle rien ici : une bonne part de L’Empereur-Dieu de Dune est consacrée au jeu pervers que le tyran Leto entretient avec son opposition. Siona, la fille de Moneo, son domestique le plus dévoué (un ancien rebelle lui aussi…), en est d’emblée une illustration flagrante. Une autre rivalise cependant en charisme, voire la dépasse, et c’est Duncan Idaho – ou plutôt les Duncan Idaho, puisqu’il s’agit de « gholas », plus ou moins l’équivalent dunien des morts-vivants, des anachronismes conçus dans leurs mystérieuses cuves par les scientifiques impies du Bene Tleilax, à partir des reliquats génétiques du fameux agent des Atréides, mort dans Dune, mais « ressuscité » ainsi dès le volume suivant, Le Messie de Dune ; ces Duncan, invariablement ou presque, semblent à un moment ou à un autre devoir se rebeller contre l’Empereur-Dieu – qui les tue, et attend brièvement que le Bene Tleilax lui en procure un autre en remplacement, bien conscient pourtant que ce « cadeau » ritualisé tient du piège visant en définitive à la destruction du despote.

 

Il faut dire que les pouvoirs traditionnels de l’Imperium ont presque tous été réduits à néant, en dehors bien sûr du trône galactique sur Arrakis – qui n’est plus Dune : la planète n’a plus rien de désertique, en dehors du seul Sareer qu’entretient le tyran pour son édification et celle de ses « disciples » choisis ; l’écosystème chamboulé a entraîné la disparition des vers des sables, et donc de la production d’épice, même si Leto, lui-même en partie ver, monnaye ses réserves à des prix considérables, un instrument d’asservissement parmi tant d’autres. Le Landsraad, les Maisons nobles, la CHOM, ne jouent peu ou prou plus aucun rôle ; le Bene Gesserit, qu’on redoutait tant jusque-là, n’est lui aussi plus que l’ombre de lui-même, et mendie son mélange comme les autres – comme notamment la Guilde Spatiale, qu’on pensait inamovible et toute-puissante, mais qui a dû elle aussi accepter sa réduction à un rôle de larbin ! Leto entretient donc toujours des liens ambigus avec le Bene Tleilax – avec Ix, aussi… Mais tous sont donc en position d’infériorité – ce qui n’exclut pas pour autant des complots : on a déjà évoqué le rôle du Bene Tleilax via ses gholas (mais aussi ses Danseurs-Visages, qui interviennent violemment à plusieurs reprises dans le roman), mais Ix procède d’une manière assez comparable, quoique probablement plus redoutable, en fournissant ici à Leto une ambassadrice façon femme-piège, Hwi Noree, conçue pour séduire le despote… et le conduire à sa perte. Là encore, pourtant, un « cadeau » que l’Empereur-Dieu accepte bien volontiers – au point, dans une illusion de son humanité passée (ou pas ?), de succomber (ou prétendre succomber ?) au caprice de l’amour, lui, le dieu asexué…

 

Mais tout cela fait partie d’un plan, tout cela renvoie au Sentier d’Or qui obnubile Leto, et qui est censé, à terme, sauver l’humanité d’elle-même. Leto, en être divin, est omniscient : ses mémoires ancestrales, remontant à des millénaires, lui procurent une connaissance parfaite du passé ; sa prescience, due à l’épice, lui fournit des aperçus catégoriques de l’avenir – il entend donc conduire l’humanité à sa possible survie, en décidant pour elle de ce qui doit être. Le Sentier d’Or, inflexible, et constitué, selon le schéma dunien classique, de plans dans des plans, intervient à chaque réplique, à chaque décision du tyran. Il semble tout justifier – des chamboulements à l’aube de son règne à ceux qui ne manqueront pas de survenir quand l’immortel Leto mourra, en passant par la stagnation qu’impose sa si longue dictature : le roman, ainsi, évoque avec la figure de Leto tant le progressisme le plus radical que le conservatisme le plus veule – mais pas tant que ça la tentation réactionnaire, plutôt moquée ai-je l’impression ? Ou du moins représentée comme l’imposture qu’elle est par nature – ainsi avec les pathétiques « Fremen de musée » qui ont succédé aux vigoureux et impitoyables guerriers du Jihad de Muad’Dib, une caricature presque douloureuse, quand bien même les zélotes du désert avaient quelque chose de malsain en définitive…

 

C’est que le Sentier d’Or est une leçon – et Leto, avec tous ses interlocuteurs, joue inévitablement au professeur. Ce qui, disons-le, le rend bien vite insupportable : l’arrogance du Dieu vivant est infecte, et ses enseignements cryptiques agacent toujours un peu plus à chaque nouvelle démonstration de pseudo-sagesse. En fait, c’est ici que pèche tristement L’Empereur-Dieu de Dune, à mes yeux en tout cas : on y retrouve bien trop souvent, même si avec un peu plus de pondération que dans le très lourd Les Enfants de Dune, ces envolées de mystique à dix balles, koan et aphorismes cryptiques qui s’affichent profonds mais sont loin de toujours l’être ; la mystique, heureusement, est compensée à l’occasion par des développements touchant davantage à la philosophie, surtout politique – ce qui me parle bien plus, aujourd’hui en tout cas : lors de ma première lecture, j’avais bien perçu cette dimension, et m’en souvenais, mais je n’avais sans doute absolument rien panné à tout ce qui était ici avancé… La religion est plus que jamais un thème essentiel, bien sûr – directement lié au thème politique, les deux sont fortement intriqués : Leto affirme sans cesse sa divinité tout en critiquant violemment les conséquences induites nécessairement par la foi… On notera aussi les nombreux éléments avancés sur les questions de « genre », disons – via notamment les Truitesses de Leto, sa garde personnelle uniquement féminine –, qui ne font cependant, à leur manière, que confirmer le caractère « sexiste » de l’univers dunien (au sens où les hommes comme les femmes ont des rôles et attributions déterminés par leur sexe et dès lors indépassables, le renversement censément induit par les Truitesses appuyant paradoxalement ce fait, au travers des justifications qu’entend y donner Leto à ceux qui ne manquent pas de l’interroger à ce sujet, Duncan Idaho au premier chef – le vieux mâle est leur commandant… Au cas où, je n’accuse pas l’auteur de sexisme, pas plus que je n’entends critiquer le procédé dont il fait usage dans ce cycle par principe – il fait globalement sens, mais aboutit donc trop souvent ici à quelques moments agaçants).

 

Bon. Que Leto soit insupportable, c’est sans doute dans l’ordre des choses : le gniard infect des Enfants de Dune, même au bout de 3500 ans de règne, reste à bien des égards le petit con qu’il était alors. Ce qui nous vaut, hélas, quelques chapitres franchement soulants – qu’ils aient leur raison d’être n’y change en définitive rien, là encore. C’est d’autant plus regrettable que le début du roman – disons les 150 ou 200 premières pages – est vraiment brillant, peut-être même au point de figurer parmi les meilleures pages de la littérature de science-fiction dont je me souvienne (et, oui, bien au-dessus de Dune lui-même). Tout n’est certes pas mauvais par la suite, il y a même de très bons moments (y compris lors de la fin, très prévisible donc, mais qui fonctionne). Mais ces dialogues pseudo-philosophiques interminables (enfin, dialogues… ça pue la prétention maïeutique, hein, seul le simili-sage s’exprime vraiment, au fond, les autres se contentant d’acquiescer ou de faire part de leur incompréhension bien légitime) peuvent susciter une déplorable réaction d’écœurement, voire de rejet. Ce qui est vraiment dommage, pour le coup…

 

L’Empereur-Dieu de Dune n’est donc pas le roman absolument génial dont je croyais me souvenir, non… Il ne tient en définitive pas vraiment les promesses ô combien séduisantes des premiers chapitres, et, si son propos global ne manque pas d’intérêt, quelques écueils propres au cycle – la mystique soulante et l’arrogance qui va de pair, pour l’essentiel – viennent hélas nuire à la qualité globale du roman. Il reste fascinant à bien des égards – monstrueux comme son personnage central –, et, s’il est une leçon que l’on devrait en retenir, bien plus que les soi-disant perles de sagesse dont nous bombarde péniblement le vrai despote faussement éclairé, c’est celle de cette science-fiction ambitieuse et démesurée qui, en usant habilement d’ingrédients divers, pouvant donner une illusion de simplicité quand ils s’avèrent au fond si complexes d’emploi, parvient à tétaniser le lecteur, à l’amener à succomber volontairement à un délicieux vertige. Dommage…

 

Restent deux tomes, Les Hérétiques de Dune et La Maison des Mères – qui, sauf erreur, se déroulent bien plus tard, et n’ont somme toute pas forcément grand-chose à voir avec les quatre premiers romans du « cycle de Dune ». Pour le coup, je ne suis pas certain d’avoir envie de les relire… Bon, on verra, plus tard, peut-être…

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Le Dit de Heichû

Publié le par Nébal

Le Dit de Heichû

Le Dit de Heichû, [Heichû Monogatari], présenté et traduit du japonais par René Sieffert, Lagrasse, Verdier, coll. Verdier/Poche, série Littérature japonaise, [c. 950, 1931] 2013, 121 p.

 

Où je poursuis mon excursion aux sources de la littérature japonaise, avec ce bref texte qu’est Le Dit de Heichû, qui m’a rappelé la manière des Contes d’Ise (antérieurs d’un siècle environ), peut-être davantage qu’il n’annonce les grands monogatari à venir, a priori, tels que Le Dit du Genji ou encore Le Dit des Heiké, que je lirai prochainement (parmi d’autres) – je réserve mon jugement d’ici-là. Le présent texte a cependant son importance dans l’histoire de la littérature classique japonaise – René Sieffert, qui l'introduit et le traduit (avec élégance, mais parfois au prix d’un relatif hermétisme, pour ce qui est des poèmes), y voit « le ʺchaînon manquantʺ de l’histoire de la genèse du récit romanesque » ; à tout prendre, cependant, nous sommes bien encore dans le genre uta monogatari, ou « conte-poème », à la structure assez proche des Contes d’Ise : des chapitres/nouvelles/contes très brefs le plus souvent, où la poésie occupe une place centrale, si elle est enrobée de prose ; cependant, elle l’est de plus en plus au fil des chapitres, qui prennent progressivement de l’ampleur – ce qui confère en effet davantage une forme romanesque au propos, même si le liant, d’un chapitre à l’autre, est somme toute limité ; mais les aventures galantes – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – de ce Heichû répondant au Narihira des Contes d’Ise, tout aussi « historique », et tout aussi porté à la démonstration de son talent poétique, du moins quand ces dames sont en cause, ont peut-être davantage un caractère « suivi » ? C’est à débattre – mais sans doute pour ce faire faudrait-il disposer de tout autres compétences que l’ignare de moi en matière d’histoire de la littérature japonaise…

 

Le texte a une autre particularité notable, si elle est largement le fruit du hasard : c’est qu’il a longtemps été perdu. Des indices épars laissaient supposer l’existence d’une œuvre littéraire consacrée spécifiquement aux amours de Taira no Sadafumi, dit Heichû (à noter que le nom « officiel » n’apparait pas une seule fois dans Le Dit de Heichû, et même le surnom Heichû très rarement – deux fois seulement, sauf erreur), un galant du Xe siècle, issu de la famille impériale, néanmoins plutôt discret voire médiocre pour ce qui est de sa carrière politico-militaire. Il avait cependant une certaine réputation de libertin et de poète – plusieurs de ses œuvres figuraient dans des anthologies de poésie classiques, qui constituaient autant d’indices concernant l’existence du Dit de Heichû, lequel avait été rédigé par un(e) anonyme (on a parfois supposé que Taira no Sadafumi lui-même en était l’auteur, mais cela paraît peu probable), et en faisait un « héros d’amour » ; cependant, si René Sieffert cite, en guise de références occidentales, aussi bien Tristan que Don Juan, nous sommes quand même bien plus proches de ce dernier – tombeur invétéré, emporté par ses pulsions, il n’a absolument rien d’héroïque, et encore moins de loyal ; c’est en même temps, peut-être, ce qui le rend sympathique, à certains égards : il a quelque chose d’un archétype courtois, oui, mais pas du genre chevaleresque, accomplissant des quêtes pour sa dame (unique) ; il est bien plutôt pleinement intégré dans le jeu des galanteries poétiques, et l’expression de « jeu » n’a rien d’innocent. En fait, j’ai, le concernant, un peu le même sentiment que pour Narihira dans les Contes d’Ise – j’apprécie que ces hommes, tout nobles et bardés d’attributions militaires qu’ils étaient, aient brillé avant tout, au regard de l’histoire réputée sanglante de leur pays, dans le registre poétique et l’expression de leur sensibilité (aussi feinte soit-elle le cas échéant…), et non aux armes sur le champ d’horreur ; ça nous fait des vacances…

