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CR Imperium : la Maison Ptolémée (19)

Publié le par Nébal

CR Imperium : la Maison Ptolémée (19)

Dix-neuvième séance de ma chronique d’Imperium.

 

Vous trouverez les éléments concernant la Maison Ptolémée ici, et le compte rendu de la première séance . La séance précédente se trouve ici.

 

Le joueur incarnant le Docteur Suk, Vat Aills, était absent. Les PJ présents étaient donc Ipuwer, le jeune siridar-baron de la Maison Ptolémée, sa sœur aînée et principale conseillère Németh, et l’assassin (maître sous couverture de troubadour) Bermyl.

I : SOYONS SÉRIEUX

 

[I-1 : Ipuwer : Ludwig Curtius, Anneliese Hahn, Dame Loredana, Németh, Bermyl] Ipuwer se lève tôt, ce dont il n’a guère l’habitude. Mais c’est qu’il est désireux de se montrer sérieux, et de reprendre les affaires en mains… Vêtu d’une tenue militaire stricte et fonctionnelle (ce qui implique une armure légère qu’il décide de porter en permanence suite à l’attentat contre sa personne), il établit un emploi du temps auquel il souhaite se tenir : d’abord, tout de même, avoir sa séance d’entraînement avec son maître d’armes Ludwig Curtius (mais il ne désire pas se mesurer pour l’heure à Anneliese Hahn) ; après quoi il entend s’entretenir avec sa mère, Dame Loredana – il veut la voir en privé, avant de rejoindre Németh ; mais il s’agira bien, ensuite, de prendre un long déjeuner avec sa sœur, qu’il entend de toute façon charger de toutes les décisions diplomatiques. Enfin, il lui faudra rencontrer Bermyl, mais dans un tout autre cadre – l’idée étant de lui passer un savon en public dans l’espoir de leurrer leurs ennemis quant à leurs véritables relations : l’assassin est convoqué pour 14h, et Ipuwer lui intime de venir avec sa balisette

 

[I-2 : Ipuwer : Ludwig Curtius ; Anneliese Hahn] Première étape, donc : son entraînement habituel avec le maître d’armes Ludwig Curtius (« habituel », mais cela faisait quelque temps qu’il n’avait pu s’y livrer, avec l’agitation des dernières semaines, la disparition d’Ipuwer sur le Continent Interdit et la mission diplomatique du maître d’armes auprès des Delambre…). Pendant les exercices, Ipuwer évoque la présence d’Anneliese Hahn au Palais, et ses intentions ; Curtius lui répond qu’elle est là, oui, et qu’elle voudra immanquablement se mesurer à lui… avant de lancer une botte vicieuse sur Ipuwer ; le message est clair : les discussions sont remises à plus tard, l’heure est à l’entraînement, et il n’y a rien de plus sérieux ! Ipuwer, heureusement, se débrouille superbement bien – et croit comprendre pourquoi : il a dû se battre pour sauver sa peau, ce qui ne lui était jamais véritablement arrivé jusqu’alors – fin bretteur, il l’était déjà avant sans aucun doute, mais Ipuwer ne s’était jamais battu que dans un contexte « sportif »… Cette fois, il a laissé s’exprimer sa colère, mais tout en la contrôlant remarquablement bien : la question ne s’était pas vraiment posée jusqu’à présent, mais il sait désormais qu’il n’hésitera pas à tuer le cas échéant… et il en a même envie. Il garde tout de même à l’esprit que c’est son maître d’armes qu’il affronte pour l’heure – et ce dernier, sans trop s’étendre sur le sujet, perçoit bien cette fougue et sa transcription en une habileté supplémentaire : peut-être pourrait-il vaincre Anneliese Hahn, à ce compte-là… L’entraînement achevé, Curtius se montre disposé à évoquer le cas de l’escrimeuse Delambre ; mais Ipuwer n’a finalement pas grand-chose à en dire : qu’elle puisse s’entraîner, il passera sans doute la voir dans l’après-midi pour s’excuser de ne pas avoir été là à son arrivée…

 

[I-3 : Ipuwer : Kiya Soter ; Dame Loredana] Avant d’aller voir sa mère Dame Loredana, Ipuwer décide d’accorder une brève visite au général Kiya Soter. Il souhaite le remercier pour ses réactions bienvenues dans les affaires récentes, et fera le point ultérieurement avec lui, sans doute le lendemain. Kiya Soter, à son habitude, est digne, et accepte sans un mot les félicitations de son siridar-baron, mais Ipuwer comprend que, même si le général ne le lui dira jamais et sous aucun prétexte (sauf ordre explicite de sa part, comme de juste), il n’en est pas moins convaincu qu’Ipuwer a considérablement merdé ces derniers jours, au pire moment, et que les conséquences auraient pu être dramatiques pour tout le monde… À vrai dire, c’est là une réaction qu’Ipuwer a déjà déchiffrée chez d’autres de ses subordonnés… mais, venant de Kiya Soter, cela l’affecte bien davantage – et, sans pousser jusqu’aux excuses, malvenues dans ce contexte hiérarchique, Ipuwer laisse entendre au général que cela ne se reproduira pas.

II : OPPRESSÉE

 

[II-1 : Németh : « Cassiano Drescii », Linneke Wikkheiser] Németh éprouve le besoin de se remettre de ses émotions autant que de sa charge de travail accrue ces derniers jours – aussi se réveille-t-elle plus tardivement que d’habitude : elle avait bel et bien besoin de dormir davantage… Le suicide de « Cassiano Drescii » l’a beaucoup affectée, et elle s’inquiète aussi énormément des intentions de Linneke Wikkheiser – plus encore du fait de sa vision concernant le Landsraad… Et elle regrette maintenant d’être à l’origine d’un fâcheux incident diplomatique.

 

[II-2 : Németh : Taestra Katarina Angelion, Taharqa Finh] Cependant, une idée lui trotte toujours dans la tête, suggérée par les événements récents, et parfois même par son entourage : serait-il possible de jouer de sa relative popularité sur Gebnout IV ? Une autre question va de pair – qui concerne « l’ingénierie religieuse » à laquelle elle se livrerait volontiers… Mais c’est là une matière complexe, et elle ne saurait prendre de décisions à la légère, le risque étant trop grand d’aboutir à des catastrophes ingérables. Il lui faut des conseils en l’espèce, des conseils de spécialistes : la Révérende-Mère de la Missionaria Protectiva, Taestra Katarina Angelion, est certes toute désignée, mais Németh se méfie de la seule carte du Bene Gesserit – dont elle fera usage le cas échéant, mais elle entend tout d’abord trouver d’autres alliés, détachés des agendas secrets de la secte : un intellectuel comme Taharqa Finh par exemple, le planétologue en délicatesse avec les autorités religieuses… Mais celles-ci doivent être également consultés : le grand-prêtre du Culte officiel du Loa-Osiris, Suphis Mer-sen-aki, devra au moins faire la preuve de sa non-hostilité… mais sans doute vaudrait-il mieux le remplacer par un homme de paille à la botte des Ptolémée – ou plus encore que lui-même ne l’est déjà, disons.

 

[II-3 : Németh, Bermyl : Linneke Wikkheiser, Ipuwer] Mais chaque chose en son temps. Pour l’heure, c’est donc Linneke Wikkheiser qui oppresse Németh, et elle veut s’entretenir avec Bermyl du départ de l’arrogante jeune femme pour Memnon et son université. Németh veut que Bermyl « s’en charge ». Il avait lui-même assisté à « l’incident diplomatique »… L’assassin acquiesce, presque compatissant. Németh insiste : cette femme n’est pas fiable, et elle pourrait porter tort à la Maison Ptolémée. Qu’elle se soit rendue à Memnon plutôt que de retourner au plus tôt chez elle est extrêmement inquiétant – Bermyl, là encore, approuve la réflexion de Németh. Il a d’ores et déjà envoyé quelques éléments de ses services pour la surveiller discrètement, sans pour l’heure leur avoir confié d’instructions plus « précises ». C’est un peu tôt de toute façon : Németh doit d’abord en discuter avec son frère, Ipuwer ; mais il faut bien rassembler des renseignements la concernant, histoire de savoir au juste ce qu’elle mijote. Németh ne souhaite cependant pas que Bermyl s’y rende en personne, ou pas pour le moment : elle l’assure de sa confiance en lui, mais ils ont sans doute le temps de voir venir.

 

[II-4 : Németh, Bermyl : Ipuwer] Et Bermyl doit se tenir prêt pour « autre chose »… Elle sait que son frère n’est pas très content de ses services, et « prévient » Bermyl qu’il devra probablement en passer par une discussion « pas très plaisante »… Bermyl, parfaitement au fait de ce projet (conçu avec Ipuwer, ce dont Németh n’a pas idée), se contente d’afficher un sourire, puis prend congé.

 

[II-5 : Németh : Ipuwer, Taharqa Finh] Németh, avant son déjeuner avec Ipuwer, a encore quelques petites choses à faire. Elle communique tout d’abord avec les instances de l’Université de Memnon – d’un ton relativement autoritaire, tout en restant courtoise, elle exprime son « souhait » que le planétologue Taharqa Finh vienne au Palais de Cair-el-Muluk, pour s’entretenir de questions de « sécurité ».

 

[II-6 : Németh : Cassiano Drescii] Dernier point, enfin : que faire concernant Cassiano Drescii, « le vrai » ? Németh se rend compte qu’elle souhaite entretenir des relations avec son ancien amant… mais pas au point de lui confier les secrets de la Maison !

III : LE LANGAGE DE LA BALISETTE

 

[III-1 : Bermyl : Ipuwer, Taho, Elihot Kibuz] Bermyl est dans l’attente – de son « savon » en public par Ipuwer comme du rapport de Taho portant sur le maître assassin fantôche Elihot Kibuz, et sa loyauté douteuse. Mais, pour l’heure, il a une idée de comment passer le temps…

 

[III-2 : Bermyl : Clotilde Philidor] La balisette sous le bras, il décide de faire un tour dans les quartiers des invités, et plus particulièrement à proximité des appartements de Clotilde Philidor – laquelle, comme il s’en doutait, est justement en train de jouer, et superbement, de la balisette. Et il perçoit bientôt une inflexion dans le jeu de la Delambre – une chose que seul un musicien accompli peut remarquer, et qui relève du langage secret de la balisette, au fond assez semblable dans son principe au langage de bataille, mais qui tient davantage à des références culturelles communes. Sans un mot, simplement au travers de notes qui seraient anodines pour tout autre que Bermyl ou presque, elle lui fait entendre qu’elle est disposée à lui parler…

 

[III-3 : Bermyl : Clotilde Philidor] Bermyl toque à la porte de la jeune femme – laquelle l’invite à entrer, l’appelant « Maître Bermyl ». L’assassin, ou troubadour, pénètre dans la pièce, et est une fois de plus submergé par l’étonnant charisme de la demoiselle Delambre – qui s’exprime à plein cette fois, gommant son image habituelle de jeune femme tristement effacée. D’un signe de la tête, elle lui indique de prendre place dans un fauteuil, puis joue une nouvelle mélodie sur son instrument. Bermyl ne manque pas de la reconnaître : c’est une œuvre très connue, destinée à être jouée à deux balisettes, et dont l’exécution peut avoir de faux airs de défi… Encore qu’ici cela donne plus l’impression d’un préalable courtois, et c’est bien ainsi que Bermyl envisage « l’invitation » de Clotilde Philidor (laquelle n’a plus dit un mot depuis son « Maître Bermyl »). L’agent des Ptolémée se plie volontiers à cette demande… mais, quelle qu’en soit la raison, si son interprétation n’est pas déshonorable et évite du moins les couacs, elle se montre cependant bien mécanique… Clotilde Philidor joue beaucoup mieux : sa technique est sans faille, mais, surtout, elle met de l’âme dans son interprétation… La partition en arrive à un moment où l’on prend la décision de poursuivre ou pas – et Clotilde Philidor s’arrête, toujours sans dire un mot.

 

[III-4 : Bermyl : Clotilde Philidor ; Németh] Bermyl décide cette fois de prendre les devants, et s’excuse d’emblée pour son jeu guère inspiré… Puis il avance que la jeune femme sait peut-être qu’il a d’autres attributions ? Certes – à vrai dire, « Maître Bermyl » ne trompe personne, quoi que l’on prétende à cet égard… Bermyl, devant cette réponse plus sèche que ce à quoi il s’attendait de la part de la timide Delambre, se ferme instinctivement – et Clotilde Philidor rougit : sans aller jusqu’à présenter des excuses, ce que leurs statuts respectifs prohibent, elle laisse entendre qu’elle n’aurait pas dû se montrer aussi brusque – et cela n’est sans doute guère dans ses habitudes… Bermyl se reprend, et sur un ton à la fois cordial et décontracté, interroge la jeune Delambre sur son « trouble » quand elle est arrivée au Palais de Cair-el-Muluk. Clotilde Philidor lui répond qu’elle est difficilement surprise [Bermyl peut supposer qu’elle parle ici de son don de Prescience, ou pas – c’est trop flou en l’état] ; en fait de « trouble », l’invitée suppose que Bermyl évoquait bien plutôt celui, autrement sensible, de Dame Németh à leur rencontre… Bermyl fait bien le lien, mais ne sait comment l’exprimer au juste. Il botte en touche – revenant sur sa pauvre exécution de leur partition commune de balisette. Il avance qu’il avait été attiré par le jeu subtil de la jeune femme, et… Mais non : très polie, celle-ci répond qu’elle sait très bien, qu’ils savent tous deux très bien, que ce n’est pas là la vraie raison de sa visite.

 

[III-5 : Bermyl : Clotilde Philidor] Bermyl, qui ne souhaite pas en dire trop et ne sait pas forcément comment réagir à la conversation hermétique quand bien même courtoise de la Delambe, s’apprête à lui souhaiter un bon séjour et à prendre congé, mais Clotilde Philidor le retient – elle a des choses à lui dire… et l’annonce en rougissant, revenant tout naturellement à sa posture de jeune emme timide et effacée. Bermyl s’assied de nouveau, et indique qu’il peut protéger leur conversation en faisant usage d’un cône de silence. À deux doigts de la panique néanmoins, Clotilde Philidor finit par dire que Bermyl est en danger. Interloqué, l’assassin aimerait en savoir plus : est-ce un danger pour sa vie ? pour sa fonction ? pour la Maison Ptolémée ? La jeune femme n’a pas l’habitude de ce genre de confidences – avançant même qu’elle ne sait pas si Bermyl les mérite… Mais elle est portée à s’inquiéter pour tous ceux qu’elle croise, sans même les connaître. Et elle est certaine de ce danger, si elle ne saurait vraiment en exprimer les raisons ou les formes… Peut-être est-ce la balisette qui l’a amenée à cette révélation ? Quoi qu’il en soit, Bermyl témoigne de ce qu’il a saisi cette mise en garde et la prendra en compte ; par ailleurs, il n’oubliera pas cette aimable attention, et, ajoute-t-il, il espère se rendre digne de ces confidences. La Delambre est toutefois plus effacée que jamais – c’est comme si elle avait épuisé d’un seul coup son quota de mots… L’assassin recommande cependant à Clotilde Philidor de surveiller elle aussi ses arrières – une jeune femme noble, et charmante, une étrangère sur Gebnout IV plongée dans le marasme politique… L’attention de Clotilde Philidor est cependant défaillante, si elle fait de son mieux pour rester polie. Bermyl comprend que leur entretien est terminé et quitte les lieux – perplexe…

IV : MÈRE ET FILS

 

[IV-1 : Ipuwer : Dame Loredana ; Németh] Conformément à son emploi du temps, Ipuwer se rend maintenant auprès de sa mère, Dame Loredana, de passage au Palais de Cair-el-Muluk. C’est l’occasion de faire le point sur leurs relations, qui sont assez complexes – encore que d’une manière bien différente par rapport à Németh. Ipuwer, au fond, ne sait pas vraiment ce que sa mère pense de lui. Oh, elle en a probablement un peu honte, tout au fond, mais Ipuwer est néanmoins son fils, et c’est cet aspect qu’elle met en avant – Ipuwer, de toute façon, ne lui en veut pas, et n’a rien contre elle… Ils vivent tous deux dans une société profondément sexiste, qui attribue à chacun, en fonction de son sexe, une place que l’on ne saurait envisager de quitter pour quelque raison que ce soit – chez certains, dont Dame Loredana, cela implique un certain fatalisme. Peut-être son implication auprès du Bene Gesserit change-t-elle cependant la donne à cet égard ? Elle introduit, du moins, un semblant d’ambiguïté… Dans un registre plus personnel, Dame Loredana est probablement un peu déçue par les relations parfois conflictuelles entre ses deux enfants ; et pour Ipuwer, cela ne fait aucun doute : plus proche intellectuellement, Dame Németh lui est probablement préférée… Ipuwer est porté à croire que c’est là un reliquat de l’extraction Ophélion de Dame Loredana – là où Ipuwer est tout autre chose : le fils de son père, un Ptolémée pur jus, avec tout le tape-à-l’œil qui va avec… Pour autant, en dépit de cette ascendance Ophélion, Dame Loredana est bel et bien devenue elle aussi une Ptolémée, qu’elle en soit consciente ou pas. Aussi, bien qu’Ophélion d’origine, la mère d’Ipuwer ne voit aucun problème à ce qu’il tende à prendre un minimum de distance avec les Ophélion, tout particulièrement en se rapprochant de leurs rivaux Delambre – en fait, il est probable qu’elle s’en moque parfaitement… avec le fatalisme qui lui sied.

 

[IV-2 : Ipuwer : Dame Loredana ; Namerta] Ipuwer se montre assez chaleureux – à sa manière habituelle, somme toute ; il ne semble pas, en apparence du moins, conférer un statut particulier à sa mère à cet égard. Il lui pose des questions de courtoisie, sur sa santé, la durée de son séjour au Palais de Cair-el-Muluk… Il sait qu’elle n’aime pas trop s’attarder ici depuis la mort de son époux NamertaDame Loredana ne le nie pas, mais suppose que sa place est ici pour le moment. Ipuwer dit alors être content de ce qu’elle reste encore un peu – et admet que la Maison ne se porte sans doute pas au mieux… Dame Loredana l’écoute avec une déférence appropriée, mais sans vraiment répondre. Puis Ipuwer, un brin gêné, regrette d’être parti aussi brutalement après l’arrivée de Dame Loredana au Palais, et prétexte « les nécessités de sa fonction », avançant d’ailleurs que lui aussi n’aime pas rester trop longtemps enfermé dans le Palais… Mais Dame Loredana l’a bien élevé, aussi est-il conscient de l’importance cruciale de la politesse : il s’excuse.

 

[IV-3 : Ipuwer : Dame Loredana ; Taestra Katarina Angelion] Mais Ipuwer ne s’est pas rendu auprès de sa mère pour une simple visite de courtoisie, il a des questions à lui poser. Qu’en est-il, tout d’abord, de cette « sorcière du Bene Gesserit », Taestra Katarina Angelion, qu’elle a ramenée dans ses valises ? Où l’a-t-elle donc trouvée ? Dame Loredana met un certain temps à répondre… Ipuwer en profite, insistant : il espère qu’elle n’a pas « infiltré » n’importe qui… Dame Loredana répond enfin : Taestra Katarina Angelion est une amie de longue date, et une personne d’une grande compétence – et elle ne portera pas tort à la Maison Ptolémée, bien au contraire. Ipuwer exprime sa gêne à cet égard – même s’il ne lui viendrait pas à l’esprit de remettre en cause ses compétences et connaissances… Mais c’est que la Maison Ptolémée est dans une posture particulièrement difficile… Mais justement, lui indique sa mère : il a plus que jamais besoin d’alliés, désespérément ! Ipuwer l’admet, à regrets : ce qu’il veut par-dessus tout, c’est éviter une guerre de religion et les massacres qui iraient avec ; s’il faut en passer par l’implication du Bene Gesserit, cela ne lui plait guère, mais il suppose qu’il n’a là encore guère le choix…

 

[IV-4 : Ipuwer : Dame Loredana ; Namerta, Németh] Ipuwer en revient à des questions d’ordre davantage personnel. Au point, en fait, de se lamenter quelque peu sur son sort… et sur son incompétence. Il a pris la tête de la Maison Ptolémée à la mort de son père Namerta, mais contraint et forcé, il n’en voulait pas ! Cependant, lui aussi doit composer avec « sa place » dans l’univers… Mais cela ne change rien à l’essentiel : il n’est pas fait pour la politique. Il n’y connaît rien, n’y comprend rien, et bafouille dès qu’il doit s’adresser à plus de trois personnes à la fois ! Dame Loredana le sait bien… mais qu’il s’appuie donc sur Németh ! Elle sait que leurs relations sont parfois conflictuelles – mais c’est un grand atout ; et Ipuwer en convient : elle est sans doute bien plus à même de trouver une solution subtile à tous ces problèmes, lui n’y est guère habitué..

 

[IV-5 : Ipuwer : Dame Loredana ; Namerta, Németh] Mais tant qu’à parler famille : sans doute Dame Loredana est-elle au fait de ces rumeurs prétendant que le « corps sans âme » de Namerta se promènerait en ville ? Ipuwer ne laisse pas à sa mère le temps de répondre : c’est un outrage ! Il a vu sa tombe ouverte, pillée… Cette dernière remarque perturbe visiblement Dame Loredana – et Ipuwer croit comprendre pourquoi : sans doute croyait-elle, au fond, en ce « retour » de Namerta – elle espérait qu’il soit bel et bien authentique ! Mais cela l’avait conduit à occulter la profanation de sépulture et la manipulation du corps du défunt… Qu’Ipuwer présente ainsi les choses, et de manière aussi brute, produit sur elle un effet qu’elle souhaitait refouler de toutes ses forces – au point de lui faire changer d’avis sur la question ? Dame Loredana, en tout cas, est visiblement affectée… Ipuwer la prend tendrement dans ses bras – et lui chuchote à l’oreille : « Ce n’est pas mon père, ce n’est pas votre époux… » Puis, quand il estime sa mère suffisamment remontée, Ipuwer lui souhaite un bon séjour, et se retire – non sans l’avoir invitée à dîner ce soir en sa compagnie, ainsi qu’avec Németh : la famille au complet !

V : LOYAUTÉS CONFLICTUELLES

 

[V-1 : Bermyl : Nefer-u-pthah] Bermyl continue de faire le tour de ses services – inquiet de la loyauté de chacun. Qui est fiable ? Le maître assassin sous couverture se montre discret dans ses investigations, mais la méthode n’est guère propre à donner des résultats probants, la simple observation ne suffit pas. Il lui faudrait au moins quelques soupçons préalables… Bermyl achève son tour de ses services avec Nefer-u-pthah – pour le coup, il avait bien des doutes la concernant ! Mais non : ce n’est pas suffisant en l’état…

 

[V-2 : Bermyl : Taho ; Elihot Kibuz] Bermyl a besoin de davantage d’éléments : il lui faut un rapport circonstancié de Taho, ce bon élément au-dessus de tout soupçon qu’il avait chargé d’enquêter sur Elihot Kibuz et ses relations, ainsi que de propager la rumeur voulant que Bermyl serait en froid avec les dirigeants de la Maison Ptolémée. Or Taho est disposé à lui faire part de l’avancement de ses travaux. Pour la rumeur, il est encore trop tôt – mais, avec un semblant de gêne, Taho confie à son supérieur que le terreau est favorable : les échecs répétés de Bermyl justifient assurément ces revirements de loyauté… Le fait est que l’assassin est largement discrédité dans ses services : ceux qui ne le critiquent pas vertement se moquent de lui… Voilà pour le rapport global ; déterminer des implications davantage personnelles est plus délicat – pour l’heure, personne ne se singularise à cet égard… ce qui n’est pas forcément très rassurant. On peut certes relever l’existence d’un petit cercle d’éléments gravitant autour d’Elihot Kibuz, où se mêlent des éléments récents et des amitiés autrement anciennes, mais rien de très concret là non plus.

 

[V-3 : Bermyl : Taho] Bermyl recommande à Taho de surveiller ses arrières – et avance que lui aussi en a sans doute bien besoin : on lui a fait part d’une menace, mortelle… Bermyl se montre ici très habile : Taho perçoit cette confidence comme une preuve ultime de confiance ; et il sent aussi, sans que Bermyl n’ait besoin de se montrer plus précis, que la menace n’est pas un fantasme de son supérieur, mais est tout à fait sérieuse…

VI : LE SABRE PAR LE BON BOUT

 

[VI-1 : Ipuwer, Németh] Ipuwer et Németh déjeunent ensemble, en toute discrétion – dans une pièce sans faste, protégée par un cône de silence. Ipuwer se fait servir, à son habitude, une boisson légèrement agrémentée d’épiceNémeth ne s’en étonne pas, elle qui l’a souvent vu faire, mais cela l’amène à s’interroger sur la perception qu’aurait son frère du fait qu’elle a entamé un régime d’épice à son tour, et sans doute à base de quantités autrement importantes… C’est en tout cas une chose dont Ipuwer n’a pas conscience pour l’heure (même si une rapide enquête le lui révèlerait sans doute).

 

[VI-2 : Ipuwer, Németh] Ipuwer se montre très cordial, demande des nouvelles de sa sœur, s’est-elle bien reposée ? Oui, et elle va mieux, elle en avait bien besoin ; c’est que ces derniers jours avaient été très éprouvants, d’où sa conduite un peu brusque de la veille… Ipuwer l’avait constaté, et s’en inquiétait ; il est ravi d’apprendre que cela va mieux.

 

[VI-3 : Ipuwer, Németh] Mais Ipuwer poursuit : ces dernières heures n’ont pas été éprouvantes pour elle seulement, mais tout autant pour Gebnout IV et la Maison Ptolémée… En dépit de ce que son comportement récent pouvait laisser croire, Ipuwer n’en a pas moins conservé un certain sens des responsabilités. C’est pourquoi il lui faut s’entretenir avec Németh de certaines choses… Et, tout d’abord, du fait qu’il est désormais une cible avérée pour leurs ennemis. Németh le sait… Elle reste un peu sur sa réserve, désireuse de se montrer plus détendue que la veille : il lui faut reprendre le contrôle de la situation, et, si Ipuwer, en définitive, peut l’y aider, c’est tant mieux ! Inespéré, mais tant mieux… Quoi qu’il en soit, Ipuwer poursuit sur cette question… mais pour en tirer des conséquences éventuellement inattendues : il est parfaitement prêt à assumer ce rôle de « cible » ! Que l’on diminue sa sécurité – mais discrètement. De manière générale, l’idée est de ne pas en faire trop…

 

[VI-4 : Ipuwer, Németh : Bermyl, Elihot Kibuz, Hanibast Set] Ipuwer évoque la suggestion de Bermyl – visant à lui donner plus que jamais l’image d’un « bâton merdeux » : il y est prêt. L’assassin a proposé de mettre en scène une réprimande publique, houleuse, afin de faire croire à leurs ennemis que le siridar-baron et son domestique sont brouillés. Németh n’avait pas conscience de ce que ce plan avait été soulevé par Bermyl lui-même, et comprend mieux son comportement de la matinée ; leurs ennemis les croiraient sans doute ainsi encore plus faibles – l’idée est intéressante… Ipuwer suppose que cela donnera en outre une plus grande liberté d’action à Bermyl – notant par ailleurs que ses échecs à répétition l’ont probablement discrédité. L’idée, au-delà, est de garder leurs ennemis près d’eux : peut-être faudrait-il même « réélever » de nouveau Elihot Kibuz ? Ipuwer avait évoqué cette possibilité devant l’ancien maître assassin, mais il ne sait pas mentir – Kibuz ne l’avait probablement pas cru… Dommage – car récompenser et honorer ainsi un homme de Namerta (au-delà de son seul titre, puisqu’il est supposé en avoir conservé les attributions) pourrait accroître la popularité de la Maison Ptolémée, qui en a bien besoin, dans certains cercles dissidents… Quoi qu’il en soit, il importe plus que jamais de dresser la liste des éléments fiables – au sein de la Maison Ptolémée, ou des maisons mineures fricotant éventuellement avec la Guilde Spatiale : pas question de se laisser pourrir la vie ainsi ! Peut-être faudrait-il confier cette tâche au Conseiller Mentat, Hanibast Set ? Németh dit qu’il n’est guère au fait des questions de sécurité… même s’il s’en est plus d’une fois occupé durant les absences d’Ipuwer (précise-t-elle avec un petit sourire). Si Bermyl dispose alors d’une plus grande liberté, il reste probablement le plus à même d’obtenir des résultats en l’espèce. Ipuwer suppose qu’il faudra lui soumettre l’idée ; mais il se « fâchera » dès aujourd’hui, histoire de faire monter la sauce.

 

[VI-5 : Ipuwer, Németh : Dame Loredana] Bien sûr, il faut aussi prendre en compte les questions religieuses – qui sous-tendent l’ensemble ou presque des difficultés rencontrées présentement par la Maison Ptolémée. Pour Ipuwer, le Culte Officiel, c’est terminé ! Et ce besoin de miracles toujours plus grands, avec ces morts ressuscités… En fait, Ipuwer laisse un blanc-seing à Németh à cet égard – il dit même en avoir parlé avec Dame Loredana, qui a témoigné de sa confiance pour sa fille… laquelle ne manque pas d’en être un peu surprise ; d’autant qu’elle avait pris l’habitude de considérer leur mère comme quelqu’un n’intéressant pas vraiment IpuwerNémeth se dit honorée de cette confiance. Mais la question des manipulations religieuses est complexe : ils ne peuvent pas se permettre d’avoir toute la population de la planète à dos… Mais la religion est bien une clef, sinon l’unique clef, de leurs problèmes – et Németh avait déjà prévu de consulter des « spécialistes » à cet effet.

 

[VI-6 : Ipuwer, Németh] Pour Ipuwer, la question s’avère tout particulièrement importante concernant un point précis : il a vu de ses yeux le Continent Interdit – et c’est un territoire immense, qui, en dépit de son allure désertique, recèle peut-être des ressources immenses également. Et quoi qu’en dise la foi, c’est le territoire des Ptolémée ! Németh imagine-t-elle seulement ce qu’ils pourraient y faire si la religion ne leur interdisait pas de s’y installer ? Németh est tout à fait d’accord, son frère lui ôte les mots de la bouche ; c’est une idée qui lui est chère de longue date, en fait – mais elle redoutait qu’elle passe pour totalement folle aux yeux d’Ipuwer si elle la lui suggérait… Le récit des aventures de ce dernier achève de la convaincre que ce tabou absurde relève d’un complot contre les Ptolémée, destiné à les empêcher de découvrir certains secrets… Aussi revient-elle à son idée de colloque – Ipuwer s’en souvient : oui, c’est important. Pour Németh, c’est là l’occasion de reprendre l’initiative – elle n’y voit pas une simple assemblée scientifique : si Ipuwer l’y autorise, elle souhaite frapper un grand coup, en annonçant la levée partielle (ou plus exactement progressive) de l’interdit dès son discours inaugural… Ipuwer lui donne son aval : parfait !

 

[VI-7 : Ipuwer, Németh] Ipuwer en profite d’ailleurs pour apporter cette précision essentielle, revenant sur son rôle volontaire de « cible » : quand il s’agit de prendre des décisions éventuellement impopulaires, que Németh n’hésite pas à en rejeter le blame sur son frère le siridar-baron… Cette franchise surprend Németh – mais elle concède que c’est probablement nécessaire.

 

[VI-8 : Németh, Ipuwer : Linneke Wikkheiser, Ludwig Curtius] Toutefois, Németh sait bien que cela ne l’exonère pas de toutes ses responsabilités… et, à ce sujet, il lui faut bien mentionner une question « gênante ». Ipuwer est au courant, dans les grandes lignes, de l’incident diplomatique impliquant Linneke Wikkheiser – elle lui en avait parlé la veille, et Ipuwer avait regretté de ne pas avoir été présent pour voir la tête de l’arrogante invitée ! Mais Németh redoute d’avoir commis une erreur, de nature à compromettre la position de la Maison Ptolémée au Landsraad… Les Wikkheiser sont puissants ; ils pourraient en retirer une rancune tenace vis à vis des PtoléméeIpuwer l’admet – et note que Linneke Wikkheiser est de toute façon surveillée, à Memnon ; qu’elle se soit rendue là-bas ne lui plaît pas plus qu’à NémethIpuwer doit tout d’abord rester à Cair-el-Muluk, et faire le tour de ses invités – le cas échéant pour leur présenter ses excuses ; c’est un prétexte qui pourrait justifier qu’il se rende ultérieurement lui-même à Memnon, avec une escorte réduite (le seul Ludwig Curtius, par exemple) ; avec de la chance, la Wikkheiser trouvera ses excuses crédibles et sincères… ou du moins pourront-elles brouiller un minimum son opinion et ses plans pour l’avenir. Sinon… eh bien, ils pourraient envisager que se produise un « accident »… Ipuwer en parle ouvertement avec sa sœur – mais il est bien conscient que, si la Maison Wikkheiser soupçonne quoi que ce soit, ils sont pour ainsi dire morts… Németh l’invite à la plus grande prudence – mais doit bien, enfin, évoquer ses « rêves », de très mauvais augure. Elle en a été fortement impressionnée – elle est maintenant convaincue de la détermination farouche de Linneke Wikkheiser à provoquer la ruine de la Maison Ptolémée, ce qui dépasse de beaucoup leur simple inimitié personnelle. Quand Németh parle de ses « rêves », Ipuwer hausse un sourcil… mais si elle en est convaincue, alors il l’est lui aussi. D’une certaine manière, au fond, il jubile : « C’est très mesquin, mais, pour une fois, je vous l’avais bien dit, que cette femme était plus dangereuse encore que vous… » Németh, dans ce cas, préconise-t-elle « l’élimination du cafard » ? Non, non, elle ne suggère rien de la sorte ! Avant de concéder à demi-mots qu’il est probablement beaucoup trop tôt pour en décider de toute façon… Non : pour l’heure, qu’ils s’en tiennent aux renseignements, afin de découvrir ce que la Wikkheiser mijote à Memnon ; il sera ensuite temps de déterminer la marche à suivre… éventuellement « radicale ». Ipuwer est d’accord – mais il ira bel et bien « s’exposer » à Memnon.

 

[VI-9 : Ipuwer, Németh : Bermyl, Sabah, Hanibast Set, « Cassiano Drescii », Elihot Kibuz, « Lætitia Drescii », Vat Aills] Ipuwer revient ensuite à une autre question. Il sait que l’opération de Bermyl au camp des Atonistes de la Terre Pure s’est soldée par un fiasco complet… Peu importe : si ce n’est en façade tout à l’heure, pour la galerie, il ne tient pas forcément à blâmer l’assassin à ce sujet – victime une fois de plus d’imprévus. Mais ont-ils récupéré des cartes exploitables du Continent Interdit ? Németh l’informe que non : des cartes ont bien été saisies, mais ils ne sont pas parvenus à les déchiffrer pour l’heure – Sabah leur manque à cet égard, qui disposait de codes bien particuliers, ou un autre « cartographe » atoniste qui les comprendrait de même, mais ils n’en connaissent pas d’autres… Avec du temps, cela dit, ils devraient pouvoir en percer le code ; mais il faudrait atteler à cette tâche quelqu’un de très compétent, et disposant de temps devant lui – le moment venu, cela pourrait correspondre au portrait du Conseiller Mentat Hanibast Set, mais celui-ci a déjà fort à faire : outre cette mission de déchiffrage des cartes, on lui a confié l’interprétation de « l’écriture automatique » de « Cassiano Drescii », une projection concernant les effets du changement de statut d’Elihot Kibuz, le soin de percer les intentions de « Lætitia Drescii », tout particulièrement quand elle avait abordé les questions matrimoniales avec Németh… sans même parler des « tâches de fond », entreprises avec le Docteur Suk Vat Aills, portant sur l’activité commerciale éventuellement douteuse des Maisons mineures marchandes, et leurs cargaisons fantômes ! Il est objectivement débordé…

 

[VI-10 : Németh, Ipuwer : « Cassiano Drescii », Antonin Naevius, Vat Aills, Cassiano Drescii] Puis la conversation dérive à nouveau sur un autre événement récent : le suicide de « Cassiano Drescii ». Németh en est encore chamboulée… Ipuwer veut percer un mystère corollaire : le rôle d’Antonin Naevius dans cette affaire. Il a l’intention de s’entretenir avec lui dans l’après-midi – et de lui remonter les bretelles ! Mais Németh le met en garde : il a déjà subi un interrogatoire (« modéré ») par le Docteur Suk Vat Aills – par ailleurs, il n’est a priori au courant de rien concernant le sort des « Drescii »Ipuwer n’en tient guère compte : au-delà, il dit trouver son comportement inqualifiable ! Certes, il a toujours apprécié la fête et la boisson lui-même, mais… Bon : Antonin est un brave garçon, mais il est tout de même trop porté aux excès ! Oui, Ipuwer aussi… Mais enfin, cela va trop loin ! Peut-être faudrait-il lui confier une tâche pour l’occuper – c’est un bretteur correct… Mais Németh revient à l’essentiel : Antonin Naevius n’a peut-être pas conscience de la « substitution » de « Cassiano Drescii » ; d’après le portrait qu’en fait Ipuwer, le jeune homme n’est pas des plus malins… Alors peut-être pourraient-ils en parler au « vrai » Cassiano Drescii, qui pourrait aborder le jeune homme et en apprendre davantage ? Ipuwer ne répond pas vraiment… Mais il suppose qu’il pourrait être utile de prétendre que la Maison Ophélion elle-même blâme le comportement d’Antonin Naevius. Qu’il comprenne que les Ophélion ne rigolent pas, et les Ptolémée encore moins !

 

[VI-11 : Ipuwer, Németh] Ipuwer résume à sa manière martiale la situation des Ptolémée : il leur faut reprendre le sabre par le bon bout – cela fait bien trop longtemps qu’ils se blessent à tenter de le saisir par la lame… Mais, globalement, Németh se félicite du changement de comportement d’Ipuwer – inespéré et d’autant plus appréciable. Peuvent-ils apprendre à se faire à nouveau confiance ? Ipuwer serre Németh dans ses bras, lui témoignant son affection autant que son estime… Il le répète : il faut par-dessus tout éviter le massacre qu’un conflit religieux ne manquerait pas de provoquer, et qui s’accompagnerait de la chute de la Maison Ptolémée. Pour cela, ils doivent se serrer les coudes… et tout se dire : Ipuwer fixe mélodramatiquement Németh – il la croit. Mais sa sœur est très surprise ; elle sait bien que son frère a toujours été lunatique, oscillant entre sérieux et je-m’en-foutisme… Mais peut-être, après tout ; elle a bien conscience d’avoir lâché des choses qu’elle comptait d’abord garder pour elle [en fait, tout ce qui n’implique pas le Bene Gesserit, et notamment « l’histoire des religions » sur Gebnout IV telle qu’elle lui a été contée par Taestra Katarina Angelion – voyez ici], mais en vient à croire que c’est tant mieux...

 

À suivre…

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (34, épilogues)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (34, épilogues)

J'ai dû couper en deux comptes rendus, mais ces épilogues sont directement liés à la trente-troisième et dernière séance de la campagne...

 

I : PREMIER ÉPILOGUE : DWAYNE O’BRADY

 

[Épilogue « joué », contrairement au suivant.]