 

Mais ce qui rend Heichû le plus sympathique, c’est peut-être autre chose, pourtant… Les textes épars qui l’évoquaient et dont on avait gardé la trace (par exemple les Contes de Yamato ou le Konjaku monogatari, dont on trouve des extraits en annexe de ce petit volume) en dressaient en effet un portrait guère flatteur… Notre libertin, en fait, s’il accumulait les succès auprès de ces dames, avait ceci d’humain qu’il se ramassait au moins aussi souvent : les anecdotes ne manquaient pas, où telle jolie femme l’envoyait balader (« J’ai vu ! »), ou encore où tel stratagème galant était percé à jour, et dévoilé, condamnant le malotru au ridicule… Et c’est une dimension, d’ailleurs, qui ressort aussi de ce Dit de Heichû – tout particulièrement dans les premiers « chapitres », très brefs, qu’on qualifierait familièrement aujourd’hui de collection de râteaux… Cela peut cependant aller plus loin : l’extrait cité du Konjaku monogatari, même dans une circonstance aussi grave a priori que le récit de la mort de Heichû, parfume (si j’ose dire) l’anecdote tragique d’une déconcertante scatologie sans doute très révélatrice… Sans aller jusqu’à voir en lui un lointain précurseur d’Enjirô Adakiya, le Galantin de Santô Kyôden – car Heichû, lui, sait très bien ce qu’il fait et n’a sans doute rien d’un personnage romantique, ou en tout cas bien moins qu’il le prétend –, le fait est qu’il a souvent quelque chose de ridicule autant que rusé, et, le texte du Dit de Heichû ayant longtemps été perdu, c’est en fait cette image éventuellement biaisée et largement comique qui a perduré, au point d’avoir toujours son importance dans les lettres japonaises bien des siècles plus tard – Akutagawa a écrit à son sujet, Tanizaki également.

 

Mais il existait bien un Dit de Heichû – et on a fini par le retrouver, en 1931 seulement, soit pas loin de dix siècles après sa rédaction… Ce récit assez court, pour relever encore du genre uta monogatari, n’en avait pas moins quelque chose de visionnaire, à certains égards, et son auteur anonyme, après pas loin de dix siècles d’oubli, a retrouvé un rang non négligeable dans l’histoire de la littérature classique japonaise. Si René Sieffert, dans sa préface, admet volontiers que ledit auteur, homme ou femme, n’a pas le talent de Dame Murasaki Shikibu, il n’en loue pas moins la finesse des portraits (de femmes, tout particulièrement) qui émaillent l’œuvre, et célèbre donc son caractère de « chaînon manquant » vers le développement du genre romanesque au Japon.

 

Nous avons donc 39 « chapitres », d’un liant tout de même limité, et pouvant régulièrement tenir en une seule page – toutefois, les « contes » se font globalement de plus en plus longs au fur et à mesure que l’on avance dans l’œuvre, et la prose y prend davantage d’importance, constituant un récit à proprement parlé, non uniquement destiné à contextualiser et mettre en valeur les poèmes, comme c’est le cas au début – ou dans une œuvre antérieure telle que les Contes d’Ise. Les poèmes (des tanka, je suppose ; en tout cas, leur rendu en français comprend systématiquement cinq vers) ont tout de même une importance essentielle – parce que la séduction, dans le cadre aristocratique et courtois de ce Xe siècle japonais aux allures d’ « âge d’or », consiste pour une bonne part dans un jeu littéraire, une correspondance de tous les instants, où les amoureux faussement transis échangent plusieurs missives par jour, via des intermédiaires au rôle parfois essentiel, et tel poème suscite tel autre, qui à son tour entraîne une réponse, etc. La plupart des chapitres comportent ainsi plusieurs poèmes, dus alternativement à Heichû lui-même (très rarement nommé, donc – les chapitres préfèrent largement l’anonymat et l’allusion, et commencent très souvent par « Cet homme encore… », ou une formule du même ordre) et à ces (innombrables) dames qu’il entend séduire. Les plus piquants, donc, sont sans doute ceux où ses amours le remettent assez cruellement à sa place – encore que le séducteur invétéré mérite souvent d’être ainsi rabroué. Sa ruse un peu trop visible, son élégance un peu trop affectée, sa réputation bien trop notoire et guère flatteuse sinon exécrable, n’en font pas quelqu’un d’aussi respectable que le Narihira des Contes d’Ise – peut-être d’ailleurs son art poétique est-il aussi moins subtil (mais je serais bien incapable d’en juger – je relève cependant que la galanterie est peu ou prou le thème unique des poèmes de Heichû, là où Narihira, occasionnellement, pouvait se livrer à la poésie en des occasions tout autres, j’y reviendrai) ? Mais, comme avancé plus haut, c’est en même temps ce qui en fait quelqu’un d’humain…

 

Pour autant, je n’ai pas autant apprécié Le Dit de Heichû que les Contes d’Ise. Ces derniers m’avaient charmé par leur élégance, mais aussi quelque chose d’autre, de moins aisé à définir – sous les poèmes, j’y devinais davantage tout un monde, et le galant Narihira, pour briller dans les joutes amoureuses, me faisait aussi l’effet (peut-être parfaitement erroné…) d’un authentique artiste, jusque dans ses forgeries, et tout autant d’un sage, jusque dans sa légèreté – le libertin n’était pas que libertin, et, même dans ses entreprises de séduction, il me paraissait développer tout autant une vision du monde, apaisée, enjouée parfois, digne et rassurante à sa manière ; le champ de ses contes et poèmes dépassant la seule galanterie, c’est sans doute beaucoup plus vrai quand c’est le « général » puis le « vieillard » qui est ainsi mis en scène… Certes, j’ai de manière habituelle bien plus de goût pour les personnages moins « parfaits » – des « antihéros » si l’on y tient –, et, sous cet angle, Heichû devrait bien davantage me parler que Narihira ; ce n’est pourtant pas le cas. Mais peut-être, justement, du fait de la répétition des thèmes ? Le Dit de Heichû est entièrement consacré à la séduction ; si les poèmes jouent bien sûr de métaphores éventuellement classiques, de codes voire de clichés renvoyant notamment à la nature – fleuves de larmes inclus, ils reviennent souvent –, ils n’en ont pas moins un objectif affiché de galanterie qui se répète sans cesse… Ils ne sont pas sans charme, mais le contexte les fait sonner encore plus faux que ceux de Narihira – ce qui, en soit, est souvent amusant ! Et les reparties des plus habiles des proies de Heichû, pas du genre à se laisser faire, n’en sont que plus salées… Mais toutes n’ont pas cette sagesse et cette habileté : nombreuses sont celles qui succombent et, autant le tableau des échecs de Heichû avait quelque chose de cruellement réjouissant, autant la litanie interminable de ses conquêtes a-t-elle quelque chose de lassant.

 

Peut-être l’édition y a-t-elle sa part ? Je ne critique bien entendu pas la traduction – qui est élégante, et les poèmes sont très joliment retranscrits, très sonores (s’ils ne sont pas forcément aisés à appréhender – l’absence de ponctuation, les inversions et élisions nombreuses sinon systématiques, font que l’on y achoppe parfois, ou du moins cela a été mon cas ; le rendu est beau, mais il se mérite). C’est peut-être davantage le contexte qui m’a manqué ici – la préface éclaire bien des choses, mais le texte en lui-même est largement purgé de notes parasites. C’est une approche parfaitement justifiée – mais j’ai peut-être un peu regretté les notes de G. Renondeau et Bernard Frank dans les Contes d’Ise, expliquant telle référence locale ici, ou s’attardant sur les difficultés de la traduction là, notamment quand, assez souvent, les poèmes étaient émaillés de jeux de mots impossibles à rendre en français… Autant que le texte en lui-même, c’était là un véhicule de choix pour parcourir tout un monde, avec ses nombreuses singularités culturelles. Le Dit de Heichû, dans cette édition qui a fait le choix bien légitime de la littérature « pure » sur la philologie ou la civilisation, m’a donc fait l’effet d’une œuvre plus abstraite, peut-être…

 

Cela reste un bel ouvrage – et, sans nul doute, une pièce du plus grand intérêt dans le registre de l’histoire de la littérature japonaise. Mais je ne peux pas prétendre avoir été emballé plus que ça… Il me faudra peut-être y revenir, toutefois – mon appréciation de l’œuvre pourrait bien bénéficier de lectures futures, dont, non des moindres et autrement amples, Le Dit du Genji et Le Dit des Heiké. On verra…

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"Battlestar Galactica - le jeu de plateau"

Publié le par Nébal

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Battlestar Galactica – le jeu de plateau

 

Je sais pas vous, mais moi, dans l’ensemble, j’ai plutôt bien aimé la série Battlestar Galactica. Oh, certes, elle n’est pas exempte de défauts – elle s’est même montrée particulièrement inégale – mais, dans l’ensemble encore une fois, j’y ai vu un plutôt chouette divertissement, assez bien ficelé et qui, avouons que ça ne gâche rien, en foutait plein la vue.

 

Et puis, au fil de ces quatre saisons, je me suis pris de sympathie pour cet univers, ces personnages… et surtout le principe même de la série : celui d’une humanité aux abois, qui s’est pris une énorme branlée d’entrée de jeu, et qui se retrouve traquée d’un bout à l’autre de la galaxie par un ennemi protéiforme et plus subtil, plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.

 

Rappelons donc un peu le background. Il y a quelque temps de cela, l’humanité – mais bien loin de chez nous – a créé une « race » de robots, les cylons. Ceux-ci, comme de bien entendu, se sont retournés contre leurs créateurs, et une guerre s’en est suivie, que l’humanité n’a gagné que de justesse. Depuis, une trêve s’est instaurée. Mais les cylons ont brisé cette trêve, et lancé un assaut massif contre les douze colonies, anéantissant toute l’humanité ou presque. Il ne reste plus que quelques milliers d’humains survivants, rassemblés autour d’un unique vaisseau de combat, le Galactica commandé par l’amiral Adama. Sous son commandement – et celui de la présidente Laura Roslin, à bord du… Colonial One (eh eh) –, l’humanité va se lancer dans une quête folle : celle de la treizième colonie, une planète appelée la Terre. Mais les cylons risquent toujours de leur mettre des bâtons dans les roues, d’autant qu’ils ont changé. Il existe maintenant des cylons qui ont l’apparence d’être humains ; pire encore (et merci Philip K. Dick au passage), il existe des cylons qui n’ont même pas conscience d’être des cylons… pas encore, tout du moins. Bref, ça s’annonce mal pour les pauvres humains.

 

Le jeu de plateau inspiré de la série Battlestar Galactica nous propose de vivre cette épopée, soit dans le camp des humains, soit dans le camp des cylons. Et autant dire que, du côté des humains, le challenge est élevé…

 

Souvent, quand il s’agit de jeux développés à partir d’une licence, on est en droit d’avoir peur, et de craindre le bâclage. Mais pas cette fois. L'auteur, ici, Corey Konieczka, s'est parfaitement imprégné de l’esprit de la série, et a développé un jeu extrêmement riche, original et bien conçu, garantissant des heures de jeu tout à fait passionnantes.

 

Battlestar Galactica est un jeu pour trois à six joueurs, à partir de dix ans (disent-ils…), et dont les parties durent de deux à trois heures (mais on dépasse assez facilement cette limite, je trouve…).

 

Les joueurs incarnent chacun un personnage de la série, choisi parmi quatre catégories (sachant que l’on doit choisir son personnage dans la catégorie où il en reste le plus, sauf celle de « personnel », que l’on peut toujours prendre) : parmi les « chefs militaires », nous avons William Adama, Saul Tigh et Karl « Helo » Agathon (c’est probablement parmi ceux-là que sera choisi l’amiral, qui dispose de deux charges nucléaires, et choisit la destination lors de chaque saut ; j’y reviendrai) ; parmi les leaders politiques, nous avons Laura Roslin, Gaius Baltar et Tom Zarek (c’est probablement parmi ceux-là que sera choisi le président, qui peut utiliser les cartes « quorum », lesquelles autorisent diverses actions particulières) ; parmi les pilotes, nous avons Lee « Apollo » Adama, Kara « Starbuck » Thrace et Sharon « Boomer » Valeri (les pilotes sont les seuls à pouvoir aller dans l’espace à bord d’un viper, mais « Helo » le peut également) ; reste enfin le seul et unique membre du personnel, « Chef » Galen Tyrol. Chaque personnage a des caractéristiques particulières, qui décident des cartes de compétences qu’il va pouvoir tirer à chaque tour ; il a en outre une qualité permanente qui s’applique durant toute la partie, une qualité exceptionnelle qui s’applique une fois par partie, et un défaut permanent.

 

Au début du jeu, en fonction du nombre de joueurs, on établit le paquet « loyauté », qui va déterminer si le joueur est un humain ou un cylon ; par exemple, à trois joueurs, on fait un paquet comprenant cinq cartes « Vous n’êtes pas un cylon » et une carte « Vous êtes un cylon ». Au début de la partie, on en distribue une à chaque joueur : il est donc possible de commencer la partie avec uniquement des joueurs humains… ou pas. Par contre, les trois autres cartes seront distribuées à la moitié du jeu, lors de la phase « agent dormant » (j’y reviendrai). Là, on est sûr qu’il y aura un cylon parmi les trois joueurs… D’où la forme particulière du jeu, qu’on va qualifier de « semi-coopératif », ou, si vous préférez, de « coopératif paranoïaque » : tous les joueurs sont d’abord censés être unis contre les cylons, mais il est possible qu’il y ait dès le début un ver dans la pomme, et certain qu’il y en aura un au bout d’un moment… Restera alors pour les autres joueurs à l’identifier.

 

Le challenge est élevé pour les humains, disais-je. Ceux-ci n’ont en effet qu’une seule manière de remporter la partie, contre six moyens de la perdre (ce qui s’inverse bien entendu pour les cylons…). Les humains remportent en effet la partie s’ils arrivent à Kobol (bon, logiquement, ça devrait être la Terre, mais, hein, bon…), c’est-à-dire s’ils arrivent à parcourir huit distances en effectuant des sauts PRL (plus rapides que la lumière), sachant que la phase « agent dormant » a lieu à quatre distances. Ils ont par contre six moyens de perdre : si le carburant tombe à 0 ; si les rations tombent à 0 ; si le moral tombe à 0 ; si la population tombe à 0 ; si le Galactica est endommagé en six endroits ; si les troupes d’abordage (les centurions) arrivent à la case « défaite des humains ». Eh oui, quand même…

 

Voyons maintenant comment se déroule un tour de jeu. La première phase est celle de réception des compétences. Le joueur actif pioche autant de cartes de chaque couleur qu’il est inscrit sur sa fiche de personnage (sauf si c’est un cylon révélé, auquel cas il en pioche deux de son choix). Il existe cinq compétences différentes : politique, commandement, tactique, pilotage et ingénierie. Chaque compétence comprend seulement deux types de cartes, mais qui ont une valeur en points variable, pouvant aller de 1 à 5 (j’y reviendrai). Le joueur peut avoir jusqu’à dix cartes compétences en main (sauf « Chef », qui du fait de son défaut n’a qu’une main de huit cartes).

 

La deuxième phase est celle du mouvement. Le joueur déplace son pion où il veut sur le Galactica ou sur le Colonial One s’il est un humain ou un cylon caché (sachant que passer d’un vaisseau à l’autre implique de se défausser d’une carte compétence), ou bien d’un site cylon à l’autre s’il est un cylon révélé.

 

La troisième phase est la phase d’action. Le joueur peut activer le lieu où il se trouve, et faire l’action indiquer sur la case ; il peut faire une action propre à son personnage ou à son titre ; il peut enfin faire une action indiquée par une carte de compétence.

 

La quatrième phase est la phase de crise (qui correspond plus ou moins à la phase de mythe dans Horreur à Arkham). Le joueur actif tire une carte « crise », et la lit à voix haute. Il y a trois types de cartes « crise » : il y a tout d’abord les cartes « attaque des cylons » ; dans ce cas, on active les vaisseaux indiqués sur la carte (j’y reviendrai), puis on place les vaisseaux comme indiqué, et on tient compte s’il y a lieu de la règle spéciale ; il y a ensuite les « événements », qui donnent généralement un choix, soit au joueur actif, soit au président, soit à l’amiral ; il y a enfin les « tests de compétence ». Dans ce cas, la carte indique en haut à gauche une difficulté (par exemple, 11), suivie de couleurs de compétence (par exemple, jaune – politique –, vert – commandement –, rouge – pilotage) ; puis elle donne une réussite (généralement, « pas d’effet », mais c’est parfois quelque chose de positif), parfois un échec partiel (par exemple, « 8 + : – 1 en population »), et un échec (par exemple, «  – 1 en moral et – 1 en population »). Dans ce cas, on commence par prendre deux cartes du « paquet destinée » face cachée (ce sont des cartes de compétence prises au hasard), puis les joueurs, chacun leur tour, jouent autant de cartes de compétence qu’ils le veulent, face cachée, après quoi on les mélange (afin de ne pas pouvoir déterminer qui a joué quoi…). Dans cet exemple, toutes les cartes jaunes, vertes et rouges compteront en positif, mais les cartes violettes et bleues compteront en négatif. Il suffit alors de calculer le résultat final, et de comparer aux résultats demandés par la carte. Du coup, s’il y a trois cartes négatives, vous pouvez être sûr qu’il y a un cylon dans le tas…

 

Les cinquième et sixième phases sont des prolongements de la phase de crise, qui n’ont pas nécessairement lieu. La cinquième phase est celle de l’activation des vaisseaux cylons : en fonction du symbole en bas à gauche de la carte de crise, les vaisseaux cylons agissent. Enfin, en bas à droite, s’il y a l’icône correspondante, on passe à la sixième phase, qui est celle de la préparation au saut : on avance le pion de la flotte d’une case sur l’échelle de préparation au saut ; quand il arrive au bout, la flotte saute automatiquement, l’amiral tire deux cartes « destination », et choisit où on va ; mais sur les deux cases précédentes, il est également possible de « forcer » le saut en activant la case « Contrôle PRL », mais il y a alors le risque de perdre de la population ; cela peut néanmoins être fort utile si l’on croule sous les forces ennemies...

 

Car à côté de tout ça, il y a bien entendu les combats spatiaux. Les humains disposent de trois types de vaisseaux pouvant être impliqués dans un combat (puisque le Colonial One ne l’est jamais, et les quatre raptors ne servent qu’aux missions d’exploration) : le Galactica lui-même, qui peut lâcher des vipers et en contrôler deux depuis la passerelle, tirer depuis le contrôle de l’armement, et comprend également les deux charges nucléaires de l’amiral ; les vipers, peu nombreux, mais pouvant être pilotés ou contrôlés depuis la passerelle ; et enfin les vaisseaux civils, qui ne sont que des proies (ils sont totalement incapables de se défendre). En face, les cylons ont trois types de vaisseaux : des basestars (il ne peut jamais y en avoir plus de deux en même temps), qui peuvent tirer sur le Galactica ou larguer d’autres vaisseaux ; des raiders, qui sont très fragiles mais en nombre illimité ; des raiders lourds, qui ne prennent pas part au combat, mais cherchent juste à faire aborder des centurions (et qui sont bien costauds…). Les raiders lourds cherchent toujours à se rapprocher des zones de débarquement. Pour ce qui est des raiders, leur comportement obéit à cette grille : «  Attaquer un viper dans sa zone (sans personnage à bord si possible). 2° Détruire un vaisseau civil dans sa zone (au choix du joueur actif). 3° Se déplacer vers le vaisseau civil le plus proche (en cas d’égalité, déplacement dans le sens horaire. 4° Attaquer le Galactica. » Quant au combat, rien de bien compliqué : il suffit de jeter 1D8, et de se reporter à une table. Élémentaire, mon cher cylon. Idem pour les centurions débarqués, qu’on (ne) peut blaster (que) depuis le lieu « Arsenal » (et qui sont solides).

 

 Tout ça nous donne un jeu aux règles finalement très simples, mais d’une richesse assez exceptionnelle. L’ambiance de parano qui règne est très réussie, et quant à l’atmosphère de crise permanente, n’en parlons même pas… Battlestar Galactica – le jeu de plateau est donc une vraie réussite, un vrai bon jeu, et pas un simple bâclage développé à partir d’une licence juteuse. Chaudement recommandé par Nébal.

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Un cantique pour Leibowitz, de Walter M. Miller Jr

Publié le par Nébal



MILLER Jr (Walter M.), Un cantique pour Leibowitz
, [A Canticle For Leibowitz], traduit de l'américain par Claude Saunier, présente édition revue et complétée par Thomas Day, [Paris] Denoël – [Gallimard], coll. Folio Science-fiction, [1959, 1961, 2001] 2002, 462 p.


Ainsi que je l’avais brillamment démontré en rendant compte de ma lecture d’A comme Alone, l’apocalypse est proche. On est foutus. Fou-tus. Cela dit, les plus perspicaces d’entre vous auront noté que, dans mon énumération des circonstances justifiant l’extinction prochaine de l’humanité, je n’avais étrangement pas mentionné les scientifiques irresponsables, ceux qui filent des bombes atomiques et des armes bactériologiques aux chefs d’États, et sont subventionnés par Al-Qaïda pour détruire la Terre avec le LHC. Parallèlement, je n’avais qu’assez peu parlé des religieux (qui font en gros la même chose, mais avec des mots plutôt que des diodes et des équations). Mais c’est que je réservais ces deux causes pour évoquer un classique du genre « post-apocalyptique » : l’indispensable Un cantique pour Leibowitz, unique roman achevé du guère prolifique Walter M. Miller Jr, qui lui valut le prix Hugo du meilleur roman 1961. Et même que c’était mérité. Un fix-up riche et fort, à l’incomparable ton tragicomique, qui, en trois étapes à plusieurs siècles de distance, nous conte le triste destin de la Terre, ravagée par la guerre, puis se reconstruisant lentement... pour recommencer les mêmes conneries. Un roman placé sous le signe de la mémoire, et traitant des complexes notions de science, de foi et de responsabilité.

Tout a pété. Probablement dans les années 1960. Quel camp a attaqué l’autre ? Peu importe. Cette guerre n’a pas eu de vainqueurs, et c’est l’humanité entière qui l’a eu dans le cul. L’holocauste nucléaire a suscité la colère des survivants, qui ont trouvé un bouc-émissaire tout désigné : les savants, dont les recherches ont abouti à ce cauchemar. Aussi les scientifiques rescapés ont-ils été impitoyablement chassés, au cours d’une folle croisade des pastoureaux, tandis que les livres, par nature suspects, étaient détruits ; et il ne subsista bientôt plus rien de l’ancienne civilisation, qui paracheva ainsi son suicide collectif.

Mais il faut mentionner alors le rôle d’Isaac Leibowitz. C’était à l’origine un physicien, un de ces savants que l’on eut tôt fait de rendre coupables. Après la guerre, le remords et la tristesse le poussèrent à embrasser la foi catholique : il devint moine de l’ordre cistercien, puis fonda son propre ordre, l’ordre albertien (en référence au maître de l’Aquinate ; mais on parlera ensuite de l’ordre albertien de Leibowitz...) ; à partir d’une abbaye située dans le sud-ouest de ce qui fut les États-Unis, il forma ses disciples à devenir des « contrebandiers en livres » et des « mémorisateurs ». L’abbaye acquit ainsi un vaste ensemble de précieux documents, dits Memorabilia ; mais, à mesure que les siècles passaient, tandis que le monde s’enfonçait dans la barbarie, les moines de l’ordre albertien de Leibowitz oublièrent ce que ces documents signifiaient : pendant des siècles, ils les recopièrent inlassablement et les enrichirent d’enluminures... sans rien y comprendre.