 

[I-1 : Dwayne/« Leonard Border » : Brienne, Leonard Border, Herbert West] Dwayne ne veut pas voir Brienne de suite – il a toujours l’apparence de Leonard Border… Que faire pour s’en débarrasser, pour redevenir véritablement lui-même ? Peut-être Herbert West serait-il capable de faire quelque chose… mais le docteur a quitté Arkham depuis longtemps, sans laisser d’adresse ! La magie, alors ? Dwayne essaye de réciter le texte de l’invocation à l’envers – mais cela ne fait absolument rien…

 

[I-2 : Dwayne/« Leonard Border » : Brienne ; Leonard Border] Dwayne se résout à retrouver Brienne en dépit de son apparence de Leonard Border. La jeune femme, voyant Dwayne pénétrer dans la garçonnière sous cette apparence, lui demande qui il est… Dwayne répond – il parvient enfin à la convaincre de ce qu’il est bel et bien son fiancé, en disant des choses intimes, que seul Dwayne peut savoir… Brienne se fige – elle reconnaît la voix de Dwayne, mais le contraste avec son apparence la trouble, forcément… Dwayne ne lui explique pas tout dans les détails – mais il a joué avec le feu, et elle ne pourra pas comprendre ce qui s’est passé au juste avant quelque temps… Mais voilà : il a hérité de l’apparence d’un autre, et ne sait pas comment s’en débarrasser... Brienne sent qu'elle n’a pas le choix – il lui faut bien accepter le fait… Peuvent-ils enfin partir, comme promis ? Oui… Il est temps.

 

[I-3 : Dwayne/« Leonard Border » : Brienne ; Leonard Border] Le couple s’installe en Irlande, dans la grande ferme des parents de Brienne (il n’en reste plus beaucoup de vivants), dans un village perdu où ses ancêtres ont de tout temps résidé – mais le village a reçu une importante « subvention » d’outre-Atlantique… La solide bâtisse est retapée et aménagée – elle est plus qu’assez grande pour accueillir toute une famille… Brienne a appris au fil du temps à reconnaître Dwayne sous l’apparence de Leonard Border – caressant son visage, elle a pu percevoir avec le toucher la réalité que ses yeux ne pouvaient percer…. Et, un jour, elle surprend Dwayne... en lui disant qu’elle le trouve finalement plus mignon avec l’apparence du journaliste ! Dwayne en est forcément un peu vexé… Mais lui aussi doit faire avec – et c’est sans doute un progrès appréciable : depuis leur arrivée en Irlande, la cohabitation a parfois été difficile, notamment sur le plan sexuel, mais cela s’améliore de jour en jour – l’horizon est lumineux, toujours un peu plus… Seule vague ombre au tableau : Dwayne n’a pas forcément grand-chose d’un fermier… et, surtout, il y a ces armes qu’il garde toujours en état dans la demeure ; Brienne râle régulièrement à ce propos : tout ça, c’est fini ! Mais ce problème n’est pas de taille à porter ombrage à leur union.

 

[I-4 : Dwayne : Alexia, Brienne ; Hope] Les années passent, calmement – et un enfant nait : une fille, Alexia. Et, le jour de l’accouchement, est-ce en raison de l’émotion, le sortilège est enfin dissipé : Dwayne retrouve sa véritable apparence ! Il n’a plus besoin de se scarifier sans cesse – ce qu’il faisait tous les soirs, avec une frénésie obsessionnelle, dans le vain espoir de redevenir ce qu'il était… La coïncidence affecte Brienne autant que lui-même. Dwayne est fier d’être père, dévoré d’amour pour sa fille : il a le sentiment que tout ce qu’il a jamais fait n’avait pas d’autre but que la naissance de cet enfant, qui donne un sens à tout – peut-être même cette fille, entourée de tant d’amour, pourrait-elle un jour convaincre Hope de ce que l’humanité en vaut la peine ? Car le souvenir demeure...

 

[I-5 : Dwayne : Alexia] Les années passent – Alexia grandit… Dwayne s’occupe – il va chasser, conduit quelques travaux à la ferme, s’occupe de sa petite famille… Mais il est toujours aux aguets – en dépit de tout ce bonheur, il n’est jamais totalement serein.

 

[I-6 : Dwayne : Brienne, Alexia, Tess McClure ; Radzak] Un jour, alors qu’il rentre d’une partie de chasse (la seule activité pour laquelle Brienne acceptait qu’il conserve une arme à la maison, un fusil de circonstance) avec des camarades de pub, quelqu’un l’accoste, lui disant que Brienne a reçu un colis à la poste, provenant de sa famille américaine – pendant qu’elle va le chercher, Dwayne doit s’occuper de la petite Alexia. De retour à la ferme, Dwayne monte à la chambre de sa fille… mais il y a quelque chose d’étrange : le sol et les murs ont une teinte différente – rouge ? vermillon ? Est-ce un effet de la luminosité ? Alexia rigole… Dwayne, emporté par la panique, se précipite dans la chambre de sa fille – car il a entendu une autre personne rigoler avec elle… et il redoute de savoir de qui il s’agit ! Dwayne entre soudainement dans la petite pièce, fusil en main : Alexia s’amuse avec « une amie », qui n’est autre que Tess… Et la chambre est baignée d’une lueur rouge, comme filtrée par un procédé inconnu. Tess adresse un grand sourire à Dwayne : « Bonjour, Dwayne… Excuse-moi, la notion du temps humain, quand on se déplace comme moi… Bref. Tu me dois quelque chose... » Et elle caresse la tête d’Alexia. Dwayne panique : « Non ! Laisse-la tranquille ! On va discuter, et… » Mais non, Tess n’a aucune envie de discuter ; ou plutôt, si – mais selon ses termes : « Il y a mieux à faire. Tu me dois quelque chose », répète-t-elle. Puis, comme une ritournelle : « Tu ne l’as pas tué, pas tué, pas tué… » Mais elle est généreuse, dit-elle, et lui propose un choix – avec un sourire cruel démentant toute générosité dans son offre : « À toi de voir – ce sera elle… ou Brienne. » Dwayne s’y refuse, il ne choisira pas. Tess s’approche de lui, et lui chuchote à l’oreille : « Si tu ne parviens pas à choisir, je prends les deux… » Dwayne en est incapable ! Il tente de plaider sa cause auprès de Tess : « Rappelle-toi tout ce que nous avons fait ensemble ! » Mais son ancienne collègue reste sourde à ces remarques : « Bon, les deux, alors… » Non ! Dwayne la supplie d’en discuter – mais ailleurs, pas ici, pas devant sa fille… Tess soupire ; puis elle pousse Dwayne hors de la chambre et en fait claquer la porte : « Dernière chance – tu choisis maintenant… » Dwayne ne peut pas… mais finit par dire à Tess de laisser la petite tranquille. Tess lui sourit, plus cruelle que jamais : « Par déduction… Mais ce n’est pas suffisant – je veux que tu me le dises ! » Dwayne est contraint de s’exécuter : ce sera Brienne… Et Tess disparaît, lâchant pour la forme un : « Tu as le bonjour de Radzak… » Brienne ne reviendra jamais du bureau de poste.

 

II : SECOND ÉPILOGUE : ANATOLE « FROGGY » DESPART

 

[À la différence du précédent, cet épilogue n’a pas été « joué » sur le moment, il est le fruit du seul Gardien des Arcanes, après coup.]

 

[II-1 : Anatole/« Aristide Gentil » : Hippolyte Templesmith, William Harris-Jones, Danny O’Bannion] Assez vite après l’épisode de la Lande Foudroyée, je suis conduit à New York par mes « nouveaux amis » irlandais. J’y bénéficie d’un emploi factice, d’un compte en banque garni, et d’un appartement à mon nom – ou plus exactement à ma nouvelle identité, « Aristide Gentil » : j’ai dû en changer afin d’éviter les questions embarrassantes suite au gala de Hippolyte Templesmith et à la mystérieuse disparition de mon employeur, William Harris-Jones. Tout cela a été financé indirectement par Danny O’Bannion – via sa grande famille, bien implantée à New York entre autres.

 

[II-2 : Anatole : Danny O’Bannion, Goody Fowler] Ledit Danny O’Bannion avait laissé entendre qu’il en ferait davantage encore, et à vie, si je partageais avec lui le fruit de mes travaux sur le grimoire de Goody Fowler… Or ce livre m’obsède, et j’y sens un potentiel inimaginable – je m’attelle à la tâche avec zèle, et ne ménage pas mes efforts pour en extirper les secrets. Sans doute aurait-il été plus aisé et rapide de faire appel à des assistants ou plus généralement à des personnes plus érudites que moi en la matière, mais, redoutant que l’indiscrétion s’avère problématique, voire que l’on me distraie de ce précieux ouvrage, je m’obstine à travailler seul.

[II-3 : Anatole : Vinnie, Erica Carlysle ; « 6X », Danny O’Bannion] Un jour, alors que je me promène dans les beaux quartiers pour m’aérer un peu, je croise Vinnie [je ne suis pas sûr qu’Anatole était en mesure de le reconnaître…], en compagnie d’Erica Carlysle – et donnant l’impression de faire office de garde du corps pour la richissime dame ; sans doute est-ce grâce à elle qu’il avait pu échapper au piège magique de « 6X »… Il n’a probablement pas perdu au change : c’est a priori un emploi bien moins dangereux et douloureux que celui qu’il avait auprès de Danny O’Bannion… Et la fortune et l’influence des Carlysle permettent probablement de gérer sans grand souci l’éventuel courroux de la pègre irlandaise d’Arkham.

 

[II-4 : Anatole : Goody Fowler] Mais je me jette à corps perdu dans mes recherches. Les premiers mois sont extrêmement laborieux, ne générant guère que frustration et manque de sommeil, sans témoigner de véritables progrès. Et les écrits de Goody Fowler, en eux-mêmes, provoquent en moi une désagréable et viscérale sensation d’inconfort… Chaque ligne est en soi un casse-tête – le sens alambiqué n’arrangeant en rien mes traductions incertaines. La science et l’ésotérisme s’y mêlent de telle sorte qu’il m’est impossible d’avancer autrement qu’à tâtons. Pour y comprendre quelque chose, je suis contraint d’étudier en parallèle les mathématiques, et tout particulièrement la géométrie avancée.

 

[II-5 : Anatole : Kristen Johnson ; Goody Fowler, Mortimer Campbell, « 6X »] Et, un matin, je suis surpris, et effrayé autant que ravi, de trouver, gravée sur mon bureau, une traduction parfaite d’un passage sur lequel j’achoppais – sans pouvoir relever la moindre trace d’effraction. Le phénomène se reproduit à plusieurs reprises dans les jours qui suivent, suscitant autant de réponses que de questions. Si bien que je redoute de sombrer dans la démence… Suis-je victime de somnambulisme ? Je suis en tout cas, d’une certaine manière, hanté par Goody Fowler… Mais je décide de passer plusieurs nuits à faire le guet pour m’assurer de l’origine exacte de ces gravures – et je finis par entrevoir Kristen Johnson, intangible ; je reconnais son visage, car j’avais été marqué par les innombrables portraits de la jeune femme se trouvant dans le bureau que je sais désormais être celui de son fiancé Mortimer Campbell (devenu « rat » plus tard), que j’avais visité dans le souterrain de « 6X », avant de revenir sur Terre par Arkham… Je tente de communiquer avec elle – et y parviens ; la jeune femme s’avère très instruite, si elle est égarée entre les mondes – et elle me dévoile avec aisance, et une sympathie croissante, tous les terrifiants mystères des sortilèges de Goody Fowler.

 

[II-6 : Anatole : Danny O’Bannion] Passionné par mes découvertes dans ces savoirs interdits, je néglige de les partager avec Danny O’Bannion, et ne sors plus de chez moi que lorsque le manque de provisions me l’impose. Rendu extatique par les pouvoirs que la compréhension et la maîtrise progressive de ces matières semblent à même de me procurer, pouvoirs que j’avais jusqu’alors seulement subis et qui avaient chamboulé mon existence sans me laisser la moindre prise sur le cours des événements, je perds peu à peu tout contact avec la société extérieure, tout recul, et jusqu’à l’hygiène la plus élémentaire – consacrant tout mon temps à ces études délétères…

 

[II-7 : Anatole : Kristen Johnson, Mortimer Campbell, « 6X »] Et je comprends notamment l’histoire de Kristen et Mortimer, je comprends l’échec de leur rituel, qui a perdu la jeune femme entre les dimensions tandis que son amant se changeait en « chose-rat ». Je comprends comment « 6X » les a manipulés, prétendant hypocritement venir en aide à Mortimer quand il ne s’agissait que de s’en faire un allié utile… Et je comprends l’ultime tentative – suicidaire – de Mortimer pour rejoindre sa bien-aimée, et son échec funeste…

 

[II-8 : Anatole : Goody Fowler] Mais mes études prennent aussi un tour plus « pratique », et m’amènent à « bricoler » – notamment en réalisant dans mon appartement des angles incongrus, ou en y disposant des cales obéissant à des mesures précises – c’est alors seulement que le potentiel du grimoire de Goody Fowler m’apparait pleinement. Toujours les pensées en ébullition devant ces fascinants possibles, j’ai de plus en plus de mal à trouver le sommeil – dans une tentative un peu futile de revenir à ce que je considérais jusqu’alors comme mon être le plus authentique, j’écris de nouveau de la poésie – ce qui me permet de m’épancher, en livrant sur le papier les terribles révélations qui ne cessent de m’assaillir ; ces œuvres insanes, par la suite, seront récupérées par un confrère poète, qui y trouvera modèle et inspiration pour assurer sa propre carrière…

 

[II-9 : Anatole : Kristen Johnson ; Danny O’Bannion] Deux années de ce travail intensif coupé du monde ont considérablement entamé ma résistance mentale – les conversations avec Kristen, et l’accumulation de nouvelles découvertes, n’ont certainement rien arrangé. Des criminels irlandais, passé ce délai, se rendent un jour chez moi pour me « motiver »… ou plus exactement me demander des comptes, au nom de Danny O’Bannion. Mais, quand ils pénètrent dans mon appartement, ils n’y ont trouvé que des pièces désertes et malodorantes, jonchées de détritus, aux angles exubérants et aux meubles gravés de formules mathématiques d’une extrême complexité… Et, çà et là, des crottes de rat.

 

[II-10 : Anatole : Radzak] Je voyage depuis entre les mondes, dans des endroits inconnus de l’homme ; mon esprit a sombré dans la démence, mais aussi dans l’euphorie – je suis devenu une part de ce qui m’obsédait tant… Mais demeure pourtant une certaine peur, insidieuse – qui sait combien de temps mettra Radzak à me retrouver ? Nous verrons bien…

 

C’est donc la fin de cette campagne – 33 épisodes, sans compter le prologue (cinq ou six séances en plus à vue de nez) et les présents épilogues ; je ne crois pas avoir jamais joué aussi régulièrement et à aussi long terme…

 

Mais, au cas où, je me dois de prévenir les éventuels lecteurs de ces (très longs) comptes rendus (s’il y en a) (les fous) : je vais désormais arrêter d’en faire, du moins pour les parties où je suis PJ (je vais essayer de poursuivre quand je maîtrise moi-même – on verra…).

 

Deux raisons à cela : l’une est que cela me prend beaucoup trop de temps à rédiger et mettre en forme – ayant de nouveau un emploi du temps, je ne peux plus me permettre d’y consacrer autant d’heures… L’autre est que cela a probablement porté préjudice à mes capacités en tant que joueur – en me rendant sans doute moins réactif, peut-être même en m’incitant davantage à la passivité… Bien sûr, je ne peux pas continuer ainsi, dans ce cas – ni pour moi, ni pour les autres. Je vais donc tâcher de retrouver une spontanéité et une vivacité qui m’ont peut-être fait défaut au fur et à mesure que la campagne avançait – car une nouvelle aventure commence…
 

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (33, conclusion)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (33, conclusion)

Trente-troisième (et dernière…) séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

La joueuse incarnant Romy était absente. Les PJ présents étaient donc Dwayne O’Brady, Michael Bosworth, et, en ce qui me concerne, le garde du corps aux ambitions d’écrivain Anatole « Froggy » Despart.

 

I : PAS LE TEMPS

 

[I-1 : Dwayne, Anatole] Dwayne est réveillé par un serveur du Trèfle – il s’était endormi dans sa baignoire, griffé de partout… On le conduit à une chambre voisine de la mienne, dans l’idée qu’il en retire un sommeil davantage réparateur. Car nous en avons bien besoin : insidieusement, nous avons été affectés par un équivalent dimensionnel du décalage horaire… Nous dormons beaucoup – tant, en fait, qu’il faut nous réveiller, et quelque peu à la hâte ; d’ailleurs, il fait nuit – nous aurions dormi toute la journée ?

 

[I-2 : Dwayne, Anatole, Michael : Seth, « .45 » ; Danny O’Bannion, Hippolyte Templesmith, Brienne] Seth vient nous voir, accompagné de « .45 », pour nous donner la marche à suivre. Il s’entretient d’abord avec Dwayne, puis avec moi – séparément. Il nous apprend que les hommes de Danny O’Bannion surveillaient la ferme des Gardner, dans la Lande FoudroyéeDwayne ayant expliqué la veille que c’était là qu’il y aurait de l’action. Effectivement, des hommes de Templesmith s’y sont rendus… Or Danny s’est montré explicite : il veut que ça s’achève ce soir – nous n’avons que trop tardé… Mais le patron se montrera généreux, une fois cette affaire réglée : nous aurons tout ce que nous voudrons – par exemple, concernant Dwayne, un endroit où aller, une maison où s’installer, à l’aise, avec Brienne… et plus de comptes à rendre à qui que ce soit. Me concernant, il faut que je fasse mes preuves, mais les Irlandais ont plutôt confiance ; si je me montre efficace, je pourrai en retirer une « place de choix » dans la pègre d’Arkham – quelque chose de plus attrayant qu’un simple emploi de gros bras de base : un poste à responsabilités, avec le revenu correspondant…

 

[I-3 : Michael, Dwayne : Seth] Michael étant visiblement un peu plus affecté que nous autres par nos expériences récentes, les hommes du Trèfle l’ont laissé dormir un peu plus longtemps – nous l’entendons ronfler… et son canari pépier. Seth charge Dwayne de l’informer de la situation à son réveil.

 

[I-4 : Dwayne/« Leonard Border » : Seth, « .45 » ; Danny O’Bannion, Brienne, Leonard Border, Hippolyte Templesmith] Nous manquons de temps… et il nous faut nous équiper. Dwayne dit à Seth qu’il lui faut passer en coup de vent à la garçonnière de Danny O’Bannion sur French Hill Street. Seth commence à protester, mais Dwayne l’interrompt : il lui faut y récupérer quelque chose de la plus haute importance ; non, ça n’a rien à voir avec Brienne – qui, de toute façon, ne le reconnaîtrait même pas [puisqu’il a toujours l’apparence de Leonard Border]… Pour appuyer ses dires, Dwayne exhibe le crâne recouvert de caractère aklo : ce qu’il va chercher à l’appartement, « ça va avec »… Seth réclamant visiblement davantage d’explications, Dwayne lui dit que ce crâne, associé aux boîtes de cuir de Templesmith, permettrait, le cas échéant, de le poursuivre où qu’il cherche à disparaître. Seth est méfiant : ce qu’il a retenu du discours de Dwayne, c’est la possibilité de se barrer – compte-t-il fuir ? Non, bien sûr ! « .45 », un brin agacé par tous ces délires occultistes, pousse Seth à accepter – pas de temps à perdre !

 

[I-5 : Michael, Dwayne : Seth] Michael se réveille enfin. Son canari pose ses petites pattes sur son torse et son visage, ce qui le chatouille – il réclame sa pitance… Michael entend nos voix à travers la porte – puis on tambourine dessus pour le réveiller. Il se lève, peu assuré. Seth se contente de lui répéter l’essentiel : « Ça se finit ce soir ! » Puis il fait signe à Dwayne de prendre le relais.

 

[I-6 : Dwayne, Michael : Seth] Nous sommes pressés ! Dwayne ne s’attarde pas sur les explications, et nous montons dans une voiture, à destination du Garage Hammer (après un détour par la garçonnière de French Hill Street, donc). Nous mangeons en chemin – Seth nous ayant fourni des sandwiches ; Michael émiette un peu de pain pour nourrir son petit oiseau (qu’il garde autrement dans la poche de sa veste)…

 

[I-7 : Dwayne : Seth, « .45 » ; Hippolyte Templesmith] Nous arrivons près de la garçonnière de French Hill Street. Le bureau électoral de Hippolyte Templesmith à proximité est fermé et barré, deux flics gardent les lieux – en fait, l’un d’entre eux retient même un badaud, visiblement très énervé, qui jetait des détritus sur la façade du local… Seth se gare devant l’immeuble, et dit à Dwayne de faire vite – « .45 » l’accompagne.

 

[I-8 : Dwayne : Brienne ; Elaine, Hippolyte Templesmith] Dwayne monte à l’étage, toque à la porte, puis l’ouvre sans attendre de réponse – il perçoit vaguement les bruits de quelqu’un qui s’éveille. Mais il n’y a autrement de trace de Elaine ou Brienne. Peu importe : Dwayne se rend directement au coffre, où il récupère les trois boîtes de Templesmith qu’il y avait entreposées – il les met dans son sac en bandoulière, où se trouvait déjà le crâne orné d’inscriptions aklo, et y ajoute au cas où une liasse de billets. Il entend vaguement Brienne qui s’éveille – elle râle de ce que quelqu’un soit entré comme ça dans un appartement, comme un voleur, tandis que des femmes y dormaient… Mais Dwayne ne s’attarde pas, et file sans un mot.

 

[I-9 : Michael, Dwayne, Anatole : Seth] Nous reprenons la route, et parvenons au Garage Hammer. Mais cette fois nous faisons le tour, pour pénétrer au cœur de la décharge qui jouxte le garage – et c’est immense. Au centre se trouve un container que rien d’autre ne distingue, et non loin un camion avec une grande bâche. Seth se dirige d’abord vers le container, il en ouvre la porte et allume à l’intérieur, puis nous fais signe d’entrer : « Faites-vous plaisir… » Il s’y trouve de très nombreuses armes, de tous types. Michael s’empare d’une mitraillette Thompson, ainsi que d’une sacoche à lanière issue d’un surplus militaire, idéale pour transporter des chargeurs « camemberts ». Dwayne opte pour un fusil à lunette, mais prend également trois grenades et des chargeurs pour son .38. Quant à moi, j’hésite un instant à prendre un fusil, mais, malgré mon expérience dans les tranchées, je me sens moins habile avec cette arme qu’avec mon bon vieux .45 – je me contente donc de prendre des chargeurs pour mon arme de poing, autant que possible pour avoir une bonne marge ; j’y ajoute une matraque en cuir – j’en ai déjà une, c’est simplement afin d’avoir une arme de rechange…

 

[I-10 : Anatole, Dwayne/« Leonard Border » : Leonard Border] Les Irlandais montent la garde – et sont prêts à nous suivre à la Lande Foudroyée. Ils sont un peu méfiants à mon égard, car ils ne me connaissent pas ; mais ils sont aussi vaguement hostiles à l’égard de Dwayne, sous son apparence magique de Leonard Border – certains l’évitent autant que possible, et portent régulièrement la main au crucifix pendant à leur cou… Ils l’appellent par son vrai nom, on les a prévenus de la situation, mais ils ne sont visiblement pas à l’aise avec cette bizarrerie.

 

[I-11 : Dwayne, Michael : Vern] Puis nous nous rendons au camion, où patiente un type d’allure burinée du nom de Vern. Dwayne et Michael l’ont parfois croisé, sans plus. Il a longtemps été militaire – artilleur, plus précisément –, et aime bricoler. Il nous tend la main à tous, que nous serrons en retour. Puis il s’adresse plus particulièrement à moi : « Français, hein ? Tu devrais apprécier ce que j’ai là… » Il retire la bâche du camion, révélant une plateforme arrière renforcée, sur laquelle est installée ce que Vern me présente comme devant être une « fierté nationale » : un canon de 75… Il nous en explique le fonctionnement, la capacité à tirer jusqu’à 23 coups par minute, à la condition de disposer d’une équipe adéquate – deux assistants dans l’idéal : un « costaud » pour charger les obus, un « rapide » pour libérer le canon et le refermer une fois la munition approvisionnée ; Vern, quant à lui, fera office de viseur. Sa proposition est limpide, et n’appelle pas de discussion : Michael remplira le rôle du « rapide », et moi celui du « costaud »…

 

[I-12 : Big Eddie] Big Eddie, qui était là lui aussi, et qui semble devoir prendre la tête des opérations, trouve que ça traîne beaucoup trop – il faut y aller… Nous sommes aussi prêts que possible, et montons à bord des véhicules, à destination de la ferme des Gardner.

 

II : « HEAVY METAL THUNDER… »

 

[II-1 : Anatole : les Gardner] Nous roulons en direction de la Lande Foudroyée. En chemin, on m’explique, à moi qui ne suis pas d’Arkham, ce qui s’y était produit. L’incident a eu lieu dans les années 1880, à la ferme des Gardner ; la rumeur prétend qu’une météorite inconnue avait disparu dans le puits de la ferme ; des savants de l’Université Miskatonic l’ont étudiée, et en ont prélevé des fragments, mais ces derniers ont disparu petit à petit. Le cas des Gardner a suscité des rumeurs, via le bouche à oreille : la mère aurait été cloitrée dans une cave, folle, avant d’être envoyée à l’asile d’Arkham ; un des fils aurait disparu dans le puits ; l’autre, ainsi que le père, aurait été retrouvé mort. La ferme présentait un aspect étrange, laissant d’abord augurer de récoltes phénoménales, mais il s’est rapidement avéré que tous ces fruits étaient immangeables. Et le paysage a progressivement changé, devenant grisâtre, et débarrassé de toute vie, végétale ou animale – d’où ce nom de « Lande Foudroyée » pour décrire cette cuvette où la terre évoque de la cendre. Par la suite, les habitants des environs – il est difficile de qualifier ces quasi-ermites de « voisins » – ont parlé d’une lumière monstrueuse jaillissant du puits vers le ciel… Et des travaux ont enfin été accomplis pour aménager un réservoir destiné à l’approvisionnement en eau d’Arkham (ils ne seront achevés que plus tard).

 

[II-2] La route n’est que peu utilisée en temps normal – on remarque d’autant plus que des véhicules ont récemment déblayé le chemin ; il y a des traces d’autres camions, mais aussi des arbres abattus car ils gênaient le passage, et qui ont été repoussés sur le bas-côté. Nous arrivons enfin à proximité de la Lande Foudroyée, qui fait comme une cuvette – nous nous arrêtons avant le petit dénivelé.

 

[II-3] Une quinzaine d’Irlandais sont avec nous. L’un d’entre eux, qui surveillait la ferme, nous dit y avoir vu des personnes accomplissant un étrange rituel – elles versaient du sang dans le puits ? Nos hommes d’armes avaient entendu des rumeurs – aussi ne se sont-ils pas précipités comme ils l’auraient fait autrement…

 

[II-4 : Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen » ; Diane Pedersen] Effectivement, nous voyons une dizaine d’individus à proximité du puits de la ferme des Gardner, en contrebas ; ils portent les mêmes tenues que les adorateurs dévorés par les aphtes que nous avions croisés dans l’archipel – se trouvent d’ailleurs avec eux plusieurs automates de métal léger… Mais ceux qui l’ont déjà vue reconnaissent également Diane Pedersen [que nous comprendrons progressivement être en fait Hippolyte Templesmith, ou plutôt « 6X »], qui est protégée par plusieurs individus arborant le « masque d’Innsmouth ». Il y a enfin des « sacrifiés » gisant par terre – dont des adorateurs aphteux volontaires ; leur sang s’écoule effectivement dans le puits…

 

[II-5 : Dwayne : Vern, Big Eddie] Vern manœuvre le camion afin de pointer le canon de 75 dans la remorque sur la ferme. Les autres Irlandais, qui savent que nous avons vécu des horreurs, sont dans l’expectative, semblant attendre nos instructions, ou du moins nos conseils. Dwayne leur dit que les automates sont très lents, mais presque invulnérables, en dépit de leur poids minime ; mais il leur explique le point faible des boîtes. Dwayne s’adresse ensuite à Vern, lui disant que la cible principale, pour lui, est le puits. Nous cherchons à en apprendre davantage en observant la scène avec des jumelles, mais n’en retirons rien pour l’heure. Dwayne dit à tous que, s’il s’en trouve là-bas pour amorcer des incantations, ce sont eux dont il faut se débarrasser au plus tôt. Mais Big Eddie lui coupe peu ou prou la parole – il dit aux artilleurs de se préparer à « déchaîner la foudre », les autres s’occuperont des survivants…

 

[II-6 : Anatole, Michael : Vern] Pendant ce temps, le feu d’artifices de Noël commence à éclore au-dessus d’Arkham. Vern, blagueur, nous souhaite un bon réveillon… Je vais l’aider au canon – il tourne différentes molettes pour l’ajuster. Michael, le « rapide », est également là… qui dit à son canari de ne pas s’en faire, même s’il va y avoir du bruit et de la fumée ; il lui précise cependant que, si les choses se passent mal pour lui, alors il faudra qu’il s’envole – car il est « une lumière dans l’obscurité »… Il a l’impression que l’oiseau le comprend ; il le remet dans sa poche.

 

[II-7 : Vern] Nous commençons à faire feu avec le canon – mais Vern avait mal ajusté le premier tir : l’obus touche la ferme et non le puits – et la bâtisse finit de s’écrouler. Vern, nerveux, s’excuse, mais reste assez professionnel et fait en sorte d’arranger le problème.

 

[II-8 : Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen »] Tout le monde à la ferme se tourne dans notre direction. « Diane Pedersen » semble donner des ordres secs aux autres – mais, malgré la distance qui nous empêche de nous en assurer, nous avons l’impression qu’elle nous adresse un grand sourire vicieux… Et les automates commencent à avancer dans notre direction – Big Eddie dispose les Irlandais pour qu’ils s’en occupent et interceptent d’éventuels fuyards.

 

[II-9 : Anatole : Vern ; Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen »] Vern se plaint du feu d’artifices, disant que ça le gêne pour se concentrer – réflexion qui m’interloque un peu, moi qui ai combattu dans les tranchées… Mais nous rechargeons, et Vern fait feu à nouveau – il a mieux préparé le canon, et l’obus fonce en direction du puits. Mais, là-bas, « Diane Pedersen » ouvre les bras, comme si elle voulait recevoir l’obus – et ce dernier semble ralentir à mesure qu’il approche du puits ! Et, quand il n’est plus qu’à cinq mètres environ de « Diane Pedersen », il est subitement dévié…

 

[II-10 : Dwayne : Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen »] À côté de nous, les Irlandais se lancent sur les automates. Quant à Dwayne, il a fait feu de son fusil à lunette – visant « Diane Pedersen »... mais, là encore, sa balle a été déviée…

 

[II-11 : Anatole : Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen », Vern] Je comprends, sans grande certitude toutefois, qu’il s’agit d’un phénomène d’électromagnétisme – et repère un automate qui est resté auprès de « Diane Pedersen », et qui semble doté d’un appareillage particulier : serait-ce la source du champ magnétique ? Je le signale aux autres. Et, quand Vern veut continuer à tirer, si je remplis mon rôle d’assistant sans rechigner, je lui dis qu’il vaudrait peut-être mieux viser des cibles plus « accessibles »… Je doute en effet qu’on puisse faire céder ce champ de protection, ce « bouclier ».

 

[II-12 : Dwayne : « .45 »] Dwayne décide de monter dans une voiture, avec « .45 » pour conducteur, afin de se rapprocher de la ferme tout en la contournant pour prendre nos adversaires à revers. Les Irlandais usent parfois eux aussi de véhicules, et un camion renverse d’ailleurs au même moment un automate… mais il est ensuite brusquement repoussé puis jeté en l’air !

 

[II-13 : Vern, Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen »] Vern tire à nouveau. Un premier tir est à nouveau repoussé, et pulvérise des arbres de l’autre côté de la cuvette. Un second adopte un comportement plus étrange encore : « Diane Pedersen » s’écarte un peu de son automate attitré et lève une main en l’air, paume vers l’avant – le missile va tout droit dans sa direction… puis disparaît. Et nous entendons une grande détonation derrière nous – il serait réapparu dans notre dos ? Vern est passablement secoué par cette adversité inattendue…

 

[II-14 : Dwayne : « .45 »] Les Irlandais, qui ont vu un de leurs camions voltiger après sa collision avec un automate, descendent de leurs véhicules et font feu sur les créatures artificielles. « .45 », furieux de la tournure des événements, dit à Dwayne de faire quelque chose, de mitrailler toutes ces cibles… Mais Dwayne n’a qu’un fusil, d’une part, et d’autre part sait très bien que cela ne servirait à rien – ils ont mieux à faire ! À peine a-t-il fini de s’expliquer qu’un des automates saisit un Irlandais sonné par le bras… et le lui arrache.

 

[II-15 : Michael, Anatole : Vern] Vern est incrédule, dépassé par la tournure des événements. Michael lui dit que le canon ne nous sera d’aucune utilité, et je l’approuve…

 

[II-16 : Michael : Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen », Pierce Hawthorne] Pendant ce temps, « Diane Pedersen », accompagnée de trois habitants d’Innsmouth, s’éloigne du puits (et de son protecteur « magnétique ») et se dirige vers un camion garé à côté de la ferme – Michael repère également, parmi ceux qui la suivent, Pierce Hawthorne. Les hommes au « masque d’Innsmouth » extraient du camion une grande caisse qu’ils posent à terre… puis ils y disposent Pierce Hawthorne et le sacrifient !

 

[II-17 : Dwayne : Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen »] Dwayne voulait passer derrière l’automate de « Diane Pedersen » pour lui jeter des grenades ; mais les adorateurs aphteux ont compris ses intentions, et font bouclier alors même qu’il lance son projectile – plusieurs d’entre eux sont incapacités, d'autres tués, mais l’automate est indemne, qui s’approche du puits.

 

[II-18] Et il y a de plus en plus comme un effet de lumière étrange ; on est tout d’abord tenté de dire « verdâtre », mais il n’y a au fond pas de mot pour décrire cette couleur… Le phénomène est d’une taille minuscule, évoquant le chas d’une aiguille dans le ciel – en fait, on ne le voit que parce que c’est très désagréable à l’œil… Nous avons le sentiment que quelque chose de gigantesque approche – qui est lié au rituel exécuté sur la Lande Foudroyée

 

[II-19 : Anatole : Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen », Vern, Pierce Hawthorne] J’ai suivi des yeux la scène impliquant « Diane Pedersen », et dis à Vern de pointer sur elle – peut-être n’est-elle plus dans le champ magnétique, et trop occupée pour se montrer efficace face à nous ! Vern s’exécute, son tir est bien ajusté… Mais « Diane Pedersen » s’en rend compte : elle laisse un habitant d’Innsmouth décapiter Pierce Hawthorne, et lève la main droite en direction de notre obus, lequel disparaît… Mais elle l’a mal dévié, cette fois : il réapparaît au milieu des automates avançant à proximité d’un camion enflammé (la neige est sur le point d’éteindre l’incendie) ! Et ils sont amochés par cette explosion inattendue…

 

[II-20 : Dwayne : « .45 », Hippolyte Templesmith/« 6X »/« Diane Pedersen », Pierce Hawthorne ; Tess McClure, Diane Pedersen] Du côté de Dwayne, les deux adorateurs aphteux qui ont survécu à son jet de grenade s’en prennent maintenant à lui. « .45 », sur le siège conducteur, a été blessé ; Dwayne lui donne des consignes, mais l'homme de main galère : la voiture est secouée par les cahots, ce qui rend un nouveau lancer de grenade trop aléatoire, et Dwayne préfère rester prudent… Mais la voiture doit s’arrêter, tandis que les deux adorateurs foncent dessus. Dwayne reprend son fusil… mais ne tire pas sur ses assaillants : c’est « Diane Pedersen » qu’il vise, et il l'atteint, au bras, qu’elle levait pour son sortilège ! Elle l’abaisse aussitôt sous le coup de la douleur – et son bras prend une tout autre apparence, monstrueuse ; comme ce qui s’était produit au gala, quand Tess avait embrassé Hippolyte Templesmith. Plus rien à voir avec Diane Pedersen : c’est un membre autrement plus volumineux (à lui seul plus grand que la jeune femme !), écailleux, griffu, semé de touffes de poils aléatoires… « 6X » se retourne l’air furieux vers la voiture de Dwayne ; il plonge ses griffes dans la caisse sur laquelle Pierce Hawthorne a été sacrifié – Dwayne entrevoit les caractères aklo qui y sont inscrits. Les habitants d’Innsmouth qui l'accompagnaient s’éloignent instinctivement de « 6X ». Il sort de la caisse une tête et un torse de métal évoquant les autres automates, mais en beaucoup plus grand : la tête à elle seule fait bien un mètre (le chiffre « I » est inscrit sur son front), le torse atteint les quatre mètres. [Dans cette caisse ? Était-elle si grande que cela ? Ou plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur ?]

 

[II-21] Pendant ce temps, les feux d’artifices d’Arkham deviennent un peu moins fréquents – même si l’on n’a pas encore vu le bouquet final – tandis que la lumière étrange grandit insidieusement. Et nos tripes nous le disent : « ça » approche…

 

[II-22 : Michael, Anatole : Vern, « 6X »] Michael demande à Vern s’il ne serait pas possible de désolidariser le canon de la remorque – oui, s’il a un après-midi pour ça… Mais j’ai repéré l’automate géant qu’a sorti « 6X » de la caisse, et vois qu’il n’est pas dans le champ magnétique – je dis à Vern de le prendre pour cible. Il vise avec précision ; le missile passe au-dessus des combattants, et fonce vers l’automate géant… mais celui-ci avance sa main, et nous redoutons qu’il dévie l’obus à son tour… Mais non : le projectile explose dans sa main… mais, quand la fumée s’est dissipée, il semble parfaitement intact ! Ou presque : l’articulation de son poignet semble abîmée, quant à elle, et il laisse pendre sa main… Michael et moi disons donc à Vern de continuer – il nous dit de faire notre boulot, et c’est bien sûr ce que nous faisons…

 

[II-23 : Dwayne : « .45 », « 6X »] Dwayne avait redouté l’espace d’un instant que notre obus l’atteigne, mais ça n’a pas été le cas. Mais, à côté de lui, « .45 » est bel et bien blessé, même s’il n’est pas disposé à l’admettre – il demande enfin ses instructions à Dwayne, qui lui dit de rouler – en faisant en sorte qu’il puisse user d’une autre grenade si jamais. Mais, pour l’heure, un habitant d’Innsmouth menaçant fait une cible idéale – Dwayne, qui avait encore son fusil en main, fait feu sur lui et le tue d’une balle en pleine tête. Par contre, « 6X » tourne désormais son regard dans leur direction…

 

III : LE PLUS GRAND BIEN

 

[III-1 : Michael, Anatole : Big Eddie, Vern] Depuis notre poste d’artillerie, Michael, qui a l’ouïe fine, entend des Irlandais céder à la panique à cause de toutes ces bizarreries ; certains veulent s’enfuir… et Big Eddie n’hésite pas à abattre un déserteur d'une balle dans le dos. Mais cela distrait Michael : alors que je remplace l’obus, je vois qu’il ne sera pas suffisamment rapide pour faire feu à la cadence requise – et Michael semble fixer quelque chose à la lisière des bois, un peu en arrière… J’y jette un œil par réflexe – et ai l’impression de voir un arbre qui bouge ? Ce n’est pas une question de perception troublée, par les explosions, le chaos, le recul… Non, quelque chose s’extrait bel et bien des bois – et vient vers nous. Le canari de Michael, d’abord excité par le boucan alentour, se calme subitement. Michael nous dit, à Vern et moi, de venir voir ça… Je le remplace tout d’abord pour assurer un nouveau tir (qui achève d’anéantir l’articulation du bras de l’automate géant, qui pend désormais, inutilisable, mais le monstre de métal n'en continue pas moins de progresser), puis observe de plus près ce qu’il nous désigne.

 

[III-2 : Dwayne] Pendant ce temps, Dwayne tire à plusieurs reprises, et fait mouche. Mais la luminosité étrange croît toujours davantage… et il s’en extrait comme un trait de lumière d’une couleur inconnue, qui traverse une distance difficile à appréhender jusqu’à plonger dans le puis, comme s’il y était attiré « malgré lui ». Les adorateurs encore en vie, à ce spectacle, intensifient leurs chants et incantations – exprimant une indicible joie…

 

[III-3 : Anatole, Michael : Vern] Vern et moi voyons comme Michael « l’arbre qui bouge » ; à la lisière des bois, quelque chose semble tomber par terre, tout près de nous. Michael entend des craquements dans un tronc – qui est comme agité de mouvements intérieurs, avec des bosses qui apparaissent et disparaissent sans cesse. Michael saute de la remorque et court en direction de l’arbre – dont le centre se fendille d’un coup sec, ouvrant une large plaie dans le tronc. Deux « mains » s’en extraient – évoquant tour à tour la chair et le végétal, avec une couleur tirant sur le brun rose… Une silhouette se dégage du tronc – humanoïde, en dépit de ses déconcertants traits végétaux ; et elle nous regarde, d’un air que nous sommes portés à trouver « innocent », et peut-être même un peu « gêné »… Elle ose enfin un timide : « Bonsoir ? »

 

[III-4 : Michael] Michael sort aussitôt son canari de sa poche, et le brandit en direction de la créature : « Aidez-nous… » La créature semble étonnée – peut-être même touchée ? –, et avance une main hésitante vers le petit oiseau… Michael nous affirme que son canari, en tant qu’oiseau, sait parler aux arbres, et dira ce qu’il faut à notre visiteur ! Il lâche le canari – mais celui-ci ne vole pas en direction de la créature inconnue : il se pose sur l’épaule de Michael, et semble assez inquiet…

 

[III-5 : Anatole : Vern] Mais la créature nous dit alors : « Ne vous inquiétez pas : je sais comment calmer tout le monde… » Nous avons délaissé le poste de tir, qui n’est pas en mesure de faire feu. Vern est stupéfait. J’ai eu le réflexe de dégainer mon arme, mais ai constaté que je n’y parvenais pas – il y avait comme une voix dans ma tête, calme, et qui me disait : « Non… » Je me sens étrangement détendu – conscient, mais cotonneux ; et ma main se desserre autour de la crosse de mon .45…

 

[III-6 : Dwayne : « 6X », « .45 »] Dwayne, même s’il est loin de nous, et n’a aucune idée de ce qui se passe au canon, ressent le même phénomène. Non loin de lui, l’automate géant s’arrête net et tombe à genoux. Il en va en fait de même pour tout le monde parmi les combattants de la Lande Foudroyée, à l’exception du seul « 6X », qui se relève après sa blessure surprise, et qui voit, non loin de lui, Dwayne qui saigne et « .45 » qui s’est évanoui. Dwayne percevant la menace veut continuer à tirer sur « 6X », mais il sent ses mains qui refusent de lui obéir. La voiture continue d’avancer, lentement, malgré l’évanouissement de « .45 » ; Dwayne en reprend le contrôle, puis tente de faire un bandage hâtif à son chauffeur…

 

[III-7 : Michael, Anatole : Hope ; Patrick, Tina Perkins] Michael est détendu – son canari aussi, maintenant. Il ne cesse de demander : « Pourquoi toute cette violence… » L’être végétal achève de se dégager de son arbre, puis nous dit : « Tout est calme, maintenant… Maman avait raison… » Michael ose alors demander : « Patrick ? » Mais non : « Hope… » [Certains PJ – dont Michael, mais qui était alors joué par un autre joueur, tandis que le joueur l’incarnant maintenant jouait alors Patrick – l’avaient croisée dans l’arrière-monde dépendant de la boutique de la fleuriste, Tina Perkins, il y a de cela bien des séances.]

 

[III-8 : Anatole : Hope] Quant à moi, je déteste cette sensation de manipulation, de contrainte extérieure ; je déploie d’immenses efforts de volonté pour résister, et parviens à sortir mon arme – je ne peux pas faire feu, mais peu importe, je n’en avais pas l’intention dans l’immédiat ; mais la sensation de la gâchette est rassurante… Je regarde partout autour de moi, mais tout est désormais calme – les blessés se sont évanouis, les autres ont lâché leurs armes, l’air éventuellement « défoncés »… Je perçois un léger effluve, difficile à identifier – il viendrait de Hope ?

 

[III-9 : Michael : Hope] Michael demande à Hope si elle le reconnaît – oui… Il lui demande son aide – comme ils l’avaient aidée… Hope ne semble pas déconfite, mais est tout de même visiblement tourmentée ; nous ne sommes pas sûrs de ce qu’il faudrait en déduire. Puis elle reprend la parole : « Maman m’a dit de me méfier… D’ailleurs, c’est surtout moi qui vous ai aidés… J’ai rendu une vie… [Celle de Patrick.] Et ça m’a presque tuée… » Puis elle évoque ses « disputes » avec sa « maman » [Tina Perkins], qui lui disait sans cesse de faire des choix – mais justement : que gagnerait-elle à nous aider nous plutôt que les autres ? Michael lui répond que, si elle aide nos adversaires, tout le monde en souffrira – dans le cas contraire, ce sera « la lumière et l’espoir pour tous » ! [Sauf que Michael est un criminel… Même s’il n’en est pas pleinement conscient, ses propos relèvent largement du Baratin.] Hope se montre sceptique : « Vous n’êtes pas vraiment sincère… »

 

[III-10 : Dwayne : « 6X »] Alors que les feux d’artifices sur Arkham parviennent à leur bouquet final, Dwayne voit « 6X » qui se relève – il sait qu’il lui a fait mal… mais la créature est tenace. Elle se bat cependant contre son propre corps, car elle est affectée par l’effet léthargique que nous ressentons tous (moins que les autres, cependant). Sa forme véritable, hideuse, est maintenant totalement révélée – un torse démesuré, recouvert d’écailles, semé çà et là de touffes de fourrure aléatoires, des sortes de plumes par endroits… Elle hurle : « NON ! », d’un ton guttural et furieux ; fulminante, déterminée, la créature monte dans un camion et prend la direction du nôtre, avec le canon de 75… Dwayne en profite, et se rend en voiture à proximité du puits – il y a des hommes d’Innsmouth sur sa route, mais ils ont lâché leurs armes et le regardent d’un air incrédule… Le « fil » unissant la source lumineuse et le puits est toujours en place. Dwayne voit qu’un des adorateurs recouverts d’aphtes qui fonçaient sur lui lame à la main est en fait traversé par ce « fil », qui oscille en l’air – quand il l’a traversé, il a aussitôt brûlé sa chair, et son torse s’est racorni, asséché, d’abord là où le « fil » le traversait, mais l’infection s’est ensuite propagée au corps entier, qui tombe enfin comme du bois mort, avant d’être réduit en poussière…

 

[III-11 : Anatole, Michael : Hope] Tout est calme maintenant – avec pour unique exception le camion qui roule dans notre direction. Mais Hope paraît déçue : « Tout le monde ment, finalement… Même Maman… Mais elle avait peut-être raison quand elle disait que tout serait mieux sans les humains ? » Je suis pour ma part focalisé sur le camion – mais il est encore loin de nous. Je demande à Michael ce qui se passe, presque sur le ton de la supplique – je n’y comprends rien… Mais Michael est occupé à argumenter avec Hope ; il parle de l’importance de la nature, dont l’homme fait pleinement partie – non, sa maman ne lui a pas menti… Mais Hope relève que c’est justement « Maman » qui lui a donné cette idée que tout irait mieux sans nous ! Il est temps pour moi de m’insérer dans la conversation – même si je me sens complètement perdu ; c'est peut-être pourquoi je me montre plus sincère, parlant de ce qui me tient à cœur ? J’explique à Hope ce qui me paraît problématique dans ses paroles : elle prend la décision pour tout le monde… Mais de quel droit ? Mon intervention la perturbe visiblement, elle n'avait pas réfléchi à ça. Et je poursuis : le bonheur qu’elle veut provoquer ne rime à rien – et rien de ce qui serait fait sans nous demander notre avis ne pourrait être bénéfique : ça ne fonctionne pas comme ça. Et quand bien même Hope trouverait préférable d’imposer son choix, quelle valeur aurait-il, puisqu’il n’y aurait plus par définition personne pour s’en rendre compte ? « Hope, tu te trompes… »

 

[III-12 : Dwayne] Dwayne est à côté du puits. Il constate que des travaux discrets ont été faits pour l’aménager : il y a comme une large goupille de métal, ornée d’un grand symbole aklo, qui semble pouvoir être utilisée pour fermer le puits, comme un couvercle. La goupille est pour l’heure ouverte, et le « fil » qui s’enfonce dans le puits remue furieusement. Dwayne veut fermer ce couvercle – mais sans trop s’approcher. Peut-être pourrait-il profiter de l’allonge de son fusil pour obturer le trou ?

 

[III-13 : Anatole, Michael : Hope] Hope semble disposée à m’écouter, je poursuis : « Hope, j’ai fait la guerre – et c’est la pire des choses ; j’ai vu des milliers de gens mourir parce que d’autres en avaient décidé ainsi – d’autres qui prétendaient que c’était pour le bien de tous, pour le plus grand bien ! Ils parlaient de droit, de poursuite du bonheur… Mais au fond ce n’était que des caprices de gamins fascinés par leur toute puissance. Et le meurtre est toujours une chose terrible – il ne s’agit pas que de mourir, pour la victime : c’est aussi la priver de tous ses choix ! Ta mère t’a appelé « Espoir »… Mais comment peux-tu concilier l’espoir avec ces empiètements sur le libre choix de chacun ? » Hope me demande alors comment elle pourrait faire pour « aider » véritablement – que faire ? Je lui dis qu’il faut nous laisser nos choix – et choisir elle aussi, comme les autres : cela vaut pour elle également… Mais ce choix ne doit pas revenir à décider pour les autres. Hope me demande alors si le monde est « meilleur avec nous ». Je lui réponds que ce n’est pas la question : bien ou mal, nous ne pouvons en juger, mais c’est notre monde. « Meilleur avec nous ? Je ne sais pas, Hope… mais sans doute meilleur sans le type qui nous fonce dessus – lui, on a pu voir ce qu’il en faisait… » Hope est perdue, ne sait pas ce qu’il faut croire. Michael revient dans la conversation – disant que « l’humanité, c’est l’empathie » ; il tient toujours son oiseau contre lui, tendrement… Hope dit qu’elle pourrait rendre le monde entier aussi calme… Mais je lui dis qu’alors elle serait une fois de plus comme ces généraux qui décident pour les autres et sans leur demander leur avis de ce qui est le mieux pour eux… « Ils nous ont fait payer ces généreuses décisions par quatre années dans les tranchées… » Mais peut-être pourrait-elle au moins procéder ainsi pour quelques générations seulement ? « Hope : nous ne sommes pas des animaux de laboratoire… Tu ne peux pas combiner à la fois la prétention d’agir pour notre plus grand bien et notre déconsidération comme autant de cobayes… » Et le camion ne cesse d’approcher, devenant plus pressant à chaque échange…

 

[III-14 : Dwayne : « .45 » ; Michael Bosworth, Anatole « Froggy » Despart] Dwayne sait qu’il lui faut agir maintenant – mais il va lui falloir être très rapide… Il veut pousser le couvercle de son fusil, et reculer aussitôt. Il y parvient – mais le bois du fusil, à peine touché par le « fil », se racornit aussitôt effet qui se répand tout au long de l’arme, que Dwayne lâche précipitamment. Mais il a réussi : il a bien coupé le « fil » en refermant la goupille ; le « fil » s’enfuit aussitôt, et n’est bientôt plus qu’un clignotement lointain, tandis que le « chas » verdâtre d’où il jaillissait se réduit à son tour à une étincelle… Mais Dwayne sait qu’une parcelle de cette chose indicible est restée prisonnière du puits. Dwayne cherche maintenant à se réarmer – mais il ne contrôle plus ses mains… qui, non seulement refusent de s’emparer des grenades, mais les envoient au loin, goupillées : il n’a plus une seule arme ! Il retourne à la voiture – où « .45 » est toujours inconscient, et salement blessé : c’est un dur, mais Dwayne n’est pas du tout certain qu’il s’en sorte… Une chance sur deux ? Dwayne repousse « .45 » et monte au volant ; il roule dans notre direction, en passant à côté de l’automate géant à genoux…

 

[III-15 : Anatole, Michael : Hope, « 6X », Vern ; Patrick, Tess] Hope, de son côté, ne peut plus ignorer « 6X » qui roule dans notre direction – à l’évidence, il ne le contrôle pas ; or il veut nous écraser ! Hope tend la main dans sa direction, mais sans effet… J’en profite : je dis à Hope que cette créature, justement, veut décider à notre place… Et je refuse de me laisser faire ! Je veux me tourner vers « 6X » et faire feu de mon arme – mais c’est impossible : contre ma volonté, je lâche mon pistolet… Mais Michael agit autrement : la voiture, comprend-il, fonce d’abord et avant tout sur Hope – il la pousse donc hors de la trajectoire du véhicule, ce qui lui demande un effort de volonté considérable, mais avec succès : tous deux tombent à terre, hors de danger dans l’immédiat. Du coup, c’est sur moi que le camion essaye maintenant de rouler… Mais Vern, qui avait laissé tomber notre canon, était monté au volant de notre camion – il roule pour intercepter « 6X », et contraint ce dernier à emboutir son véhicule dans les bois… J’entends Vern crier de douleur, tandis que de la fumée sort du capot du camion de « 6X ». Michael est décidé à se battre à son tour : il est armé d’une mitraillette Thompson, et souhaite vider son chargeur sur le véhicule embouti… mais c’est impossible : Hope ne le laisse toujours pas faire. Elle est perplexe : « Vous sauver… Puis vous tuer… » S’adressant à moi : « Et vous, pouvez-vous juger ? » Je lui réponds que oui – et elle tout autant ; et je peux me tromper, comme elle : cela fait partie de notre liberté. Michael rappelle à Hope qu’elle avait sauvé Patrick – oui, mais ça l’avait presque tuée… Michael insiste : cette créature qui nous agresse – c’est elle qui a tué Patrick ! [En fait, ça se discute… Techniquement, c’est Tess – alors mon personnage – qui a tué Patrick]

 

[III-16 : Dwayne, Anatole : Michael Bosworth, Big Eddie, Vern, Hope] Dwayne roule dans notre direction à bord de son propre véhicule ; par un effort de volonté, il a pu ramasser des armes. Il nous appelle, Michael et moi, ainsi que Big Eddie. Je lui réponds – et vais voir dans quel état se trouve Vern, puisque Hope ne me laisse pas faire quoi que ce soit contre « 6X » ; je garde un œil sur Hope, toutefois… Et nous entendons également Big Eddie – lui aussi est à bord d’une voiture, qui semble devoir nous rejoindre avant celle de Dwayne, mais à laquelle nous n’avions pas prêté attention jusqu’alors ; et le gros bras hurle qu’il ne nous reste plus qu’un seul problème à régler, désignant « 6X »

 

[III-17 : Anatole, Michael : « 6X », Hope] Or la portière du camion embouti gicle de ses gonds, projetée par une large patte griffue dotée d’un ergot. C’est la première fois que je vois de près la véritable apparence de « 6X »… et je m’immobilise, stupéfait. Ces écailles rosâtres, ces touffes de poil noir, cette tête triangulaire hésitant entre l’humain et le reptile, ces dents plantées n’importe comment, ces lèvres taillées – sans doute par « 6X » lui-même : un anneau doré en jaillit… Ces yeux, enfin, d’une forme reptilienne mais abritant des pupilles bien humaines… Il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour s’extraire de son véhicule ; il grogne… Hope se dirige alors dans sa direction – tandis que Michael reste à côté, son canari en main… Hope tente de faire un mouvement de ses mains, l’air un peu peiné – elle veut apaiser « 6X », mais cela ne se fera pas tout seul…

 

[III-18 : Anatole : Vern, Hope, « 6X »] Je reprends le contrôle de mes gestes, dans la mesure du possible, et poursuis ce que j’avais l’intention de faire : je rejoins Vern, en gardant un œil, de temps à autre, sur Hope – de sorte à pouvoir acquiescer ou la dissuader d’un mouvement de tête. Vern est évanoui, il saigne un peu, mais il respire ; il ne me paraît pas vraiment en danger, et je ne peux pas faire grand-chose de plus pour lui sur le moment. Je me retourne donc vers Hope et « 6X », et m’avance vers eux – mais je ne saurais être menaçant en l’état : j’entends simplement me manifester comme un spectateur impliqué. J’entends la voiture de Big Eddie approcher – et le gros bras en sortir.

 

[III-19 : Michael : « 6X », Hope] Michael, lui, avait déjà vu « 6X » sous sa véritable forme. Et la créature regarde Hope, avec l’air de vouloir la dévorer… Mais il lui demande : « Ton nom, c’est bien "Espoir" ? » Oui… Michael avance dans la direction de Hope, les mains tendues en avant, son canari dans l’une… Puis c’est vers « 6X » qu’il tend les bras ainsi que son oiseau – disant à la créature : « Cette fois, c’est fini. » « 6X » est tout d’abord surpris… puis projette sa mâchoire gigantesque autant que difforme sur la main tenant le canari, qu’il broie littéralement. Avant de s’effondrer, Michael a le temps de dire à Hope : « Tu vois ce qu’il fait à la nature… » Puis il perd connaissance – et ne tarde guère à mourir de son abondante hémorragie. Hope en est violemment émue…

 

[III-20 : Anatole : Big Eddie, Michael Bosworth, « 6X »] Big Eddie s’extrait de son véhicule, furieux. Je tends un bras en arrière pour lui dire de ne pas faire n’importe quoi, et m’approche de Michael. Mais Big Eddie ne fait pas attention à moi : animé par sa volonté inébranlable de brute, il… allonge un coup de poing à « 6X » ! [Réussite critique de Big Eddie en Bagarre, Échec critique de « 6X » en Esquive !] Mais aussi violent soit le coup, il ne peut pas faire grand-chose à une créature pareille ; la tête de « 6X » oscille à peine – et davantage en raison de la surprise que de la douleur. « 6X » riposte après un bref temps d’arrêt – arrachant d’un coup de mâchoire le bras que Big Eddie avait tendu en avant, par réflexe, pour se protéger…

 

[III-21 : Dwayne : « 6X », Hope, Big Eddie] Dwayne a profité du chaos ambiant pour se faufiler derrière « 6X ». Il a parfaitement saisi que c’était Hope qui nous empêchait d’agir [sauf erreur, il l’avait rencontrée dans l’arrière-monde de la fleuriste] – et lui demande d’enlever nos entraves. Mais Hope s'y refuse : « Non… Je veux essayer autre chose… » « 6X » étant occupé avec Big Eddie, Hope en profite pour lui poser la main dessus – « 6X » claque aussitôt des mâchoires, un lugubre cri de douleur jaillit de ses lèvres tandis que diverses parties de son corps, d’allure très variable, deviennent peu à peu plus molles… Il tente cependant de mordre Hope, qui n’est certainement pas en mesure d’esquiver : « Voilà ce que je fais de l’espoir ! » Son assaut furieux arrache un bon tiers du torse de Hope, en mordant, tirant, griffant… Un sang grumeleux s’écoule du corps de Hope, qui pousse un cri tout sauf humain – évoquant le bruit que font des feuilles emportées par le vent, mais considérablement amplifié, et aigu au point d’en devenir insoutenable.

 

[III-22 : Anatole, Dwayne : « 6X », Hope, Big Eddie] « 6X » regarde alors dans ma direction, puis dans celle de Dwayne – il l’a repéré dans son dos : « Je déteste rater mes invocations… Mais ce n’est pas mon premier échec – j’ai à chaque fois la possibilité de me défouler après coup, et je vais prendre mon temps… » C’est cependant à nouveau vers moi qu’il se tourne, avec une vivacité terrible. Je ne suis plus affecté par la léthargie provoquée par Hope, je ramasse prestement mon .45 dans l’intention de vider mon chargeur dans la grosse tête de mon agresseur… mais son inconcevable agilité ainsi que ma confusion persistante m’empêchent de lui faire le moindre mal. Mais Dwayne tente d’en profiter : il avait pu ramasser une Thompson, et cette fois rien ne l’empêche de faire feu dans le dos de « 6X ». Il lui cisaille un bras, qui se détache et tombe au sol – mais il a vidé son chargeur. « 6X » pousse un hurlement, jette un regard en arrière sur Dwayne, mais c’est toujours de moi qu’il approche, Big Eddie étant lui aussi tout près – la créature amorce un large mouvement destiné à nous attraper tous les deux en même temps. Et nous l’esquivons… mais pas par réflexe : c’est que ses griffes sont devenues intangibles, passant à travers nous sans nous faire le moindre mal ! « 6X » a l’air aussi surpris que nous. Il recule, regarde sa main, l’air incrédule… Une aura l’entoure progressivement. Surpris, il semble se demander si cela vient de nous, mais ce n’est pourtant pas le cas, et nous sommes aussi perplexes que lui… même si Big Eddie trouve assez de ressource en lui-même pour lui balancer une ultime insulte. « 6X » recule, ahuri ; il ramasse son bras mort, et semble vouloir le « recoller » sur son corps – peut-être peut-il se régénérer ? Mais il n’en a de toute façon pas le temps – il siffle comme un serpent, se raidit… Puis : « On… On m’invoque ? » Et il disparaît…

 

IV : L’APRÈS-GUERRE

 

[IV-1 : Anatole : Big Eddie, Vern, Michael Bosworth ; « 6X », Hope] Big Eddie m’appelle, il a besoin de soins ; Vern, qui a repris conscience, vient m’aider. Mais je rate complètement mon coup [échec critique en Premiers Soins]… et Big Eddie s’évanouit. Quand « 6X » a disparu, ses automates sont tombés à terre ; mais les Irlandais survivants, en retournant au canon, nous disent qu’ « il reste des connards en bas »... Ce qui ne m’intéresse pas vraiment : je fixe le cadavre de Michael… et repère aussi le morceau de Hope que « 6X » avait recraché, maintenant asséché. J’en cherche des traces – a-t-elle disparu dans les bois ? Mais c’est peine perdue ; un peu hagard, je vais aider les autres à la ferme… du moins jusqu’à ce que mon arme s’enraye.

 

[IV-2 : Dwayne, Anatole : Seth, Big Eddie, Vern ; Michael Bosworth, Danny O’Bannion, Brienne] Une voiture arrive et nous klaxonne – c’est Seth. Il nous dit que Big Eddie, Dwayne, Michael et moi devons le suivre, les autres finiront le boulot ici. Mais Michael n’est plus là… Après un temps de silence, Seth nous demande si cela a été « rapide » ; je ne réponds pas… Dwayne dit à Vern de tout faire sauter, mais l’artilleur n’avait pas besoin qu’on le lui dise : il aime le boulot bien fait… Nous suivons Seth dans la voiture, et y installons Big Eddie toujours inconscient. Seth ne nous donne pas davantage d’explications : O’Bannion lui a dit de venir nous chercher, et que c’était urgent ; il n’a pas dit un mot de plus. Nous prenons la route de la villa de Danny, à Arkham, et en avons pour une heure de trajet environ – pendant laquelle Big Eddie reprend ses esprits. En route, Dwayne demande à Seth si « tout va bien en ville » ; mais c’est surtout la garçonnière de French Hill Street qui l’inquiète… Seth le rassure : Brienne va bien. Dwayne acquiesce… Il est pris de l’envie de manipuler le crâne orné de caractères aklo – mais ses yeux saignent, et Dwayne range l’étrange relique…

 

[IV-3 : Danny O’Bannion, Seth] Nous arrivons enfin à la villa de Danny O’Bannion. Nulle voiture garée devant ou à l’intérieur, et il n’y a pas de lumière – comme si la demeure était vide ; et il n’y a pas un bruit : tout cela offre un saisissant contraste par rapport au luxe et à l’animation habituels de l’endroit… Seth nous dit de le suivre – à tout prendre, même lui paraît angoissé : il n’agit que parce qu’on lui en a donné l’ordre, et qu’il s’est toujours montré fiable et dévoué. Nous le suivons – et Big Eddie de même, claudiquant.

 

[IV-4 : Dwayne : Danny O’Bannion, Seth] Alors que nous approchons du bureau de Danny, Dwayne entend la voix douce, charismatique et un peu sirupeuse de notre patron – il s’exprime avec courtoisie, avançant que le concept de « coopération » est ce qui « sauvera l’humanité »… Seth s’arrête devant la porte ; un médecin en sort, sa blouse ensanglantée – mais d’un sang d'une nuance bleuâtre ! Le docteur nous dit de patienter encore un peu… Nous entendons tous maintenant la voix de Danny à travers la porte : « Votre entreprise était problématique dès le départ… Vous avez agi en fonction de ce que vous êtes, sans aimer pour autant ce que vous êtes ; cela s'apprend... Après plusieurs siècles, ou plusieurs millénaires, vous reviendrez, et vous échouerez une fois de plus à cause de faibles humains comme nous… Parce que nous savons coopérer. Cependant, si vous aviez des alliés... Nous aurions tous à y gagner… »

 

[IV-5 : Dwayne, Anatole : Big Eddie, Seth, Danny O’Bannion, « 6X »] Big Eddie, furieux, est impossible à contenir – personne n’essaye… Dwayne se recule, par précaution, tandis que Seth quitte précipitamment les environs – quant à moi, je m’éloigne à peine de la porte, mais prêt à dégainer mon arme au plus vite. Big Eddie ouvre la porte en grand : dans le bureau, nous voyons Danny O’Bannion en pleine conversation avec « 6X » sous sa véritable apparence ; et notre patron a l’air amusé… Big Eddie est écœuré : « Patron, putain, c’est pas possible… Pas après tout ce qu’il a fait ! » Il se jette à mains nues sur « 6X » ; Danny, flegmatique, dégaine son flingue et abat son second d’une balle en pleine tête, sans l'ombre d'une hésitation. Puis il se tourne vers Dwayne et moi, qui sommes restés dans l’entrebâillement de la porte, et, dans un sourire, il nous dit : « Avouez-le – nous avons tous rêvé de faire ça… »

 

[IV-6 : Dwayne, Anatole : Danny O’Bannion, « 6X »] Dwayne prend la parole : « Était-ce vraiment nécessaire ? » Je reste en arrière, le visage fermé, dans l’expectative. Dwayne aimerait savoir ce qui se passe au juste... Mais pas encore ; O’Bannion ne répond pas davantage à Dwayne, c’est à « 6X » qu’il parle, lui disant : « Ceci est à vous. » Et il lui tend un paquet cadeau (pas très épais, peut-être un costume dans un emballage ?), assurant son interlocuteur qu'il appréciera cette « apparence ». Puis : « Mes descendants seront ravis de faire affaire avec vous, à votre réveil… » Notre patron et la hideuse créature… se serrent la main. « 6X » baisse un temps les yeux – est-ce l’expression d’une forme de honte ? Mais il se ressaisit : « Soit. Je verrai avec vos descendants. » Il nous regarde un instant… puis disparait. Quant à O’Bannion, il avance pour nous un semblant de justification, d’un ton narquois : « Il mettra mille ans à revenir… Si nos descendants n’ont pas trouvé d’ici-là comment le fumer, c’est qu’ils méritent d’être fumés eux… »

 

[IV-7 : Dwayne, Anatole : Danny O’Bannion ; Michael Bosworth, Brienne, Big Eddie, Radzak, Tess McClure] O’Bannion nous adresse un grand sourire ravi. D’un ton peut-être un peu railleur, il nous suggère d’en profiter – car il est d’excellente humeur. Nous lui parlons de la mort de Michael – il évacue le problème d’un geste de la main : il paiera les funérailles… Mais c’est l’heure de notre récompense ! Dwayne est le premier à répondre : « Vous savez ce que je veux par-dessus tout – et c’est là tête de celui qui était assis là il n’y a pas deux minutes… » O’Bannion balaie cette remarque : « Avec Brienne, vous comptez avoir des descendants ? » Avant que Dwayne ait le temps de répondre, des gardes arrivent dans la pièce – O’Bannion leur dit de dégager le cadavre de Big Eddie. Puis il reprend – mais en parlant de « 6X » : « Ça fait quatre fois… Et chaque fois, il se venge... » Dwayne tente de parler du marché conclu avec Radzak et Tess : nous n’avons plus que trois jours, après quoi « quelqu’un d’autre » viendra, pour « s’occuper » de BrienneO’Bannion n’a pas l’air très inquiet : Dwayne aurait besoin de « protection » ? Oui : « Et en face, c’est vraiment du lourd… » Mais O’Bannion lui demande ses intentions pour la suite ; il ne doute pas que Brienne et Dwayne passeront des jours heureux dans la grande ferme des parents de la jeune femme, en Irlande… Il fera en sorte que cela se passe bien ainsi.

 

[IV-8 : Anatole, Dwayne : Danny O’Bannion] Puis O’Bannion se tourne vers moi : qu’est-ce que je souhaite ? Il m'assure qu'il saura se montrer généreux… Je reste d’abord silencieux, monolithique. O’Bannion me presse de parler, d’un mouvement du bras un brin agacé. Je bredouille quelques remarques fatalistes sur « les généraux »… O’Bannion m’intime de me montrer plus concret – il a l’air horripilé par notre comportement à Dwayne et à moi. Je dis enfin que je veux « un endroit tranquille – ailleurs… » Une suggestion ? Oui – retourner à New York, ça serait bien… De quoi voir venir… Une machine à écrire… C'est entendu. Nous n’avons rien à rajouter ? Non… Danny O’Bannion se retire, nous laissant seuls tous deux, écœurés.

Reste un ultime compte rendu, consacré aux épilogues de nos personnages... C'est ici.

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (32)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (32)

Trente-deuxième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

La joueuse incarnant Romy était absente. Les PJ présents étaient donc Dwayne O’Brady, Michael Bosworth, et, en ce qui me concerne, le garde du corps aux ambitions d’écrivain Anatole « Froggy » Despart. Toutefois, le joueur incarnant Michael Bosworth n’est arrivé que tardivement ; la majeure partie de la séance a donc été jouée à deux PJ.

 

I : TOUT FEU TOUT FLAMME

 

[I-1 : Dwayne] Dwayne avait tenté de rester discret pour pénétrer dans la pièce, mais il a aussitôt croisé du regard le jeune homme qui s’y trouvait, moins de trente ans, et qui travaillait sur une table recouverte de feuilles annotées, tout en écoutant son mélange personnel de musique classique, et de cris de douleur et de supplication, diffusés en même temps par deux gramophones. Surpris, le jeune homme n’en a pas moins eu une réaction très vive – il s’est levé aussitôt, répandant par terre ses feuillets, et s’est réfugié derrière une armoire ; là, nous l’avons entendu psalmodier à voix basse…

 

[I-2 : Dwayne, Anatole : Cthugha] Dwayne, aussitôt, me dit de foncer sur l’inconnu – même s’il avance de son côté qu’il pourrait être utile de discuter… Un peu tard ; je me précipite sur le jeune homme, matraque en main, mais l’environnement encombré ne me facilite pas la tâche, et mon gabarit pas davantage… Quand j’arrive à proximité du jeune homme, sans avoir pu lui porter un coup, il s’arrête de psalmodier, l’air soulagé – et je perçois bientôt comme des grésillements… Un voile de flammes apparaît, qui le recouvre entièrement ! Ce n’est pas qu’il prend feu – plutôt qu’il est revêtu d’un manteau de flammes, qui le protège et, tout à la fois, émet une chaleur intense. Sur le moment, je me demande même si mes cheveux et vêtement ne vont pas y passer… Quoi qu’il en soit, l’étudiant s’exclame : « Loué soit Cthugha ! » Puis il tend ses mains dans ma direction – et je ressens une soudaine bouffée de chaleur… Je me recule prestement et dégaine mon .45 amélioré.

 

[I-3 : Dwayne, Anatole] Dwayne n’essaye plus de discuter ; lui aussi a dégainé son pistolet, mais je suis sur sa trajectoire de tir… Il se déplace pour ajuster au mieux son attaque, passant de l’autre côté de la table.

 

[I-4 : Anatole] Mon agresseur est plus rapide que moi, même si ça se joue à pas grand-chose. Je parviens cependant à éviter sa main enflammée, qu’il tendait dans ma direction. J’ai par ailleurs remarqué qu’il n’était pas en mesure de fermer le poing – il avait essayé, mais avait visiblement ressenti alors une vive douleur, et s’était brûlé lui-même… Il se contente donc de tendre les doigts, cherchant à les planter dans mon torse. Je ressens de plus en plus la chaleur…

 

[I-5 : Michael Bosworth, Romy] Michael est inquiet… pour son oiseau. Il se tient à distance, et caresse tendrement la petite tête du canari… Romy reste elle aussi dehors, mais prête à intercepter notre adversaire s’il venait à franchir la porte.

 

[I-6 : Dwayne, Anatole] Dwayne est maintenant en position, et fait feu par deux fois. Les balles passent bien à côté de moi, je ne courais aucun risque. Mais elles ne semblent pas atteindre leur cible… Par réflexe, je recule et constate qu’une des deux balles a fondu quand elle a atteint le manteau de feu ; quant à l’autre balle, elle a été déviée au tout dernier moment – par un courant d’air chaud ? Elle se loge dans un des crânes du mur, qu’elle fait exploser, répandant des éclats d’os partout…

 

[I-7 : Anatole] L’état de notre adversaire oscille en permanence : un moment il est pleinement confiant, certain de ce qu’il va nous détruire ; le suivant, il est bien obligé d’admettre qu’il n’est pas très sûr de ce qu’il fait au juste… Sentiment qui tend à s’accroître ? En tout cas, je le vois se brûler à plusieurs reprises… Ma manche droite, trop proche du manteau de feu, ne s’est pas enflammée : elle a instantanément été réduite en cendres… Je décide de tenter autre chose : je m’empare des papiers sur lesquels notre adversaire travaillait quand il nous a vus, et les lui jette dessus – espérant vainement qu’il y tiendrait trop pour risquer de les anéantir de ses flammes. Et je bouge en permanence, me trouvant toujours de l’autre côté de la table par rapport à lui. Le papier que je lui avais balancé à la figure brûle instantanément ; je ne sais pas s’il a conscience de ce dont il s’agit… Mais l’incandescence rapide l’aveugle un instant, et il s’en retrouve mal à l’aise. Il lève cependant de nouveau ses mains, et les tend devant lui ; je comprends qu’il ne cherche plus à me saisir, mais compte projeter des flammes dans ma direction. Toutefois, dans un soupir de soulagement, je constate qu’il n’est pas tout à fait au point à cet égard… Il pousse un cri de douleur – s’est-il à nouveau brûlé ? Mais il parvient après coup à projeter des flammes ainsi qu’il le souhaitait ! Cependant, elles ne sont pas en mesure de m’atteindre – elles filent vers l’armoire, qui s’enflamme aussitôt… Mais le sorcier est mal en point : il ne cesse de tousser, visiblement à deux doigts de l’asphyxie… Mais il reprend toujours ses esprits, et continue d’avancer sur nous…

 

[I-8 : Dwayne, Anatole] Dwayne s’est déplacé furtivement en longeant le mur ; il se poste à l’entrée de la pièce. Toujours sous la menace du sorcier, je lui balance sa table dessus. Il pousse un couinement de douleur et recule légèrement – je l’ai atteint avec la table, mais elle s’enflamme très rapidement. Je tente alors de me replier près de Dwayne… mais c’est une occasion pour notre adversaire de faire un tir groupé : il projette ses flammes dans notre direction – je m’en sors relativement bien (manche du bras gauche enflammée, toutefois), mais Dwayne est sévèrement touché, même s’il a pu esquiver une partie des flammes qui lui étaient destinées… Il prend feu aussitôt, et se roule par terre pour éteindre les flammes, franchissant ainsi la porte… Conscient de son état de torche humaine, je sors à mon tour – cette fois en prenant bien soin de ne pas susciter une nouvelle occasion de tir groupé, et, une fois dehors, je ferme la porte derrière moi.

 

[I-9 : Dwayne/« Leonard Border » : Romy, Michael Bowsorth] Romy tente d’aider Dwayne, mais n’arrive à rien. Ses propres vêtements commençant à s’enflammer, elle s’interrompt pour les éteindre. Michael, lui, n’accorde d’attention qu’à son pioupiou… De l’autre côté de la porte, le jeune homme nous traite de lâches, nous mettant au défi de revenir affronter notre mort ; il inonde la porte d’un torrent de flammes – elle commence à se gondoler, et de la fumée s’en échappe… Dwayne, cependant, n’est plus en feu. [Il a toutefois perdu un point d’APP – c’est sa véritable apparence qui est affectée, non celle de Leonard Border.]

 

[I-10 : Anatole] Jetant un coup d’œil au couloir, je me rends compte que la porte que nous avions franchie depuis l’abîme bouge… C’est notre cobaye, qui est ressorti, et qui la manipule pour nous enfermer dans le couloir ! Je me précipite dans sa direction, et l’atteins alors qu’il cherche à faire tomber la porte. Je n’ai toutefois pas le temps de le frapper : bien que surpris, et bien que handicapé, il laisse là la porte et se retire – mais son genou ne lui permet pas d’aller bien loin… Il s’étend par terre, incapable de quoi que ce soit. Je donne un grand coup dans son genou déjà très abimé, ce qui le fait hurler de douleur – il n’y reste plus guère que quelques lambeaux de peau en guise d’articulation… Il ne tarde pas à s’évanouir.

 

[I-11 : Dwayne, Anatole : Romy, Michael Bosworth] Dwayne voit la porte devant lui se gondoler ; au travers, il entend notre adversaire tousser fortement – l’asphyxie ? Quoi qu’il en soit, Dwayne dit à Romy qu’il leur faut partir (il ne prête plus attention à Michael, qui est dans son monde…). Ils voient tous deux que je suis retourné à l’entrée du couloir, et viennent me rejoindre – Romy en courant, Dwayne en peinant avec ses semelles fondues qui collent au sol… Michael suit lui aussi, à son rythme…

 

[I-12 : Dwayne, Anatole : Romy] Dwayne franchit la porte donnant sur la plateforme, puis emprunte à nouveau l’autre porte, ramenant à l’hôtel – en quête d’eau. Romy le suit et l’aide. Je les suis également, peu désireux de rester seul… Mais je leur dis que notre adversaire ne semble pas en mesure de continuer ainsi très longtemps : ça l’épuise et le blesse, il faut en profiter, ne surtout pas lui laisser le temps de se reprendre… Nous trouvons des seaux à champagne que nous remplissons d’eau. Dwayne se munit aussi d’un linge mouillé en guise de masque.

 

[I-13 : Michael Bosworth] Nous retournons dans le couloir de l’ossuaire. En chemin, nous croisons Michael, qui s’était arrête sur la plateforme, et qui désignait à son canari notre cobaye au genou éclaté : « Ça, c’est un méchant… C’est ce qu’on fait aux méchants… Mais moi je te protègerai ! »

 

[I-14 : Dwayne] De retour dans le couloir, nous voyons la porte du bureau de l’étudiant s’entrouvrir. Et la franchit une silhouette humaine littéralement carbonisée – elle n’a plus de cheveux, ses yeux ont fondu… Elle chancelle, sa respiration est douloureuse… puis elle s’effondre par terre. Dwayne s’en approche, et nargue l’apprenti sorcier : « Alors ? On est revenus… » Mais il n’obtient pas de réponse de la créature fumant de toutes parts. Dwayne lui déverse des glaçons dessus, ce qui suscite un mouvement réflexe… puis plus rien : notre adversaire est mort.

 

II : LAISSEZ BRÛLER LES PETITS PAPIERS

 

[II-1 : Anatole] Je vais jeter un œil à la pièce – elle est ravagée, comme après un incendie : tout le bois et le papier ont brûlé, les gramophones ont fondu… Il y a une porte à l’autre bout – faite du même métal que la première. Il y a encore des flammèches çà et là, et la chaleur demeure élevée.