Fiat homo. Bien des siècles après le martyre du Bienheureux Leibowitz (dont la canonisation se fait attendre), frère Francis Gerard de l’Utah, un novice un tantinet simplet, découvre au cours d’une vigile dans le désert, sur l’indication d’un mystérieux pélerin, un abri contenant d’inestimables documents : tout porte à croire, en effet, que ces textes incompréhensibles, ces plans, ces listes, sont des reliques du fondateur de l’ordre lui-même ! Et ce crâne, doté d’une dent en or, ne serait-ce pas celui de son épouse ? Mais cette découverte ne suscite guère la joie de l’abbé Arkos, qui craint qu’elle ne nuise à la canonisation de Leibowitz, trop de miracles tuant le miracle..

Fiat lux. Bien des siècles après la découverte de frère Francis Gerard de l’Utah, la Terre amorce enfin sa « renaissance ». Des savants, dits « Thsons », redécouvrent petit à petit, et par leurs propres moyens, la science de l’ancienne civilisation. Thson Taddéo, le plus brillant d’entre eux, se rend à l’abbaye de l’ordre albertien de Leibowitz : il se trouve enfin quelqu’un à même de comprendre les Memorabilia, et d’en tirer profit ! Mais l’abbaye dirigée par Dom Paulo, inévitablement, se trouve alors mêlée aux intrigues politiques et aux ambitions territoriales des plus puissants chefs de guerre, et en premier lieu du dictateur Hannegan de Texarkana, le protecteur de Thson Taddéo... tandis que science et foi, après des siècles d’ignorance, sont à nouveau amenées à débattre.

Fiat voluntas tua. Bien des siècles après les travaux de Thson Taddéo, l’humanité a enfin retrouvé le niveau scientifique qui était le sien avant le Grand Déluge de Flammes. L’homme, alors, s’est à nouveau lancé dans la conquête de l’espace... mais la menace de la guerre nucléaire gronde une fois de plus. L’histoire semble se répéter, et la tâche de l’abbé Zerchi s’annonce des plus rudes...

Le traumatisme d’Hiroshima et la peur de l’holocauste nucléaire entretenue par la guerre froide imprègnent bien entendu le roman. Mais ce ne sont pas les seuls aspects développés par l’auteur, et il semblerait bien qu’il faille ajouter, à l’origine d’Un cantique pour Leibowitz, un autre événement important de l’histoire récente, auquel Walter M. Miller Jr aurait pris part en tant que pilote de l’armée américaine : le bombardement de l’abbaye du Mont-Cassin au début de l’année 1944. Le monastère du Mont-Cassin, fondé par saint Benoît de Nursie en 529 et berceau de l’ordre bénédictin, demeura pendant de nombreux siècles l'un des plus importants « lieux de savoir » de l’Occident : sa bibliothèque resta longtemps une des plus riches d’Europe, conservant nombre d’ouvrages antiques témoignant d’une riche civilisation  devenue largement incompréhensible ; et si la règle de saint Benoît imposait aux moines le travail manuel, elle accordait également beaucoup d’importance aux travaux littéraires : l’ordre de saint Benoît remplit ainsi, au fil des siècles, une mission de conservation de la science, tandis que le monastère du Mont-Cassin faisait figure de possession stratégique. Aussi sa destruction par les alliés début 1944 eut-elle une résonnance particulière, hautement symbolique, dépassant largement le seul événement militaire (non négligeable, hein : cette bataille, longue et sanglante, fut bien capitale dans la reconquête de l’Europe...). Le parallèle entre le Mont-Cassin et l’abbaye de l’ordre albertien de Leibowitz s’établit tout naturellement.

Mais, à partir de là, Walter M. Miller Jr développe plusieurs axes de réflexion. Un cantique pour Leibowitz, ainsi, s’appuie sur une philosophie pessimiste de l’histoire, envisagée de manière cyclique. Dire que « l’histoire se répète » serait sans doute trop simpliste ; il n’en reste pas moins que l’humanité, au cours des trois étapes du roman, reproduit à peu de choses près l’histoire que nous avons connues, de la chute de Rome à la crise des missiles cubains... L’ordre albertien de Leibowitz se veut une institution garante de la mémoire de l’humanité ; mais à quoi sert cette mémoire, si l’homme, incapable de retenir (ou de comprendre...) les leçons du passé, s’empresse de reproduire les mêmes erreurs ?

Ce qui nous amène à un deuxième axe. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » : la phrase de Rabelais est devenue proverbiale... Et la complexe question de la responsabilité des scientifiques, trop souvent évacuée pour de mauvaises raisons (où l’esprit de corps et le raisonnement par l’absurde ont leur part), traverse le roman de bout en bout. On sait (enfin, on devrait savoir, mais, bon...) que le progrès scientifique n’implique nullement le progrès moral, et l’histoire en a fourni bien des exemples. Or la question de la responsabilité des scientifiques, dans les années 1950, tandis que Walter M. Miller Jr rédige les nouvelles qui formeront son roman, est à peu de choses près personnifiée par Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique, obsédé par les conséquences potentielles de son invention, et qui multiplie les avertissements teintés de remords tandis que la course aux armements s’engage entre les États-Unis et l’Union soviétique... Un cantique pour Leibowitz revient régulièrement sur cette question, avec une certaine ambiguité, sans jamais sombrer dans une position extrême. Leibowitz et Thson Taddéo évoquent bien Oppenheimer ; la mission de l’ordre albertien de Leibowitz est certes envisagée sous un jour positif, de même que les recherches de Thson Taddéo ; mais ce dernier se compromet avec le dictateur Hannegane, et les moines, s’ils s’acharnent à conserver contre vents et marées les Memorabilia, ne se privent pas de stigmatiser la lâcheté et l’inconscience des scientifiques qui, en prétendant ne pas se préoccuper de l’aspect éthique de leurs découvertes, ont confié aux tyrans de quoi détruire le monde...

Le troisième axe découle largement du précédent, et ne peut sans doute guère être envisagé de manière totalement indépendante : c’est la question des rapports entre la foi et la science. L’auteur se montre très astucieux dans l’approche de cette thématique, sachant susciter des réactions différentes dans les trois parties. Dans la première, ces moines recopiant « bêtement » ce qu’ils ne comprennent pas sont souvent risibles, et en premier lieu le novice Francis, pas spécialement futé ; le sentiment d’absurde domine, et avec lui le rire (quand bien même jaune). C’est encore plus ou moins le cas dans la deuxième partie, mais avec plus de finesse, les personnages étant moins caricaturaux : Dom Paulo n’est certainement pas un imbécile ni même un intégriste, il accueille volontiers Thson Taddéo, et se réjouit de la renaissance scientifique ; pourtant, il ne peut réprimer un frisson quand le brillant frère Kornhoer, qui réinvente la lampe (et la met en marche au cours d’une scène particulièrement mémorable...), suggère de décrocher un crucifix pour y placer son invention... Il a conscience de ce que cette gêne peut avoir d’absurde, mais finit bien par comprendre, lors d’une conférence de Thson Taddéo, que, quand bien même son ordre religieux est voué à la préservation de la science, la science redécouverte peut s’opposer aux enseignements religieux. La mission de l’ordre albertien de Leibowitz montre ici toute son ambiguïté... Et, dans la troisième partie, alors que les savants ont à nouveau confié aux tyrans l’arme atomique assimilée à « Lucifer » (le « porteur de lumière », rappelons-le : le diable incarne ainsi à certains égards le savant ultime, et l’abbé Zerchi, en envisageant les tristes conséquences potentielles de la sincérité des savants, en vient à envisager l’ange déchu comme le plus sincère d’entre eux...), la question se pose d’une manière plus flagrante encore, sous un angle purement éthique (et de manière poignante) : la légitimité de l’euthanasie (envisagée selon l’optique du prêtre, ce qui peut faire grincer des dents ; mais sans doute ne faut-il pas en tirer de conclusions hatives – au passage, Walter M. Miller Jr s’est finalement suicidé...). Et c'est finalement la notion du mal qui en vient à être envisagée, et celle de la douleur qui lui est assimilée... et, par voie de conséquence, se pose la question de la bonté de Dieu tandis que l'humanité sombre encore dans le chaos : est-elle vouée à subir éternellement le châtiment du péché originel ?

Je n’ai fait qu’esquisser ici (et sans doute maladroitement) les très nombreuses questions soulevées par Un cantique pour Leibowitz. C’est incontestablement un roman riche, profond et saisissant. Mais, après un démarrage que j’avoue avoir trouvé un peu lent, c’est aussi un romant passionnant et subtil. Les personnages sont attachants, et l'écriture assez adroite, jouant astucieusement des longues ellipses et des modes de pensée des différents protagonistes ; la quatrième de couverture, ici, a sans doute raison de mentionner Le Nom de la rose : les thématiques en sont proches, aucun doute là-dessus, mais si le style n’adopte jamais la complexité archaïsante et érudite du roman d’Umberto Eco, on pourra y apprécier, de même, un emploi souvent savoureux des saintes écritures, et plus encore du latin (« Deo gratias ! » Et je ne peux m’empêcher, là encore, de repenser à la scène de l’ampoule...). Autre référence mentionnée, inévitable : Docteur Folamour de Stanley Kubrick ; et on y trouve bien ce ton unique, entre farce burlesque et tragédie. Avec ceci de particulier, néanmoins, que le roman de Walter M. Miller Jr ne se contente pas de faire rire (souvent), d’horrifier ou de déprimer (tout aussi souvent, l’équilibre est impressionnant), mais sait aussi, à l’occasion, émouvoir...

Aucun doute : Un cantique pour Leibowitz mérite bien ses lauriers de classique de la science-fiction (avec par ailleurs une très légère teinte de... disons de fantasy, parfaitement appropriée). C’est un très, très grand roman, assez unique en son genre. Du coup, je me tate : Walter M. Miller Jr en avait entamé une « suite », L’Héritage de saint Leibowitz, qui fut achevée à titre posthume par Terry Bisson (un des rares auteurs à être en mesure de le faire, sans doute) ; m’en vais peut-être y jeter un oeil, à tout hasard...

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X-Wing 2.0 : Always look on the dark side of life

Publié le par Nébal

X-Wing 2.0 : Always look on the dark side of life

Nous avons remis ça avec le camarade Acteris ! Je n’ai jamais autant joué à X-Wing que depuis la sortie de la 2e édition… C’est qu’il faut tester plein de trucs ! À l’évidence, ce rythme très soutenu n’aura qu’un temps. Mais pour le moment, on s’amuse bien !

 

Adonc nous avons passé une autre après-midi à tester des trucs et des machins – nous avons ainsi joué quatre parties : dans les trois premières, j’ai joué impérial (forcément ?), et rebelle dans la dernière (oh) ; le camarade Acteris a joué deux listes impériales, puis deux racailles.

 

Et… oui. On a chacun essayé des trucs. Qui ont plus ou moins bien marché.

 

Hein.

DECADE(NCE) OF AGGRESSORS – 200 POINTS

 

 

Cette première liste impériale est pour partie issue d’une discussion avec le camarade Albu, après qu’il m’a humilié une fois de plus. On faisait le tour des vaisseaux impériaux, et j’avais noté qu’il n’y en avait que deux que je n’avais pas encore testés en v2… et pour cause, ce sont probablement (avec le TIE Reaper, je le maintiens !) ceux qui ont le plus souffert en passant au nouveau système, alors qu’ils se défendaient plus qu’honorablement en v1 : le TIE/ag Aggressor, et le Star Wing de Classe Alpha.

 

Nous nous sommes surtout intéressés au premier – qui est une sorte d’anomalie dans la flotte impériale : un châssis spécialement créé, semble-t-il, pour avoir des tourelles, ce qui en fait un cas unique dans le camp de la Justice, de la Vérité et du Bon Droit. En v1, il suffisait de l’équiper d’une Tourelle laser jumelée, même un petit Spécialiste Sienar, et, hop ! Ça donnait un truc pas cher du tout et potentiellement très pénible pour l’adversaire – on pouvait même gonfler un peu sa défense avec un Châssis léger, que demandait le peuple ?