 

[II-2 : Anatole, Dwayne : Michael Bosworth] Mais je rejoins les autres, et nous nous dirigeons vers la dernière porte du couloir. Dwayne tend l’oreille, mais n’entend rien. Il ouvre discrètement la porte – c’est une pièce très similaire à la précédente, mais mieux entretenue ; il n’y a pas ici de gramophones, mais davantage encore de papier, par contre. Dwayne dit à Michael que c’est un endroit sûr : « Parfait pour ton oiseau ! » Et il lui fait signe d’entrer. Mais Michael est sceptique : dans ce cas, pourquoi Dwayne n’y va-t-il pas lui-même ? Dwayne grommelle – reprochant à Michael de n’avoir absolument rien fait pour nous aider…

 

[II-3 : Dwayne, Anatole] Il y a là aussi une porte au fond de la pièce – la disposition laissant supposer qu’elle donne sur une autre salle, et la même que celle à laquelle on pourrait accéder depuis la porte du fond du bureau ravagé par les flammes. Une besace est accrochée à un fauteuil, à côté de la table de travail recouverte de papiers divers. Dwayne s’intéresse au sac, et moi aux papiers.

 

[II-4 : Anatole : Hippolyte Templesmith/« 6X », Andrew Stuart] Ces derniers sont bien rangés. Une note d’une encre relativement fraîche, et signée « 6X », est posée au centre de la table. Sinon, il s’agit pour l’essentiel de travaux d’ordre historique, surtout en rapport avec l’Antiquité gréco-romaine, d’essais astronomiques ou astrologiques également ; on y trouve enfin des documents moins définis, entre le carnet de notes et le journal – et ce sont ces derniers que je lis en priorité :

 

Elle ne craint rien, si ce n’est la magie et le signe des anciens ; je rigole en imaginant le pauvre bougre essayant de la libérer. Étonnant de voir qu’une créature si puissante et supérieure à nous poursuive des déplacements rémanents à son cycle d’existence. Dire que nous allons l’enfermer, l’assujettir. Qu’elle pourrait croupir pour l’éternité, si nous le désirions. Notre pouvoir est énorme… J’ai eu un instant un souvenir d’Andrew quand Hippolyte m’a adressé son plan. Il est vrai que le talent mathématique de Stuart m’aurait épargné des efforts, mais cet imbécile, de par sa naïveté et sa stupide bienveillance innée, n’aurait véritablement pu être utile qu’en tant que sacrifice. J’ai grande hâte que 6X m’avoue le but final de cette manœuvre et démonstration de force. Le rituel doit avoir lieu à minuit pile, lors de la veillée de Noël à la ferme des Gardner. Les feux d’artifices d’Arkham devraient totalement couvrir notre action….

 

[II-5 : Dwayne : Pierce Hawthorne] Dwayne soupèse le sac avant de l’ouvrir – des choses teintent à l’intérieur. Il pèse entre un et deux kilogrammes. À l’intérieur se trouve un crâne, recouvert d’une écriture aklo en spirale, et avec des billes de verre à la place des yeux. Mais cette dépouille n’est pas tout à fait humaine… Elle évoque à nouveau une sorte d’hybride entre l’homme et le reptile. Le reste du contenu du sac n’a pas autant de valeur : une pipe, du tabac… Probablement les affaires personnelles de Pierce Hawthorne ?

 

[II-6 : Dwayne, Anatole : Romy, Michael Bosworth ; Herbert West, Hardwicke, Hippolyte Templesmith/« 6X »] Dwayne décide alors d’étudier ainsi que moi les papiers – avec un objectif plus précis en tête : trouver comment sortir d’ici… Romy s’y met également, tandis que Michael fouille les armoires – où il trouve d’autres documents historiques (gréco-romains) ou astronomiques… ainsi que des bocaux évoquant immanquablement l’antre d’un sorcier, et contenant des herbes étranges, des dépouilles d’animaux inconnus, etc. Parmi les divers papiers, nous trouvons notamment une lettre courroucée contre « cet imbécile de Herbert West » qui a refusé de rejoindre leur alliance ; mais aussi un appel aux Hardwicke, afin qu’ils viennent les rejoindre ; le nom de « 6X » figure partout.

 

[II-7 : Dwayne, Anatole : Hippolyte Templesmith/« 6X »] Dwayne lit aussi le message signé « 6X » au centre du bureau ; à l’évidence récent, il emploie un ton très sec, impératif, ne laissant aucun choix aux destinataires : il exige qu’ils finissent leur travail à la ferme des Gardner, afin d’ « ouvrir les vannes » ; et il n’acceptera aucune excuse.

 

[La référence à la ferme des Gardner m’était inconnue, n’ayant jusqu’alors jamais mis les pieds à Arkham ; mais Dwayne, par contre, sait très bien de quoi il s’agit : cela renvoie à la « Lande foudroyée », à proximité d’Arkham, où la chute d’une météorite, il y a longtemps de cela, avait entraîné le dépérissement d’une famille de fermiers, les Gardnercf. « The Colour Out of Space ».]

 

III : DOES NOT COMPUTE

 

[III-1 : Dwayne] Nous nous rendons à la porte du fond – un très léger cliquètement métallique, régulier et multiple, en émane. Dwayne ouvre prudemment la porte. Nous voyons derrière comme un écran plat transparent, d’un mètre cinquante de hauteur pour deux à trois mètres de longueur, posé sur une table ; tout autour de l’écran, sur la table, se trouvent nombre de claviers de machines à écrire, soudés ensemble et reliés à l’écran ; tout autour, il y a comme des bornes fichées dans le sol, qui émettent un vague glougloutement – un système de refroidissement ? Les claviers, par ailleurs, ne sont pas tous adaptés aux caractères anglais – on y trouve bien d’autres langues, et même de l’aklo. Nous distinguons aussi un clavier particulier en ce qu’il arbore un gros interrupteur, marqué « on/off » (et qui est présentement sur « off »).

 

[III-2 : Anatole, Dwayne : Hippolyte Templesmith] Je me demande de quoi il s’agit, mais suppose que cela doit être une sorte de machine à calculer – les claviers servant à entrer les données. Dwayne se demande quant à lui si la machine fait usage des petites boîtes de Templesmith – pourraient-elles faire office de cerveau pour la machine ? Il y en a çà et là, reliées à l’ensemble… Je suis mortellement curieux, j’ai envie de l’utiliser… J’adresse des coups d’œil éloquents à Dwayne – qui est sceptique, mais me laisse faire… J’abaisse l’interrupteur sur « on ». De nombreux déclics se font entendre – mais aussi d’autres bruits, plus spongieux, et répugnants… Le système de refroidissement fait davantage de bruit, et les petites boîtes s’agitent très légèrement… Puis l’écran s’illumine – devenant une surface recouverte de caractères aklo ; la lumière donne l’impression d’un circuit imprimé sur l’écran. Pendant une minute, je ressens une certaine angoisse… puis la machine se met à diffuser des images mouvantes, comme au cinéma – mais pas en noir et blanc : en couleur. J’ai l’impression d’une vision de l’espace – avec la Terre, petite, dans le coin inférieur gauche de l’écran. Au centre se trouve un nuage massif d’une couleur indéfinissable, qui se meut lentement, croisant des astéroïdes ou des étoiles… Je crois aussi voir comme un bateau voguant dans le vide ! Mais le nuage retient bien davantage mon attention – j’y vois une forme de vie, gazeuse peut-être, protéiforme en tout cas, et qui se dirige vers la Terre. On trouve également sur l’écran des données écrites, comme des commentaires – mais en aklo… À gauche de l’écran, il y a une colonne de calculs, qui défilent sans cesse. Intrigué, je tape n’importe quoi sur un clavier : à l’écran apparaît la formule « Does not compute ». Les calculs s’interrompent un bref instant, mais reprennent aussitôt.

 

[III-3 : Dwayne] Dwayne, pendant ce temps, regarde à nouveau le crâne de sa besace ; il étudie tout particulièrement la séquence de caractères aklo qui en fait le tour – il est pris de l’envie de taper cette séquence sur un clavier – ce qui prend du temps : il lui faut bien identifier chaque caractère et trouver comment le taper…

 

[III-4 : Anatole : Dwayne O’Brady ; Hippolyte Templesmith/« 6X », Pierce Hawthorne] En attendant, je vais jeter un œil aux documents astronomiques de la pièce précédente. Ils me laissent comprendre qu’il s’agissait d’essayer de localiser précisément quelque chose dans l’espace. Ils disent que « la machine de ʺ6Xʺ », parfois appelée « ordinateur », leur a été d’un grand secours. Je comprends que la chose qu’ils cherchaient, et qui apparaît à l’écran, correspond à la « créature » mentionnée dans les notes de Pierce Hawthorne que j’avais lues un peu plus tôt. Mais les données ultérieures n’ont plus rien à voir avec de l’astronomie – elles relèvent des sciences occultes, détaillant nombre de sortilèges destinés à « entraver » la créature… Par ailleurs, suite aux remarques de Dwayne, j’établis un lien entre la créature et la « Lande Foudroyée » : « 6X » et ses alliés veulent la capturer, de toute évidence – je ne sais pas dans quel but, mais la mention « ouvrez les vannes » dans le précédent document m’inquiète ; les rituels sont décrits avec précision, ce qui inclut aussi bien les sacrifices « nécessaires » que d’improbables noms de divinités à contacter…

 

[III-5 : Dwayne : Hippolyte Templesmith/« 6X »] Dwayne a fini de taper sa séquence en aklo – qui s’est inscrite au centre de l’écran. Il voit que le clavier présente une touche « Entrer », et finit par appuyer dessus. Il y a un léger scintillement à l’écran – évoquant un travail de trop ? Mais apparaissent ensuite des choix – toujours en aklo, mais numérotés avec des chiffres arabes : 1, 2, 3. Dwayne hésite un instant, puis tape « 1 ». Nouveau scintillement. Apparaît cette fois un texte en anglais :

 

Traduction : S’il survit malgré lui, le concepteur de « 6X », incapable de comprendre la grandeur de sa réalisation, subira le martyre pour l’éternité – et pour mon plus grand plaisir. [Signé :] « 6X » [Suivent des insultes.]

 

[III-6 : Dwayne, Anatole : Hippolyte Templesmith/« 6X »] Dwayne comprend que le crâne appartenait à un grand-prêtre du Peuple Serpent, que « 6X » nargue… Il sent la mâchoire du crâne s’entrouvrir – à peine. Il y regarde de plus près – peut-être y a-t-il une cavité à l’intérieur ? Mais la mâchoire se resserre – et le crâne pleure des larmes de sang. Dwayne me demande de l'aider ; n’espérant plus tirer quoi que ce soit des documents astronomiques ou ésotériques, je le rejoins. En forçant, je parviens à abaisser la mâchoire inférieure du crâne – qui résiste pourtant, en dépit de l’absence de tendons : c’est comme si elle ne « voulait » pas être ouverte… Mais je finis par l’écarter suffisamment pour dévoiler un logement cubique destiné à accueillir une des petites boîtes de Templesmith – c’est ce que Dwayne cherchait, et il m’explique ce qu’il en sait : cela sert surtout à ouvrir des « portes », et il a quelques-unes de ces boîtes sur lui… J’acquiesce, me fiant à son expérience. Dwayne insère une boîte – sans effet… Sinon que la mâchoire « veut » à nouveau se refermer. Dwayne ôte alors cette boîte, et en essaye une autre – cette fois, la mâchoire se ferme aussitôt, dans un claquement bruyant, sans que j’aie rien pu y faire. Et nous nous évanouissons tous…

 

IV : COURS (MAGISTRAL)

 

[IV-1 : Dwayne, Anatole : Romy, Michael Bosworth ; Pierce Hawthorne] Nous reprenons connaissance tous les quatre dans un bureau ; à travers la fenêtre, nous voyons un parc qui semble terrien, un soleil « normal »… C’est un énorme soulagement : nous sommes enfin retournés chez nous ! Romy n’en revient pas… Mais Dwayne reconnaît les espaces verts du campus de l’Université Miskatonic, à Arkham. Nous sommes encore pâteux, toutefois – Michael surtout… Un examen un peu plus soutenu nous permet de déterminer que nous sommes au deuxième étage d’un bâtiment de l’Université – dans le bureau de Pierce Hawthorne. Michael se réveille enfin – mais, quand il s’était évanoui, il avait inconsciemment laissé échapper son canari ; le petit oiseau nous a suivis dans notre retour sur Terre, mais il volète çà et là, et Michael essaye de l’attraper délicatement. Je n’ai aucune idée d’où je suis – mais Dwayne me l’explique. Il précise quand même que « ce n’est pas fini »… Dwayne entreprend de fouiller le bureau de Pierce Hawthorne. Michael, obsédé par son oiseau, nous ignore totalement – au point de nous rentrer dedans à plusieurs reprises…

 

[IV-2 : Dwayne, Anatole : Michael Bosworth, Romy ; Pierce Hawthorne] Mais Dwayne entend alors des bruits dans le couloir – des bruits de pas qui s’approchent… Tendant l’oreille, il identifie la voix d’un policier – qu’il sait être corrompu par « le Milieu ». L’autre personnage est sans doute un employé – ils bavardent en chemin, mais aucun doute sur leur destination : c’est bien le bureau de Pierce Hawthorne… Ils arriveront bientôt – et il nous est impossible de nous cacher dans cette pièce… Je regarde à mon tour par la fenêtre : c’est le milieu de matinée, étudiants et professeurs se promènent dans les parcs en dessous… Une issue envisageable, malgré tout, mais nous manquons de temps ! Dwayne laisserait bien Michael attirer l’attention de nos visiteurs – il se cale contre un mur, moi de même à un autre endroit, tandis que Romy, plus leste et plus petite, parvient à se cacher.

 

[IV-3 : Anatole, Dwayne/« Leonard Border » : Michael Bosworth ; Pierce Hawthorne, Leonard Border, Danny O’Bannion/« M. O… »] La porte s’ouvre au moment même où Michael attrape enfin son petit oiseau… Le flic et l’employé sont ébahis. Ils ne reconnaissent pas l’intrus… pas plus qu’ils ne me reconnaissent moi, or ils m'ont très vite repéré. Le policier – alerté par ma carrure et mes vêtements dans un triste état après le combat contre l’apprenti sorcier – dégaine aussitôt son pistolet et me braque : « Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous faites ici ? » Bien que peu porté sur le baratin, et en dépit de ma mise improbable, je tente instinctivement de prétendre avoir un rendez-vous avec le professeur Hawthorne – et de m’offusquer du comportement inqualifiable du policier. Bien sûr, il ne me croit pas un seul instant – mes vêtements brûlés suffisent amplement à le convaincre que tout cela est plus que louche… Je lui suggère de « discuter plus posément », sans grand espoir. Dwayne, qui n’avait pas encore été aperçu, se glisse discrètement dans le dos du policier, et lui cale son pistolet dans le dos – lui laissant cependant le champ pour se retourner. Mais Dwayne a toujours l’apparence de Leonard Border – le flic pourri connaissait bien Dwayne, mais ce n’est pas lui qu’il voit… Stupéfait, il lâche « Border ? Qu’est-ce que… » Incrédule, il avance que c’est bien la première fois qu’il se fait braquer par un journaliste… Mais il se reprend aussitôt, et, catégorique : « POSE TON ARME ! » Dwayne – qui ne camoufle pas sa voix, mais sans effet sur le flic – lui dit qu’ils vont discuter… Mais le policier n’est pas disposé à l’écouter : « Tu sais ce qui arrive à ceux qui agressent des flics ? » Visiblement nerveux, il répète : « POSE TON ARME ! » Dwayne lui dit alors qu’un certain « M. O… » ne sera pas très content – ce même « M. O… » qui lui graisse la patte… Il dit par ailleurs à l’employé de ne pas faire le moindre geste (ce dernier recule… mais je lui fais signe, du doigt, de ne pas déconner, en indiquant de la tête la scène qui se joue à côté de lui, et ça l’interrompt). Michael, quant à lui, recule de son côté et se plaque contre le mur, en tenant bien fort son petit oiseau contre lui…

 

[C’est à ce moment que le joueur incarnant Michael Bosworth nous a rejoints.]

 

[IV-4 : Dwayne] Mais le flic ne comprend rien à rien, tout cela est bien trop bizarre… Il enjoint encore Dwayne de poser son arme – préalable indispensable à une conversation au calme. Dwayne se dit prêt à le faire – à la condition que le policier fasse de même : ils seront ainsi à même de discuter posément. Quant à l’employé, pas de bêtise ! Dwayne baisse son arme. Le policier lui dit que ce n’est pas suffisant : qu’il la pose par terre ! Dwayne obtempère ; le flic pose le pied dessus, et sort des menottes. Dwayne : « On ne devait pas discuter ? » Si… mais pas sans ce préalable ! Dwayne prend les menottes… mais son geste trop brusque a surpris le policier, qui tente par réflexe de lui donner un coup de crosse dans les dents ! Dwayne l’évite sans souci : « Mais putain, pourquoi… ? »

 

[IV-5 : Anatole, Dwayne, Michael : Romy] Je m’approche instinctivement, et le policier s’en rend compte. Au même moment surgit Romy – dans sa tenue de bunny ! Elle pleurniche : « À l’aide, ils voulaient m’enlever ! » Elle se jette dans les bras du policier – mais pour le neutraliser ! Je fonce aussitôt sur lui, tandis que Dwayne essaye de faire tomber le pistolet de notre adversaire. Michael, bien que toujours dans la lune et obnubilé par son canari (qu’il tient dans sa main droite), vient néanmoins à notre secours ; il tente de donner un coup de coude au policier… mais, craignant de trop serrer son poing par réflexe et d’écraser son compagnon à plumes, il retient son coup. Peu importe : je donne au policier un coup de matraque sur le crâne, et l’assomme pour le compte.

 

[IV-6 : Dwayne] Mais l’employé s’enfuit… Dwayne se lance à ses trousses, mais, connaissant moins bien l’environnement que le fuyard, lequel le connaît par cœur, il ne tarde guère à se faire distancer.

 

[IV-7 : Dwayne : Romy] Dwayne retourne auprès de nous. Il prend soin d’écrire à la hâte un petit mot destiné au policier, pour l’heure inconscient : il doit camoufler cette histoire ! Il sait pour qui, et comment il en sera récompensé… Mais Romy ne tient plus en place : nous sommes pressés, il nous faut partir ! En effet : des gens sont sortis dans le couloir, alertés par les injonctions du policier et les bruits de lutte qui avaient suivi – et l’employé, en fuyant, n’avait pas manqué d’appeler à l’aide…

 

[IV-8 : Dwayne, Michael, Anatole : Romy] Peut-être pouvons-nous nous enfuir par la fenêtre ? Dwayne va y jeter un œil : une gouttière est accessible depuis le rebord… C’est notre issue – et tant pis pour les gens dans le parc ! Dwayne entame la descente. Romy, prestement, le suit – au point où elle est bien vite gênée par son prédécesseur, assez agile, néanmoins plus lent qu’elle. Michael suit – toujours obsédé par la crainte de faire mal à son canari… Insuffisamment concentré, il glisse… mais se rattrape in extremis à une fenêtre. La gouttière, cependant, en a été affectée, et a commencé à se détacher du mur… Je sais de toute façon qu’elle ne tiendra pas pour moi, je suis probablement trop lourd – mais je parviens à me débrouiller avec les rebords des fenêtres, je m’en tire même bien mieux que je ne le pensais.

 

[IV-9 : Dwayne : Danny O’Bannion] Dehors, les gens stupéfaits assistent à la scène – ils ne sont pas encore une foule, mais ça ne va pas forcément tarder. Et certains crient déjà : « Au voleur ! » Tandis que d’autres nous intiment de rester sur place… Mais pas question : nous fuyons ! Mais par où ? Dwayne réfléchit à la planque la plus proche et la plus appropriée : la villa de Danny O’Bannion ? Mais, dans l’immédiat, vaut-il mieux passer par le parc, ou rejoindre immédiatement la route ? Dwayne se décide pour le parc, et nous le suivons – plus par instinct qu’autre chose. En chemin, nombre de badauds nous interpellent, mais ils ne sont pas assez vaillants pour chercher à nous arrêter, ou même à nous suivre. En empruntant les zones les plus boisées, nous parvenons à les distancer – et débouchons sur un quartier résidentiel, où passent quelques voitures.

 

[IV-10 : Dwayne/« Leonard Border » : Leonard Border, Danny O’Bannion] Dwayne repère un taxi – et de la Compagnie du Trèfle ! Il lui fait signe. Le taxi s’arrête, mais le chauffeur est incrédule : « Mais c’est Border ! J’ai vu vot’ visage dans l’journal… Z’étiez pas disparu ? » Dwayne se contente de dire que non, sort un billet et indique sa destination – sans en donner l’adresse exacte, c’est bien de la villa de Danny O’Bannion qu’il parle. Sans doute le chauffeur le comprend-il très bien – je le vois cligner des yeux quand Dwayne lui donne cette adresse approximative. Mais il prend le billet, sans ajouter un mot de plus, et nous conduit tous quatre là-bas…

 

V : CHALEUREUSES RETROUVAILLES

 

[V-1 : Dwayne : Danny O’Bannion] Le chauffeur arrête son taxi un peu avant le portail de la villa de Danny O’Bannion. Dwayne le remercie, et nous sortons tous du véhicule – mais à peine avons-nous mis le pied dehors que le chauffeur appuie sur l’accélérateur, pour s’arrêter brusquement au niveau du portail : là, il dit quelque chose en irlandais aux gardes – il y a une bande de gars bizarres qui arrivent, faut s’en occuper ! Les gardes ouvrent le portail, ils sont armés – le chauffeur aussi, qui s’est précipité dehors pour ouvrir son coffre et en extraire un fusil de chasse…

 

[V-2 : Dwayne/« Leonard Border », Michael : Leonard Border] Les gardes nous disent de rentrer, armes en mains. Mais, de toute façon, nous sommes venus pour ça… Dwayne répond que nous arrivons – en irlandais. C’est alors seulement qu’un des gardes reconnaît Michael – il le saisit par le coude, et l’emmène en direction de sa guérite, tandis que nous autres sommes conduits à l’écart. Le garde demande à Michael avec qui il traîne… Avec qui il peut ! « Nous revenons de l’Enfer… » Le garde interloqué acquiesce, et lui dit de se calmer – il y a du café et du whisky, qu’il se serve… Mais Michael lui demande s’il n’aurait pas aussi de l’eau – c’est pour son petit oiseau… « Euh… ouais… » Dwayne, voyant que Michael est conduit à l’écart, lui dit d’expliquer qui il est. Mais les gardes l’interrompent aussitôt : « Ta gueule ! » Ils nous conduisent dans un cabanon… Michael est stupéfait : « Mais c’est Dwayne ! Pourquoi vous faites ça ? » Le garde lui tend un journal traitant de la disparition de Leonard Border. Michael explique que « ces gars ont fait des trucs extraordinaires… Lui, en apparence, c’est Leonard Border, mais, en dessous, c’est Dwayne… » Le garde est étonné… OK, ils vont attendre le patron. Michael prend un verre d’eau, et y fait boire son canari. Le garde plus que jamais décontenancé lui dit qu’il a l’air d’en avoir chié… Michael lui répond : « T’as pas idée ! Être à poil au milieu d’une bande d’Italiens, à côté, c’est rien ! »

 

[V-3 : Anatole, Dwayne/« Leonard Border » : Romy ; Leonard Border] Romy et moi entrons dans le cabanon – les gardes disent à « Border » de rester dehors. Je sais bien sûr que nous sommes au cœur de la pègre irlandaise d’ArkhamDwayne, dehors, parle – toujours en irlandais –, expliquant sans cesse qu’il n’est pas Leonard Border, mais Dwayne, qu’ils connaissent bien ; d’ailleurs, sa voix… Mais les gardes n’en sont que davantage énervés, ce discours les met profondément mal à l’aise ; ils s’en tiennent peu ou prou à une unique réplique : « Ta gueule ! »

 

[V-4 : Dwayne/« Leonard Border » : « .45 » ; Leonard Border, Vinnie] Mais c’est alors qu’une silhouette reconnaissable sort de la villa : Dwayne voit « .45 », qui s’approche de lui, et l’observe avec une grande attention. « C’est moi, ʺ.45ʺ ! Tu me reconnais, hein ? » « .45 » lui demande les noms de ses parents et grands-parents, et Dwayne répond : « OK, c’est bien lui… » Mais qu’en est-il des deux dans le cabanon ? Dwayne répond que, sans aller jusqu'à dire qu’ils sont de ses amis, ils sont du moins de son côté – de leur côté ; ils l’ont beaucoup aidé – il ne faut pas leur faire de mal. D’autant qu’ils ont encore du boulot… « .45 » ne relève pas, mais demande à Dwayne s’il a des nouvelles de Vinnie : non – il ne l’a pas vu depuis le gala ; sans doute est-il coincé « là-bas »… Mais justement : « .45 » lui demande où il était passé depuis. Dwayne, un peu gêné : « C’est difficile à croire… mais tu nous as vu faire un rituel ; il y avait de ça, et on a été… transportés… ailleurs, dans un autre endroit… »

 

[V-5 : Dwayne : Seth, Romy, Anatole « Froggy » Despart] C’est alors qu’une limousine fait son apparition – avec Seth à son bord ; sans se montrer menaçant, il nous invite tous à monter à bord, à ses côtés. Dwayne nous dit, à Romy et moi, de « laisser faire » : ça va se tasser…

 

[V-6 : Dwayne : « .45 » ; Hippolyte Templesmith, les Carlysle] Monté à bord, Dwayne demande s’ils ont des informations quant à ce qui s’est dit à propos du gala… « .45 » émet un rire nerveux. Nous sommes en route vers Le Trèfle, il y a d’autres gardes armés dans le véhicule – qui s’arrête à un kiosque à journaux, où un de ces derniers récupère de quoi faire une revue de presse ; il balance les journaux à Dwayne. L’Observateur et la Gazette d’Arkham donnent des versions différentes quant aux événements qui se sont produits au gala de Hippolyte Templesmith : on parle ici d’un attentat, d’une explosion, là d’une disparition, d’un enlèvement… Toutes les rédactions sont en fait dans l’expectative : certaines évoquent Templesmith « pris en flagrant délit », sans autre précision, et contraint à fuir ; d’autres vont jusqu’à parler d’un monstre ! La Gazette a même livré deux éditions, concernant la plus singulière étrangeté de cette soirée : il n’y a pas eu de blessés, quoi qu’il se soit passé, mais on compte beaucoup de disparus, dont on n’a pas la moindre nouvelle ; cependant, les invités qui se trouvaient au moment fatidique (?) dans le dancing room et le dining room sont toujours là – seuls ceux qui se trouvaient alors dans la salle principale, celle du gala à proprement parler, ont disparu ; mais elles ont toutes disparu… à l’exception semble-t-il de Miss Carlysle et de son frère, mais ils n’ont livré aucun commentaire, et sont aussitôt retournés à New York. Sinon, pas la moindre nouvelle des autres – ce qui concerne tant les employés que les invités, et Templesmith lui-même. Pas de traces de sang, pas de cadavres… C’est l’incertitude la plus totale – et les journaux ne se privent pas de dire qu’il y aura une ambiance très particulière pour Noël… c’est-à-dire demain soir.

 

VI : DEBRIEFING AU TRÈFLE

 

[VI-1 : Dwayne : Romy] Nous arrivons à proximité du Trèfle. Romy a beau avoir emprunté une veste et déchaussé ses talons hauts, ses bas résille n’en suscitent pas moins des sifflets… Un garde, la désignant, dit à Dwayne qu’il a visiblement pris du bon temps – cette femme ne pouvant être qu’une prostituée. « Si seulement j’avais eu le temps, mec… » Dwayne est agacé.

 

[VI-2 : Anatole, Dwayne, Michael : Seth] On nous escorte à l’intérieur du Trèfle – où nous entrons bien sûr par derrière. On nous conduit dans un salon privé, où nous attendent un petit verre de whisky chacun. On nous demande aussi si nous avons envie de manger quelque chose : oui ! Moi tout spécialement... Mais, avant cela, Seth demande à Dwayne de le suivre, il a des questions à lui poser… Il l’entraîne dans une pièce à part, où il se livre à un interrogatoire serré, et Dwayne raconte tout, tandis qu’un type tape son rapport. La scène se répète ensuite pour Michael… mais ses interrogateurs se rendent compte qu’il est bien « fatigué », c'est peu dire. Ils font enfin venir un médecin, qui lui administre une piqûre de sédatif, et ils le laissent dormir dans une chambre.

 

[VI-3 : Anatole : Seth ; Dwayne O’Brady, Goody Fowler, Romy] C’est à moi. Ils me demandent qui je suis, d’où je viens, pour qui j’ai bossé… Ils savent que je suis du Milieu. Dwayne leur avait un peu parlé de moi. Je me montre parfaitement honnête dans mes réponses, évoquant mes trafics de morphine dans les tranchées, comment je me suis réfugié aux États-Unis quand ça a commencé à sentir mauvais pour moi après la guerre, je suis d’abord allé à New York, après quoi ce fut Boston… Puis ils me demandent de rapporter mes toutes dernières expériences ; ils ne sont visiblement pas à l’aise quand j’évoque les éléments surnaturels – j’ai cependant toujours avec moi le Manuel de Goody Fowler, qui semble appuyer mes dires. Mais je le garde, et, surtout, qu’ils n’y touchent pas ! Seth veut y jeter un œil de plus près, mais je lui parle de l’effet de vieillissement… et de manière assez convaincante, sans doute, puisque Seth s’abstient de m'emprunter le grimoire. Par ailleurs, je laisse entendre que je cherche à me recaser… Ils me font une vague proposition d’embauche – rien de précis pour l’heure, mais si je me montre loyal et efficace, la famille pourrait avoir besoin de moi… Ils laissent entendre qu’un « non » pourrait avoir des conséquences fâcheuses, à ce stade – mais j’ai de toute façon envie de travailler avec eux ! Après quoi ils me laissent retourner au salon (ils n’interrogent pas Romy).

 

[VI-4 : Anatole, Dwayne/« Leonard Border » : Seth ; Michael Bosworth, Hippolyte Templesmith, Brienne, Leonard Border] Excepté Michael qui dort, nous nous retrouvons tous dans le salon privé. Les interrogatoires étant terminés, les employés nous amènent du whisky, et proposent d’autres « distractions » : des jeunes filles peu farouches sont à notre disposition… Mais ça ne me branche pas : j’ai surtout besoin de soins… Dwayne dit par ailleurs à Seth que nous n’en avons pas terminé : il va se passer quelque chose demain – il sait où, il sait quand… Il ne sait pas exactement quoi, mais c’est en tout cas en rapport avec Hippolyte Templesmith – et ce sera à la ferme des Gardner… Révélation qui met Seth mal à l’aise, encore un peu plus – mais il suppose que c’est important… Dwayne le confirme – d'ailleurs, il a besoin de matériel, et en quantité ! Seth lui propose toutefois d’aller rendre visite à Brienne… mais Dwayne préfère s’abstenir – il va seulement lui écrire un mot, à lui transmettre ; le fait qu’il arbore toujours l’apparence de Leonard Border n’y est sans doute pas pour rien…. Mais il insiste : demain soir, ça sera important…

 

[VI-5 : Anatole : Romy] Tandis que Romy se retire dans une chambre pour dormir, je bénéficie de quelques soins, et mange un peu. Je n’ai pas vraiment envie de faire des folies de mon corps – je ne me sens pas encore assez bien pour cela, je ressens le besoin de me reposer… Les prostituées, non sollicitées, s’en vont.

 

[VI-6 : Dwayne/« Leonard Border » : Brienne, Leonard Border] Dwayne veut se débarrasser de son apparence d’emprunt, qui lui pèse de plus en plus – et qui le coupe de son milieu, et, pire encore, de Brienne ! Il boit plus que de raison, prend une douche bien chaude – puis se gratte, voire se griffe de toutes parts ; mais cela ne change rien à son apparence globale : il demeure, aux yeux des autres, Leonard Border… Ulcéré, Dwayne fracasse le miroir qui persiste à lui renvoyer ce reflet honni ! Après quoi, abattu, il se met à rédiger un message pour Brienne – lui assurant qu’après Noël, comme promis, tout sera fini…

 

À suivre…

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L'Appel de Cthulhu : Terreur sur l'Orient-Express

Publié le par Nébal

L'Appel de Cthulhu : Terreur sur l'Orient-Express

L’Appel de Cthulhu : Terreur sur l’Orient-Express, [Call of Cthulhu : Horror on the Orient Express], Sans-Détour, [1991, 2013] 2014, 4 vol., 271 p. + 207 p. + 224 p. + 64 p.

 

UNE CAMPAGNE ALLÉCHANTE DE PAR SES DÉFIS

 

Retour aux méga-super-grosses-campagnes-mythiques-de-la-mort pour L’Appel de Cthulhu, avec ce fameux titre qui m’a toujours un peu fait fantasmer… En donner les raisons s’annonce difficile, toutefois ; mais sans doute l’idée d’employer ce cadre hors-normes qu’est l’Orient-Express pour balader les joueurs à travers l’Europe n’y était-elle pas pour rien. À maints égards, j’y voyais avant tout un défi, car ce simple pitch contient déjà en lui-même un certain nombre de difficultés – ne serait-ce que, d’une part, pour faire en sorte que tout se tienne, et d’autre part pour éviter néanmoins le fâcheux écueil du dirigisme ; en outre, comment gérer au mieux la dimension « touristique », pour qu’elle s’inscrive naturellement dans le cadre de la campagne sans sonner trop artificielle…

 

Les deux premiers points s’appliquent sans doute à toute campagne quelle qu’elle soit ; le dernier me paraît cependant presque aussi important que les précédents dans le cadre des campagnes de L’Appel de Cthulhu : celles-ci tendent régulièrement à l’exotisme, pour une raison qui m’échappe en partie et serait sans doute à creuser – sauf erreur, toutes les campagnes officielles que j’ai lues baladent les joueurs à travers le monde, à un moment ou à un autre ; et la pertinence de ce procédé me laisse souvent perplexe…

 

J’imagine que l’idée de la conspiration protéiforme au niveau mondial dans Les Masques de Nyarlathotep justifie dans ce cas le procédé (même si les six – sauf erreur – cadres s’enchaînant me paraissent too much, on peut probablement faire l’économie d’un ou deux), principe qui pourrait sans doute s’appliquer également aux Ombres de Yog-Sothoth – campagne plus courte, par ailleurs bien trop archaïque à mon sens pour y jouer encore aujourd’hui. Mais, même si je me suis plutôt amusé à maîtriser Les Oripeaux du Roi, là encore relativement courte, le finale exotique m’a laissé plus que perplexe…

 

En fait, pour l’heure, et malgré sa réputation « discutable », je trouvais que c’était Par-delà les Montagnes Hallucinées qui s’en tirait le mieux à cet égard – sans doute parce que, dans ce cas précis, le voyage en lui-même est au cœur du propos, il n’est pas qu’un moyen pour arriver à une fin ; sans doute aussi parce que, en dépit du voyage, le cadre reste au fond unique, et cohérent.

 

À cet égard, Terreur sur l’Orient-Express est peut-être un peu le cul entre deux chaises : on peut sans doute y retrouver la légitimation du voyage, du seul fait du train, mais le souci de cohérence se pose néanmoins… et peut-être plus encore que dans tout autre campagne ? Il y a toutefois des méthodes, des conseils du moins, pour gérer au mieux ces difficultés et quelques autres… Pour un résultat plus ou moins convaincant – et, autant le dire de suite, plutôt moins que plus en ce qui me concerne…

 

UN PRIX PEUT-ÊTRE JUSTE UN TOUT PETIT PEU EXCESSIF (QUAND MÊME) ?

 

Mais avant d’aborder le contenu exact de la campagne, il faut sans doute dire quelques mots de l’objet, au sens le plus « matériel ». Dans cette édition « classique », la campagne occupe trois livres, au format habituel, et à couverture cartonnée (on aurait pu se passer de cette dernière – et privilégier, semble-t-il comme dans la VO, ou comme cela avait été fait avant pour Les Masques de Nyarlathotep, et depuis avec Les 5 Supplices – que je lis bientôt –, ou encore, dans un genre un peu différent, pour Le Musée de Lhomme, des livrets à couverture souple, autrement plus maniables : le coffret l’autorise assurément…) ; il faut y ajouter un petit Guide du Voyageur – rédigé avec les tentacules et relu par une taupe non-euclidienne, ce qui m’a fait énormément craindre pour le reste – et quelques gadgets sans le moindre intérêt. Et tout cela pour le prix de…

 

109 €.

 

Pas l’édition « prestige », hein – qui en rajoutait visiblement encore dans l’inutile. Là je vous parle de la version « normale », ou « classique ». 109 €. Putain. Rien que ça…

 

En ce qui me concerne, c’est du vol pur et simple. Ça m’avait fait sacrément pester à l’époque, et j’avais dû promette que je ne lâcherais pas aussi facilement ma caillasse, tant le principe même de cette publication à pareil prix me paraissait… insultant, disons. Mais, comme beaucoup sans doute, je suis faible – horriblement faible ; et quand la bêtise de la collectionnite s’empare de moi – c’est relativement fréquent –, je me lance, quand bien même en rechignant pour la forme, dans des acquisitions qui n’auraient pas lieu d’être… Et c’est bien ce qui s’est produit ici. Et j’en suis furieux – contre Sans-Détour, et contre moi-même.

 

Et je vous arrête tout de suite : ne venez surtout pas justifier ce prix absurde par « la qualité de la finition » des produits de Sans-Détour – j’aime bien l’humour absurde, mais j’ai quand même quelques limites. Nous parlons de bouquins en noir et blanc (avec une iconographie certes intéressante en principe, mais souvent trop sombre pour être véritablement convaincante – problème qui se pose aussi pour nombre d’aides de jeu parfaitement illisibles, c’est ballot, et récurrent), avec un papier lambda, des bouquins pas toujours très maniables par ailleurs, et qui plus est souvent traduits à l’arrache, et visiblement pas relus quoi qu’on en dise ; des produits « pas finis », en ce qui me concerne ; alors chut !

 

(Quant à ceux qui considèrent que la bonne traduction et la relecture sont optionnelles, et que c'est à cause de ces saloperies accessoires que les jeux de rôle sont si chers de toute façon, alors ça serait encore pire, tu vois, si on devait vraiment y faire attention, ma réponse sera là encore : chut ! Mais encore plus : disons... chut ! chut ! chut !)

 

(« Mais pourquoi tu les achètes alors ? » Parce que Nébal est un con…)

 

LE PROPOS GLOBAL

 

Une nouvelle édition qui a pris du gras

 

Oui, venons-en tout de même à la campagne en elle-même… C’est un (relativement) vieux machin – une vingtaine d’années environ. Je me souviens de la couverture originelle, qui en pétait bien… À l’époque déjà, même si je ne jouais pas alors à L’Appel de Cthulhu, elle me faisait bien envie… Ceci étant, la campagne a beaucoup évolué depuis : elle a au moins triplé de volume, pour plusieurs raisons – des éléments de contexte plus précis pour mieux asseoir le « réalisme » de la campagne, avec une pertinence très variable ; de nouveaux scénarios, optionnels, parfois historiques (idée alléchante sur le papier, mais là encore le rendu final est plus ou moins pertinent) ; de nouvelles scènes voire plus encore pour les scénarios originels, largement repensés et refondus.

 

Et c’est ici que nous attaquons les SPOILERS – ce qui durera jusqu’à la fin de ce compte rendu. Méfiez-vous donc, PJ potentiels…

 

Le pitch

 

Avant de décortiquer scénario par scénario, mais aussi sans doute avant-même d’aborder les aides de jeu très diverses entourant la campagne, il faut probablement donner une idée générale du propos d’ensemble. Vu de loin, je n’en savais à peu près rien pour ma part : simplement que les PJ voyageraient à bord de l’Orient-Express, et qu’il leur arriverait plein de choses forcément indicibles… À vrai dire, ce n’était pas seulement que je ne connaissais pas alors la motivation de tout cela – même le rôle exact du train dans la campagne, et les questions qu’il pouvait soulever, concernant par exemple des horaires à respecter, des PNJ accompagnant les PJ tout du long ou pas, la durée des escales, etc., tout cela m’était parfaitement inconnu… Par choix, probablement. Bête choix...

 

L’idée générale concerne un artefact fort ancien, le Simulacre de Sedefkar, en rapport avec une déité mythique, l’Écorché (en fait un avatar de Nyarlathotep) ; ledit artefact, si on sait comment s’en servir (par exemple parce que l’on a lu les Parchemins de Sedefkar qui vont avec), confère un pouvoir ahurissant et essentiellement monstrueux. Admettons…

 

Mais le Simulacre a été coupé en plusieurs morceaux (six très exactement : les deux bras, les deux jambes, le torse, la tête), de même que les Parchemins ont été dispersés ; ils ont toutefois eu une excellente idée, ces vils objets – par chance, ils se trouvent tous pile poil sur le trajet de l’Orient-Express ! Aheum…

 

Jusqu’à Constantinople ? Ben oui… Il vient même de là-bas, en fait ; et c’est d’ailleurs là-bas que se situe le « quartier général » d’une secte, les Frères de la Chair, vilains bonshommes qui entendent récupérer leur bien… La vie est bien faite.

 

Mais ce n’est pas tout – un autre ancien propriétaire entend lui aussi remettre la main sur ce machin qui lui a bien servi au fil des siècles… Des siècles, oui, car nous parlons d’un vampire ! Fenalik de son petit nom. Et un vrai vampire, hein – ail et chauves-souris, tout ça… Lui aussi est sur le chemin, ça tombe bien.

 

Le dirigisme façon « jeu vidéo »

 

 

Alors tous jugements de valeur mis à part (encore que… pas forcément), j’ai très vite eu du mal avec ce principe de campagne – qui m’a d’emblée déçu. Le côté très « jeu vidéo » (mais on ne disait peut-être pas cela il y a une vingtaine d’années…), d’abord tu trouves l’objet A à x, ensuite l’objet B à y, ensuite l’objet C à z, etc., pue dès le départ l’artifice, et laisse entendre qu’il faudra probablement bidouiller pas mal de choses pour que cela sonne relativement juste et suffisamment enthousiasmant.

 

Bon, on peut l’admettre, en gros : « old school », ça a ses fans… mais aussi une conséquence éventuellement fâcheuse, consistant en une part renforcée de dirigisme – c’était un risque initial de la campagne en raison même de son postulat voyageur, mais, du coup, il n’est en rien atténué… bien au contraire.

 

Le « Mythe » dans tout ça

 

Je m’interroge aussi sur la part de « Mythe » dans tout ça – en ayant bien conscience que c’est là une déformation toute personnelle : sans doute est-ce parce que j’ai lu amplement de machins sur la relativisation de la notion même de « Mythe de Cthulhu » quand on parle de Lovecraft, voire son abandon pur et simple… Pourtant, cela reste une dimension qui m’attire tout particulièrement en jeu de rôle, a fortiori certes si elle tend, de manière joshiesque disons, au « Mythe de Lovecraft », ou « Cycle Mythique de Yog-Sothoth », etc., avec ses implications d’ordre philosophique : matérialisme mécaniste, horreur cosmique, etc.

 

Mais pas forcément non plus… Figurez-vous que j’ai bien conscience de ce que cette approche peut avoir de réducteur quand on traite de jeu de rôle, plus encore qu’en littérature ; j’admets volontiers que le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu, en fait de nouvelle fondatrice, relève plus de « L’Abomination de Dunwich », ou éventuellement du « Cauchemar d’Innsmouth », que de la nouvelle qui lui a donné son titre (rôle des « cultistes » mis à part ? Cela a son importance ici…). Et je m’en accommode – j’avais déjà eu plusieurs fois l’occasion de le noter, je suis nettement moins sévère qu’un Joshi (notamment) à l’encontre de « L’Abomination de Dunwich ». Mais c’est que la part cosmique y demeure, sous les couches superficielles de rituels magiques et de vaillants investigateurs luttant contre le Mal invisible mais néanmoins tentaculaire…

 

Mais je suis bien obligé de reconnaître avoir eu beaucoup de mal avec l’approche du « Mythe » telle qu’elle figure dans Terreur sur l’Orient-Express. Certes, l’Écorché renvoie à Nyarlathotep ; on croise aussi au passage quelque chose de shub-niggurathesque, un peu gratuitement… Mais, globalement, ce sont bien les cultistes qui sont au cœur du propos – les Frères de la Chair… qui ont cependant à mon goût quelque chose d’un peu trop « banal », entendons par là qu’il s’agit à mes yeux d’une secte démoniaque comme on pourrait en trouver n’importe où, bien loin du seul contexte lovecraftien. Ce qui se ressent tout particulièrement au niveau des motivations. Mais pourquoi pas, au fond…

 

À ce compte-là, de manière paradoxale, c’est justement quand on a fait la part de ce postulat, mais que la campagne implique de rajouter du tentacule pour le principe, que ça ne passe plus, à mon sens – le changement d’ambiance me paraît trop radical, au point où, plutôt que de dépayser et varier les plaisirs, il sonne faux, en pointant du doigt de nombreux soucis de cohérence d’ensemble. Sombres Rejetons et Lloigors, ainsi employés, ont quelque chose de « concessions mythiques », qui ne fait qu’accroître le sentiment qu’ils sont avant tout autre chose autant de cheveux sur la soupe…

 

Un fantastique plus classique

 

Car la campagne, globalement, tire vers un fantastique autrement classique – ce qui est notamment illustré par le rôle essentiel qu’y tient la magie (mais j’avoue avoir toujours eu du mal avec le principe même de la magie dans une campagne de L’Appel de Cthulhu – plus précisément, quand il s’agit d’autoriser les PJ à recourir à ce genre de procédés…), nombre de saynètes « d’ambiance » pas forcément mauvaises mais s’accommodant souvent mal du canon lovecraftien, enfin le rôle majeur du vampire Fenalik – qui, pour le coup, n’a rien d’un vampire « lovecraftisé » (comme celui de « La Maison maudite », de manière flagrante, ou plus subtilement d’autres variantes, comme dans L’Affaire Charles Dexter Ward, ou « Le Monstre sur le seuil »), mais est bien une variation sur Dracula, Europe de l’Est, ail, soleil et chauve-souris donc, pas le signe de croix mais éventuellement celui du chrisme (ou chi-rho), pour des raisons qui apparaîtront plus loin dans la campagne…

 

En soi, je ne suis pas forcément opposé à ce traitement (c’est quand le dragon surgira – oui… – que je hurlerai : « STOOOOP !!! ») ; même chose pour les fantômes qui pointent le bout de leur nez, éventuellement... Mais le problème de la cohérence se pose plus que jamais. Le risque était déjà grand, à s’en tenir au principe même de la campagne, de ce que la variété des environnements nuise à l’immersion en renforçant une tenace impression de patchwork, le tourisme accroissant encore le péril ; que les connotations du surnaturel se multiplient de même, alors qu’il n’est pas toujours envisageable de les accorder entre elles, ne fait qu’aggraver le problème – au point où la motivation de maîtriser la chose, que je m’efforçais de préserver autant que possible au fur et à mesure de ma lecture, a bien fini par m’abandonner totalement. Il y a d'autres raisons, ceci dit...

 

Car la campagne, au fur et à mesure qu’elle progresse, s’autorise nombre de partis-pris décevants – « décevants » est le mot poli : il y a quelques développements tardifs qui me paraissent parfaitement cons et tristement ridicules…

 

Mais bon : décortiquons, maintenant…

 

PRÉPARER LA CAMPAGNE

 

Le premier volume comprend tout d’abord quelques pages préliminaires, destinées à procurer des informations essentielles sur le contexte même de la campagne, avec quelques autres trucs moins utiles pour faire joli.

 

L’Orient-Express

 

On commence par évoquer, forcément, le prestigieux Orient-Express – ou plus précisément Simplon Orient-Express –, le plus fameux des trains sans doute, prétexte à bien des récits, si le Crime narré par Agatha Christie est probablement le plus célèbre. Aussi est-ce un cadre de choix pour une campagne de L’Appel de Cthulhu, aucun doute là-dessus.

 

Pour bien appréhender ce qu’est ce train et ce qu’il implique, on nous fournit d’emblée quelques aides de jeu globalement bienvenues – en commençant par le commencement : l’histoire du train (des origines à nos jours : la campagne se situe pour l’essentiel en 1923, mais avec quelques variantes surtout dans le passé, enfin un épilogue en 2013), ce qui implique aussi d’envisager ses différentes lignes. En l’espèce, le train correspondant à la campagne est le Simplon Orient-Express – qui, via le tunnel du Simplon, traverse la Suisse puis l’Italie du Nord, avant de passer par les Balkans, pour rejoindre Constantinople, son terminus (une ligne antérieure, avant le percement du tunnel, passait par le nord – Allemagne, Autriche-Hongrie… Ce qui a son importance pour un des scénarios optionnels « historiques », qui se déroule en 1893. La ligne contemporaine, celle de l’épilogue, passe par la Hongrie et la Roumanie).

 

Des informations de base, sur le personnel, les différents wagons composant un train (avec des plans), et un hâtif résumé des escales avec leurs horaires (à compléter avec des informations pour le Gardien des Arcanes à chaque scénario, ou éventuellement, côté joueurs, avec le petit Guide du voyageur, hélas plutôt mal fait…), complètent cette première approche.

 

Il faut y ajouter des choses un peu plus spécifiques, qui peuvent toutefois faire sens – a fortiori si le Gardien est désireux de mettre en avant un certain « réalisme ». Qu’en est-il, par exemple, des armes à bord du train ? Plutôt pas mal, ça – pour épicer un peu la partie, même s’il ne faut sans doute pas jouer l’obstruction… Même chose pour un article envisageant les voyages par avion sur ce trajet – sans doute vaut-il mieux éviter d’y recourir, le cadre de l’Orient-Express étant tout de même autrement charmant, mais on peut garder cette option en tête – peut-être plus particulièrement pour la fin de la campagne, d’ailleurs. Si vous tenez à la jouer, broumf...

 

L’orient(-express)ation de la campagne

 

Suivent des informations relatives à la campagne, dont un complexe résumé, que j’ai esquissé à gros traits, mais qui donne ici dès le départ des informations sur l'ensemble des scénarios la composant. C’est l’occasion, par ailleurs, de distinguer les scénarios « essentiels » et les scénarios « optionnels » (indiqués par une icone ; ils sont souvent « historiques », donc).

 

On y traite bien sûr du Simulacre de Sedefkar et des Parchemins qui vont avec – des données globales qui seront utiles tout du long. Il en va de même pour certains personnages essentiels – Fenalik en tête (qui, alors, m’intéressait quand même, bien que trop vampire « classique ») et les fourbes Selim et Mehmet Makryat, avec leurs Frères de la Chair. C’est ici, pour le coup, que j’ai commencé à m’interroger sur le caractère « lovecraftien » de cette campagne… Ce résumé est à vrai dire encore moins « lovecraftien » que celui auquel je me suis livré plus haut – en ressort d’autant plus l’impression que c’est là une dimension accessoire de la campagne…

 

Suivent des choses un peu plus précises, des indications et conseils pour le Gardien, afin de rendre le tout jouable ; on s’interroge rapidement sur le respect des faits historiques, en y apportant la réponse que vous supposez ; plus intéressant, on nous livre un « guide de survie des investigateurs » : la campagne peut, comme de juste, s’avérer très mortifère, et l’environnement spécifique rend éventuellement le remplacement des PJ guère aisé… On peut « booster » éventuellement les investigateurs à la création pour pallier à ce risque, solution qui ne m’apparaît guère satisfaisante (j'envisage cependant une hypothèse allant dans ce sens un peu plus loin) ; je suis de même assez sceptique en ce qui concerne l’expérience (délai probablement trop court...) ; les difficultés modifiées, globalement, n’ont rien de spécifique – quant à récompenser l’ingéniosité des joueurs, ça me paraît là encore toujours valable. Utiliser le « Fenalik de secours » me paraît vraiment un pis-aller… Le mieux est sans doute, en accord avec les joueurs, de « planifier » les successions – en introduisant des PNJ susceptibles de devenir des PJ, éventuellement ceux figurant tout à la fin de la campagne, ou autrement des personnages créés pour l’occasion. Après tout, la difficulté et la mortalité sont cruciales dans pareille campagne : on ne peut pas vraiment en faire abstraction…

 

Des gadgets plus ou moins utiles

 

Ce chapitre préliminaire se conclut sur des « gadgets »…

 

« Un continent d’horreurs » est une bibliographie pour le moins déconcertante – parfois extrêmement pointue, parfois étonnamment lacunaire… On y traite de récits fantastiques dans les pays traversés par l’Orient-Express, mais je serais bien en peine, globalement, d’en tirer quoi que ce soit d’utile pour cette campagne…

 

Même chose pour « Les Trains terrifiants au cinéma » ; tout est dans le titre ou presque, avec le même couple pointu/lacunaire ; on peut très éventuellement en retirer quelques principes de mise en scène…

 

En définitive, c’est le dernier article qui s’avère le plus utile, et de loin. « Les Informations à bord de l’Orient-Express » comprend des unes de journaux, chronologiques, permettant d’inscrire le récit dans un cadre plus global ; et ça, pour le coup, ça me paraît vraiment pertinent (tout spécialement en matière politique, dimension que j'apprécie toujours).

LES SCÉNARIOS

 

Je vais maintenant décortiquer, dans la mesure de mes moyens, encore que de manière forcément un peu lapidaire (si, si...), l’ensemble des scénarios de la campagne, « essentiels » ou « optionnels », dans l’ordre où ils apparaissent (qui est globalement l’ordre pour les jouer, mais il peut y avoir quelques petits écarts occasionnels).

 

J’indiquerai à chaque fois leur titre, leur localisation, leur époque (et la gamme impliquée, le cas échéant, même si la campagne n’impose pas de posséder les suppléments spécifiques en question), enfin leur caractère « essentiel » ou « optionnel ».

 

Danseurs dans le brouillard nocturne (Londres, 1923 ; essentiel)

 

Pas forcément grand-chose à en dire… C’est un scénario forcément un brin artificiel, en ce qu’il a pour but l’insertion des PJ dans la campagne, mais sans se compliquer la vie : le professeur Smith, ami des PJ, les invite à un cycle de conférences (le jouer est optionnel – c’est pas plus mal, parce que, pour le coup, ça me paraît, présenté de la sorte, bien lourd et guère utile…), puis, suite à son agression mystérieuse, demande à ses camarades, hop ! comme ça, de partir sur la trace des six fragments du Simulacre de Sedefkar, et tant qu’à faire des Parchemins qui vont avec, afin de détruire cette abomination… ou pas.

 

Puisque, selon la trame de base, ce n’est en fait pas le professeur qui confie cette mission précise aux PJ, mais l’odieux Mehmet Makryat, qui a pris son apparence, et qui compte bien laisser les PJ faire tout le boulot à sa place… Sachant que le rituel pour détruire le Simulacre, dans cette optique, n'existe tout simplement pas.

 

Mais c’est donc une « idée de base » – une variante est proposée, selon laquelle c’est bien Smith qui confie cette tâche, et bel et bien afin de détruire le Simulacre : la fin de la campagne se trouve alors drastiquement modifiée et écourtée. Avec toutes les critiques que j’adresserai le moment venu à la fin « normale », je ne suis pourtant pas certain que cette alternative soit meilleure…

 

Au rang des bonnes idées, je relève surtout celle des trois « Mehmet Makryat » morts, il y a sans doute de quoi en tirer quelque chose – idem pour quelques autres éléments purement d’ambiance, comme le mort écorché du British Museum, mais il faut voir ce qu’on peut en faire…

 

Les recherches des investigateurs, par ailleurs, peuvent déboucher sur le scénario optionnel qui suit immédiatement.

 

Que dire ? C’est une introduction très, très, très classique… Trop ? Bon, cela doit pouvoir fonctionner quand même – mais rien de très palpitant pour l’heure, c’est clair.

 

Le Train de la mort (Londres… et au-delà, 1923 ; optionnel)

 

Où les investigateurs, s’ils le veulent bien, vont jouer au train électrique, en compagnie de ferrovipathes un tantinet excessifs… à supposer qu’un ferrovipathe puisse être excessif, bien sûr.

 

Ce premier scénario optionnel me paraît d’un intérêt passablement douteux dans le cadre de la campagne – il n’a rien à voir avec elle, si ce n’est la thématique du train… Par ailleurs, je ne le trouve pas vraiment assez palpitant pour qu’il fasse davantage sens en one-shot

 

C’est dommage, au fond – parce que le jeu un tantinet absurde sur les ferrovipathes (oui, j’adore ce mot – appris grâce à la traduction québécoise de Trainspotting, merci à eux) est plutôt amusant, pris en tant que tel…

 

Cela dit, là encore, la dimension « mythique » est pour le moins limitée – tout au plus pourrait-on établir un vague lien avec une autre dimension de l’œuvre lovecraftienne, à savoir Les Contrées du Rêve, mais la suite des événements, même dans le registre optionnel, s’avèrera nettement plus alléchante sous cet angle.

 

Le Fez rouge sang (de Londres à Istanbul, 1893 – Cthulhu by Gaslight/Cthulhu 1890 ; optionnel)

 

C’est le premier scénario « historique » de la campagne – comme les deux qui suivront, il est parfaitement optionnel. Prévu pour être joué avec Cthulhu by Gasligth (ou, chez Sans-Détour, avec Cthulhu 1890 – je ne sais pas s’il y a des différences, et si oui lesquelles), sans pour autant qu’il soit nécessaire de faire l’acquisition de l’une ou l’autre sous-gamme (ouf), il adopte la forme d’un flashback, qui se déroule en 1893, soit très exactement trente ans avant la campagne proprement dite.

 

L’idée, dans son principe, est plutôt intéressante… mais je ne suis pas tout à fait convaincu qu’il soit pertinent de jouer ce scénario à ce moment précis de la campagne – d’autant qu’il est assez long, plutôt complexe, et, surtout, implique déjà un voyage dans l’Orient-Express (mais pas sur le même trajet : comme dit plus haut, c’était avant le percement du tunnel du Simplon, et on passait donc par l’Allemagne, etc.). Ne court-on pas le risque de griller d’emblée toutes ses cartouches ?

 

C’est d’ailleurs l’occasion de mettre en place une accroche supplémentaire avec les Makryat, afin d’aiguiser la curiosité des joueurs… ce qui pose cependant le même problème.

 

Notons enfin que la magie y joue d’emblée un rôle crucial – comme dit plus haut, j’ai souvent du mal avec cette dimension dans L’Appel de Cthulhu ; si cela arrive en son temps, pourquoi pas, un petit effort, Nébal… Mais là, pour le coup, je trouve que c’est vraiment beaucoup trop tôt : cartouches grillées, une fois de plus…

 

Sinon, l’intérêt du scénario en tant que tel… Moui, ça peut être amusant, j’imagine.

 

 

Mais peut-être en le gérant d’une autre manière ? Là, je vais me contredire velu... Parce que, en dépit des risques décrits à l’instant, je me demande si ce scénario ne serait pas plus pertinent en tant que prologue, plutôt que flashback… On éviterait l’atermoiement, les joueurs lancés dans la campagne de 1923 n’ayant pas à jouer un long intermède avant de monter dans « leur » train… Bon, faut voir…

 

Mais, prologue ou flashback, le scénario ne me permet faire véritablement sens qu’à une condition : que les investigateurs de 1893 soient en fait, dans l'ensemble du moins, les mêmes que ceux de 1923, avec trente ans de moins… Peut-être, d’ailleurs, cela fournirait-il un prétexte suffisant pour « booster » un peu les personnages, et les préparer à la campagne meurtrière de 1923 en inscrivant dans le jeu même leurs expériences passées ? Voir, plus haut, les conseils du « guide de survie de l’investigateur »… Et cela pourrait par ailleurs justifier qu’ils agissent ensemble, de manière moins artificielle que celle, bourrine, énoncée dans le premier scénario. Je n’en suis pas totalement convaincu, hein, mais la question me paraît devoir être posée…

 

Certes, si jamais, le bouquin fournit six prétirés, comme de juste.

 

Notons par ailleurs une annexe au scénario, « Orient-Express by Gaslight », censée fournir quelques informations sur le cadre de 1893 ; hélas, c’est d’un intérêt pour le moins limité, en l’état…

 

Les Fleurs du Mal (Paris et Poissy, 1923 ; essentiel)

 

À maints égards, c’est là le premier « vrai » scénario de la campagne. Et il est très, très classique… mais par ailleurs sans véritable adversité.

 

On commence par une longue – et peut-être trop longue ? – phase de recherches en bibliothèques (notamment la Bibliothèque Nationale, mais il vaut mieux avoir préparé son coup – éventuellement via le British Museum ou ce genre de choses) ; suit une enquête sur le terrain, d’abord à l’asile de Charenton, ensuite à Poissy, dans la maison qui a été construite sur le terrain où se trouvait jadis le manoir de Fenalik (juste avant la Révolution ; et c'est ainsi qu'il est devenu patient de Charenton, donc) – et c’est bien sûr l’occasion d’introduire le dentu dans la campagne.

 

Peut-être est-ce via Charenton, mais le vampire a ici quelque chose d’un Divin Marquis cher à mon cœur, qui lui donne un peu d’étoffe (on verra plus tard, mais sans doute avec moins de réussite, un cas similaire avec le Prince Puzzle)…

 

Peut-être cependant faut-il brusquer un peu les choses – de sorte que les PJ ne passent pas à côté de leur premier morceau du Simulacre de Sedefkar, le bras gauche. Commence alors sa sourde malédiction, l’investigateur l’ayant retrouvé souffrant épisodiquement de son bras gauche – cela vaudra bien sûr pour toutes les pièces récupérées ultérieurement.

 

C’est enfin l’occasion pour les PJ de monter à bord de l’Orient-Express (le voyage de Londres à Calais puis à Paris n’était qu’un prologue à cet égard)… et peut-être, d’emblée, d’y faire un joli rêve – voir tout de suite après.

 

Bilan de l’épisode : eh bien, c’est donc très classique… Mais en le préparant bien, éventuellement en l’étoffant un tout petit peu, ce scénario parisien doit pouvoir jouer son rôle (aha) de début véritable de la quête des investigateurs…

 

Terres Oniriques Express (Contrées du Rêve, sans date ; optionnel)

 

Suit un scénario optionnel, dans les Contrées du Rêve, qui m’a globalement fait l’effet d’une bonne voire très bonne surprise – alors que je me montrais sceptique pour le principe. Finalement, ça m’a l’air en mesure de fonctionner très bien…

 

Adonc : à peine installés dans leurs compartiments de l’Orient-Express, au départ de Paris, Garde de l’Est, les PJ s’endorment et font un joli rêve – qui les conduit dans un autre train encore plus luxueux, le Terres Oniriques Express, rêvé par un employé de l’Orient-Express que les PJ ont éventuellement eu l’occasion de croiser dans « Le Fez rouge sang » (en 1893, donc).

 

Et il s’y passe pas mal de choses… Le scénario est relativement long – mais il présente l’atout d’obéir à une structure facilitant le découpage, et permettant le cas échéant de le jouer en plusieurs fois. À vue de nez, ça me paraît plus sensé – le jouer en bloc, une fois de plus, me paraîtrait trop atermoyer, là où des séquences oniriques plus ou moins brèves peuvent casser la monotonie éventuelle de la campagne de 1923. Mais il faut pour cela profiter des nuits, ou éventuellement des siestes, des PJ quand ils sont à bord du train – ce qui implique de bien étudier leur emploi du temps, car ils vont avoir des nuits chargées, y compris dans le domaine onirique, et, par ailleurs, ne dormiront que ponctuellement à bord du train…

 

Quoi qu’il en soit, ce scénario me paraît témoigner d’un bel effort en vue de susciter une ambiance marquante. Je suppose que les Contrées du Rêve sont intrinsèquement un matériau à manipuler avec précaution, tant le risque du grotesque (au mauvais sens du terme – mais c’est justement l’équilibre entre sublime et grotesque qui est tout à la fois périlleux et gratifiant) est important ; mais, si on y prête suffisamment attention, il y a vraiment de quoi faire – même à partir de petits éléments d'apparence saugrenus, et qui pourraient à première vue paraître anodins, mais ont bien un potentiel latent qui ne demande qu’à s’exprimer.

 

En gros, je vois le découpage comme suit (rien d'original, il découle de la structure même du scénario) : un premier rêve permet de découvrir le contexte du Terres Oniriques Express, ainsi que les principaux PNJ qui s’y trouvent, en mode paisible ; deuxième rêve, le meurtre du chat (ça n’a l’air de rien, mais c’est plutôt une bonne idée – le genre de chose qui fait le sel de ce cadre, en fait) ; troisième rêve, les négociations entre Ib et Sarnath (thème qui me faisait très, très peur, mais ça s’avère finalement bien pensé ; à noter pour les puristes, ce thème s’autorise des infidélités par rapport à la nouvelle de Lovecraft qui le fonde – « La Malédiction de Sarnath », relue tout récemment en anglais dans Dagon and other macabre tales, dont je vous causerai bientôt) ; quatrième rêve – mais éventuellement – avec l’apogée du voyage, et le double assaut du train… Mais éventuellement, donc, parce que pour le coup, ce moment du scénario rompt le fragile équilibre adroitement entretenu jusqu’alors, avec une scène pulpissime et qui court plus que jamais le risque de se montrer grotesque – donc. Dommage, parce que le cas du marchand d’armes est plutôt intéressant – faut voir…

 

Le truc qui ne passe pas, en ce qui me concerne, c’est l’artefact en « cadeau » aux PJ. Non, là, franchement, non… Mais on peut s’en passer, heureusement.

 

Bilan plutôt satisfaisant, donc, avec des bémols certes, mais il y a vraiment quelque chose à faire avec tout ça. En le découpant, ce scénario peut pleinement jouer son rôle de « briseur de monotonie », et révéler si ça se trouve des facettes inattendues des PJ.

 

En fait, dans le cadre de cette campagne, c’est le premier scénario à vraiment me botter… et il n’y en aura pas 36 000 par la suite, hélas.

Nocturne (Lausanne, 1923 ; essentiel)

 

On revient à la campagne « essentielle » avec un scénario plus court et ramassé que la plupart – avec toutefois le risque qu’il ne s’y passe au fond pas grand-chose : il faut bien faire attention à gérer habilement la fin, notamment.

 

Ceci étant, il y a plusieurs idées sympathiques là-dedans, je ne le nie pas – ne serait-ce bien sûr que l’emploi du personnage de Des Esseintes, le décadent échappé d’À rebours, de Joris-Karl Huysmans, qui est ici le Prince Puzzle ; ceci étant, c’est une dimension à peine esquissée dans ce scénario, et le personnage est probablement un peu trop ridicule présenté de la sorte – à creuser, donc.

 

Mais la virée dans la Lausanne onirique peut également s’avérer amusante – à la condition de bien penser les prémonitions « nécessaires » et le procès complètement débile (délibérément) ; gaffe, donc, mais pourquoi pas ? À noter, par contre, que, cette escapade onirique prenant place dans le train, entre Lausanne et Milan, c’est une occasion de moins de prolonger « Terres Oniriques Express »… Attention à l’emploi du temps, donc.

 

Note pour note (Milan, 1923 ; essentiel)

 

Le premier volume s’achève sur un étrange scénario milanais… étrange mais probablement raté, en fait.

 

Le problème, c’est que le grotesque pointe à nouveau le bout de son (gros) nez (rouge), cette fois dans le « vrai » monde. L’enquête au cœur de l’intrigue en est nécessairement affectée ; c’est d’autant plus troublant que Milan, dans ce scénario, est autrement assez concrète : j’aime bien – comme souvent dans des scénarios de L’Appel de Cthulhu, en fait – la dimension politique, ici avec des syndicalistes se frittant avec les fascistes, lesquels sont plus que jamais sur leurs terres… Mais la dimension « touristique » est par ailleurs très appuyée (probablement trop…), au point de produire un fantasme de Baedeker (La Scala, forcément, Verdi, forcément, etc.). Et, par d’autres aspects, la ville devient pourtant quasi onirique… ou cauchemardesque (la ville atone, tournant entièrement autour de son opéra comme s’il s’agissait d’un temple où quémander la bienveillance des dieux ; les habitants n’en sont pas à un comportement étrange près…).

 

Mélange des genres que je trouve assez déconcertant. D’habitude, j’aime bien… mais ici, je trouve que ça coince un peu – il manque quelque chose pour que ça se tienne vraiment…

 

Et, on va finir par croire que c’est une manie, il faut composer avec un finale qui m’a paru parfaitement ridicule…

 

La Mort (et l’amour) dans une gondole (Venise, 1923 ; essentiel)

 

Nous entamons alors le volume 2, avec un scénario vénitien au titre lourd comme moi… Titre qui indique par ailleurs d’emblée que le scénario mêle en fait deux trames : la première (optionnelle le cas échéant, ouf…) est grosso merdo une amourette perturbée par les fascistes (lesquels sont bien le seul élément « amusant » dans tout ça) – il ne s’y passe absolument rien de surnaturel ou simplement bizarre, c’est du gros « romantisme » qui dégouline : je m’en passerai très bien.

 

La deuxième trame, par contre, s’inscrit à fond dans la campagne – et c’est sans doute bien pour cela qu’il faudrait la compenser quelque peu, d’autant qu’elle se montre excessivement linéaire ; hélas, le moyen de l’amourette ne me paraît pas pertinent pour ce faire.

 

Quelques idées sympathiques toutefois – ne serait-ce que la fabrique de poupées et prothèses. Laquelle, inévitablement… débouche sur une fin au potentiel de ridicule toujours aussi délicat à gérer ; là, c’est carrément périlleux, à cet égard… Alors si on y rajoute Fenalik qui fait le con…

 

Reste quoi ? Eh bien, le tourisme… Et là je commence à me montrer très sceptique sur l’orientation de cette campagne…

 

Le Croisé noir (Constantinople, 1204 – Cthulhu Dark Ages ; optionnel)

 

Il faut dire que la suite immédiate n’arrange pas exactement les choses – elle est optionnelle, heureusement…

 

Nouveau scénario historique, pour Cthulhu Dark Ages (qu’il n’est donc pas nécessaire de posséder, pour autant), et qui m’a fait l’effet d’un triste gâchis. En effet, le cadre est tout bonnement superbe : le sac de Constantinople lors de la IVe croisade, en 1204. Hélas, on en fait ici n’importe quoi… ou disons qu’on n’en fait pas du Cthulhu, quoi.

 

Les PJ (on a un peu de mal à dire « investigateurs », pour le coup), des prétirés en principe, y vivent une aventure qui laissera des traces manuscrites – et c’est bien en ayant trouvé ce manuscrit, dans un scénario précédent, que les investigateurs de 1923 « débloquent » (façon jeu vidéo, bis) ce flashback optionnel.

 

Le problème ? Eh bien, c’est que c’est une grosse bourrinade… Certes, jouer des chevaliers francs n’a pas les mêmes implications que jouer un avocat, une bibliothécaire, etc. Mais à ce point ? Ce n’est plus du défoulement, c’est du gâchis ; toute tentative de jouer sur l’ambiance de cet événement historique crucial est bientôt anéantie par la succession ultra-linéaire des bastons. Et…

 

Bordel.

 

Les PJ s’y frittent même avec UN PUTAIN DE DRAGON.

 

« WTF ? », comme disent les jeunes.

 

Et sans moi, merci bien… Le vampire, j’ai bien voulu faire un effort, hein, mais là…

 

Un coup de vent glacé (Trieste, 1923 ; essentiel)

 

Nous retournons ensuite à la campagne « essentielle » de 1923… pour une autre grosse, mais alors grosse, déception.

 

J’attendais pas mal de choses de ce scénario, à vrai dire – ne serait-ce que parce que son contenu « mythique » est autrement marqué, a priori, que dans tous les scénarios qui précèdent (et, bon, nous en sommes quand même… au dixième scénario, on a franchi la moitié !). Mais je n’y ai vu qu’un bien triste ratage…

 

L’ambiance est d’abord sympathique, pourtant : le vent d’une force invraisemblable, l’indication cryptique enjoignant les PJ de trouver de l’aide auprès d’un homme mort depuis bien longtemps… Hélas, ces premières nuances relativement subtiles cèdent bien vite la place au Grand-Guignol – d’abord via des séquences de poltergeist risibles (je fais un effort, je compose avec le fantôme ; mais bon... Je suppose que ces séquences se veulent bien, en partie du moins, humoristiques, mais pour casser l’ambiance, y a pas mieux), ensuite via un affrontement quasi-donjoneux (dans un réseau de grottes) entre deux cultes opposés ; les joueurs, amenés sur place par des développements extrêmement linéaires, n’ont peu ou prou aucune occasion de faire des choix, et sont largement de simples spectateurs de l’histoire.

 

C’est embêtant, quand même… Et, plus embêtant encore, même dans ces circonstances-là, leur taux de mortalité peut facilement s’élever jusqu’au massacre pur et simple !

 

Gros.

 

Ratage.

 

La Ville aux églises et aux tours (Zagreb onirique, 1923 ; optionnel)

 

Et la suite…

 

Enfin, optionnelle, hein.

 

Un scénario…

 

Est-ce seulement un scénario ?

 

À vrai dire, j’en doute, et pas qu’un peu.

 

Disons qu’il s’agit d’un « interlude onirique ». Qui s’inspire d’une nouvelle de Thomas Ligotti, précision passablement enthousiasmante !

 

Hélas, ça se contente de déboucher sur un « épisode » très bref – et où, là encore, les joueurs n’ont peu ou prou rien à faire… sinon devenir fous ; et une sanction pareille pour un « moment » aussi dénué d’enjeu, ça me paraît quand même un poil excessif.

 

Reste quoi ? Eh bien, des petites saynètes qui se veulent énigmatiques/poétiques… Et vous savez comme moi ce que ça donne, l’énigmatique/poétique, quand ça n’est pas maîtrisé…

 

Pain ou pierre (Vinkovci, 1923 ; optionnel)

 

Scénario optionnel encore, mais sur Terre et en 1923 – il est cependant en relation avec deux scénarios « historiques », puisqu’il renvoie tant au « Croisé noir » (voir plus haut, yeurk, yeurk) qu’à « Sanguis Omnia Vincet » (juste après, et heureusement plus enthousiasmant).

 

Mais soyons bon prince : « Pain ou pierre », après le calvaire (le mot ne me paraît pas forcément trop fort) de plusieurs des scénarios précédents (et tout particulièrement de ceux qui précèdent immédiatement), s’avère une respiration plus que bienvenue.

 

Il s’agit pourtant d’un scénario d’enquête des plus classique, mais, au moins, il me paraît fonctionner – et, mirac’ ! sans se montrer excessivement linéaire pour autant.

 

C’est tout bête, hein – mais l’idée d’un arrêt intempestif du train s’avère plutôt bonne.

 

Et si, par la suite, le mélange entre « Herbert West, réanimateur » et L’Île du Docteur Moreau, peut donner une première impression mitigée, il s’avère suffisamment bien pensé et bien géré pour satisfaire. On n’y atteint sans doute pas des sommets d’inventivité, mais, au moins, ça marche. Certes, ça n'a peu ou prou aucun lien avec le reste de la campagne... au-delà de la thématique des monstres de chair, disons.

 

Un regret, cependant : que l’objet de tout ça soit plus ou moins de mettre la main sur un artefact de Grosbill pour péter ultérieurement la gueule aux méchants… Mais la possibilité qui est offerte de finir (ou presque) en mode « non-violent », avec un « grand méchant » qui s’avère ne pas être si méchant que ça, est là aussi tout à fait bienvenue – une respiration, vous dis-je…

 

Sanguis Omnia Vincet (Constantinople – et surtout Lydie, en fait –, 330 – Cthulhu Invictus ; optionnel)

 

Troisième – et dernier – scénario historique, « Sanguis Omnia Vincet » s’inscrit cette fois dans le contexte de Cthulhu Invictus (là encore, il n’est pas nécessaire d’en disposer). Il est « doublement optionnel », puisqu’il est en principe déclenché par la découverte d’un document dans le scénario qui précède, lui-même optionnel. Il s’agit, de manière plus marquée que dans « Le Croisé noir », de jouer les événements rapportés par le document écrit trouvé en 1923, éventuellement, en l'espèce dans « Pain ou pierre ». Ce qui explique d’ailleurs une dimension importante de ce scénario : les PJ (des prétirés) y sont d’emblée condamnés…

 

Mais, même dans cette optique particulière, le scénario prend tout de même soin de ne pas cantonner les PJ à un fâcheux rôle de spectateurs – et l’ambiance est plus qu’honnête tout du long, y compris lors de cette conclusion « déjà écrite ». Laquelle n’est toutefois pas sans risque : elle doit être gravissime pour fonctionner pleinement, là où le risque du grotesque n’est pas loin, une fois de plus ; mais c'est décidément dans l'ordre des choses.

 

C’est qu’il s’agit de rapporter la « naissance » de Fenalik – occasion bienvenue de lui donner de la chair (aha, si j’ose dire) en lui conférant un background « intime » ; lequel peut se répercuter sur les PJ de 1923, via la lecture du document relatant le drame – qui est donc joué par les PJ de 330. Je reste sceptique sur la pertinence de glisser un vampire passablement « classique » dans une campagne de L’Appel de Cthulhu, mais cela peut contribuer à « sauver » le PNJ… et par son biais la campagne ? Euh, cette fois, je n’irais pas jusque-là…

 

Ceci étant, ce scénario demeure très classique – mais en même temps efficace. Comme dans « Le Croisé noir », il y a beaucoup d’action, et là encore limite donjonesque à un moment, mais le mélange des genres me paraît cette fois beaucoup mieux géré.

 

Rien d’exceptionnel, donc – mais c’est quand même bien plus intéressant que « Le Croisé noir », ce fâcheux précédent. La fin, bien gérée, peut déboucher sur des choses très intéressantes, cette fois – il faut y faire très attention, certes : c’est le nœud de la chose…

 

La Petite Chaumière dans les bois (Belgrade et Orašac, 1923 ; essentiel)

 

Puis nous retournons – à la toute fin de ce deuxième volume… et après trois scénarios optionnels, quand même ! – à la campagne de 1923, pour un scénario crucial, assez étrange d’une certaine manière (ce qui n’est certes pas pour me déplaire)… mais dont je crains qu’il ne fonctionne pas.

 

Les investigateurs sont arrivés à Belgrade, où ils cherchent le deuxième bras du Simulacre de Sedefkar… un peu au pif. Mais, quelle chance décidément ! Ils tombent pile poil au bon moment sur une référence utile – renvoyant à une collectionneuse habile, paumée dans un coin oublié des Balkans...

 

C’est peu dire : le début manque ainsi de vrai liant et de vraie motivation, ce qui se traduit sans surprise par un déroulé passablement linéaire.