 

Mais en v2… En v2, déjà, les règles des tourelles ont considérablement changé (avec l’action de rotation, tout particulièrement), il n’y a plus de Tourelles laser jumelées (et c’est sans doute tant mieux, parce que c’était une amélioration vraiment balaise et donc vraiment pénible), et il n’y a plus non plus de Châssis léger. Les tourelles qui demeurent sont beaucoup moins dangereuses et... agressives (un comble !), aussi la plus-value de cette approche tactique est-elle relativement limitée, surtout eu égard aux caractéristiques assez médiocres en général du TIE Aggressor – et les pilotes uniques de ce support en v2 ont des capacités spéciales plus ou moins excitantes, plutôt moins que plus… Cependant, il fallait tester le truc, hein ! On sait jamais ! Et l’idée était donc d’aligner deux Aggressors, équipés chacun d’une Tourelle à canons ioniques – en jouant sur les capacités des pilotes et/ou des Artilleurs pour s’assurer autant que possible la faculté pour chaque vaisseau de tirer deux fois par tour (ce qui, au fond, ramène bien au fonctionnement de feue la Tourelle laser jumelée).

 

J’ai donc essayé de bâtir une liste sur ce principe – avec les pilotes uniques, que je voulais essayer : le camarade Albu a depuis proposé une autre approche, avec deux Éclaireurs de l’Escadron Onyx, également équipés de Tourelles à canons ioniques, contrôlées par des Artilleurs de tourelle vétérans, mais avec aussi un jeu sur le Talent Gambit des astéroïdes – je suppose qu’il faudra essayer ça aussi, au cas où…

 

Mais, autant le dire tout de suite, ma liste n’a pas fonctionné, et m’incite à me montrer plus sceptique encore quant à la pertinence d’aligner ces chasseurs « anormaux ».

 

 

Puisque la liste avait pour objet de tester les TIE/ag Aggressors, autant commencer par eux, hein ? J’en ai donc aligné deux, les deux pilotes uniques : le premier est le Lieutenant Kestal (36 points d’escadron). Quand il effectue une attaque, après que le défenseur a lancé les dés de défense, je peux dépenser un marqueur de Concentration pour annuler tous ses résultats vierges ou Concentration ; mouais.

 

Je l’ai donc équipé d’une Tourelle à canons ioniques (6) : elle donne – bien sûr – l’action de Rotation, et offre une attaque à trois dés rouges et à portée 1-2 (un truc qui m’a beaucoup fait chier dans cette partie, cette portée…) ; si l’attaque touche, je peux dépenser un résultat Dégât ou Critique pour infliger un Dégât au défenseur – tous les Dégâts et Critiques en plus sont convertis en autant de marqueurs ioniques.

 

Et, ce qui va avec, c’est un Artilleur de tourelle vétéran (8) : après avoir effectué une attaque principale (rappelons que le TIE/ag Aggressor, de base, n’a que deux dés rouges), je peux faire une attaque bonus en utilisant une tourelle pas encore employée durant ce tour. L’idée est donc bien de faire, dans l’idéal, deux attaques par tour : une attaque normale, puis une de tourelle (avec ce timing précisément, j’y reviendrai) – ceci bien sûr si la tourelle est orientée dans l’arc de tir avant, ou si les vaisseaux ennemis sont dispersés ; sinon, eh bien, c’est une tourelle, donc, orientée comme il faut, elle permet d’atteindre des cibles ne faisant pas face au vaisseau – et c’est bien l’objet de ces améliorations particulièrement hostiles pour les pilotes faisant dans l’ « arc dodging », comme on dit en bon français. C’est l’idée, hein…

 

 

Mon deuxième TIE/ag Aggressor est également équipé d’une Tourelle à canons ioniques (6), mais fonctionne différemment – « à l’envers », d’une certaine manière : il s’agit en effet de « Double Edge » (33), qui a une Initiative plus basse (2 au lieu de 4), et une capacité spéciale en vertu de laquelle, s’il rate une attaque de Tourelle ou de Missiles, il peut effectuer une attaque bonus en utilisant une arme différente – pas nécessairement, donc, une attaque d’arme principale.

 

Dans ces conditions, un Artilleur de tourelle vétéran serait moins utile à « Double Edge » qu’au Lieutenant Kestal – enfin, ça se discute, je suppose. Cette capacité spéciale, en prenant certes en compte son côté « roue de secours », car cela suppose une première attaque ratée, offre quand même une certaine souplesse de jeu, mais en imposant un timing différent : cette fois, il faut d’abord faire une attaque de Tourelle ou de Missiles, et ensuite, si elle rate… eh bien, cela dépend des circonstances, mais pas nécessairement une attaque d’arme principale, du coup. Parce qu’un Artilleur était sans doute quand même bienvenu, je me suis décidé pour un Artilleur hors-pair (7) : quand j’effectue une attaque de Tourelle, après l’étape « Modifier les dés de défense », le défenseur doit retirer un marqueur de Concentration ou de Calcul – bon, ça se tente…

 

Mais le point essentiel, avec « Double Edge », concerne probablement la possibilité d’insérer des attaques de Missiles dans son économie offensive (si j'ose m'exprimer ainsi) : je me suis donc décidé pour des Missiles à concussion (6) ; c’est une attaque à trois dés rouges (sans bonus de portée) dans l’arc de tir avant, et à portée 2-3 ; elle nécessite une Acquisition de cible, et, quand l’attaque touche, chaque vaisseau à portée 0-1 du défenseur expose une de ses cartes de Dégâts – et il y a trois charges. Oui, ça se tente…

 

 

Maintenant, il me fallait compléter cette liste – sachant que les deux Aggressors ensemble faisaient tout de même 102 points d’escadron. Je me suis décidé pour une paire de Bombardiers TIE/sa, en fait le duo Jonus/Rhymer que j’avais déjà testé (ici) avec un certain succès ; dans cette liste cependant, ces Bombardiers... n'emportent pas de Bombes, et leur capacité générique n'a donc pas à être rappelée ici.

 

Le premier de ces vaisseaux est piloté par le Capitaine Jonus (36), que j’aime beaucoup, et dont la capacité spéciale permet à un vaisseau allié à portée 0-1 effectuant une attaque de Torpilles ou de Missiles de relancer jusqu’à deux dés d’attaque : il s’agit donc de voler en formation, pour que les autres vaisseaux bénéficient de ce bonus non négligeable (qui s’applique bien sûr également à Jonus lui-même).

 

Le Major Rhymer (34), de son côté, peut augmenter ou réduire de 1, dans une limite de 0-3, le prérequis de portée pour ses Torpilles et ses Missiles.

 

En dehors de ces facultés uniques, ces deux Bombardiers sont équipés des mêmes améliorations : tout d’abord, des Roquettes de barrage (6, cette amélioration requiert deux emplacements de Missiles), qui offrent une attaque à trois dés rouges (sans bonus de portée) dans l’arc de tir principal à portée 2-3 (et donc 1-3 pour Rhymer). À noter, cette attaque ne requiert pas d’Acquisition de cible, mais nécessite en revanche d’avoir un marqueur de Concentration. Et, si le défenseur est dans le « Bullseye », je peux dépenser une ou plusieurs charges pour relancer autant de dés d’attaque – sachant que cette amélioration dispose à la base de cinq charges.

 

Ensuite, les deux vaisseaux sont armés de Torpilles à protons avancés (6) : il s’agit d’une attaque dans l’arc de tir avant à cinq dés rouges (sans bonus de portée), mais à portée 1 seulement (du coup, 1-2 pour Rhymer – ça devient de suite plus intéressant…) ; il faut une Acquisition de cible, mais on peut changer un résultat Dégât en résultat Critique. Par contre, il n’y a qu’une charge…

 

Et c’est donc surtout en pensant à ces Torpilles que j’ai choisi de munir les deux Bombardiers de la même Modification, à savoir Munitions à sûreté intégrée (2) : pour faire simple, si une de mes attaques de Torpilles ou de Missiles rate d'emblée (après avoir jeté les dés rouges, avant que le défenseur ne jette les dés verts), je peux annuler tous les résultats des dés pour récupérer une charge consommée dans cette attaque.

 

 

Bon.

 

 

Ça n’a pas très bien fonctionné. Enfin, les Bombardiers, si, plutôt... Mais pas les Aggressors qu’il s’agissait de tester.

 

En face, Acteris alignait une compo impériale – oui, c’était Empire contre Empire, un exercice de l’Académie, sans doute… Et avec du clonage à la clef, je suppose, car il y avait bien dans cette liste antagoniste un Bombardier TIE/sa… qui n’était autre que le Major Rhymer. C’était la brute de service – les deux autres vaisseaux ennemis jouaient davantage de la carte du « petit machin agile », pour ne pas dire de la savonnette (HEY ! NORMALEMENT C’EST MOI QUI JOUE ÇA !), à savoir un TIE Advanced x1 piloté par (natürlich) le citoyen Dark Vador himself, et un TIE/sk Striker piloté par (natürlich) le citoyen « Countdown ».

 

 

J’ai souffert. Enfin, mes deux Bombardiers s’en sont plutôt bien sortis – d’ailleurs, ils ont très vite pulvérisé « le Rhymer d’en face », qu’Acteris avait un peu imprudemment approché… de sorte qu'il s’est pris deux Torpilles à protons avancées dans la face. Vous connaissez l’histoire de Paf le Bombardier ?

 

Mais le reste… Non, mes Aggressors n’ont pas fonctionné. Déjà, une chose qui m’a considérablement agacé (et, oui, cela tient à ce que je les pilotais comme un sabot, sans doute), c’est que je n’ai quasiment jamais eu l’occasion de faire la « double attaque » qui était censée constituer leur principal (unique ?) atout – ceci notamment du fait de la portée 1-2 de la Tourelle à canons ioniques : je ne l'ai que très rarement utilisée, et les dégâts ioniques ont été plus rares encore (à vrai dire, je ne suis même pas certain d’en avoir infligé). Du coup, j’avais déjà l’impression d’avoir cramé beaucoup trop de points d’escadron pour un truc qui ne fonctionnait pas vraiment.

 

Le deuxième effet Kiss Pas Cool, c’est que les Aggressors, en plus, sont fragiles – trop pour leur coût en ce qui me concerne. Quatre points de Coque et un Bouclier avec deux dés verts, vous me direz, c’est mieux que « Countdown », et, oui, sauf que le Striker a sa capacité spéciale (et il en a fait usage dans cette partie) qui permet de retarder sacrément l’échéance – outre que ses facultés de repositionnement sont tout autres.

 

Acteris, après sa boulette concernant Rhymer, s’est montré plus prudent, et, à bon droit, a concentré ses attaques sur mes Aggressors : il me les a sortis tranquillou, en prenant son temps, et, paf, j’ai perdu 102 points d’escadron, qui ne m’ont quasiment servi à rien de toute la partie. Sauf erreur, quand nous avons arrêté les hostilités pour cause d’horloge, il me restait mes deux Bombardiers, et en relativement bon état ? Mais, avec ces savonnettes de Dark Vador et de « Countdown » en face, je ne pouvais pas espérer faire grand-chose…

 

Acteris l’a emporté, donc – large.

 

Et j’ai regardé mes Aggressors d’un sale œil.

 

Non, le test ne s’est pas montré concluant…

 

0-1.

 

 

GIRL POWER À L’ACADÉMIE – 200 POINTS

 

 

Ma deuxième liste impériale de la journée doit elle aussi beaucoup à une discussion avec le camarade Albu. Nous évoquions les nuées de Chasseurs TIE. Je « défendais » celle que j’avais jouée précédemment contre Acteris, comprenant six vaisseaux avec des pilotes uniques bénéficiant d'une Initiative relativement élevée (trois vaisseaux à Initiative 5, et trois à Initiative 4 – ces derniers étant trois des quatre pilotes de l’Escadron Inferno), mais, à l’évidence, on peut envisager pas mal de formats de nuées différents et efficaces.