 

La suite est très différente, mais hélas guère plus satisfaisante. Pour le coup, on trouve cette fois bel et bien le « Mythe » dans la trame, et à donf dans la drepou même, avec tout ce qu’il peut avoir d’implications dans un village paumé de ce genre. Les interactions au village et dans ses environs peuvent être relativement amusantes, j’imagine… Classiques, mais…

 

Hélas, les choses dégénèrent, quand la vieille collectionneuse, avec ses deux copines plus jeunes (la pucelle et la mère, comme d’hab’), s’avère être Baba Yaga, entité elle-même mythique, au service d’un dieu extérieur – non pas notre cher Nyarly, pourtant au cœur de la campagne, mais bien plutôt Shub-Niggurath, qui n’a à peu près rien à voir avec tout ça…

 

Bon… Malgré le manque de liant avec le propos global de la campagne, pourquoi pas ?

 

Le vrai problème de la séquence est ailleurs, à mon sens : c’est qu’elle est extrêmement punitive… À ce stade, on a vraiment l’impression d’un scénario conçu spécifiquement pour casser du PJ. Problème peut-être récurrent de ce genre de campagnes, mais d’autant plus pénible ici que remplacer les PJ morts me paraît être une affaire plus délicate encore que dans ces autres campagnes…

 

Et, inévitablement, ce caractère punitif passe par des situations à fort potentiel de grotesquitude. Certes, là encore, le Gardien des Arcanes prudent sera probablement en mesure de trier le bon grain de l’ivraie, pour concocter une scène véritablement terrifiante – sévère, mais forte… Mais le moindre écart, ici, peut avoir des conséquences fatales – pas seulement pour les PJ : pour l’ambiance globale de la campagne… C’est du moins mon impression.

 

Or, à suivre « by the book » le déroulé du scénario, ces deux dimensions s’associent en fait pour le pire : on y trouve ainsi nombre de jets de dés parfaitement idiots… et aux conséquences éventuellement fatales ! Ce qui est d’autant plus frustrant, voire carrément agaçant, que les joueurs n’ont finalement pas 36 000 possibilités d’agir…

 

En l’état, donc, ce scénario ne me convainc pas – une fois de plus… Peut-être y a-t-il cependant moyen d’en tirer quelque chose en le retravaillant drastiquement… mais, devant une campagne du commerce, je regrette toujours cette situation : le Gardien des Arcanes ne devrait pas avoir à accomplir tout ce boulot…

 

Reprise de possession (Sofia, 1923 ; essentiel)

 

Nous entamons le livre 3, avec ce scénario crucial, présenté comme étant plus ou moins l’apogée de la campagne – mazette…

 

Bon, accordons qu’il y a des choses amusantes dans le point de départ – avec le risque toutefois, si fréquent dans la campagne, de la « quête » scriptée, façon « j’arrive en ville, je cherche cet objet qui a le bon goût de se trouver pile-poil sur ma route ou presque, et je repars avec ; puis j’arriverai dans une autre ville, j’y chercherai un objet », etc.

 

Risque redoublé, en fait – avec l’inévitable progression : 1) enquête avec un peu de social pour le principe ; 2) exploration ; 3) baston.

 

Et, euh, je ne suis pas persuadé que ce soit une approche super pertinente… D’autant que, dans ce cadre déjà étouffant, c’est une fois de plus très dirigiste ; avec d’ailleurs ce genre de scène qui me fait instinctivement froncer les sourcils, en l’espèce l’énucléation nécessaire d’un PJ, qui risque fort d’y passer…

 

Là encore, de toute façon, le scénario est passablement mortifère – au point où ça me paraît compromettre la pérennité de la campagne ; or il reste des trucs à jouer, quand même…

 

Évidemment, ce souci ne se pose jamais autant qu’à la fin : en principe une grosse baston fatale avec Fenalik, plus vampire que jamais, craintes de l’ail et du soleil incluses… Et, à plus ou moins bon droit, j’ai donc du mal à établir une cohérence entre ce fantastique ultra classique et « le Mythe », mais oui, c’est à débattre.

 

Bien menée, cette scène d’action peut sans doute générer de beaux moments… Mais au point où j’en suis, je ne me sens même plus la force d’aller jusque-là…

 

Et… Vous savez quoi ?

 

Eh bien, ça ne s’arrange pas par la suite… mais alors vraiment pas…

 

In Extremis (Constantinople, 1923 ; essentiel)

 

Les PJ arrivent à Constantinople – et éventuellement à la fin de la campagne, si l’on prend l’option « courte » voulant que le professeur Smith soit bien le commanditaire des PJ, et non pas Mehmet Makryat déguisé.

 

Hélas, dans tous les cas, ça me fait l’effet d’être franchement... calamiteux – et je crois que le terme n’est pas trop fort.

 

Le début du scénario, d’autant qu’il est relativement confus dans son exposition, laisse espérer un épisode plutôt libre, dans une ambiance assez sympathique – à condition, je suppose, de bien travailler la motivation des personnages, mais c’est probablement la moindre des choses…

 

Mais c’est hélas une illusion : ce scénario figure en fait parmi les plus scriptés de la campagne… au point où j’ai vraiment l’envie de dire : « Stop… » Les événements s’enchaînent forcément, mais sans véritable cohérence, et les PJ se retrouvent une fois de plus cantonnés à un double rôle guère enviable de victimes (là encore des morts sont au programme – je sais, c’est L’Appel de Cthulhu, c’est dans l’ordre des choses… mais quand ça arrive sur un unique jet de dés malencontreux, ça a tendance à me saouler) et de spectateurs.

 

La fin « normale » est horriblement mauvaise, mais les problèmes commencent en fait plus tôt que ça : c’est globalement le petit jeu de Mehmet qui n’a aucun sens, tandis que l’attitude globale des Frères de la Chair à l’encontre des PJ est parfaitement absurde.

 

Je vous résume – vous allez voir comme c’est palpitant : les PJ doivent trouver l’indice gros comme un mammouth sinon deux ; ils doivent aller au cimetière profaner bêtement une tombe dont on se doute qu’elle a dû l’être depuis longtemps (en fait, l’indice à la con… en est paradoxalement une confirmation ! Mais il doit pourtant y conduire les PJ, c’est absurde…) ; ils doivent être capturés dans l’embuscade évidente qui ne manque pas de s’y dérouler (seuls face à une quarantaine de bonshommes, il n’y a pas d’alternative) ; mais ils doivent être libérés par Mehmet déguisé (absolument sans la moindre justification ou crédibilité) ; après quoi ils doivent le suivre à la Mosquée Rouge et s’y infiltrer ; là-bas, ils doivent assister au rituel sans rien faire – mais aussi sans courir le moindre risque, autant pour la vigilance infaillible des adorateurs ; heureusement (…), ils doivent être trahis par Mehmet (hein ? gratuitement, là, comme ça ?) ; ils doivent à nouveau être faits prisonniers (euh…) ; puis ils doivent être nargués dans leur geôle par Mehmet – lequel explique « toute la subtilité de son plan » avec la finesse d’un Grand Méchant Pulpissime qui aurait hélas trop souvent visionné la fin de Flic ou ninja et aurait trouvé ça futé ; mais ils doivent s’évader, absolument sans le moindre souci (!), en jouant vaguement sur une superstition de la secte, après que des adorateurs décidément très serviables… leur ont ôté leurs chaînes sans la moindre raison (hein ? mais… que…) ; puis ils doivent sortir de là tranquillou, et hop ! prendre le train à temps pour le scénario suivant.

 

 

Non, franchement, non – c’est se moquer, là…

 

Horriblement mauvais. Et irrattrapable. Alors, lire la suite…

 

Bon, pour le principe…

 

(Ah, un truc – on nous propose un simili-scénario complémentaire, « Une peau parfaite », tiré d’une nouvelle publiée dans une anthologie de Chaosium ; c’est absolument dénué d’intérêt – le genre de gros clin d’œil qui ne pourrait très éventuellement fonctionner que si tant le Gardien des Arcanes que les Investigateurs avaient lu tout récemment ladite nouvelle ; mais à quelle fin ? Cela ne sert à rien…)

 

Train bleu, nuit noire (à travers l’Europe, 1923 ; essentiel)

 

À maints égards, ce scénario est le véritable aboutissement de la campagne – le dernier scénario « essentiel », juste après, tient peu ou prou en une unique scène dont on peut se passer ; quant à l’ultime scénario, c'est un épilogue optionnel.

 

Ici, les PJ remontent donc (en principe…) dans l’Orient-Express, pour y courser Mehmet Makryat, lequel dispose des pouvoirs du Simulacre de Sedefkar, lui permettant de changer de peau à volonté ou presque. Or les investigateurs sont pressés : la malédiction du Simulacre les affecte toujours… et ils peuvent en mourir.

 

En l’état… ce n’est pas si mauvais, je suppose. Très correct, même, par rapport à ce qui précède immédiatement – mais c’était pas bien difficile… Quoi qu’il en soit, ce scénario centré sur le train – qui correspond ainsi peut-être davantage à mes fantasmes d’avant lecture ? – a passablement de nerf, et est l’occasion de mettre en scène des PNJ amusants. Le rythme est soutenu, les (mauvaises) surprises s’accumulent… Oui, il y a de quoi faire.

 

Et pourtant, on y trouve une fois de plus de bien tristes gâchis – ne serait-ce que la Locomotive Bestiale, finalement guère employée, ou plus encore le retour du Prince Puzzle (Des Esseintes si vous préférez), qui, en soumettant aux PJ la possibilité d’un accord inacceptable (mais potentiellement accepté), dans son étonnant wagon-cathédrale, perd en fait de l’aura qu’il aurait pu enfin exprimer, à la démesure de ses ambitions… pour devenir un vulgaire deus ex machina.

 

Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails – plus vraiment la force…

 

Mais il me faut quand même noter une dernière boulette, et de taille. C’est en effet dans ce scénario que nous apprenons (enfin) la motivation ultime de Mehmet Makryat. Figurez-vous qu’il a fait tout ça, qu’il a manigancé ce plan si complexe et mis la main sur cet artefact mythique de premier ordre, à même de lui assurer un pouvoir hors du commun, dans un but bien précis… qui est de prendre la place d’un membre de la famille royale britannique. PARCE QUE ÇA C’EST LE VÉRITABLE POUV…

 

Non, j’ai mal lu.

 

‘tendez voir…

 

 

Euh, si, c’est bien ça, c’est bien ce qui est écrit, c’est…

 

Euh.

 

 

Hein ?

 

Quoi ?

 

The Fuck ?

 

C’est une blague ?

 

 

Je le suppose. On ne peut pas écrire sérieusement une bêtise pareille – pas possible. J’en conclus que la boîte entière, avec toutes ces pages, et pour ces glorieux 109 €, était d’emblée composée à la seule fin de se foutre de ma gueule dans ces dernières pages. Pas possible autrement…

 

Et, euh, arrivé là, j’étais furieux.

 

Oui.

 

C’est que j’ai les nerfs sensibles, hein…

 

Le Brouillard se lève (Londres, 1923 ; essentiel)

 

C’est pas tout à fait fini. Reste un ultime scénario – même si, après quelques éléments d’enquête fort dispensables, il consiste peu ou prou en une unique scène.

 

C’est que Mehmet Makryat – censément mort à l’épisode précédent – avait conçu un autre plan DIABOLIQUE pour REVENIR D’ENTRE LES MORTS !!!

 

Bref : si les PJ commettent la boulette qu’il imaginait, et c’est pas impossible, il revient tel un personnage de Game of Thrones pour se fritter une nouvelle fois avec eux.

 

(Je bâille.)

 

(Pardon.)

 

Le Simulacre affranchi (Istanbul – en fait tout le trajet de l’Orient-Express depuis Paris –, 2013 ; optionnel)

 

Reste un épilogue, de nos jours (2013 plus exactement). Un homme d’affaires faussement sympathique est en fait un adorateur de Nyarlathotep, qui veut créer un nouveau Simulacre à son seul profit. Il combine un plan bien compliqué pour faire monter à bord de l’Orient-Express, pour un voyage d’exception, douze victimes potentielles, à démembrer pour la plus grande gloire de qui vous savez. Des victimes choisies, et notamment un descendant d'un investigateur de 1923...

 

Pourquoi pas ? Sauf qu’après tout ce qui s’est produit, j’ai du mal à croire que le Gardien des Arcanes ou les joueurs aient encore envie de se fader une ultime séquence de tchou-tchu-deluxe, avec un ersatz de vilain sorcier qui, finalement, ne fait pas grand-chose de neuf…

 

Seule vague originalité : la queue du train qui disparaît, avec les PJ et quelques PNJ, dans un « Autre Lieu » pas véritablement défini, variante façon cauchemardesque des Contrées du Rêve ; admettons…

 

Allez, si, notons la fin – avec le cultiste guedin qui veut qu’on le tue, pour que son rituel fonctionne vraiment ; ceci étant, se débarrasser du bonhomme, même après coup, a l’air autrement facile que pour ses modèles de 1923…

 

Il y a des PNJ amusants, oui… Allez, ça peut fonctionner, j’imagine – peut-être mieux en one-shot, du coup : les rappels à la campagne de 1923 sont somme toutes limités (une vision-flashback ici ou là, le journal d’un investigateur opportunément disposé par le vilain, sans vraie motivation, et avec des conséquences éventuellement limitées, et le lien avec un PJ, sans grande pertinence) ; on peut éventuellement s’en passer, pour jouer en solo une aventure assez classique, voire très classique, mais éventuellement amusante, oui…

 

(Je bâille à nouveau, quand même.)

 

LES INCONNUS DU TRAIN

 

Le troisième livre s’achève sur une flopée de PNJ – il aurait sans doute pu faire l’économie d’une page sur deux, d’ailleurs – les mêmes fiches libres destinées aux notes du Gardien, ou, le cas échéant, des joueurs, étant reproduites à chaque fois (une nouvelle démonstration d’humour absurde, je suppose…).

 

On y trouve plein de personnages – certains jouables, d’autres pas ; des amusants, d’autres moins… Enfin, il faut bien peupler le train, hein – ou les trains, d’ailleurs, puisque, en fonction des escales, les PJ sont en fait amenés à emprunter plusieurs Orient-Express. Les derniers – avec leurs dessins über-moches – sont pour l’essentiel les PJ des bêta-testeurs, ai-je cru comprendre.

 

Dans tous les cas, ces PNJ sont les bienvenus pour instaurer un semblant d’ambiance ; et, bien sûr, certains sont tout destinés à remplacer des PJ malencontreusement morts ou fous…

 

CONCLUSION : NON, SANS FAÇON

 

Eh bien, je crois que je n’ai pas besoin de vous faire un dessin…

 

Cette campagne, qui m’intriguait depuis un bon bout de temps, bien avant cette luxueuse réédition augmentée, s’est globalement avérée une déception. Les bonnes idées, car il y en a, sont bien trop souvent noyées dans les mauvaises. Le dirigisme, que l’on pouvait certes redouter, est bien de la partie – et, visiblement, rien n’a été fait dans le cadre de cette réédition pour y remédier. L’ajout de tant de scénarios optionnels, au fond, n’arrange pas les choses à cet égard – et peut-être même les complique-t-il ; de toute façon, un certain nombre d’entre eux ne présentent pas le moindre intérêt…

 

Par ailleurs, à mon sens, cette campagne souffre d’un gros problème d’ambiance, et, qui lui est lié, de cohésion. Le cul entre deux chaises, presque systématiquement, elle oscille entre un « Mythe » pas très bien digéré et un fantastique plus classique, or le mélange des deux ne se montre guère pertinent en l’état. Ce souci – mais peut-être n’affecte-t-il que les excessifs dans mon genre, c’est vrai – se redouble en ce qui me concerne dans la mesure où la thématique du voyage s’avère finalement assez mal traitée : le tourisme devrait être hors-sujet au regard des motivations des personnages – mais il est régulièrement de la partie, pourtant, et non sans artifice : Baedeker en main, tant les PJ que les PNJ profitent de leurs escales pour visiter tel ou tel lieu célèbre, et, parce que la vie est bien faite, y trouver pile-poil ce qu’il leur faut. Or il s’agit bien de tourisme au sens le plus vulgaire, paradoxalement – avec sa dose de superficialité…

 

Et, entre ces deux dimensions, il faut sans doute placer un autre problème, central : celui de la progression façon « jeu vidéo » ; très franchement, je n’arrive pas à y croire à la lecture – avec un peu de distance, il aurait peut-être été possible de s’amuser avec cette dimension, mais cette distance n’est décidément pas de mise ici : c’est très premier degré, en fait…

 

Je ne jouerai donc pas cette campagne – j’en avais la vague idée au départ, mais ça me paraît désormais inenvisageable ou presque… Bon prince, je supposerais qu’elle demeure plus jouable que, disons, Les Ombres de Yog-Sothoth… Ce qui n’est peut-être pas tout à fait un compliment. Pour le reste…

 

Eh bien, la grosse boîte bleue fait joli dans ma ludothèque.

 

Hein.

 

On va dire ça…

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (31)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (31)

Trente-et-unième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

La joueuse incarnant Romy était absente. Les PJ présents étaient donc Dwayne O’Brady, Michael Bosworth, et, en ce qui me concerne, le garde du corps aux ambitions d’écrivain Anatole « Froggy » Despart.

 

I : FOUINER DANS LES AFFAIRES DES AUTRES

 

[I-1 : Dwayne, Michael, Anatole : Anya ; Romy] Dwayne, Michael et moi venons d’arriver dans un couloir d’hôtel, après avoir emprunté la porte suspendue à la chaîne de gauche au fond de l’abîme. Nous avons vu deux gardes disparaître dans une pièce sur la gauche, par une double porte – ils suivaient une sorte de serveuse aux traits slaves et à la tenue connotée… [Il s’agit d’Anya, mais nous ne le savons pas – seule Romy connaît son nom.] Ils ne nous ont pas prêté la moindre attention – nous supposons que c’est parce qu’ils ne surveillent guère la porte que nous venons d’emprunter : personne ne passe jamais par là…

 

[I-2 : Dwayne, Anatole] Dwayne se dirige prudemment vers la première porte sur notre droite, tandis que je surveille ses arrières en longeant précautionneusement le mur de gauche – celui qui donne sur la double porte, à travers laquelle nous entendons la musique jazz qui avait attiré Dwayne, et les éclats de voix festifs d’un petit nombre de convives. Arrivé près de la première porte sur la droite, Dwayne y colle son oreille, et n’entend absolument rien. Il entrouvre prudemment la porte pour y jeter un œil – personne. C’est un dortoir, pouvant accueillir trois ou quatre personnes, mais seuls deux lits sont faits ; les effets personnels présents dans la pièce permettent de déterminer que ce sont deux femmes, et probablement assez jeunes, qui l’occupent. Dwayne pénètre dans la pièce, et la fouille rapidement ; il trouve des « couteaux de femmes », petites lames rétractibles qui ne l’intéressent guère, lui qui dispose déjà de poignards de qualité. Rien d’autre ou presque – pas de papiers permettant d’identifier les jeunes femmes, notamment.

 

[I-3 : Michael, Anatole : Kelly Gillian ; Dwayne O’Brady] Michael, pendant ce temps, se rend à la porte suivante, toujours sur le mur de droite. J’étais parti pour suivre Dwayne, peu désireux que l’on se sépare à nouveau dans cet environnement inconnu, mais Michael me fait bientôt signe, chuchotant : « Ça pue le cadavre ! » Je le rejoins. La puanteur est flagrante, oui – mais il ne s’agit pas que d’un cadavre : flottent aussi dans l’air des remugles de poisson pourri… Nous ouvrons la porte, qui donne sur un autre dortoir – en rien « féminin » celui-ci : il est horriblement sale, jonché de déchets en tous genres (nourriture, mégots, bouteilles…) et de revues pornos. S’y trouvent cinq lits dont deux seulement semblent être utilisés. Des costumes masculins de domestiques, relativement classes, sont suspendus à des patères – contrastant avec le caractère plus que négligé du dortoir. Mais à l’entrée de la pièce ou presque se trouve aussi le cadavre encore tiède d’une femme – que je ne connais pas, mais Michael si : il s’agit de la journaliste Kelly Gillian. Elle a une plaie béante au cœur, mais la lame qui s’y était enfoncée a été retirée.

 

[I-4 : Dwayne : Michael Bosworth, Anatole « Froggy » Despart, Kelly Gillian ; Nathaniel Sanders] Dwayne ressort du premier dortoir, passe hâtivement devant la double porte donnant sur le salon de détente (il prend soin de passer sous la fenêtre en hublot à hauteur d’homme), nous rejoint brièvement Michael et moi (il reconnaît lui aussi Kelly Gillian), mais poursuit bientôt son chemin, vers l’endroit où le couloir bifurque à angle droit sur la gauche. La porte en face semble singularisée – s’y trouve une plaque dorée gravée aux initiales « N.S. ». [Nathaniel Sanders, mais seule Romy le sait.] Il tend l’oreille, et perçoit le bruit de quelqu’un en train d’écrire sur du papier – un bruit léger, qui aurait été imperceptible s’il n’y avait pas prêté attention, noyé sous les airs de jazz et les rires des fêtards.

 

[I-5 : Anatole : Kelly Gillian ; Dwayne O’Brady] Je fouille le dortoir négligé. [Trouver Object Caché, réussite critique.] Un tiroir, dans un meuble, est constellé de sang frais ; je l’ouvre, et y trouve deux Derringers (un vide, l’autre chargé à moitié), ainsi que deux chargeurs de .38 (je n’en ai pas l’usage, mais cela intéressera Dwayne). Je m’intéresse aussi au cadavre de la jeune femme : je trouve des papiers l’identifiant bel et bien comme étant Kelly Gillian, et même sa carte de presse – déchirée ; enfin, une fiasque vide qui avait contenu du whisky irlandais.

 

[I-6 : Dwayne] Dwayne progresse discrètement dans le couloir qui bifurque sur la gauche, se rendant tout d’abord à la première porte sur sa gauche. [Discrétion, réussite critique.] Il pénètre sans un bruit dans la chambre dont la porte n’était pas verrouillée, et y voit un homme assez âgé, affalé sur son lit toujours habillé, et qui ronfle profondément. La chambre est aussi luxueuse que le couloir ; mais il faut y ajouter des effets personnels très onéreux. Pour autant, Dwayne n’y trouve pas grand-chose d’utile – valeur pécuniaire mise à part : porte-cigarettes en argent, ce genre de choses… Il prend cependant un briquet en or.

 

[I-7 : Anatole, Michael : Kelly Gillian, Dwayne O’Brady] Je laisse là le dortoir négligé et le cadavre de Kelly Gillian, et me rends à la porte faisant face à celle que Dwayne vient de franchir. Je colle mon oreille à la porte, mais ne perçois rien à l’intérieur. Michael me suit. J’ouvre la porte, mais la chambre est vide, ou plus exactement ne semble pas avoir été occupée récemment. Je poursuis vers la porte suivante sur le mur de droite.

 

[I-8 : Dwayne] Dwayne fouille le vieil homme profondément endormi – à la recherche de clefs. Il remarque que le bonhomme s’est endormi comme une masse, avec un porte-clefs qui pend toujours de sa main droite… Il parvient à s’en emparer sans susciter la moindre réaction du dormeur. Puis il ressort en fermant la porte – et en la verrouillant.

 

[I-9 : Anatole, Dwayne] Je tends une fois de plus l’oreille devant la nouvelle porte, sans rien entendre ; elle est de toute façon verrouillée… Je poursuis : même chose… Et même chose pour la deuxième chambre à laquelle se rend Dwayne.

 

[I-10 : Michael : Warren Parrington] Michael, quant à lui, va plus loin. [Discrétion, réussite critique.] Il pénètre dans une autre chambre, où dort également un homme là aussi relativement âgé, bien gras, et arborant une petite barbe finement entretenue ; ses effets personnels témoignent une fois de plus de son immense richesse. Et Michael le reconnaît : il s’agit de Warren Parrington, le directeur d’une des plus grandes banques de Boston – il figure dans le Who’s Who, et ses traits sont reconnaissables, ainsi que sa grande canne très caractéristique, et qui apparaît souvent sur les photographies du notable.

 

[I-11 : Dwayne, Anatole : Kelly McGillian] Dwayne essaye ses clefs, mais elles ne fonctionnent pas : une seule, du métal léger que nous croisons sans cesse, permet d’ouvrir une chambre – celle qu’il vient de verrouiller. Je n’ai tout d’abord pas davantage de succès, entrevoyant plusieurs chambres vides, mais je me rends ensuite à celle du fond, tout au bout du couloir, et y relève des traces de lutte ; par ailleurs, s’y trouve une fenêtre brisée, aux volets ouverts (ils étaient fermés dans toutes les autres chambres)… et elle donne sur de la terre, qui s’écoule en partie à l’intérieur de la chambre : cet étrange hôtel est toujours souterrain… [C’était la chambre de Kelly McGillian.] Je retourne auprès de Dwayne pour l’informer de ce que j’ai vu.

 

[I-12 : Michael : Warren Parrington, Dwayne O’Brady, Anatole « Froggy » Despart] Michael, de son côté a pénétré dans la chambre de Warren Parrington, qui dort d’un sommeil « normal ». Il fouille la pièce. [Trouver Objet Caché, réussite critique.] Sans le faire exprès, son pied heurte la canne de Parrington, sans pour autant la faire tomber ; mais le son suffit à faire prendre conscience à Michael de ce que l’objet est creux… Une cachette ? Il se saisit prudemment de l’ustensile, qu’il manipule – et le manche se dévisse : il forme un petit poignard, arme de défense, mais il y a autre chose, dans le fourreau ; Michael renverse l’objet, et en fait tomber des bons au porteur, pliés et enrubannés comme autant de cigarettes – il y en a beaucoup, et qui représentent une jolie fortune… Michael les met dans sa poche, referme la canne (qu’il garde), sort de la chambre et nous rejoint Dwayne et moi.

 

II : AMITIÉS FRATERNELLES

 

[II-1 : Dwayne, Michael, Anatole : « N.S. »] Dwayne nous parle, à Michael et à moi, du bruit qu’il avait perçu dans la chambre marquée aux initiales « N.S. », et nous propose d’y jeter un œil. Je rechigne un peu tout d’abord, sachant que je ne suis guère discret, mais justement – pour Dwayne, il ne s’agit pas de tenter de passer inaperçu, mais bien de maitriser le type qui se trouve à l’intérieur ; et ça, c’est dans mes cordes… Michael et moi acquiesçons.

 

[II-2 : Dwayne, Anatole : « N.S. »] Dwayne et moi prenons place devant la porte : lui va l’ouvrir, en essayant de ne pas attirer l’attention, et je me jetterai aussitôt sur le type à l’intérieur, pour l’assommer de ma matraque en cuir. [Discrétion, réussite critique.] Dwayne parvient à ouvrir la porte sans faire le moindre bruit… Depuis l’ouverture, j’entraperçois des fenêtres aux volets ouverts, donnant sur des lieux inconnus autant que fantasques ; puis je vois « N.S. », un homme élégant, bien coiffé, à la moustache artistiquement apprêtée – mais il me voit à son tour. Il hausse un sourcil de surprise, puis esquisse un sourire amusé tandis que je me jette sur lui. Mais la pièce suscite un étrange effet de « dissociation », qui me perturbe : avec ces paysages étranges et animés de toutes parts – ce ne sont pas des œuvres d’art, mais des vues bien réelles et actuelles de paysages extraterrestres ! –, le lieu fait aussi grand que petit, et j’estime mal la distance qui me sépare de l’occupant des lieux. Ce trouble de la perception me fait en définitive rater mon coup – j’ai frappé trop tôt, et ma matraque rase le crâne de l’inconnu sans lui faire le moindre dégât…

 

[II-3 : Dwayne, Michael, Anatole : « N.S. »] L’homme, pour autant, ne fait aucun geste de défense ou d’attaque, et n’exprime pas la moindre peur ; il se contente d’émettre un petit rire désagréablement nasillard. Dwayne et Michael m’ont suivi, en fermant la porte derrière eux. Je relève ma matraque pour tenter un nouveau coup, mais l’homme me regarde droit dans les yeux, en déplaçant son index gauche au-dessus de son bureau… l’immobilisant sur un bouton d’alarme. Mais il n’appuie pas dessus – il se contente de menacer sans un mot de le faire, l’air plus moqueur que jamais. Michael aimerait agir, mais lui aussi est affecté par cette « dissociation » des distances caractéristique de la pièce… Dwayne se montre plus accommodant : à haute voix, il suggère que tout le monde se calme et que nous discutions en hommes civilisés… Mais Michael, ayant pris la mesure de la distance réelle le séparant de « N.S. », lui saute dessus et dégage son doigt du bouton d’alarme.

 

[II-4 : Dwayne, Anatole : « N.S. »] Je lève ma matraque, mais la réaction de l’homme est déconcertante – plus vexée qu’antipathique : « Vous ne souhaitez vraiment pas discuter ? » Dwayne veut parler, oui – il le répète, et, guère désireux de prendre une initiative qui pourrait s’avérer fâcheuse, j’abandonne mon intention d’assommer « N.S. » : je passe derrière lui pour le maîtriser, le maintenant sur sa chaise en lui immobilisant les bras – ce qui le fait pouffer, méprisant…

 

[II-5 : Dwayne/« Leonard Border » : Nathaniel Sanders ; Leonard Border] « N.S. » exprime sa déception : pour des gens parvenant jusqu’ici, et qui ont déjoué les pièges mortels de son mentor, il s’attendait à ce que nous soyons plus « élégants » ! Et nous ne savons même pas qui il est… Il en est visiblement offusqué. Dwayne avance qu’il ne nous connaît pas davantage, ce à quoi l’homme répond : « Êtes-vous célèbre, Monsieur ? » Forcément : il est arrivé jusque-là ! L’homme concède que « la célébrité a parfois mauvais goût »… Dwayne se présente comme étant Leonard Border (il arbore toujours l’apparence du journaliste). Et lui ? « M. Nathaniel Sanders, dénicheur de talents pour personnes de qualité ! » Ce que nous ne sommes de toute évidence pas ; dès lors, il n’est finalement guère étonnant que nous ne sachions pas qui il est…

 

[II-6 : Dwayne, Anatole : Nathaniel Sanders ; Hippolyte Templesmith] Dwayne lui demande quel est le nom de son maître – Sanders corrige aussitôt : son « mentor » (il y insiste, et n’accepte pas d’autre désignation qui le rabaisserait d’une manière ou d’une autre). « Sous quel nom le connaissez-vous ? » Dwayne répond : « Hippolyte Templesmith. » En effet… Tout en maintenant Sanders sur sa chaise, je l’éloigne du bureau afin d’éviter tout coup fourré. Dwayne lui demande si « son mentor » le paye bien ; oui, mais ce n’est pas très important… Il confirme cependant, à la demande de Dwayne que, par rapport à Templesmith, il est bien « un mortel »… Puis il désigne de la tête une armoire débordant de stupéfiants et d’alcools, « pour égayer notre discussion ».

 

[II-7 : Anatole, Michael, Dwayne : Nathaniel Sanders, « le frère jumeau »] Mais nous remarquons alors tous quelque chose chez notre otage : sa mine calme, un brin amusée, contraste avec une agitation de son corps au niveau du ventre, sous sa chemise – je le perçois très bien, moi qui le contiens. Je baisse rapidement les bras pour relever sa chemise… et apparaît un visage humain au niveau du ventre, évoquant un frère siamois, sur une couche d’organes internes ainsi visibles de tous ; ses yeux et sa bouche sont obstrués par des bandes de tissu – humidifiés par les pleurs et les vaines tentatives de la créature pour mordre son bâillon… Nathaniel Sanders tourne la tête dans ma direction : « Monsieur, un peu de pudeur ! À moins que… Seriez-vous attiré par les personnes du même sexe ? » Il arbore un sourire moqueur et m’adresse un clin d’œil – je l’ignore. Mais il tient le même discours à Michael – qui en est davantage amusé… Il reprend : « Souhaitez-vous continuer à me déshabiller ? Je peux vous y aider… » Dwayne lui demande s’il cache encore un autre visage ; mais non, il n’y a que celui-ci… Le maintenant sur sa chaise, je ne lui laisse guère de marge de manœuvre, mais il peut tout de même caresser son « jumeau » au niveau du front.

 

[II-8 : Michael, Dwayne, Anatole : Nathaniel Sanders, « le frère jumeau »] Michael approche, et prend l’initiative de déchirer le bâillon de sa lame. Peu importe que Nathaniel Sanders ait dit que « son frère » était beaucoup moins calme que lui… Effectivement – dès le bâillon retiré, le jumeau ventral hurle : « À l’aide ! » Sanders ricane : « Mon frère a toujours été un trouble-fête… » Le jumeau nous supplie de l’aider, de le libérer… mais reste sourd aux injonctions de Dwayne, lui disant de se taire ! Michael avance que l’on peut tenter une « opération », pour sortir le jumeau de là… Mais celui-ci ne l’écoute pas, il ne peut rien faire d’autre que de réclamer du secours à tue-tête… Je tente de le bâillonner de mes mains, mais ça ne fonctionne guère, et je me résous à l’assommer pour qu’il se taise – j’y vais même un peu plus fort que ce que je souhaitais… Mais il continue de hurler, tandis qu’un filet de sang jaillit d’entre ses lèvres, de même que pour Sanders lui-même ! Lequel est hilare…

 

[II-9 : Dwayne : Nathaniel Sanders] Dwayne entrouvre la porte pour jeter un œil dans le couloir. Il aperçoit un invité, l’air inquiet, qui passait la tête par la porte de sa chambre… Mais il y a aussi un garde qui, lui, sort résolument dans le couloir. Dwayne referme aussitôt. Il se tourne vers Sanders : comment sortir d’ici ? Sanders lui rétorque : « Vous pensez en être capables ? » Il en doute – pas sans aide extérieure…

 

[II-10 : Dwayne : Nathaniel Sanders] Un garde frappe à la porte : « M. Sanders, tout va bien ? » Dwayne lui fait signe de répondre affirmativement ; mais il dit alors : « Moi, ça va… Mais nous avons des invités ! » La porte s’ouvre brutalement, et deux gardes stupéfaits (dont un est armé d’un .38) apparaissent dans l’encadrement – qui répandent une infecte odeur de poisson.

 

[II-11 : Michael, Anatole : Nathaniel Sanders, « le frère jumeau » ; Hippolyte Templesmith] Michael bondit sur Sanders, et lui colle sa dague (celle de la canne) sous la gorge : « Un pas de plus et je le saigne comme un cochon ! » En même temps, le jumeau continue de beugler, et Sanders, tout sauf effrayé, s’amuse à parodier ses gémissements… Après quoi il enjoint les gardes de rester : « On s’amuse ! » Et il avance sa gorge sur la dague de Michael – ce n’est pas du bluff : il serait parfaitement capable de s’égorger lui-même ! Michael ne bouge pas pour autant – même quand la peau de Sanders est légèrement entamée et que le sang coule (pas encore à flots, les artères principales sont pour l’heure épargnées). Sanders continue pourtant d’avancer, en dépit de ma résistance, et chante même une petite comptine… Il se dit heureux d’avoir vécu cette vie, et remercie Hippolyte Templesmith pour tout ce qu’il lui a permis de découvrir et de faire : il ne regrette absolument rien. Et c’est alors qu’avec un sourire de joie perverse, il avance brutalement sa gorge sur la dague de Michael ; le sang gicle en cascade, et Sanders meurt en quelques secondes… Son jumeau hurle encore, mais il est à son tour interrompu par des crachats de sang : « Qu’est-ce qui se passe ? » Il ne comprend rien à ce qui se produit, et devient livide à son tour…

 

[II-12 : Michael, Anatole, Dwayne : Nathaniel Sanders] Le garde armé d’un .38 fait alors feu sur Michael, tandis que l’autre, un long surin en main, se jette sur moi – tous deux ratent. Michael avance avec sa dague sur celui qui l’a agressé – tandis que Dwayne, à la porte, entrevoit un nouvel invité curieux… qui se réfugie aussitôt dans sa chambre quand résonne un coup de feu. Usant de la porte comme d’un bouclier, Dwayne assure sa protection, mais tire aussi deux balles sur l’homme au pistolet. [Deuxième balle : Armes de poing, réussite critique, dégâts doublés.] La deuxième suscite un vif cri de douleur ; Dwayne qui s’abrite derrière la porte n’en est pas tout à fait certain, mais il pense avoir touché sa cible à la tête. Je fais basculer le cadavre de Nathaniel Sanders sur le côté, afin de me jeter sur mon assaillant et de le plaquer au sol… mais Sanders avait disposé son bras en arrière, ce qui me gêne dans mon assaut. Je suis du coup en mauvaise posture… et mon agresseur est habile ! [Armes blanches, réussite critique ; le Gardien des Arcanes me laisse le choix : soit je tente une esquive, mais subis des dégâts doublés si je rate, soit je subis automatiquement des dégâts normaux ; je choisis l’esquive.] Au tout dernier moment, je parviens heureusement à éviter un coup vicieux : la lame de mon assaillant rase ma gorge… La victime de Dwayne a bien été atteinte à la tête – la balle s'est logée à proximité de son cerveau… Il est pourtant encore en état de faire feu ! La porte repoussée par Dwayne le lui interdit cependant pour le moment. Quant à Michael, il continue à lutter contre sa cible… mais trébuche sur le cadavre de Sanders, et se blesse tout seul ! [Armes blanches, échec critique à 100.] Il est en sale état : aucun organe vital n’a été touché, mais la blessure est extrêmement douloureuse, et il s’est peut-être fêlé une côte au passage… Dwayne achève le garde blessé à la tête en lui logeant une balle dans l’œil ; il entreprend alors à nouveau de fermer la porte. Je sors cette fois mon .45 amélioré, et fait feu sur l’homme au couteau, qui a bien failli avoir ma peau ; mes deux balles l’atteignent. [Deuxième balle : Armes de poing, réussite critique, dégâts doublés.] Pour autant, je ne le tue pas… et, par réflexe, il tente un ultime assaut et me lacère le bras ! Les dégâts sont conséquents, et je saigne abondamment ; j’étais jusqu’alors indemne, mais la douleur est terrible… Michael blessé se relève, et ôte sa propre lame de son ventre – faisant fi de la douleur, il se retourne sur mon agresseur pour l’achever, mais c’est trop compliqué… Dwayne, après avoir fermé la porte, vient à notre secours, en ramassant au passage le .38 abandonné : il tire dans le dos du second garde, et l’achève.

 

III : LA CHAMBRE AU BORD DES MONDES

 

[III-1 : Anatole, Dwayne, Michael] Le chaos cessant, nous tendons instinctivement l’oreille. [Anatole, Écouter, réussite critique à 1.] Je perçois des bruits de panique dans le couloir, où les « invités » s’affolent – je le signale à Dwayne, juste devant la porte. Mais Dwayne n’en tient pas compte pour l'heure, il se rend auprès de Michael, et lui fait un bandage rapide ; il rate cependant quand il tente la même chose sur moi – ma blessure est trop complexe pour sa compétence en premiers soins… Il n’aggrave cependant pas la situation. [Je tente plus tard de me soigner moi-même, sans plus de succès ; mon état demeure stable, et, ayant été épargné jusqu’alors, en plus d’être d’une constitution solide, j’encaisse, mais de nouvelles tentatives de Premiers Soins sont exclues avant un long moment, suite à ces deux échecs.]