 

J’avais envie de reprendre, d’une certaine manière, une configuration que j’avais parfois jouée en v1, de manière plutôt satisfaisante, avec un vaisseau de soutien et quatre ou cinq Chasseurs TIE – à l’époque, j’avais fait une nuée amusante avec une Navette de Commandement de Classe Upsilon (éventuellement pilotée par le Major Stridan) qui appuyait des Pilotes de l’Académie. Je supposais qu’il était possible de faire quelque chose dans cet esprit en v2 – mais, certes, avec un autre vaisseau de soutien, du fait de la scission des factions Empire Galactique et Premier Ordre. Cela dit, la Navette de Classe Lambda avait bien profité du passage à la v2, hein ?

 

Et, surtout, je crevais d’envie de jouer un Équipage plus qu’aguichant dans une configuration « swarm » : l’Amiral Sloane…

 

(J’étais intéressé aussi, de manière générale, par Ciena Ree, mais probablement pour un autre format.)

 

Et, sur ces bases, une liste s’est comme dégagée toute seule…

 

 

Commençons donc par le vaisseau de soutien, qui est bien une Navette T-4A de Classe Lambda. Nous nous sommes posés la question du pilote, en envisageant un simple Pilote du Groupe Omicron, mais je tendais à croire que la capacité spéciale du Capitaine Kagi (48) pourrait être utile à ma nuée : en effet, au début de la phase d’Engagement, je peux ainsi choisir… autant de mes vaisseaux que je veux à portée 0-3, et transférer les marqueurs d’Acquisition de cible ennemis sur la Navette, hop ! Et ça peut s’avérer utile.

 

La clef de cette liste (enfin, en théorie, voyez plus bas…) était donc l’Équipage Amiral Sloane (10), et ladite dame a un effet très, très rigolo : quand un autre vaisseau allié à portée 0-3 a défendu, s’il est détruit, le vaisseau qui l’a attaqué gagne deux marqueurs de Stress. Ce qui est sympathique – mais, en outre, tous mes vaisseaux alliés à portée 0-3 peuvent relancer un dé d’attaque quand ils s’en prennent à un ennemi stressé ! J’aime bien – c’est assez « Premier Ordre », peut-être, comme approche ? Du genre : « Vas-y, fais-moi mal, et plus tu me feras mal, plus tu vas en chier… » Oui, j’aime bien.

 

Maintenant, la Lambda risquait de se prendre le feu ennemi – d’autant plus peut-être si elle accumulait les Acquisitions de cible hostiles. Il m’a donc paru utile de prendre, en guise de deuxième Équipage, la Ministre Tua (7) : au début de la phase d’Engagement, si la Navette est endommagée, elle peut faire une action de Renforcement rouge. Hop ! Ce qui lui permet de conserver en guise de « véritable » action la Coordination, par exemple.

 

Et, là je fais les choses à l’envers, parce qu’il me restait trois points d’escadron à dépenser après m’être occupé de mes Chasseurs TIE : j’ai décidé de prendre au cas où un Canon Rayon tracteur (3) : c’est une attaque à trois dés rouges dans l’arc de tir avant (rappel : la Lambda a aussi un arc de tir arrière, mais sauf erreur cette amélioration ne fonctionne pas dans cette direction), à portée 1-3 ; mais elle n’inflige pas de Dégâts, tous les Dégâts et Critiques sont remplacés par autant de marqueurs de Rayon tracteur. Pour des raisons qui seront bientôt évidentes, je n’ai pas eu l’occasion de l’utiliser…

 

 

Bon, les Chasseurs TIE/ln, maintenant ! Il me fallait un chef d’escadrille, et la question de qui qui donc ne se posait même pas : l’indispensable « Howlrunner » (40) s’est donc invitée dans la partie : tout vaisseau allié à portée 0-1 peut relancer un dé d’attaque quand il effectue une attaque d’arme principale – merci Madame ! Cette liste est très « girl power », décidément…

 

Pas d’améliorations : « Howlrunner » n’en a pas besoin…

 

 

… et les grouillots qui l’accompagnent non plus : on fait simple et sobre, quatre autres Chasseurs TIE/ln, qui sont tous des Pilotes de l’Académie à poil, les moins chers du jeu (23 points d’escadron chacun).

 

Et c’est parti !

 

 

Cette bataille a été assez improbable – largement du fait du choix audacieux d’Acteris de m’opposer une liste impériale peu orthodoxe, constituée d’un Décimateur VT-49 piloté par le Capitaine Oicunn en mode « bump », et... d’une autre Navette T-4A de Classe Lambda, mais pilotée cette fois par le Lieutenant Sai (afin de faire de la Coordination-Renforcement avec le Décimateur).

 

Très honnêtement, je crois que c’était la pire configuration possible face à ma nuée. Et cette partie n’a donc pas duré – moins d’une demi-heure, si je me souviens bien. La Coordination-Renforcement n’a fonctionné qu’un temps, et le Décimateur d’Acteris se prenait tous mes vaisseaux dans la gueule – avec « Howlrunner » pour les booster tous (et dans les ténèbres les rebooster), « Howlrunner » qui, par ailleurs, même Traquée par l’Agent Kallus sournoisement embarqué à bord du Décimateur, échappait aux Acquisitions de cible ennemies du fait de l’intervention du Capitaine Kagi.

 

Bref : mes TIE sont arrivés en formation (les quatre Pilotes de l’Académie alignés devant, « Howlrunner » juste derrière au centre) face au Décimateur, lui ont fait très, très mal, puis ont eu assez de champ pour faire chacun un virage Koiogran sans rompre la formation et sans qu’aucun ne « bumpe » (wahou, je ne pensais vraiment pas pouvoir faire ça un jour…), et finir le gros machin par derrière : j’ai fumé ses quatre Boucliers et ses douze points de Coque en deux tours, Renforcement ou pas. De son côté, Acteris n’est pas parvenu à me sortir le moindre de mes Chasseurs – il a amoché un unique Pilote de l’Académie, mais pas suffisamment. Restait ma liste entière et bien à fond contre une Lambda isolée – Acteris a logiquement concédé. La partie la plus expéditive que j’aie jamais jouée (et remportée, en tout cas…).

 

 

Et pour le coup c’était un peu frustrant, en fait : j’ai tapé comme un mulet, et, oui, c’était assez jouissif, mais je n’ai qu’à moitié joué cette liste – et, notamment, je n’ai pas eu l’occasion de voir ce que donnait l’Amiral Sloane en jeu, or c’était bien l’objet premier de ma compo… Il me faudra donc la retenter dans d’autres conditions, pour la tester vraiment.

 

Quoi qu’il en soit, ce fut un massacre. Littéralement.

 

1-1.

 

 

DÉFENSE ACTIVE – 200 POINTS

 

Pour ma dernière liste impériale de la journée, je voulais essayer un truc qui… m’effrayait un peu ? À savoir piloter deux Défenseurs TIE/d. Le problème étant surtout le prix à mon sens un brin excessif de ces vaisseaux certes excellents… Du coup, on a vite fait d’atteindre les 200 points – ce petit vaisseau coûte plus cher que bien des gros, et pourtant son impact dans la composition est tout autre… Placer un Défenseur, et a fortiori un pilote unique, limite un peu les possibilités pour compléter. Mais, tant qu’à faire, j’ai voulu essayer une liste composée de deux Défenseurs ET PIS C’EST TOUT. Ce qui ne me mettait pas à l’aise : en tant que joueur impérial, j’ai régulièrement des palpitations quand je n’aligne que deux vaisseaux – en fait, c’est encore pire en v2 : là où je jouais souvent trois vaisseaux en v1, j'en joue de plus en plus souvent quatre désormais. Alors seulement deux petits vaisseaux, ou en tout cas deux chasseurs, si vous préférez… Pas n’importe lesquels, certes, mais…

 

Bref.

 

 

Je jouais donc deux Défenseurs TIE/d, l’un piloté par Rexler Brath (84), et l’autre par ma chouchoute la Comtesse Ryad (86). Et tant pis pour le Colonel Vessery ! Mine de rien, cela ne laisse déjà que 30 points d'escadron pour les améliorations...

 

Lesquelles se ressemblent beaucoup d'un vaisseau à l'autre, car ils ont en commun les mêmes Senseur et Missiles : côté Senseur, un Détecteur anti-collision (5), qui, en gros, permet de ne pas tenir compte des effets négatifs d’un obstacle pendant un round entier quand on dépense une charge (et il y en a deux) ; et côté Missiles, des Missiles groupés (6) : attaque à trois dés rouges dans l’arc de tir avant à portée 1-2 (sans bonus de portée), une Acquisition de cible est requise, et, après cette attaque, on a droit à une attaque bonus, sans prérequis de verrouillage, contre une cible différente à portée 0-1 du défenseur ; et il y a quatre charges.

 

Mais les deux pilotes ont un Talent particulier, en lien avec leur capacité spéciale. Rappelons tout d’abord que tous les Défenseurs TIE bénéficient de la faculté générique Plein Gaz, qui leur confère une action d’Évasion gratuite quand ils exécutent pleinement une manœuvre à vitesse 3-5. Zoooooooooooom !

 

Rexler Brath joue avec les marqueurs d’Évasion, justement : quand son attaque touche, s’il a un tel marqueur (et c'est donc plus que probable), il expose une des cartes de Dégâts de son adversaire. Tant qu’à faire, je lui ai du coup donné le Talent Feinte (4) : quand il attaque, s’il a un marqueur d’Évasion (bis), il peut changer un résultat Évasion du défenseur en un résultat Concentration.

 

Ce talent, parce que Défenseur TIE et Plein Gaz, fonctionne très bien avec la Comtesse également, mais j’ai voulu la distinguer un peu. Sa capacité spéciale lui permet, en augmentant leur difficulté, de changer toutes ses manœuvres Tout Droit en Virages Koiogran – elle peut ainsi se retourner à vitesse 2-5, sans prendre de stress, et donc virtuellement chaque tour. Ce qui en fait un candidat de choix pour le Talent Manœuvre improbable (6) : tant qu’elle effectue une attaque dans l’arc avant, si elle n’est pas dans l’arc de tir de sa proie, celle-ci lance un dé de défense en moins.

 

 

Et… ça a bien mieux fonctionné que je ne le pensais. En fait au point où cette partie également a été très expéditive – guère plus d’une demi-heure si je me souviens bien…

 

En face, Acteris était passé aux Racailles et Scélérats, sa faction de prédilection. Il alignait trois vaisseaux : un Patrouilleur de Classe Firespray (je ne me souviens plus avec certitude du pilote, c'était soit Krassis Trelix, soit Koshka Frost, même si je penche plutôt pour la première hypothèse), un Chasseur M-12L Kimogila piloté par Torani Kulda, et, pour compléter, un Chasseur de têtes Z-95-AF4 en mode kamikaze, plus précisément un Soldat du Soleil Noir.

 

Le Firespray est une de mes bêtes noires – un des vaisseaux que je crains le plus dans les factions d’en face. Cela m’a incité à concentrer mes assauts sur les deux autres. Rexler Brath a bien profité de son Détecteur anti-collision et de sa Feinte (même si Torani Kulda veillait pour ce qui était des marqueurs verts), tandis que la Comtesse enchaînait les Koiogran à son habitude – les deux vaisseaux s’en sont pris au Kimogila en priorité, mais, en attaquant avec des Missiles groupés, ils infligeaient en fait également des Dégâts au Z-95 tout proche. En deux tours de combat, les deux vaisseaux ont dégagé du tapis, et mes Défenseurs étaient sauf erreur peu ou prou intacts – Acteris avait encore son Firespray indemne, mais il a aussitôt concédé...

 

À la différence de ce qui s’était produit avec la liste précédente, je suppose que je peux cette fois considérer que cette compo à base de deux Défenseurs TIE a bel et bien été testée, et de manière concluante – mais je la ressortirai quand même un de ces jours, pour voir ce qu’elle donne dans d’autres configurations.

 

2-1 !

 

 

CHEWBACCA-WING – 200 POINTS

 

 

Bon, encore une partie à livrer, et j’ai voulu, cette fois, tenter de (me la) jouer rebelle… et sans grand succès. En fait, chaque partie où je rallie l’Alliance me convainc un peu plus que je ne suis pas fait pour cette faction – outre qu’il y a assez peu de choses qui m’excitent la concernant.

 

Attention, je ne dis certainement pas que les rebelles sont nuls, qu’ils ont souffert en passant à la v2, ce genre de trucs que j'entends ou lis çà et là, et qui me paraissent infondés – je dis seulement que je ne sais pas comment les prendre, et que je les joue mal, et probablement parce qu’ils m’ennuient un peu. Du coup, en fait de « faction alternative » (car je continuerai probablement de jouer au premier chef impérial), je louche de plus en plus sur les Racailles et Scélérats – qui m’ont quand même l’air autrement fun. Du moins au regard de mes envies de jeu.

 

Mais bon : là, j’avais donc fait une liste rebelle – et à l’arrache, au dernier moment, avec au moins un choix peu ou prou inutile... Je crois que cette tendance à bâcler en dit long à sa manière… outre que je n’ai pas vraiment cherché à faire dans la synergie ou truc : j’ai très bourrinement pris le gros socle qui me plaisait le plus, et l’ai associé à deux petits socles… eh bien, « presque impériaux », je suppose…

 

 

Nous commençons donc avec un Cargo Léger YT-1300 modifié, piloté par ce bon vieux Chewbacca (84) : avant qu’une carte de Dégâts ne lui soit assignée face visible, il peut dépenser une charge pour qu’elle lui soit assignée face cachée à la place – et le vaisseau dispose d’une charge récurrente. Bien, ça.

 

Bien sûr, ce YT-1300 n’est autre que le Faucon Millenium (6), car tel est son Titre, qui lui donne une action d’Évasion blanche, et fait que, s’il a un marqueur d’Évasion, il peut relancer un dé de défense (certes, il n’en a en principe qu’un seul).

 

Et Chewie a ses copains à bord. Tout d’abord, côté Artilleur, nous avons rien moins que Han Solo (12) : pendant la phase d’Engagement, à Initiative 7 (bon, en clair, avant tout le monde), il peut faire une attaque de tourelle (en l’espèce l’arme principale du YT-1300) – mais il ne peut pas remployer cette tourelle plus tard durant cette même phase. 12 points d’escadron juste pour être sûr de taper le premier, mf… Je suppose qu’il y a de la combo à faire pour rentabiliser cette carte – en fait j'en suis à peu près convaincu ; mais ce n’est pas en bâclant mes listes que je la trouverai…

 

Côté Équipages, deux gaziers, deux potes : d’abord et surtout, Lando Calrissian (5), le joueur – il donne une action bizarre où on jette deux dés verts, et on gagne les marqueurs Concentration et/ou Évasion correspondants – si les deux résultats sont vierges, c’est l’adversaire qui choisit un de ces deux types de marqueurs, et on en gagne un. C’est rigolo – aléatoire mais sans trop de risques non plus, j’aime bien. Et ensuite nous avons Nien Nunb (5), qui diminue la difficulté des manœuvres de virage sur l’aile – je l’ai sélectionné sans regarder le cadran du YT-1300, parce que j’étais à l’arrache, et ça en dit long…

 

 

C’est tout pour le Faucon. J’ai choisi (très vite...) de lui associer deux A-Wing RZ-1 – des petits vaisseaux agiles, que mes camarades jouant rebelles ne prisent généralement guère, mais moi j’aime bien, ils sont un peu impériaux dans le pilotage, faut dire… Ils sont nativement équipés de Propulseurs vectoriels : après avoir effectué une action, on peut faire une action d’Accélération rouge – ils ont de manière générale une excellente économie d’actions, à vue de nez la meilleure de toute l’Alliance (avec les E-Wing, peut-être ?).

 

Le premier pilote est Jake Farrell (40) : après avoir effectué une action de Tonneau ou d’Accélération, il peut choisir un vaisseau allié à portée 0-1, qui peut alors faire une action de Concentration – autrement dit, ce que je venais de louer à propos de l’économie d’actions générale des A-Wing est encore accru en ce qui concerne Jake Farrell ; je crois me souvenir d’un blog, mais c’était probablement encore en v1, où une combo lui permettait de faire à chaque tour un nombre d’actions parfaitement improbable, à faire pâlir un Dark Vador ou un Soontir Fel… C’est vraiment un pilote au profil d’as, et je n’ai pas l’impression qu’il y en ait tant que ça dans les rangs de la sédition.

 

Le deuxième pilote de A-Wing est assez bizarre : il s’agit d’Arvel Crynyd (36), qui peut effectuer des attaques principales à portée 0, et peut considérer ses Accélérations qui « bumpent » comme des manœuvres partielles plutôt que comme des actions échouées. Ce tout petit machin qui entre délibérément en collision avec un gros truc, c’est un peu surprenant…

 

Quoi qu’il en soit, les deux A-Wing, parce qu’ils sont en principe compétents en repositionnement, sont équipés du même Talent, Manœuvre improbable (6), voyez plus haut.

 

Et... c’est tout.

 

 

Bon, sans surprise, ça n’a pas été très efficace, hein – la compo était bâclée, mon pilotage relevait totalement de l’improvisation, sans vraie tactique bien mûrie… Je ne pouvais que perdre.

 

En face, Acteris jouait une autre liste racaille, avec deux vaisseaux seulement : un Cargo Léger YV-666 piloté par Bossk (et qui est bien le Hound’s Tooth, avec sa ch’tite navette d’évacuation, un Chasseur de têtes Z-95-AF4 qui n’a pas eu l’occasion de montrer le bout de son nez), et un Chasseur d’assaut Aggressor, piloté sauf erreur par le droïde IG-88B (qui avait un de ses copains, IG-88D, dans le Hound’s Tooth).

 

Il n’y a probablement pas grand-chose à dire de la partie : l’Aggressor a esquivé à peu près toutes mes attaques, Chewie ne s’est pas montré très utile, les A-Wing naviguaient bien mais ne faisaient pas suffisamment de Dégâts. Acteris s’est concentré sur eux – et, mon repositionnement n’étant pas toujours au top, il a pu leur taper dessus, suffisamment pour les faire dégager : il faut dire qu’ils sont très fragiles, surtout pour des vaisseaux rebelles – ce qui les rapproche là encore de nombre de chasseurs impériaux… Mais c'est assez frustrant, pour le coup. Je crois qu’Acteris a dégagé d’abord Arvel Crynyd, puis Jake Farrell, mais sans grande certitude – quoi qu’il en soit, je venais à peine de commencer à endommager IG-88B, et le Hound’s Tooth était peu ou prou indemne ; mon Faucon Millenium aussi, mais j’avais été amené à lui faire faire des manœuvres d’évasion qui l’avaient éloigné du cœur de l’action, et je ne croyais pas un seul instant pouvoir retourner la situation. J’ai donc concédé – peut-être un peu hâtivement, mais…

 

Honnêtement, je ne m’amusais pas.

 

Si je ne m’applique pas dans la composition, et pas davantage dans le jeu, dès l’instant que je sors des figouzes rebelles, je suppose qu’il me faudra bien en tirer un jour les conséquences…

 

Et ça pourrait bien être de tenter de bidouiller des listes « Scum ».

 

Quoi qu’il en soit : 2-2.

 

 

Suite au prochain épisode...

Mes articles consacrés à X-Wing ont désormais leur blog dédié, Random Academy Pilot ! La suite là-bas !

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"Disgaea: Afternoon of Darkness"

Publié le par Nébal

Disgaea---Afternoon-Of-Darkness.jpg

 

Disgaea: Afternoon of Darkness (PSP)

 

Il m’arrive de faire les choses à l’envers. Aussi, ce n’est qu’après avoir « terminé » l’excellent Disgaea 2: Dark Hero Days que je me suis penché sur le premier opus de la série (disponible uniquement en import), que d’aucuns m’ont assuré être meilleur encore. De cela, je ne suis pas tout à fait certain : sur le plan technique, le jeu est nettement moins convaincant (disons, « joli ») ; surtout, ce qui peut être un atout ou un handicap selon les joueurs, il m’a paru bien plus difficile que le deuxième (d’ailleurs, une fois n’est pas coutume, je vous en parle aujourd’hui sans l’avoir terminé), mais, ce qui fait pencher à mes yeux la balance vers le défaut, c’est que cette difficulté est moins bien dosée (une bataille hyper-tendue du slip peut précéder quatre autres où on se balade sans le moindre problème) ; enfin, le scénario est moins « élaboré », plus décousu. D’un autre côté, il est peut-être encore plus drôle… et on avouera que c’est chouette de jouer des méchants.

 

Le héros de cette histoire est en effet le prince Laharl, fils du précédent Overlord régissant le Netherworld. En temps normal, Laharl aurait dû succéder à son père sans la moindre difficulté (ou presque…). Le problème est que l’Overlord est mort il y a deux ans de cela, et que Laharl – empoisonné – a dormi tout ce temps-là… Quand il se réveille enfin, c’est le chaos dans cet univers, et Laharl va devoir, par tous les moyens, faire valoir ses droits au titre d’Overlord contre une concurrence assoiffée de pouvoir. Pas évident quand sa principale « vassale », Etna, est prête à le trahir et à le tuer pour un oui, pour un non… et encore moins quand, histoire d’en rajouter une couche, le conflit entre Celestia et le Netherworld se met de la partie, une apprentie-ange du nom de Flonne étant envoyée chez Laharl pour tuer l’Overlord déjà défunt, et se mettant finalement en tête, en bon « love-freak » d’apprendre l’amour et la gentillesse au prince. Puis, ce sera la Terre qui se mettra de la partie, avec l’improbable Captain Gordon, le Défenseur de la Terre, et sa fine équipe ! Bref, Laharl, malgré ses atouts indéniables – notamment un rire démoniaque du plus bel effet – a du pain sur la planche. D’autant qu’à y regarder de près, ce n’est qu’un gamin, qui a des faiblesses bien de son âge…

 

Je ne reviendrai pas ici sur le système de jeu, qui est le même, à quelques détails près, que dans Disgaea 2: Dark Hero Days ; aussi cette note sera-t-elle bien plus brève que d’habitude. Je noterai juste que les cartes (certaines d’entre elles, du moins) sont encore plus vicieuses que dans ce dernier titre : la géomancie s’y montre particulièrement perfide, et on ne saurait gagner en fonçant dans le tas (l’usage de la commande « lift / throw » est par ailleurs régulièrement indispensable, ce qui oblige à bien planifier ses déplacements).

 

Mais quoi qu’il en soit, ce jeu est à nouveau un vrai bonheur, hilarant du début à la fin. Laharl et Etna forment un magnifique duo diabolique (que l’on recroise dans Disgaea 2: Dark Hero Days, d’ailleurs), et leurs comparses et antagonistes ne sont pas piqués des vers. Mentions spéciales pour le récurrent démon « français » (décidément !) Mid-Boss (« the Dark Adonis! »), à l’accent délicieux, tout comme le Texan ultime qu’est Captain Gordon.

 

Dernier point à noter : je n’ai pas pu le vérifier, donc (même si je n’ai pas dit mon dernier mot !), mais il semblerait que, de même que dans Disgaea 2: Dark Hero Days, quand y’en a plus, y’en a encore : cette fois, le jeu « achevé », il serait possible de jouer une autre version de l’histoire dans laquelle Etna a tué Laharl…

 

 Bref : la série des Disgaea est décidément excellente, et je me suis régalé avec ces deux titres ; si un jour un nouveau jeu de la série devait sortir sur la portable de Sony, nul doute que je me précipiterais dessus.

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"La Bombe", de Peter Watkins

Publié le par Nébal

Culloden - La Bombe

 

 

Titre original : The War Game.

Réalisateur : Peter Watkins.

Année : 1965.

Pays : Grande-Bretagne.

Genre : Documentaire / Docu-fiction / Science-fiction / Drame / Guerre.

Durée : 48 min.

Acteurs principaux : Michael Aspel, Peter Graham, Kathy Staff, Peter Watkins…

 

Suite de mon cycle Peter Watkins avec La Bombe, un de ses films les plus célèbres. Il faut dire que ce second métrage réalisé par Watkins pour la BBC a été censuré pendant une vingtaine d’années… ce qui n’a à vrai dire pas grand-chose d’étonnant au vu de son sujet.