 

[III-2 : Dwayne, Anatole : Nathaniel Sanders ; Hippolyte Templesmith/« 6X »] Dwayne va fouiller les cadavres des gardes, tandis que je m’occupe, l’hémorragie s’amenuisant, de celui de Sanders. Je trouve notamment sur lui un médaillon avec deux photographies, le représentant enfant puis adolescent – mais je l’ai impression qu’à ces époques-là, c’était la tête du ventre qui se trouvait sur les épaules de Sanders… La situation a-t-elle changé depuis – peut-être du fait de l’intervention de Templesmith ? La tête de Sanders me dit cependant quelque chose… [Culture artistique – littérature contemporaine, échec critique à 100.] Mais je ne parviens pas à mettre le doigt dessus – peut-être d’autant plus que je suis révolté à l’idée de cette « prise de pouvoir » suscitée par l’abject « 6X », qui semble gâcher tant de vies…

 

[III-3 : Dwayne, Anatole, Michael] Il y a de moins en moins de bruit dehors – nous n’entendons plus les invités paniqués, et le jazz s’est interrompu dans le salon. Dwayne a trouvé un chargeur de .38 sur un des gardes – je lui donne aussi les deux que j’avais ramassés plus tôt. Puis Dwayne déplace le bureau, d’allure gréco-romaine (il est étonnamment léger, en fait parce qu’il est fait du métal que nous savons), afin de bloquer la porte. Il semble inquiet de ce que pourraient faire les invités ; mais je lui dis que, dans le dortoir que nous avons fouillé avec Michael, il n’y avait semble-t-il que deux lits occupés par des gardes… Ce qui ne le rassure pas.

 

[III-4 : Dwayne, Michael : Romy] Dwayne ayant barricadé la pièce – qui nous met tous mal à l’aise : il est impossible de compter les fenêtres, et les visions mouvantes de tous ces mondes inconnus nous inquiètent par elles-mêmes… –, il entreprend maintenant de la fouiller. Il trouve les mêmes dossiers que Romy avait survolés auparavant. [C’était lors de la séance précédente ; elle avait par contre pris avec elle le carnet de notes ? Dwayne ne le trouve pas sur le bureau.] Il ne s’y attarde pas. Sur chaque meuble se trouvent des figurines antiques en métal léger – très diverses : des animaux en pierres précieuses comme des créatures inconnues et d’une allure inquiétante ; leur taille également est très variable : certaines sont minuscules, d’autres plus volumineuses – la plus grande atteint bien les trente centimètres, et représente un nain noir à trois jambes et six bras, tous armés de kriss ; et Dwayne a à nouveau la sensation d’être observé… Les petites lames l’intriguent ; il se doute qu’elles coupent parfaitement. Il aimerait les prendre… mais, quand il touche la statuette, il ressent comme une décharge électrique – et a l’impression d’avoir vu un bras bouger ! Et quand il emprunte la dague de Michael pour la passer sur la statue… c’est cette dague qui est abîmée. Dwayne abandonne – il rend sa dague à Michael. Reprenant ses recherches, il met la main sur un trousseau de clefs – permettant sans doute d’ouvrir toutes les chambres ; rien d’autre.

 

[III-5 : Anatole : Nathaniel Sanders ; Hippolyte Templesmith] Je jette un œil à ce que Sanders était en train d’écrire quand nous avons surgi dans son bureau. C’est une sorte de profession de foi, rédigée dans un langage assez soutenu qui ne me laisse pas indifférent. Il y explique qu’il était pleinement conscient de ce que « l’ère de gloire » qu’il avait connue grâce à « son mentor » touchait à sa fin. Sans en connaître la cause, il avait bien saisi que les entreprises de son mentor avaient été contrées, ce qui l’avait mis en colère – il allait donc « hiberner », pour retenter la même chose bien plus tard… Mais la fin de son mentor signait aussi la sienne. Son mentor entretenait une relation ambiguë avec le genre humain – mêlant étrangement envie et mépris. Mais, ces derniers temps, le mépris dominait, et se transformait même en courroux ; Sanders en témoigne avec un plaisir non dissimulé… Il savait cependant qu’il ne tarderait guère à périr – soit du fait de son mentor, soit en raison des actions de ceux que ce dernier qualifiait de « justiciers à la gomme »… Mais il ne regrette rien : Hippolyte Templesmith lui a permis de vivre à la place de son frère, et de faire souffrir ce dernier ; du temps où son jumeau dominait, il était un artiste, après quoi l’activité de Nathaniel Sanders a évolué : il travaillait pour l’essentiel à mettre en scène des spectacles hors-normes, destinés à séduire de riches amateurs et à profiter de leurs abondantes ressources. Des spectacles « hors-normes »… C’est peut dire : sa plus grande réussite avait consisté à kidnapper le rival d’un invité, puis à lui avoir cousu les paupières et la bouche ; après quoi il l’avait enchaîné, nu, sur une scène – les chaînes pénétrant dans sa chair, celle de son dos, de ses bras, dans ses testicules… Puis il avait diffusé auprès de lui un enregistrement d’une meute de chiens en train d’aboyer, dont il augmentait progressivement le volume : la victime, aveugle, et terrifiée à l’idée de périr sous les crocs des molosses toujours plus proches, cherchait alors à fuir en arrachant les chaînes figées partout dans sa chair, s’automutilant pour se dégager… et tombait enfin directement sur un pal. C’était la dernière fierté de Sanders – qui en parle comme de l’accomplissement d’une vie. Peu importe dès lors ce qui l’attendait désormais : il l’accueillerait avec plaisir et satisfaction…

 

IV : AU SERVICE DE NOTRE AIMABLE CLIENTÈLE

 

[IV-1 : Dwayne, Michael] Dwayne perçoit des cris étouffés dans le couloir – ce que confirme Michael, qui entend en outre des bruits de pas, probablement vers le salon… mais aussi des bruits de lutte : des femmes en train de se battre ?

 

[IV-2 : Dwayne ; Anya, Romy] Dwayne sort dans le couloir. Il entend toquer à l’intérieur de la chambre qu’il avait verrouillée, où ronflait un vieil homme, mais progresse vers le salon de détente – jetant au passage un œil aux deux dortoirs, vides. Collant ses yeux au hublot de la double porte, Dwayne voit, sur la scène du salon de détente, deux femmes vêtues en « bunnies » qui se battent à mains nues, et avec une grande violence. L’une d’entre elles, qui arbore des traits plutôt slaves [il s’agit d’Anya], succombe sous les assauts de l’autre [Romy], d’un type ethnique moins marqué, qui l’étrangle de ses propres mains. Mais la blonde avant d’expirer a pu planter ses longs ongles dans la chair de sa meurtrière – dans l’idée de la faire souffrir autant que possible avant de périr… La survivante laisse tomber le cadavre de sa victime, et extrait péniblement ses ongles de sa chair.

 

[IV-3 ; Dwayne, Michael, Anatole : Romy] Dwayne pénètre alors dans le salon, mais en se dissimulant sur le côté. Michael et moi l’avions suivi : lui rejoint Dwayne, tandis que je reste devant la porte pour faire le guet. Mais Michael a la chair à vif – il est régulièrement pris de pics de douleur, et émet par réflexe des couinements guère discrets… Romy l’aperçoit, reste un instant perplexe, puis, d’un ton angoissé mais pourtant soulagé : « Vous n’avez pas l’air d’invités… ou du moins pas d’invités volontaires. » Dwayne acquiesce – elle, par contre, a l’air de faire partie de la boîte… Romy concède que c’est vrai – mais elle essaye justement d’en sortir ! Dwayne lui demande alors si d’autres personnes se dissimulent quelque part. Sans un mot, elle lui désigne de la tête la réserve – après quoi elle panse ses plaies.

 

[IV-4 : Dwayne, Anatole] Dwayne me fait signe de rentrer dans le salon. Suivant ses instructions muettes, j’approche de la réserve, me tenant près du comptoir du bar – j’entends des respirations angoissées derrière la porte. Dwayne se tient devant la porte : « Sortez de là, les mains en l’air ! » Silence tout d’abord, puis une voix vexée et exprimant une propension à l’autorité, en dépit de la panique, répond : « Savez-vous qui nous sommes ? Comment osez-vous ? » Dwayne tire un coup de feu dans le sol : « J’ai dit : sortez de là, les mains en l’air… » À l’intérieur, les gens se disputent. Dwayne tire une fois de plus : « Maintenant ! »

 

[IV-5 : Michael, Dwayne, Anatole : Warren Parrington] Puis un type est poussé par les autres hors de la réserve ; il sort contraint et forcé… puis, stupéfait, pointe le doigt sur Michael : « Mais… Rendez-moi ma canne ! » C'est bien Warren Parrington. Dwayne le menace de son pistolet, et l’invité ulcéré est bien obligé de lever les mains et de se tenir à carreau. Michael approche de la porte, et fait sortir les deux autres individus qui s’y cachaient – je veille à ce qu’ils se tiennent tranquille depuis le comptoir. Michael se rend compte que, dans un angle de ce comptoir (il se tient lui aussi à côté), est incrustée, dissimulée, comme une fine lentille évocatrice d’un appareil photo – mais il faut vraiment avoir l’œil pour la voir. Étonné, il s’en approche, la dague en main ; les invités n’étaient visiblement pas au courant. Mais impossible d’atteindre le dispositif sans démonter le comptoir – ce qu’il dit plus tard à Dwayne ; rien de plus dans le long meuble, sinon des alcools variés…

 

[IV-6 : Dwayne : Romy] Dwayne les interroge, mais ces richissimes bonshommes se rebiffent : ils ne parleront qu’en présence de leurs avocats ! Mais Dwayne leur montre son .38 : « Je vous présente mon avocat… » Le ton change – l’un d’entre eux avance même qu’ils sont eux aussi des victimes des tenanciers des lieux, qu’ils ne souhaitent qu’une chose, partir d’ici au plus tôt… Romy les entend plaider, et ça la met dans une rage folle : « Vous vous foutez de nous ? Vous savez très bien ce que vous faites ici ! » Les invités débordant de haine la traitent de catin… Mais, revenant à Dwayne, le plus têtu d’entre eux reprend sur le mode originel, excédé par ce traitement : « Vous ne savez pas qui nous sommes ! » Il s’en trouve même un pour jeter une liasse de billets… et il se trouve profondément décontenancé quand Dwayne, le plus sincèrement du monde, n’en a absolument rien à foutre.

 

[IV-7 : Dwayne, Anatole : Hippolyte Templesmith] Dwayne entreprend de les interroger, s’assurant de leur coopération en agitant son flingue sous leurs yeux. Qui les a invités ? Silence tout d’abord, Dwayne redresse le canon de son .38… Ils répondent dans un bel ensemble : « C’est Hippolyte Templesmith ! » Ils expliquent qu’il les a faits venir chez lui, où ils ont emprunté une porte très étrange… Où sont-ils arrivés ? Directement dans leurs chambres, ici. Depuis combien de temps sont-ils là ? Pas beaucoup : un ou deux jours avant le gala… Quand doivent-ils partir ? Ils ne le savent pas, Templesmith ne leur a rien dit à ce sujet… Se sont-ils bien amusés ? persifle Dwayne... Ils n’ont vraiment pas l’habitude d’être ainsi rabroués : « Mais qui êtes-vous pour nous traiter de la sorte ? » Et autres variations sur le même thème. Le plus vieux est le plus ulcéré à cet égard. Dwayne m’adresse un signe de la main ; je m’approche du vieux, et lui enfonce violemment mon poing dans le ventre – ce qui est très douloureux sur le moment, sans présenter trop de risques de séquelles à terme. Il tombe à genoux, stupéfait, le souffle coupé – et les autres regardent la scène, terrifiés… Dwayne réclame un ton plus aimable de leur part ! Sinon…

 

[IV-8 : Dwayne : Romy ; Kelly Gillian, Hippolyte Templesmith] Mais Dwayne se tourne alors vers la serveuse en « bunny », qui a pansé ses plaies. Il lui demande son nom : Romy. Il se présente en retour. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle y travaillait… mais la mort de Kelly Gillian lui a fait comprendre certaines choses. Comment est-elle arrivée là ? Elle s’était endormie après une soirée très arrosée chez Hippolyte Templesmith… et quand elle s’est réveillée, elle était ici. Et comme hypnotisée : elle ne s’inquiétait de rien, et était même ravie de travailler en tant que serveuse ici… Elle parle d’un véritable envoutement – qu’elle associe à la consommation frénétique de Miska-Tonic !, et aux aphtes qui en résultaient ; mais les choses ont changé quand elle est parvenue à s’imposer de ne plus en boire…

 

[IV-9 : Anatole, Dwayne, Romy] Un des invités, le plus jeune, fait à nouveau le malin : « Vous avez votre catin, maintenant, laissez-nous ! » Je n’ai pas besoin d’attendre les instructions de Dwayne : même sort qu’au vieux… Et Romy profite de ce que le grossier personnage soit au sol pour lui donner un coup de pied.

 

[IV-10 : Michael : Anya] Michael va jeter un œil à la scène, où le cadavre de la serveuse aux traits slaves est étendu. Un rideau sépare la scène des coulisses, qu’il franchit. S’y trouvent des armoires à costumes, et autres ustensiles divers pour les spectacles… mais aussi une porte déguisée, qui aurait probablement été indiscernables si elle n’avait été grande ouverte : elle donne sur des cellules, totalement vides, et puant l’ordure et les excréments.

 

[IV-11 : Anatole, Dwayne, Michael : Romy] Nous avons du coup quelque peu délaissé nos invités, qui sont dans l’attente. Je les fouille pour le principe, mais ne trouve rien, sinon leur argent. Dwayne va jeter un œil dans la réserve, où il trouve ce qu’il était en droit d’imaginer : de la nourriture, de la drogue, des produits ménagers… Dwayne prend conscience qu’il a faim – et moi aussi… Avant de nous restaurer, toutefois, je suggère d’enfermer les invités dans les cellules dont nous a parlé MichaelRomy nous y aide : elle fera tout pour nous aider, elle veut seulement rentrer chez elle… Dwayne me demande si je n’ai pas une arme à confier à la serveuse. J’hésite tout d’abord… puis suppose que je peux lui faire confiance – sa haine viscérale des invités m’apparaissait tout à fait sincère… Je lui donne un Derringer, et elle me remercie. Après quoi nous mangeons, ce qui nous fait le plus grand bien.

 

[IV-12 : Dwayne, Anatole : Romy ; Nathaniel Sanders, Kelly Gillian] Que faire, maintenant ? Dwayne suggère de retourner à l’abîme : nous pourrions hisser la seconde chaîne, voir ce qui se trouve au bout ? Je ne sais pas trop… Retourner dans cet enfer de perceptions faussées ne m’enchante pas vraiment. J’évoque la possibilité d’emprunter les fenêtres du bureau de Sanders… mais la perspective de plonger encore une fois dans l’inconnu ne dit rien à qui que ce soit. Et Romy est inquiète du fait de la terre qu’elle a vu jaillir de la fenêtre brisée de Kelly Gillian… Dwayne suggère que nous employions les invités comme cobayes…

 

[IV-13 : Dwayne : Hippolyte Templesmith] Ce qui lui rappelle qu’il reste encore un invité – le vieil homme qu’il avait enfermé dans sa chambre ! Il s’y rend et toque à la porte. Le vieux, paniqué, lui demande si tout est sous contrôle, et Dwayne confirme que c’est bien le cas. Mais l’invité ne reconnaît pas sa voix : « Qui vous envoie ? » Dwayne répond que c’est M. Templesmith, bien sûr… Mais le vieil homme ne lui fait pas confiance ! Dwayne reprend : « Il nous faut évacuer tout le monde, au cas où – c’est le protocole de sécurité qui veut ça ; et cela vous concerne vous comme les autres ! » Non, il n’a pas confiance ! Et pourquoi l’a-t-on enfermé ? Dwayne lui ouvre, pistolet en main : personne en face. L’invité s’était mis sur le côté, armé d’un vase, mais Dwayne s’en doutait – il n’a rien à craindre ; et exhiber son pistolet sous le nez du vieil homme incite ce dernier à se montrer plus coopératif. Dwayne continue pourtant de le baratiner : des individus inconnus ont pu passer, ils ont tué quelques gardes, mais ont depuis été neutralisés – lui est resté sur place pour assurer l’évacuation des invités, avec un collègue. L’honorable invité connaît bien entendu la procédure pour quitter l’endroit ? Il répond que oui, il faut l’intervention de Hippolyte Templesmith lui-même… Dwayne lui répond que le patron n’est pas disponible – et claque la porte au visage du vieux, lui brisant en doigt au passage. Il verrouille à nouveau la chambre, puis vient nous retrouver.

 

V : TITI ET GROS-MINET-SADIQUE

 

[V-1 : Anatole, Dwayne : Romy] Sommes-nous prêts à retourner dans l’abîme, voir ce qui se trouve au bout de l’autre chaîne ? Oui… Même si c’est à contrecœur en ce qui me concerne. Romy est tout aussi angoissée, même si elle n’a jamais mis les pieds dans la cuvette… d’autant plus que Dwayne lui dit que l’endroit où nous nous rendons va lui faire tout drôle ! Mais il va ensuite chercher un invité en guise de cobaye, et choisit le plus jeune, celui qui avait traité « Romy » de catin à plusieurs reprises… Dwayne passe tout d’abord devant, tandis que je reste derrière notre cobaye. La porte était restée entrouverte – et Dwayne a eu un instant d’appréhension : que se serait-il passé si elle avait été fermée ?

 

[V-2 : Dwayne, Anatole : Romy ; Hippolyte Templesmith] Nous traversons… De l’autre côté, la porte est toujours posée contre la paroi, et donne sur la même plateforme. Romy et l’invité couinent de surprise quand ils se retrouvent téléportés… Nous remontons la seconde chaîne, qui donne elle aussi sur une porte – mais pas en bois : en métal léger, cette fois. Par ailleurs, une chose y est incrustée… et c’est un crâne. Au premier abord, nous l’avons supposé humain, mais, à y regarder de plus près, il évoque davantage une sorte d’hybride entre humanoïde et reptile. La porte présente une poignée en cuir froid et un peu suintant, évoquant celui des petites boîtes de Templesmith… Nous la disposons contre la paroi, comme la précédente. Dwayne se réjouit à haute voix de ce que nous avons maintenant quelqu’un pour ouvrir la porte ! L’invité proteste – en étalant son CV : ses études sont importantes, il est un vrai génie, on ne peut pas lui faire risquer sa vie ainsi, ce serait une bien trop grande perte pour l’humanité ! Je lui donne une tape à l’arrière du crâne… Et Dwayne lui dit qu’il a le choix : c’est la porte… ou l’abîme. Le jeune homme désemparé se soumet à son instinct de survie et tente une chose parfaitement folle : essayer de filer entre nous… Mais cela nous surprend, et il esquive le bras que Dwayne avait tendu pour l'arrêter ! Nous ne pouvons le laisser nous échapper ainsi… Dwayne dégaine son .38, vise soigneusement, et fait feu : il lui loge une balle dans l’articulation du genou, qu’il pulvérise littéralement. Le type tombe en avant en hurlant de douleur. Nous nous avançons dans sa direction, tandis qu’il nous adresse des suppliques désespérées : « Pitié ! » Dwayne, jouant l’ingénu : « Mais pourquoi t’as couru ? » Il lui fait un petit bandage hâtif, et nous le ramenons devant la porte, lui faisant signe de l’ouvrir – sinon, c’est l’autre genou ! L’invité, sous le coup de la douleur, doit se résigner à nous obéir. Il met la main sur la poignée, tandis que Dwayne se dispose de sorte à être en mesure de se replier dans la première porte si jamais…

 

[V-3 : Dwayne] La porte donne sur un couloir sombre et relativement étroit (même s’il doit être possible de circuler à deux de front). Passé vingt mètres, il y a une lanterne au plafond, qui émet une faible lumière ; sur le côté, non loin, nous entrapercevons le cadre d’une porte – et peut-être y en a-t-il d’autres plus loin ? Mais le couloir présente un détail étrange et inquiétant : ses parois ne sont ni de terre, ni de métal… Ce sont des ossements entassés de part et d’autre. Là encore, nous les supposons tout d’abord d’humains, mais un examen plus poussé évoque la même nature hybride que pour le crâne sur la porte – encore que « hybride » ne soit pas forcément le terme le plus approprié : cela évoque plutôt une espèce à part entière. Les doigts finissent en pointes, les crânes sont allongés, les pattes ont deux orteils et un ergot… L’ouverture de la porte a généré un appel d’air, qui a fait dégringoler quelques os du plafond – mais la structure semble autrement solide. Dwayne se tourne vers notre cobaye : « Eh bien, voilà, ce n’était pas si dur ! » L’invité, paniqué et souffrant mille morts, sanglote…

 

[V-4 : Dwayne, Michael, Anatole] Dwayne avance en direction de la première porte sur le côté – elle est d’un vieux bois décrépi ; l’interstice la séparant de son encadrement est obstrué par la poussière et les toiles d’araignées. Michael remarque, au niveau du sol, un trou qu’il suppose être l’œuvre d’un rongeur – il y a même quelques marques de quenottes… Et ce passage dans le passage, quant à lui, n’est ni poussiéreux ni envahi de toiles d’araignées. Michael s’accroupit pour observer la pièce à travers le trou, mais, à ce niveau, il ne voit guère que le sol – envahi de masses de papier constellées de notes… À distance, cependant, il croit reconnaître une cage à oiseau – et peut-même les toutes petites pattes de l’animal qui y est enfermé ? Quant aux murs, ils sont eux aussi submergés par les notes, mais tout autant par de nombreuses photos, toutes différentes, d’une même jolie jeune femme blonde… Dwayne lui demande ce qu’il a trouvé, et Michael lui parle de tout cela ; il est tout particulièrement intrigué par l’oiseau – un canari, suppose-t-il ? Puis Michael tente autre chose : à l’aide de sa dague, il essaye de ramener du papier de leur côté de la porte – mais le papier est aussi fragile que son ustensile est coupant : il ne parvient guère qu’à ramener des fragments déchirés… C’est suffisant pour reconnaître une petite écriture très précise, usant de caractères aklo parfaitement exécutés – le texte est serré, et utilise l’espace au maximum ; mais on y trouve aussi quelques bavures et l’empreinte d’un doigt… évoquant bien plutôt la patte d’un rongeur qu’un doigt humain. Michael me montre le papier, mais ces caractères me sont totalement inconnus… Dwayne nous demande si nous souhaitons ouvrir cette porte. Michael est très curieux – et nous parle alors des photographies de la jeune femme. Il met sans plus attendre la main sur la poignée, ouvre la porte, et pénètre dans la pièce au-delà – nous le suivons.

 

[V-5 : Michael] Il y a effectivement des notes absolument partout, et pas seulement au sol, qui en est certes jonché. Même les murs sont gravés de notes similaires, sous le papier, qui nous font l’impression d’être l’œuvre de toutes petites griffes… Il en va de même pour la profusion de photos de la même jeune femme ; certaines sont un brin scandaleuses… Ses vêtements laissent supposer une femme fortunée. Quoi qu’il en soit, elle obsède visiblement le maître des lieux… On trouve aussi des dessins, nombreux également, assez « jolis », ou plus exactement « bien exécutés » ; elles ont par contre un thème généralement morbide… Nombre de ces documents sont déchirés, comme par de petites pattes griffues. Puis nous entendons pépier le canari dont parlait Michael – effectivement, il y en a un dans une cage vers le fond de la pièce, surplombant des bocaux fermés ; nous en approchant, nous voyons qu’ils contiennent une multitude d’insectes et de vers de terre : la pitance de l’oiseau. Nous marchons par ailleurs régulièrement sur des bouts de crayons, ou des stylos… En survolant les notes, ce sont toujours des caractères aklo que nous voyons.

 

[V-6 : Anatole : Goody Fowler] Mais je vois, par terre, presque au centre de la pièce, un gros livre qui excite ma curiosité ; je ramasse le grimoire, puisque c’est de cela qu’il s’agit, et vois inscrit sur la couverture : Manuel de Goody Fowler. Par réflexe, je l’ouvre à la page de garde ; il est épais, et pèse un bon kilo… Par ailleurs, au contact, je réalise que la reliure n’est pas faite d’un quelconque cuir animal… Je feuillette l’ouvrage au hasard.

 

[V-7 : Michael : Radzak] Pendant ce temps, Michael, qui cherchait des notes qui ne soient pas en aklo, en trouve enfin – ou plutôt un unique mot, en alphabet latin, gravé sur un mur : RADZAK

 

[V-8 : Romy] Puis Romy pousse un cri bref – et désigne, à trente centimètres au-dessus du sol, la moitié inférieure d’un rat fichée dans le mur : il se serait téléporté dedans ? Cette moitié jaillit en tout cas d’un dessin réalisé sur le mur – c’est comme si le rat avait disparu dans la bouche de la jeune femme, encore elle… Une feuille a été déposée sous le cadavre, maculée de sang – dont il y a par ailleurs une trainée sur le mur.

 

[V-9 : Anatole, Dwayne : Goody Fowler] Je poursuis mon examen du Manuel de Goody Fowler. Je ressens bientôt comme une très légère décharge d’électricité statique… J’ai le sentiment incompréhensible d’avoir établir un lien avec le livre, en l’ayant ramassé par terre ; puis c’est comme si le poids des ans s’abattait sur moi, et que la gravité se faisait davantage sentir… Et Dwayne, qui m’observait, remarque que mes cheveux deviennent poivre et sel à vue d’œil, tandis que des rides apparaissent sur mon visage ! Et j’ai bientôt l’impression d’avoir vingt ou trente ans de plus… [Perte définitive d’un point de FOR.] Mais ce vieillissement cesse bientôt : le livre ne me fera pas vieillir davantage ; au fond, je m’en accommode : j'ai le sentiment que le livre le vaut bien…

 

[V-10 : Dwayne, Anatole, Michael] Dwayne, oppressé par la salle et ce qui vient de m’arriver, veut sortir aussitôt de la pièce… mais, alors qu’il recule, c’est soudain comme s’il ne sentait plus sa jambe, et il s’effondre par terre ; elle a disparu ! Et Michael sent aussitôt la jambe de Dwayne apparaître juste à côté de lui – il la frappe, par réflexe ! Mais elle n’est pas coupée, et Dwayne ne ressent aucune douleur (sinon celle du coup instinctif de Michael...) ; c’est simplement qu’elle est « déphasée »… Dwayne sent tout au plus une certaine tiédeur. Et, quand il cherche à bouger sa jambe, elle bouge effectivement, mais à distance… Michael étant prêt à lui donner un autre coup, Dwayne lui dit d’arrêter…

 

[V-11 : Michael] Au fond de la pièce, le canari est excité par notre entrée dans la salle – sans doute a-t-il l’espoir qu’on le nourrisse ? Michael, subitement, y voit la clef de l’énigme : il nous faut nourrir le pauvre oiseau ! Il se rend auprès de la cage et ouvre un bocal, y pêchant un ver de terre qu’il tend au canari – ce qui, à l’évidence, ne change rien à notre situation... Mais Michael se prend d’affection pour le petit oiseau jaune – y voyant comme une lueur d’espoir dans notre irrépressible cauchemar…

 

[V-12 : Anatole, Dwayne : Goody Fowler] Ne pouvant gère examiner davantage le Manuel de Goody Fowler ici, je m’avance vers Dwayne ; ce qui lui est arrivé à la jambe ne serait-il pas l’effet d’une rune aklo gravée sur le sol ? Je déblaie le plancher autour de lui de ses notes, mais ne trouve absolument rien… ou plus exactement rien de plus que ces inévitables notes elles-mêmes surchargées de caractères aklo. Serait-ce alors l’amas de notes qui génère ce phénomène ? Mais Dwayne n’a pas ce genre de questionnements : quand il se recule sur le dos, une partie de sa jambe revient ; il poursuit jusqu’à ce qu’elle soit entièrement revenue, puis roule sur le côté. Et quand je veux à nouveau feuilleter le grimoire depuis l’endroit où je me trouve, c’est ma main gauche qui disparaît… pour réapparaître derrière ma tête ! Inutile de tenter quoi que ce soit ici, mieux vaut sortir.

 

[V-13 : Michael, Dwayne, Anatole] Mais Michael ne saurait partir sans son nouveau camarade : il ouvre la cage de l’oiseau, lequel n’est pas très rassuré, même s’il s’est régalé des vers et des insectes dont Michael l’a nourri… Délicatement, Michael parvient à saisir la petite créature dans sa main – tandis que, de l’autre, il lui tend un nouveau ver de terre, que l’oiseau accepte de bon gré. Michael lui caresse affectueusement la tête… et, quand Dwayne et moi sortons (je retrouve ma main gauche en me décalant à peine), Michael nous suit avec son nouveau copain…

 

[V-14 : Dwayne, Michael, Anatole : Romy] Dwayne longe le couloir jusqu’à la porte suivante. Michael, tout prêt, perçoit de la musique classique qui en provient… mais aussi de légers cris de douleur et de supplication – des voix différentes à chaque fois, et qui ne semblent pas être produites sur le moment : s’agirait-il d’un enregistrement, que quelqu’un prendrait plaisir à écouter ? Il nous le signale… Dwayne approche sa main de la poignée, prêt à faire usage de son pistolet – et moi de même. Michael, plus que jamais obsédé par son canari, nous interpelle : « Le petit oiseau nous dit de nous méfier ! » Dwayne et moi sommes interloqués par le réconfort qu’éprouve Michael à cette seule compagnie… Romy est juste derrière nous, par ailleurs. Cette fois, pas de poussière ni de toiles d’araignées sur la porte – que Michael entrouvre le plus discrètement possible ; à travers l’ouverture, il aperçoit un individu d’une trentaine d’années, à l’allure d’étudiant, par ailleurs assez élégamment habillé, qui travaille sur un bureau. Mais leurs regards se croisent… Aussitôt, l’étudiant recule, fait basculer sa chaise en arrière et s’appuie des deux mains sur le bureau pour se redresser, puis se réfugie très vite derrière une armoire dans le coin de la pièce. Dwayne et Michael l’entendent chuchoter quelque chose – de ces formules aux noms saugrenus, « Sothoth », « Nyarlathotep »…

 

À suivre…

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (30)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (30)

Trentième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

Tous les joueurs étaient présents. Les PJ étaient donc Dwayne O’Brady, Michael Bosworth et la journaliste Kelly McGillian (très vite remplacée par une certaine Romy…), et, en ce qui me concerne, le garde du corps aux ambitions d’écrivain Anatole « Froggy » Despart (mon personnage a rattrapé en début de partie ses jets de SAN en attente depuis la précédente séance, lors de laquelle j’étais absent).

 

I : LIÈVRES TERRIFIÉS ET TORTUES PUGNACES

 

[I-1 : Dwayne : « n° 3 », « n° 2 »] Dwayne, guère discret, avait attiré l’attention de l’automate n° 3 en retournant à l’entrée de la mine avec ses deux outils… Et l’automate, jusqu’alors insensible à nos actions, se met à le suivre, de son pas lent et mécanique. L’automate n° 2 réagit un peu plus tard, de la même manière.

 

[I-2 : Dwayne, Anatole : Tess McClure, William Harris-Jones] Dwayne et moi ressortons sur la plateforme, baignée du sang de l’adorateur massacré par TessDwayne ferme la porte, du même métal étrange que nous croisons sans cesse, mais il n’y a a priori aucun moyen de la verrouiller ; il décide cependant de la bloquer, au moins temporairement, avec un des deux outils qu’il avait emportés – il garde le second. [Par ailleurs, en réponse à une interrogation de la séance précédente, je lui confie le Derringer de mon patron, William Harris-Jones ; je garde pour ma part mon .45 amélioré, ainsi qu’une matraque en cuir.]

 

[I-3 : Dwayne, Anatole] L’escalier continue de descendre dans l’abîme après la plateforme, et nous empruntons donc à nouveau les escaliers – la luminosité ne cesse de diminuer à mesure que nous nous enfonçons dans le trou béant…

 

II : FAUX DÉPART

 

[II-1 : Kelly : « Scott »] Kelly, dans son mystérieux hôtel, entend un prénom scandé dans la salle d’où proviennent rires et musique jazz : « Scott ! Scott ! » Ce qui génère bientôt des applaudissements.

 

[II-2 : Kelly : Hippolyte Templesmith] Mais Kelly a d’autres préoccupations : elle est en plein combat contre deux gros bras d’Hippolyte Templesmith, en provenance d’Innsmouth ! Elle s’étonne à vrai dire un bref instant de ce que les coups de feu échangés n’aient pas suscité la moindre réaction de la part des fêtards… Elle fonce, avec un tabouret en main pour se protéger, sur le type qui lui avait donné un coup de lame, mais rate totalement son coup – et en subit une nouvelle blessure : le sang coule abondamment de sa hanche… Elle lâche son tabouret, et fait feu de son Derringer – elle touche sa cible, mais celle-ci n’en est somme toute guère affectée… Et l’homme au couteau revient à l’assaut – il parvient à planter sa lame en plein cœur de la journaliste ! [Réussite critique, dégâts doublés…] Kelly s’effondre aussitôt, et perd connaissance avant que la douleur ne devienne insoutenable – elle meurt très rapidement…

 

III : SOUS L’AURA DU SIGNE

 

[III-1 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Dans l’enclos au flanc de la colline, Michael et Sarah sont rudement affectés par le symbole aklo, d’une lueur vermillonne, au plafond du couloir où le fourbe Pierce Hawthorne les a guidés par traîtrise. Leur chair et leur peau sont en effet comme « aspirées » par la rune, ce qui suscite des blessures terribles. Sarah tombe à genoux, sous le coup tant de la douleur que de la surprise. Les déchets humains s’amalgament au plafond, renforçant toujours davantage l’aura lumineuse générée par le symbole aklo. Michael voulait se jeter sur Pierce Hawthorne, mais les dégâts causés par la rune et la souffrance les accompagnant l’ont ralenti, et l’universitaire obèse, bien sûr épargné par le piège magique, n’avait eu aucun mal à l’éviter.

 

[III-2 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Michael a cependant le temps de constater que Sarah, directement sous l’aura du signe, est plus affectée que lui-même – qui n’est toutefois pas épargné par l’enchantement. Il ne peut s’empêcher de se demander ce qui se produira quand la jeune femme sera pleinement absorbée… Pierce Hawthorne fuit en courant vers la porte au bout du couloir, opposée à celle par laquelle ils sont entrés, mais Michael choisit de l’ignorer – il préfère voler au secours de Sarah : il retourne auprès d’elle, la saisit par la main, et l’enjoint à le suivre : il faut qu’elle sorte de l’aura du symbole aklo ! En même temps, Michael sait très bien que, plus il s’approchera de Sarah, plus il sera lui-même affecté par le phylactère… À peine retourne-t-il sous l’aura que la peau de son dos s’arrache et bondit vers le plafond ! Est-il seulement possible de sauver Sarah ? La serveuse, un temps secouée par les cris de Michael, tourne des yeux terrifiés vers son sauveur… mais la peau de son crâne est aussitôt écorchée, qui s’amalgame aux autres déchets organiques agglomérés au plafond, et elle retombe aussitôt à genoux, dans un terrible cri de souffrance pure. Michael continue de lui crier de le suivre… mais doit s’éloigner sous peine de périr dans d'horribles souffrances.

 

[III-3 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Michael se concentre donc à nouveau sur Pierce Hawthorne. Il tente de lui jeter une de ses lames, mais la douleur l’empêche de se montrer aussi efficace que d’habitude, et c’est un échec. L’universitaire, poussé par l’adrénaline, avance à grandes foulées vers la porte du fond. Son trousseau de clefs en main, il s’empare de la bonne et la glisse dans la serrure – dans le chaos ambiant, Michael parvient à entendre le déclic. Il constate aussi que Sarah s’efforce, derrière lui, de se dégager de l’aura – elle est bien sûr toujours affectée (Michael également – le champ d’effet concerne le couloir entier, c’est seulement qu’il est plus puissant dans l’aura).

 

[III-4 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Mais Michael a affaire avec Pierce Hawthorne, sur le point de fuir la pièce enchantée ; une autre lame, mieux lancée, atteint l’universitaire à la jambe, ce qui le ralentit. Mais Sarah, en dépit de son état de choc – elle est en outre à demi scalpée, et ses paupières ont été arrachées –, se précipite instinctivement sur Pierce Hawthorne et la porte : poussée par une force inconnue, elle dépasse Michael et rentre en plein dans l’universitaire paniqué, qu’elle pousse contre le mur – il laisse tomber son trousseau de clefs par terre. La serveuse se met à frapper sauvagement l’obèse, tandis que Michael récupère les clefs, et ouvre plus largement la porte – mais de la chair se décolle toujours de son dos…

 

[III-5 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Michael tire alors Sarah par ses vêtements, afin qu’elle franchisse elle aussi la porte – il la traîne à moitié, mais tous deux se retrouvent enfin en sécurité de l’autre côté de la porte : le signe n’y fait pas effet. Michael voit qu’une partie de la chair arrachée de son dos s’amasse contre la porte qu’ils viennent de franchir… Il la ferme, laissant Pierce Hawthorne blessé dans le couloir au hiéroglyphe – il l’entend reprendre son souffle. Sarah chancelle, sa respiration est plus affolée que jamais ; Michael n’avait pas encore eu l’occasion de s’en rendre compte, mais les deux tiers du visage de la serveuse ont été arrachés – au point qu’il voit ses dents à travers les lambeaux de ses joues…

 

IV : CELUI QUI SOUFFRAIT DANS LES TÉNÈBRES

 

[IV-1 : Dwayne, Anatole] Dwayne et moi descendons dans l’abîme, l’obscurité croissante. L’escalier est maculé de la bruine de sang résultant des sacrifices, mais un sang plus vieux s’est également incrusté dans la structure de métal. Je reconnais, distant mais présent, le rythme régulier des bruits de pas métalliques, derrière nous, plus haut. Dwayne quant à lui constate que la rambarde est de plus en plus humide, suintante, visqueuse. Nous descendons alors depuis plus de cinq minutes, prudemment – Dwayne s’aide de son bâton pour s’assurer qu’il y a bien une marche à chaque fois : l’obscurité est telle que nous n’en avons aucune certitude… Dix minutes, quinze… Nous entendons toujours les bruits de pas derrière nous. Vingt minutes… Nous ne distinguons presque rien. Je jette de temps en temps des coups d’œil en arrière, par réflexe, mais ne vois pas nos poursuivants ; au son, je suppose qu’ils se trouvent deux ou trois étages au-dessus de nous.

 

[IV-2 : Dwayne, Anatole] Puis Dwayne, tâtant le mur, y discerne une porte du même métal – avec une sensation de poussière par-dessus. L’escalier continue autrement à descendre. Pour Dwayne, la poussière indique que nous n’avons aucune raison d’ouvrir cette porte, que nous n’y trouverons pas derrière ce que nous cherchons. Je suis plus partagé… Dwayne colle son oreille à la porte, au cas où, tandis que je surveille nos arrières – persiste le pas monotone des automates… Sans doute ont-ils été tout d’abord retardés par l’outil employé pour bloquer la porte, mais, s’ils sont toujours en retard, ils poursuivent néanmoins dans notre direction. De l’autre côté de la porte, Dwayne entend faiblement des bruits évoquant des liquides ou des fluides, mais c’est très léger. La porte a une poignée, mais pas de serrure. Dwayne n’en a vraiment pas envie, mais je veux y jeter un œil – il se retire derrière moi.

 

[IV-3 : Anatole, Dwayne] Derrière la porte, l’habitude de la pénombre nous laisse deviner un couloir long de quelques mètres. Un peu plus loin se trouve cependant une lanterne accrochée au mur, qui nous permet de repérer des alcôves creusées à droite et à gauche (mais c’est un travail net et propre) ; par ailleurs, les murs (ainsi que le plafond), ici, ne sont plus constitués de terre, mais du métal omniprésent. Je vais ramasser la lanterne, et Dwayne me suit, à contrecœur. Je promène la lanterne pour balayer les alentours, en faisant signe à Dwayne de fermer la porte. Dans l’alcôve de droite, je repère l’extrémité d’un établi, tandis qu’à gauche résonne faiblement un ronronnement « visqueux », un léger bourdonnement qui a quelque chose d’insectoïde. On y trouve des plots de métal d’où jaillissent des câbles rejoignant une autre structure, qui a quelque chose de « plus ancien » : la source du ronronnement aqueux.