 

Le réalisateur, toujours aussi engagé, livre encore un « docu-fiction », certes – et dans la lignée de Culloden, dont il reprend bon nombre de procédés –, mais verse cette fois également dans la science-fiction (ou fiction spéculative, si l’on préfère). Il imagine ainsi un brusque « réchauffement » de la guerre froide : la Chine envahit le Sud-Vietnam, les États-Unis sont prêts à riposter avec des armes atomiques, la tension monte à Berlin… et la guerre nucléaire éclate (Watkins supposant d’ailleurs que les forces de l’OTAN seraient les premières à appuyer sur le bouton ; on ne se refait pas). La Bombe, dès lors, après nous avoir rapidement présenté ce contexte international, imagine ce qui se produirait dans le Kent, au sud-est de l’Angleterre, en cas de bombardement nucléaire.

 

Un film impitoyable – et sacrément couillu ; rien d’étonnant, une fois de plus, à ce que la BBC ait finalement décidé, peut-être sous pression, d’ailleurs, de ne pas le diffuser – qui dénonce tout d’abord l’impréparation de la Grande-Bretagne en cas de conflit atomique (ce qui, là encore, fait penser à Culloden ; sauf que pour le coup c’est le pays entier qui se retrouve dans la position des Highlanders…), impréparation débouchant sur des scènes surréalistes et des commentaires pour le moins cyniques (notamment au travers « d’interviews » inspirées de déclarations de membres de l’Église anglicane ou de spécialistes de la guerre nucléaire). La Bombe se situe entre Docteur Folamour et Atomic Café, mais sans en reprendre l’humour, quand bien même très noir ; ici, tout est horrible… Et le plus horrible est sans doute le réalisme, finalement, de la projection de Watkins, qui s’est inspiré de ce qui s’était produit à Hambourg, Dresde (et là, forcément, voir Abattoir 5), et bien sûr Hiroshima et Nagasaki.

 

On n’ose imaginer le traumatisme que ce film aurait pu susciter si la BBC l’avait projeté à l’époque. Le tableau que dresse Watkins de l’Angleterre d’alors est pour le moins édifiant… Et sa dénonciation, plus généralement, de la folie nucléaire de la guerre froide porte assurément. Le film a sans doute perdu un peu de sa force aujourd’hui, dans la mesure où son scénario-catastrophe ne s’est heureusement pas produit, mais il reste un documentaire fascinant sur l’état d’esprit de l’époque. Mais il n’a du coup pas « l’intemporalité », si j’ose dire, de Culloden, que j’ai, je crois un poil préféré.

 

Cela vaut également pour la réalisation : Watkins reprend ici ses procédés inspirés des actualités télévisées, et sa « caméra liberté » fait des miracles, notamment lors des scènes les plus frénétiques ; je le trouve cependant moins pertinent dans l’usage des voix-off et des interviews, sans trop savoir pourquoi – mais cela vient peut-être du moindre « décalage » : ce qui était particulièrement surprenant et audacieux dans Culloden semble ici couler de source…

 

La Bombe est bel et bien un bon film, et même un très bon film, a fortiori si on le replace dans son contexte ; mais il ne parvient que difficilement à s’en dégager, ce qui le rend un peu moins bon à mes yeux que ce qu’on a pu en dire. Il va néanmoins de soi que je vous encourage fortement à le regarder, d’autant qu’il a quelque chose d’unique, et se montre singulièrement glaçant… Quant à moi, je vais poursuivre mon cycle, probablement avec Punishment Park.

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"The Illustrated Challenge From Beyond", de H.P. Lovecraft, A. Merritt, Robert E. Howard, C.L. Moore & Frank Belknap Long

Publié le par Nébal

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LOVECRAFT (H.P.), MERRITT (A.), HOWARD (Robert E.), MOORE (C.L.) & LONG (Frank Belknap), The Illustrated Challenge From Beyond, illustrated by David Ireland, West Warwick, Necronomicon Press, [1935] 1978, [n.p.]

 

Étrangement (ou pas), je ne crois pas avoir jamais lu cette courte nouvelle qu’est « The Challenge From Beyond » (rien à voir avec « From Beyond ») en français, aussi ai-je sauté sur l’occasion de la lire en anglais dans le texte.

 

Il s’agit d’un « round robin » (c’est-à-dire une histoire dont chaque segment est écrit successivement par un auteur différent), composé à l’initiative de Julius Schwarz pour le troisième anniversaire du Fantasy Magazine (septembre 1935), qui voulait une collaboration « weird » et une de science-fiction ; celle-ci est la première des deux (l’autre, que je ne connais pas, et qui n’est semble-t-il pas glop du tout, faisant intervenir Stanley G. Weinbaum, Donald Wandrei, E.E. « Doc » Smith, Harl Vincent et Murray Leinster). Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a ici du beau monde, Frank Belkap Long, le grand ami de Lovecraft à qui l’on doit notamment le chouette pastiche « Les Chiens de Tindalos », étant clairement le moins célèbre des cinq (aujourd’hui, a fortiori)… ce qui lui a d’ailleurs porté préjudice : il avait à l’origine écrit le deuxième segment, mais A. Merritt ayant refusé de poursuivre dans son sillon, il s’est d’abord retrouvé exclu de l’histoire, avant de revenir, mais en dernière position, à l’instigation de Lovecraft (toutes informations que je tire de la lecture de I Am Providence de S.T. Joshi)…

 

Envisageons donc brièvement chaque segment. C’est C.L. Moore qui entame les hostilités, de manière plutôt inoffensive d’ailleurs, en nous présentant simplement un campeur du nom de George Campbell qui « tombe » sur un étrange cube d’apparence antédiluvienne et semblant pourtant artificiel. Un point de départ un peu faiblard…

 

Cela dit, le ronchon A. Merritt n’arrange rien à l’affaire, sa contribution ne faisant très certainement pas avancer le schmilblick. Rien à en dire, en fait. Tout ça pour ça ?

 

Le gros de la nouvelle est finalement rédigé par H.P. Lovecraft : son fragment est le plus important en taille comme en matière de développement d’une intrigue jusque-là fort terne. Mais on ne peut pas dire qu’il se foule vraiment, dans la mesure où il ne s’agit guère que d’une variation (sur le plan spatial) de « Dans l’abîme du temps », excellente nouvelle qui forme un bloc avec celle-ci (les deux gagnent à être lues en parallèle ; de manière amusante, on pourra cependant noter que ce texte-ci a en fait été publié avant la nouvelle de Lovecraft…). On a un peu l’impression d’un auteur qui se contente de recycler une idée obsédante (sur le transfert d’esprit), sans trop s’appliquer (ou s’impliquer), mais peut-être cette impression vient-elle de la lecture antérieure de « Dans l’abîme du temps », nouvelle autrement aboutie…

 

C’est Robert E. Howard qui prend le relais. De manière aussi amusante que pathétique, il se livre à une véritable caricature de sa propre production ; autrement dit : BASTON ! Pas très convaincant. Dommage, le retournement de situation qu’il suscite aurait pu être intéressant – et se révèle étrangement lovecraftien sur le plan philosophique à maints égards –, mais, dans les faits, tout cela est bien artificiel…

 

À Frank Belknap Long de conclure, donc. Il renchérit sur le retournement de situation opéré par le pôpa de « Conan », en moins caricatural, mais le côté « fable » auquel tout cela aboutit, avec un sorte de « morale amorale », ne convainc pas vraiment…

 

Cette édition, comme son titre l’indique, comprend en outre quatre illustrations (vertes, très vertes) de David Ireland, assez correctes.

 

Au final, voici donc un texte très franchement anecdotique d’un point de vue objectif. Par contre, on peut très clairement en faire, plus qu’un « round robin » à proprement parler, un texte de Lovecraft, dans la mesure où c’est à peu de choses près le Maître de Providence qui fait tout le (sale ?) boulot. Au regard des noms des auteurs impliqués dans la chose, c’est sans doute un peu décevant, mais c’est ainsi. Pour les fans uniquement, donc.

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"Le Lézard lubrique de Melancholy Cove", de Christopher Moore

Publié le par Nébal

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MOORE (Christopher), Le Lézard lubrique de Melancholy Cove, [The Lust Lizard of Melancholy Cove], traduit de l'américain par Luc Baranger, Paris, Gallimard, coll. Folio Policier, [1999, 2002, 2006] 2013, 431 p.

 

Bizarrement, je n'avais encore jamais lu de bouquin de Christopher Moore jusqu'à présent. Ce n'était pourtant pas l'envie qui me manquait, et plusieurs de ses titres, que ce soit dans la Série noire ou bien dans la collection « Interstices » de Calmann-Lévy, m'ont sacrément fait de l'œil. Mais voilà, il a fallu que l'occasion se présente ; un joyeux camarade m'a prêté ce Lézard lubrique de Melancholy Cove pour égayer mon hospitalisation, et je n'ai certes pas dit non. C'était même, disons-le, le bouquin idéal pour ce faire ; un excellent choix, qui a même eu quelque chose de salutaire : alors, merci, citoyen, merci.

 

Présenter ce livre – surtout en ce moment, comme vous le savez – s'annonce cependant ardu, d'autant que nous sommes en présence d'un machin passablement inclassable (même si publié dans la « Série noire » originellement, on ne peut pas vraiment dire que l'on se trouve en présence d'un polar classique... mais le plus troublant est probablement que nous sommes quand même en présence d'un polar, d'une certaine manière). Mais je vais tâcher de.

 

Adonc, nous sommes à Melancholy Cove, station balnéaire californienne, si je ne m'abuse. Et il s'y passe plein de choses plus ou moins saugrenues. Il faut dire que la population est quelque peu bigarrée. Le flic amateur de fumette reste abordable, mais il y a plus étrange, comme ce bluesman, Catfish, poursuivi depuis des années par un monstre marin, ou cette schizo de Molly Michon qui fut en son temps la star dénudée d'une kyrielle de nanars post-apo. Je vous passe le reste de la faune, vous la découvrirez bien par vous-mêmes.

 

Et il s'en passe, des choses, à Melancholy Cove, surtout depuis un récent suicide. La psy Valérie Riordan pète d'ailleurs un peu les plombs, et remplace avec la complicité d'un pharmacien qui fantasme sur les dauphins Prozac, Zoloft et compagnie par des placebos. Si ce n'était que ça ! Mais non, tout le monde en fait pète un peu les plombs. Et connaît une explosion de libido. Un putain de lézard géant en est responsable, qui a une tête à s'appeler Steve. Et il bouffe des passants de temps à autre. Faut enquêter sur tout ça, et c'est Théo Crowe qui s'y colle...

 

Et tout ça nous donne un bouquin assez unique en son genre, qui ressemble effectivement à un polar même si particulièrement loufoque, et qui constitue un vrai bonheur de lecture. Tout cela est peut-être bien régressif, mais on s'en cogne : quand bien même l'humour tonitruant de Christopher Moore ne brille pas forcément toujours par la subtilité, on se marre sacrément, et on passe un excellent moment à lire ce divertissement aussi débile que palpitant. Tout cela est très bien fait, bien pensé, agrémenté de rebondissements bienvenus constituant une trame tout à fait bien vue, et l'on ne s'ennuie pas un seul instant, tant les gags s'enchaînent avec brio et astuce.

 

Mais la cerise sur le gâteau, à mon sens, ce qui fait du Lézard lubrique de Melancholy Cove une vraie réussite, un divertissement efficace et bien géré, ce sont les personnages, tous plus réjouissants les uns que les autres (même si j'avoue sans surprise une préférence pour la géniale et superbe Molly Michon, encore que Catfish ne soit pas mal du tout, avec sa caricature à gros trais).

 

Alors voilà : je ne suis pas en train de vous dire que ce roman de Christopher Moore est un chef-d'œuvre ou une lecture indispensable, hein ; non, et il faut même probablement se trouver dans un certain état d'esprit pour que sa réussite soit totale. Mais il se trouve que j'avais cette tournure particulière, et je peux bien le dire à l'aimable citoyen qui m'a prêté ce roman en ce moment précis : oui, aimable citoyen, tu as très bien fait, tu as très bien choisi, c'était exactement ce qu'il me fallait ; ce roman sur la dépression est une lecture idéale pour un dépressif. Merci, merci, merci.

 

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