 

[IV-4 : Anatole, Dwayne] Je me tourne d’abord vers l’établi sur la droite – j’ai l’impression que le bourdonnement, à gauche, s’élève un peu tandis que nous franchissons le passage. Nous y trouvons pour l’essentiel des outils pour le travail du cuir. Une sorte de « cannette » d’un métal inconnu (et différent de celui auquel nous sommes maintenant habitués) est fixée au mur ; des câbles tranchés s’en extraient. Nous trouvons aussi sur l’établi comme des « reproductions » des petites boîtes de peau croisées à plusieurs reprises – mais donnant en fait l’impression de prototypes grossiers. Dwayne, qui s’y intéresse, en ramasse prudemment deux qui lui paraissent relativement plus sophistiquées que les autres – quand bien même elles sont elles aussi vieilles et poussiéreuses. S’y trouvent enfin des bougies, ainsi qu’une autre lanterne. Dwayne a un sentiment de profonde répugnance ; il me dit qu’il nous faut seulement trouver un portail pour rentrer chez nous… Mais je lui indique de prendre la lanterne, que nous allumons ; je suis curieux de voir ce qui émet ce bourdonnement…

 

[IV-5 : Dwayne, Anatole] La peur de l’inconnu s’empare toutefois de nous tandis que nous éclairons l’autre alcôve ; nous ressentons un profond désir d’identifier ce qui ne peut pas l’être… Il y a là un piédestal du même métal, surmonté d’un plateau ; dessus, ligoté par de vieilles bandes de métal, se trouve une étrange créature, évoquant tour à tour, ou tout à la fois, le crustacé et le champignon ; dotée d’une chitine semblable à celle d’un homard, elle fait environ un mètre cinquante de long pour moins d’un mètre de large ; sa tête est un bulbe fongique creusé d’aspérités et d’où jaillissent des appendices de taille variable – des antennes, etc. C’est la créature elle-même qui produit le bourdonnement. Des câbles sont plongés dans sa chair – et nous comprenons que, tout autour, ce sont ses appendices qui sont répandus, tels des trophées fixés au mur, ce qui inclut des ailes membraneuses… Nous avons même l’impression déconcertante que la disposition des lieux a été arrangée de sorte à faire voir à la créature ses propres membres et ce qu’on en a fait, dans une entreprise sadique d’humiliation… Dwayne a la chair de poule ; quant à moi, ce spectacle obscène m’inflige une minute de curiosité morbide sous le coup de la fascination. Dwayne me secoue enfin : « On se casse… » Il repart prudemment vers la porte. Je le suis, à moitié à reculons tant la vision m’obsède…

 

[IV-6 : Dwayne, Anatole] Dwayne passe la tête à travers la porte – et, cette fois, distingue les automates qui nous suivent, juste à l’étage au-dessus. Il faut qu’on y aille… Nous laissons la porte ouverte en grand derrière nous, et poursuivons notre descente dans l’abîme…

 

V : L’ASCENSEUR DANS LA COLLINE

 

[V-1 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Michael est fasciné par le spectacle horrible de Sarah défigurée ; elle le regarde, agitée de tremblements, la respiration très lourde. Ils entendent les bruits de pas de Pierce Hawthorne derrière la porte. De leur côté, un nouveau couloir s’enfonce dans l’obscurité, et il est impossible de rien y distinguer. Michael demande à Sarah si elle est en mesure de le suivre ; elle secoue un temps la tête, visiblement en état de choc, mais parvient finalement à acquiescer – elle donne l’impression d’être sempiternellement étonnée… Elle suit pourtant Michael, qui lui prend la main. Lui-même est dans un sale état…

 

[V-2 : Michael : Sarah] Michael et Sarah progressent prudemment dans les ténèbres. En tâtonnant, Michael repère un interstice dans un mur, et, en le longeant, il atteint une sorte de bouton pressoir : un ascenseur ? Il appuie sur le bouton, ce qui illumine légèrement les contours de la cage. Cela attire l’attention de Sarah, toujours chancelante. Au bout d’un moment, ils discernent le bruit d’un ascenseur qui descend vers eux – mais sur une longue distance : cela prend bien encore deux ou trois minutes.

 

[V-3 : Michael : Sarah] L’ascenseur arrive enfin, et la porte s’ouvre. Le sol est tapissé de moquette, les murs sont constitués de panonceaux en bois verni de qualité – et s’y trouve aussi un miroir : Sarah pousse un cri horrifié au spectacle de son reflet ; par ailleurs, elle traîne des lambeaux de chair détachés de sa jambe mais qui n’avaient pu être aspirés par la rune akloMichael fait un faux mouvement, marche dessus, et achève de les détacher du corps de sa compagne… Elle pleure – de douleur autant que de désespoir, probablement sans avoir bien conscience de la « faute » de Michael. Ce dernier cherche alors à briser le miroir, dont des éclats tombent près de Sarah, en sanglots, repliée dans une position fœtale. Il y a deux boutons, un pour le bas, un autre pour le haut. Michael aide Sarah à se redresser afin qu’elle entre dans la cabine – mais elle se débat tout d’abord dans un réflexe de défense. Michael lui dit d’arrêter, qu’il veut l’aider… Il chuchote son nom, palpe son faciès – ne le voit-elle pas ? Elle se calme un peu, tandis que Michael presse le bouton du haut. Il prend la tête de Sarah, l’appuie contre son épaule – il comprend qu’elle ne va pas tarder à mourir de ses innombrables blessures… Il essaye de la réconforter, usant de mots apaisants – il distingue enfin un faible « merci » d’une indéniable sincérité… après quoi Sarah meurt. Michael repose son cadavre dans un coin de la cabine – constatant seulement maintenant que des giclures de matière grise sortaient des narines et des oreilles de la jeune femme…

 

[V-4 : Michael] Cela fait bien trois minutes que l’ascenseur monte – il va pourtant assez vite : Michael ressent un changement de gravité quand il atteint sa vitesse de pointe. Autour résonnent alternativement des bruits évoquant le métal ou la terre. Michael est abattu au possible ; il ressasse sans cesse : « Tant d’innocents… » Mais il ne succombe pas au désespoir : bien décidé à en découdre jusqu’au bout, il se munit d’un couteau – quoi qu’il se trouve en haut, il fera face !

 

[V-5 : Michael : Dwayne O’Brady/« Leonard Border », Anatole « Froggy » Despart ; Leonard Border] Après une dizaine de minutes, pour autant que Michael puisse en juger, la vitesse diminue, et l’ascenseur s’arrête enfin, émettant un tintement caractéristique quand ses portes s’ouvrent – Michael prend soin à ce moment de se coller contre une paroi sur le côté. Une dizaine de secondes s’écoulent, et un nouveau « ding ! » retentit, indiquant que le passager doit sortir… Michael s’exécute. Il y a de la lumière dans la cage d’ascenseur, mais rien à l’extérieur : Michael réapparaît dans l’abîme, sur une plateforme liée à l’interminable escalier en colimaçons que Dwayne et moi descendons depuis un bon moment. Michael entend un bruit distant sur sa gauche. Il s’avance dans cette direction, et aperçoit des lanternes de l’autre côté de l’abîme, juste un peu plus haut : il reconnaît la silhouette de Leonard Border, accompagné d’un inconnu à la carrure autrement massive – ce sont bien Dwayne et moi…

 

VI : ROMY, BUNNY

 

[Introduction de Romy, le nouveau personnage de la joueuse qui incarnait Kelly McGillian en début de séance.]

 

[VI-1 : Romy : Kelly McGillian] Romy travaille dans la réserve, à côté du « salon de détente » où les fêtards se réjouissent – elle leur prépare cocaïne et alcool à volonté… Mais elle entend des détonations – qui ne semblent pas susciter l’attention des convives. Elle associe instinctivement ces bruits à Kelly McGillian – elle sait que la journaliste se trouve ici ; fût un temps où elle appréciait sa prose… Mais Romy ne s’attarde pas sur la question et ses implications éventuellement tragiques. Elle pense à la chance incroyable qu’elle a de travailler ici…

 

[VI-2 : Romy : Nathaniel Sanders ; « Scott », Hippolyte Templesmith] La musique résonne dans le salon tout proche. Romy sait que c’est bientôt l’heure où Nathaniel Sanders va faire son numéro. C’est généralement le moment où elle a pour consigne de nettoyer les chambres des invités – mais pas celle de Sanders lui-même, dont elle n’a cependant jamais pu voir le spectacle… Les invités à côté réclament à grands cris un certain « Scott ». Sanders monte sur scène, dit que quelques préparatifs doivent encore être assurés, mais qu’il n’y en a plus pour longtemps… À côté de lui, un automate joue de la musique, vêtu d’un smoking – elle sait qu’il s’agit d’une invention de Hippolyte Templesmith. Nathaniel Sanders entrevoit Romy, et lui adresse un regard interrogateur – il s’assure qu’elle sait bien quelle est sa tâche. Romy se munit du matériel de ménage dans la réserve, et quitte la pièce, rejoignant le couloir donnant sur les différentes chambres. Elle passe au milieu des invités – l’un d’eux lui pince les fesses au passage… Sa tenue, qu’elle-même trouve sans doute indécente, très « bunny » de Playboy, semble un bon prétexte pour autoriser ces gestes déplacés…

 

[VI-3 : Romy : Kelly McGillian] Romy n’a aucunement le désir d’attirer l’attention, et s’empresse de gagner le couloir. À peine est-elle sortie qu’elle tombe sur ces deux types de la sécurité qui sentent le poisson, en train de tirer par terre le cadavre de Kelly McGillian, un poignard planté en plein cœur – laissant sur le passage une répugnante traînée de sang… Les brutes disent à Romy de nettoyer le désordre sans même lui accorder un regard. Mais le spectacle de ce cadavre fait tiquer Romy – d’une manière ou d’une autre, elle se sentait une certaine complicité avec la journaliste… Elle se met péniblement au travail dans le couloir.

 

[VI-4 : Romy : Kelly McGillian, Hippolyte Templesmith, Nathaniel Sanders] Mais Romy est perturbée – sans forcément bien savoir pourquoi ; la vue du cadavre de Kelly McGillian a-t-elle joué le rôle de la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Alors même qu’elle nettoie comme elle peut le plancher maculé de sang, elle se rend compte qu’elle cherche une issue – et se rend compte aussi que cela ne lui était jamais passé par la tête… Elle n’a en fait aucune idée de comment partir d’ici. Certes, il y a cette porte, verrouillée, au bout du couloir – mais seul Hippolyte Templesmith l’emprunte (ou parfois Nathaniel Sanders, mais à la condition que Templesmith soit avec lui). Romy fait l’effort de pénétrer dans une chambre pour la nettoyer… Mais elle a la tête ailleurs.

 

[VI-5 : Romy : Anya] Romy laisse bientôt là son travail, et retourne à la double-porte du salon de détente ; elle y colle l’oreille, désireuse de savoir ce qui s’y passe… Elle perçoit, sous les acclamations et les rires, des gémissements de douleur, assez sourds… Elle colle alors son œil au trou d’une serrure, mais ne voit rien, si ce n’est sa collègue Anya, au comptoir, en train de nettoyer des verres – mais elle adresse régulièrement des coups d’œil en direction de la scène, qui suscitent sur ses traits un rictus de jubilation sadique ! Oui, quelqu’un souffre sur scène… et ça ravit sa collègue Depuis qu’elle travaille ici, Romy a appris un certain nombre de « secrets », mais là, c’est encore autre chose…

 

[VI-6 : Romy : Nathaniel Sanders] Romy décide alors d’aller jeter un œil à la chambre de Nathaniel Sanders – mais elle est verrouillée, bien sûr. Elle y essaye ses clefs à tout hasard – et l’une semble en fait pouvoir passer, mais à condition de forcer un peu ; c’est comme si elle n’activait qu’une partie seulement de la serrure… Romy s’assure que personne ne la voit, force sur la serrure et parvient à ouvrir la porte – mais un flash lumineux l’éblouit un bref instant : elle sait qu’il s’agit d’un appareil photo conçu pour prendre automatiquement une photo quand on force la porte…

 

[VI-7 : Romy : Nathaniel Sanders] Elle jette rapidement un œil à l’intérieur. C’est une petite chambre – en fait, peu importe le statut particulier de Nathaniel Sanders, elle donne l’impression d’être plus petite que celles des invités. Le plus étrange est cependant qu’elle dégage malgré tout une impression de grandeur – peut-être due aux larges fenêtres en tous sens… qui donnent toutes sur des lieux inconnus et incroyables, contrastant avec le caractère bien tenu de la pièce : on y voit un soleil bleu, une terre dorée… des arbres aux formes bizarres et fourchues, arborant des feuilles rouges qui tremblent sous le vent…

 

[VI-8 : Romy : Scott Ederman] Mais Romy veut s’en tenir pour l’heure au mobilier : il y a un grand placard sur la droite, un lit au fond de la pièce, une table basse avec un carnet dessus, un bureau avec des casiers ouverts débordant de documents divers. Romy sait que le flash va la trahir… Elle n’a sans doute plus rien à perdre. Elle s’approche du bureau, et survole les documents des casiers – des chemises plus ou moins garnies, où elle repère quelques noms : des gens du bottin d’Arkham, des industriels ou des financiers… Mais les dossiers contiennent des informations inattendues – sur leurs habitudes, ce qu’ils aiment, ce qu’ils détestent, leurs possessions, leurs familles, leurs proches… Le premier dossier est au nom de Scott Ederman. Romy remet ces documents dans l’état où elle les avait trouvés, puis va jeter un œil au carnet posé sur la table basse – contrastant avec les dossiers, ou l’entretien méticuleux de la pièce, ce carnet est très mal tenu, arborant de nombreuses ratures qui ont creusé le cuir de la couverture. Elle en tourne les pages, et c’est encore pire à l’intérieur : des multitudes de gribouillis et autres dessins absurdes, obscènes, et des phrases complètement folles, d’une écriture dérangée ; tout cela évoque un sale gosse particulièrement agité… Romy s’attarde sur quelques pages, qui semblent recueillir des idées de nouvelles tortures, qui seraient autant de spectacles. Par exemple :

 

utiliser des limaces pour torturer, il en existe des cannibales ??!, PLUS DE MIEL !!! JAMAIS ASSEZ faire un cHapeAu EN vers de TERrE,et si dieu etait un insecte ? Je veux marcher sur vos yeux

 

Certaines phrases sont tout simplement trop absurdes pour être réellement saisies… Romy referme le carnet ; elle cherche l’appareil photo de l’entrée, mais ne peut pas faire grand-chose : elle localise bien sa position, mais il est incrusté dans le mur et hors d’atteinte…

 

[VI-9 : Romy : Nathaniel Sanders] Romy ressort de la chambre de Nathaniel Sanders, et en referme la porte à clef – faisant mine de la nettoyer. Surgit peu après un type de la sécurité qui la reluque un instant, puis va s’asseoir sur une chaise devant la double-porte du salon de détente. Une fois la porte bien astiquée, Romy, qui n'a guère le choix, retourne au ménage des chambres des invités

 

VII : PARFAIT SUBJECTIF

 

[VII-1 : Dwayne, Anatole, Michael : Tess McClure, Chris Botti, Leah McNamara] Dwayne et moi avons entraperçu un éclat de lumière de l’autre côté de l’abîme : c’est Michael sortant de l'ascenseur. Nous le rejoignons – et constatons qu’il est dans un très vilain état, à moitié écorché et pissant le sang… Dwayne lui demande ce qui lui est arrivé – puis se reprend : pas le temps pour les explications, il nous faut descendre, nous sommes poursuivis ! Des espèces d’automates… Je surveille instinctivement nos arrières : ils sont à l’étage au-dessus, plus proches que jamais… Dwayne saisit Michael par le bras pour l’entraîner avec lui, sans considération pour ses terribles blessures, mais l’interroge quand même sur l’ascenseur – où mène-t-il ? « En enfer, un autre enfer, ça ne sert à rien de le prendre… » Mais il n’a pas trouvé de « portail » ? Non, seulement un « signe » qui lui a arraché la peau, et a tué une amie… Michael suit Dwayne, la conversation se poursuit en descendant l’escalier. Des nouvelles des autres ? Dwayne n’a vu que Tess… mais elle est passée « de l’autre côté » ! Michael est plus perdu que jamais… [Sauf erreur, il ne mentionne pas la mort de Chris et de Leah] Mais Dwayne l’incite prestement à avancer : il faut descendre, ils sont suivis !

 

[VII-2 : Dwayne, Michael, Anatole] Nous poursuivons donc… Après dix à quinze minutes, nous parvenons à une sorte d’embranchement, où l’escalier se divise en deux : une échelle permet en effet de rejoindre un autre escalier, plus bas. Nous avons l’impression étrange qu’en dessous les deux escaliers se chevauchent ou se coupent, mais peut-être n’est-ce que la fatigue, et l’étrangeté de l’endroit… Peut-être cependant l’escalier accessible par l’échelle descend-il plus bas ? Dwayne propose de passer par là, dans l’espoir de semer nos malhabiles poursuivants – mais peut-être l’autre escalier serait-il plus sûr ? Michael est prêt à suivre Dwayne ; moi de même, encore qu’avec un semblant d’hésitation : « Je te suis, patron… » Le mot le fait tiquer.

 

[VII-3 : Dwayne, Anatole, Michael] Nous prenons donc l’échelle. Dwayne pense pouvoir s’occuper de nos poursuivants avec ses lames, le cas échéant – mais je doute que ça fasse grand mal à ces êtres de métal. Par contre, l’outil ramassé par Dwayne, peut-être ? À mesure que nous progressons, nous avons l’impression que la luminosité de nos lanternes s’amenuise. Quant aux escaliers, ils ne se chevauchent a priori pas, contrairement à ce qu’il nous semblait vu de haut, mais ils ondulent, montent tantôt, redescendent, etc. Et quand Dwayne lève les yeux, il ne voit plus au-dessus de nous l’escalier d’où nous venons ! Simplement l’échelle, mais c’est comme si elle disparaissait dans les ténèbres et ne donnait sur rien… Dwayne est aussi curieux que paniqué, et aurait envie de revenir en arrière ; mais, quant à moi, je vois parfaitement le premier escalier… Michael voit encore autre chose : une intersection, et pas une échelle reliant deux escaliers distincts… Il le signale à Dwayne : pour une raison inconnue, nous avons tous notre propre perception, incompatible avec celles des autres, de notre environnement…

 

[VII-4 : Michael, Dwayne, Anatole] Michael est plus décidé que Dwayne et moi ; il s’engage dans la direction de l’intersection qu’il est le seul à voir : « Par ici ! » dit-il à Dwayne. Je décide de le suivre, et finalement Dwayne aussi, mais sur ses gardes, un peu en arrière. Nous entendons le bruit de pas des automates, pas très loin de l’échelle que nous avons empruntée – que nous la voyions ou non. Et un des automates descend, posant les pieds sur chaque échelon : ce n’est pas ainsi que nous leur échapperons…

 

[VII-5 : Anatole, Michael, Dwayne] Tandis que je progresse, j’ai l’impression d’un escalier qui part sur la gauche, et rejoint l’autre paroi en passant au centre de l’abîme. Mais quand je repose mes yeux sur Michael, je le vois marcher dans le vide ! Instinctivement, je m’arrête aussitôt, voyant Dwayne derrière moi, et plus loin encore un premier automate… Je demande à Dwayne si nous voyons bien la même chose – mais Michael nous interrompt : « Venez ! » Et il nous tend la main… depuis le vide qu’il arpente à mes yeux. Je jette un œil au second automate en train de descendre l’échelle – je me dis que, finalement, ce n’était peut-être pas une si bonne idée que cela, de suivre les deux autres… Je décide dès lors de suivre « mon » escalier.

 

[VII-6 : Dwayne, Anatole] Ce sont autant de sensations étranges qui nous assaillent tous, si elles sont toutes différentes… Dwayne croit reconnaître une « ombre » qui descend de tout en haut – celle de la grande statue humanoïde ; et cette perception s’accompagne de la conviction d’être observé par quelque chose de foncièrement malveillant… Tandis que moi, si je distingue bien à mon tour une ombre – même dans ces couches de ténèbres ! –, c’est plutôt celle d’une autre statue, sphérique, amas d’yeux fixés sur moi…

 

[VII-7 : Dwayne, Anatole, Michael] Dwayne se donne une claque pour reprendre ses esprits, puis poursuit son chemin – de nous trois, il est le seul à descendre. Indécis, j’envisage de le suivre à nouveau – mais il marche dans le vide ! Le rejoindre impliquerait de passer par-dessus une rambarde qu’il ne voyait pas, et je ne vois rien au-delà… Que Dwayne s’arrête à nouveau pour faire le point ne m’aide en rien. Michael, de son côté, a atteint une nouvelle échelle, conduisant à un escalier au-dessus – escalier qui redescend ensuite ; peut-être pour rejoindre Dwayne ? Celui-ci, à mes yeux, se tient toujours debout dans le vide… Il ferme les yeux une bonne minute, et respire calmement.

 

[VII-8 : Anatole, Dwayne] Quant à moi, je choisis enfin de revenir sur mes pas : j’ai dans l’idée de me dissimuler dans un recoin, lanterne éteinte, sans un bruit, pour laisser passer les androïdes devant moi – et les suivre à mon tour. Ils me dépassent en m’ignorant, j’attends de leur laisser un peu de marge, puis marche discrètement à leur suite. Dwayne, de là où il se trouve, voit ce que je suis en train de faire. Nous progressons très lentement…

 

[VII-9 : Dwayne, Michael, Anatole] Dwayne poursuit sur « son » escalier, mais ce dernier s’interrompt brusquement, donnant sur une plateforme où sont fixées à deux grosses anses de métal de grandes chaînes qui s’enfoncent dans les ténèbres. Il voit autrement un passage sur sa gauche qui traverse l’abîme, puis remonte – jusqu’en haut ? Et qu’en est-il de l’ombre de la statue qui le suivait ? Michael, de son côté, voit « son » escalier descendre encore. Quant à moi, dans la foulée des automates, j’aperçois un escalier conduisant à une échelle, laquelle donne sur un autre escalier plus bas, qui ne tarde cependant pas à remonter…

 

[VII-10 : Dwayne, Anatole, Michael] Dwayne, sur sa plateforme, cherche un hypothétique « portail »… Si je progresse lentement dans cette direction, calant mon pas sur celui des androïdes, Michael, lui, parvient bien à rejoindre Dwayne – il lui signale qu’il voit pour sa part un chemin qui continue à descendre après la plateforme avec les anses de métal. Dwayne se concentre sur les chaînes, se penchant par-dessus la rambarde pour voir où elles mènent – mais elles descendent à perte de vue. Il les touche toutes deux, elles émettent chacune un petit tintement, et leurs maillons relativement épais grincent ; les chaînes, pour être imposantes, sont cependant de ce métal léger omniprésent, et Dwayne suppose qu’il se trouve un poids, tout au bout – pas énorme, quelques kilos tout au plus. Dwayne fait alors usage de son outil, dont il fait couler de l’acide – mais il se contente de tomber à perte de vue… Les automates s’approchent maintenant de Dwayne et Michael ; derrière eux, je fais signe à mes camarades de m’imiter – qu’ils se fassent petits ! J’espère qu’ils me verront… Mais Dwayne a une autre idée en tête : il redoute que les automates le suivent lui précisément, probablement désireux de récupérer leur outil…

 

VIII : LA CAVERNE DES IDÉES (VARIATION TONY MONTANA)

 

[VIII-1 : Romy : Kelly McGillian, Anya] Romy se trouve dans la chambre d’un invité qu’elle n’a pas encore vu. Elle voulait se rendre dans la chambre de Kelly McGillian, mais les gardes le lui ont interdit. Elle en a encore pour une heure de travail, après quoi elle pourra prendre sa pause. Sa collègue Anya ne l’aidera pas aujourd’hui pour ce faire, mais la remplacera le lendemain. Romy travaille donc, puis les invités, tout sourires, retournent tous à leurs chambres.

 

[VIII-2 : Romy : Anya ; Nathaniel Sanders] Romy retourne alors au dortoir, où se trouve Anya. En chemin, nombre d’invités lui ont fait des propositions salaces et éventuellement rémunératrices, qu’elle a refusées… Anya s’endort très vite, et ronfle. Leur rythme de vie est fatigant… Anya a pris l’habitude de s’endormir en quelques minutes à peine – il lui suffit de s’allonger sur un lit, et elle dort bien vite comme une brique… Mais la pause d’Anya touche à sa fin, et Romy la réveille. Elle lui demande ce qui se passe, au juste, pendant ces spectacles auxquels elle n’a pas le droit d’assister… Anya, bien vite réveillée et fraiche comme il se doit, arbore alors un sourire inquiétant, évoquant une certaine complicité avec ses supérieurs… et, de manière tout aussi marquée, une forme de condescendance à l’égard de Romy. Anya assure cette dernière qu’elle en parlera à Nathaniel Sanders, si c’est ce qu’elle désire – avec de la chance, ils pourront bientôt l’initier… Mais elle refuse d’en dire plus pour l’instant : ce serait gâcher tout le sel de la surprise !

 

[VIII-3 : Romy : Nathaniel Sanders, Anya] Plus tard, jouant toujours l’ingénue, Romy aborde en fait d’elle-même la question avec Nathaniel Sanders. Ce dernier la détaille, avec aux lèvres un sourire pincé, auquel Romy répond par une moue timide et gênée. Il lui demande depuis combien de temps elle travaille ici, et Romy répond que cela fait un mois – c’est bien la vérité, pour autant qu’elle le sache. Sanders joue visiblement avec elle : « Vous savez, voir certaines choses peut s’avérer troublant… Connaissez-vous l’allégorie de la caverne, de Platon ? » Non… Sanders la lui explique, non sans condescendance lui aussi. Mais Romy le convainc qu’elle est prête, quoi que cela veuille dire. Très bien : Nathaniel Sanders fera en sorte de l’initier prochainement… Après quoi Sanders se retire – il a fait signe à Anya, présente mais discrète, qu’il avait des consignes à lui donner en privé…

 

[VIII-4 : Romy] Romy se rend à son poste de travail – cette fois, il s’agit du comptoir, où elle doit servir les invités. Elle guette des indices du spectacle sur la scène, mais n’en trouve pas… L’automate musicien en smoking, par contre, s’est remis à jouer. Ne se trouvent pour l’heure dans le salon de détente que deux crétins, les plus jeunes de l’assemblée, qui se lancent le défi de plonger la tête dans une vraie montagne de cocaïne et d’en inspirer le plus possible… et ils demandent à Romy d’arbitrer leur compétition ! Elle trouve ça parfaitement stupide, mais n’a guère le choix : elle obéit, sans mot dire…

 

IX : TOUS LES CHEMINS MÈNENT À ROMY

 

[IX-1 : Anatole, Michael, Dwayne] Je suis toujours les automates, tandis que Michael progresse sur son escalier, qui descend à nouveau. Dwayne est resté sur la plateforme d’où pendent les longues chaînes ; il pose son bâton dans le coin opposé à l’escalier qu’il perçoit, et tente à son tour de se faire tout petit dans un autre coin diamétralement opposé, en éteignant sa lanterne. Les automates progressent jusqu’à l’outil volé (le précédent avait déjà été récupéré par l’un d’entre eux), le ramassent… et repartent en nous ignorant complètement.

 

[IX-2 : Anatole, Dwayne, Michael] Je vois un chemin qui fait une boucle avant de remonter ; l’escalier que voit Dwayne, par contre, ne remonte pas autant. Mais nous voyons tous les deux les chaînes – avoir quelque chose en commun est finalement rassurant. Dwayne propose de tirer dessus – j’en profite pour jauger l’épaisseur des maillons, à peu près de la taille d’un poing humain. L’escalier de Michael donne sur une paroi de terre humide : il est bloqué. Mais, en se retournant, il aperçoit maintenant une petite échelle qui descend, et qui conduit à un nouvel escalier, lequel repart en boucle vers le haut et la droite ; aussi continue-t-il dans cette direction… et, finalement, c’est ainsi qu’il nous retrouve Dwayne et moi – peu importe que nous le voyions à nouveau marcher dans le vide ! Lui aussi voit les chaînes, par ailleurs.

 

[IX-3 : Anatole, Michael, Dwayne] Quand les automates se sont suffisamment éloignés, je rallume ma lanterne. Nous étudions les deux chaînes – elles ont chacune au bout quelque chose du même poids. Tandis que Michael prend enfin le temps de se soigner – l’adrénaline lui avait jusqu’alors permis d’ « oublier » temporairement ses horribles blessures –, Dwayne et moi tirons sur la chaîne de gauche ; et, si le métal des maillons est léger (de plus en plus, même), ma force est néanmoins la bienvenue. Nous parvenons à la remonter entièrement… et au bout, suspendue, se trouve une porte en bois avec son cadre.

 

[IX-4 : Anatole, Dwayne : Hippolyte Templesmith] Nous tirons la porte, et je la dispose verticalement contre la paroi, et Dwayne y colle son oreille – au travers, il perçoit une musique jazz étouffée… Dwayne cherche s’il s’y trouve un emplacement pour une des petites boîtes de Templesmith, mais il n’y en a pas : simplement une poignée, d’une substance un peu suintante et d’un âge vénérable. J’hésite à tirer sur l’autre chaîne, curieux de ce qui pourrait bien s'y trouver, mais Dwayne est rassuré par le jazz, et a envie de quitter ce lieu maudit au plus tôt – c’est là le « portail » qu’il cherchait en vain !

 

[IX-5 : Dwayne, Anatole, Michael : Anya] Dwayne ouvre la porte contre la paroi – il faut la forcer un peu. Elle débouche sur un couloir, là où il n’y avait auparavant qu’une paroi de terre – un couloir bien éclairé, ce qui nous change après tant d’errances dans la pénombre, et par ailleurs luxueusement décoré : de nombreux objets d’art, de provenances et d’époques très diverses, à l’évidence d’une immense valeur. Mais Dwayne entraperçoit aussi un garde, en train de lire un journal, affalé sur une chaise – il a la tête d’un type qui ne pense pas avoir quoi que ce soit à craindre… Mais la bosse dans sa poche témoigne de ce qu’il est armé. Il n’a cependant pas prêté la moindre attention à l’ouverture de la porte. Depuis une double-porte sur notre gauche, proviennent des éclats de voix, ceux de personnes prenant du bon temps, ainsi que la musique jazz qui avait appâté Dwayne ; ce dernier s’avance discrètement, moi juste après lui, Michael en peu plus en arrière – qui referme doucement la porte derrière lui.

 

X : LE TRAVAIL C’EST LA SANTÉ (MENTALE)

 

[X-1 : Romy : Anya ; Nathaniel Sanders] Romy, bien obligée, arbitre le duel débile des priseurs de cocaïne… Puis Anya vient la voir, qui lui dit que Nathaniel Sanders a accepté de lui dévoiler les secrets de l’établissement. Elle lui demande de la suivre, et Romy obéit. Anya lui tend un fin foulard de qualité, d’une teinte rouge bordeaux : elle doit se bander les yeux, après quoi Anya la conduira sur scène. Romy, inquiète, avance qu’on peut sans doute se passer de tout ce rituel, et tout particulièrement de ce foulard… Mais Anya insiste. Non, vraiment – Romy se rebiffe : « J’aime bien les surprises, mais là c’est trop… » Dommage… Anya est visiblement déçue : pourquoi donc ce changement d’humeur ? Romy lui dit qu’elle n’aime pas avoir ses mouvements et sa vision entravés – ça l’angoisse, c'est tout… Mais Anya semble se rendre compte inopinément de quelque chose, et lui passe la main sur le visage ; étonnée, elle constate : « Tu n’as plus d’aphtes ? » Romy avait cessé depuis quelque temps de boire du Miska-Tonic !, sur une impulsion… Elle ne le dit pas – se contentant de relever qu’elle en a été guérie, oui, « et tant mieux, c’était vraiment douloureux »… Anya s’en tient là, disant qu’elle a une tâche à accomplir dans la réserve… mais elle est tellement fatiguée ! Romy ne pourrait-elle pas s’en charger à sa place ? Elle le veut bien…

 

[X-2 : Romy, Dwayne, Michael, Anatole : Anya] Tandis que Romy se rend dans la réserve, Dwayne, Michael et moi, depuis l’encadrement de la porte que nous venons tout juste de franchir, apercevons une serveuse blonde, aux traits slaves et vêtue façon « bunny », échanger quelques mots avec le garde distrait sur sa chaise…

 

À suivre…

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (29)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (29)

Vingt-neuvième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

Un compte rendu un peu spécial : j’étais absent… J’ai rédigé ultérieurement ce compte rendu à partir de l’enregistrement audio de la séance.

 

Étaient présents Dwayne O’Brady, seul PJ survivant de la séance précédente, et des remplaçants pour les autres : Michael Bosworth, qui n’est donc plus un PJ temporaire mais est adopté par le joueur qui incarnait jusqu’alors Chris Botti, et Kelly McGillian, jusqu’alors PNJ à peine mentionné mais désormais incarnée par la joueuse de Leah McNamara. Mon personnage de Tess McClure, sombré dans la folie, était devenu un PNJ lors de la séance précédente ; mon nouveau PJ, Anatole « Froggy » Despart, apparu la dernière fois, a été joué par le Gardien des Arcanes pour cette séance, et figure donc à la troisième personne dans ce compte rendu.

 

I : NÉGOCIER DANS L’OMBRE

 

[I-1 : Dwayne : Tess McClure/« Tess la Rouge », Radzak, Anatole « Froggy » Despart] Tess s’approche de la vieille dame et de l’enfant, qu’elle a « choisis » à la demande de Radzak. Ces prisonniers ont sans doute été enfermés depuis trop longtemps pour avoir entendu parler de « Tess la Rouge », mais son allure et plus encore sa démarche sont inquiétantes quoi qu’il en soit ; en même temps, elle est plus élégante que jamais… Armée d’une dague sacrificielle à la main droite, elle avance directement sur l’enfant. Dwayne ne veut pas agir, il ne veut même pas regarder la scène qui s’annonce – il garde plutôt un œil sur Radzak. Mais il entend le coup de pied de Tess qui projette la vieille au sol, et cette dernière qui hurle quand Tess lui arrache l’enfant des bras… Puis c’est un bruit d’éviscération – et des organes qui tombent au sol. La vieille hurle à l’aide… Mais Dwayne demeure passif. Un des prisonniers, pourtant, veut tenter quelque chose, et fait un pas dans la direction de Tess ; Dwayne voit que Radzak se prépare à sauter à la gorge du prisonnier. Anatole, décontenancé, se contente d’observer les réactions de Dwayne – dans son esprit, il demeure le seul ici à comprendre ne serait-ce que vaguement ce qui se passe, et à ne pas vouloir le tuer pour autant, aussi calque-t-il son comportement sur le sien.

 

[I-2 : Dwayne : Tess McClure] Dwayne entend alors des bruits d’asphyxie – et il jette un œil sur la scène, par réflexe : Tess a vidé l’enfant de ses organes et se sert de sa cage thoracique désormais vide pour étouffer la vieille – comme si elle lui mettait la tête dans un sac ! Son regard est fixe, mais son sourire exprime combien elle prend son pied.

 

[I-3 : Tess McClure, Radzak] Le prisonnier continue d’avancer vers Tess, et cette fois Radzak lui saute dessus : en fait, après son bond initial, il disparaît littéralement en vol ; mais le prisonnier voit tout à coup son ventre gonfler, comme si quelque chose était subitement apparu à l’intérieur – puis des pattes velues et griffues en jaillissent… Le prisonnier crache du sang et tombe à genoux – ses organes internes se répandent par terre. Mais Radzak n’en a pas fini avec lui : c’est comme s’il cherchait maintenant à occuper l’intérieur de son crâne ! Et il y parvient, en jaillissant de la tête explosée… Le chat ressort du corps de sa victime avec un sourire ravi ; il est tâché de sang, mais se livre à une toilette toute féline…

 

[I-4 : Radzak, Anatole « Froggy » Despart ; William Harris-Jones] Les autres prisonniers, tétanisés, s’effondrent sous le coup de l’horreur de la scène – l’un d’entre eux se suicide même en se plantant une dague sacrificielle dans le torse. Les bruits d’accouplement se sont interrompus dans la pièce du fond. [Contradiction par rapport à la séance précédente : Anatole n’est donc pas allé chercher son patron William Harris-Jones une fois que celui-ci avait fini de prendre du bon temps avec la prisonnière nymphomane.]

 

[I-5 : Dwayne : Radzak, Tess McClure] Radzak revient tranquillement à sa place initiale, en marmonnant, satisfait, qu’il avait depuis bien longtemps songé à employer cette méthode, mais n’en avait jusqu’alors jamais vraiment eu l’occasion – ça lui a plu. Dwayne, abattu, va s’asseoir tandis qu’il entend la vieille suffoquer – Tess prend son temps pour l’achever, sans doute lui laisse-t-elle de temps à autre reprendre quelque peu son souffle, à seule fin de prolonger son agonie… Mais elle finit par achever sa victime. Elle reprend sa respiration, puis s’allume une cigarette – comme après l’amour…

 

[I-6 : Dwayne/« Leonard Border » : Tess McClure, Radzak ; Leonard Border] Tess et Radzak balayent des yeux le dortoir et les survivants. Puis Radzak adresse à Tess un regard amusé autant qu’interrogatif – il lui dit alors qu’il lui laisse encore le choix… Mais Dwayne parle enfin, leur demandant s’il ne serait pas possible de « discuter », ce qui attire leur attention. Le regard de Tess se pose sur lui : elle le reconnaît visiblement – même sous son apparence de Leonard Border – et le scrute littéralement ; peut-être cette reconnaissance provoque-t-elle des débats intérieurs, qui la troublent un minimum…

 

[I-7 : Dwayne : Radzak ; Hippolyte Templesmith] Radzak dit à Dwayne qu’il l’écoute… Dwayne lui dit qu’il suppose qu’il est ce « Radzak » dont il a entendu parler ; « son groupe » avait une tâche à accomplir pour lui ? Radzak est heureux de voir que sa réputation le précède… Mais les prédécesseurs de Dwayne ont échoué. Dwayne répond qu’ils sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient. Mais ils n’ont pas tué Hippolyte Templesmith, c’est vrai… Toutefois, maintenant que sa véritable nature a été dévoilée au grand jour, il sera sans doute plus aisé d’en finir avec lui – même si Dwayne ne doute pas que la tâche demeurera ardue. Il sait par ailleurs que Templesmith ne le laissera jamais tranquille… Mais le problème est d’abord qu’il ne sait pas où il se trouve, et qu’il lui faut partir d’ici. Radzak, fielleux : « Tu me prends pour un assistant social ? » Mais pas du tout !

 

[I-8 : Dwayne/« Leonard Border » : Tess McClure, Radzak ; Leonard Border, Hippolyte Templesmith/« 6X »] Tess regarde Dwayne, perdue dans ses pensées ; puis elle avance vers lui de son pas élégant. Dwayne lui demande si elle le reconnaît. Oui… Elle lui caresse la joue de la main – perçant l’apparence de Leonard Border. Dwayne suppose que cela ne jouera pas en sa faveur ? Pourtant, elle veut toujours tuer « 6X » ? Tess répond qu’elle a largement fait sa part… Mais, dans ce cas, pourrait-elle aider Dwayne à retourner là-bas pour qu’il en finisse ? Tess regarde Radzak, hésitante, un peu paumée, même… Dwayne comprend qu’elle a envisagé de le massacrer, mais se retient – ce qui génère en elle une intense frustration. Radzak demande à Dwayne s’il a bien la prétention d’achever « 6X ». Dwayne lui répond que ce n’est pas une prétention : si le tuer lui permettra de rester lui-même en vie plus longtemps, rien d’autre ne compte.

 

[I-9 : Dwayne : Radzak, Tess McClure ; Brienne, Elaine] Radzak explique à Tess qu’il a du mal à appréhender le sens de la temporalité humaine. Dwayne comprend par-là qu’il demande combien de temps il doit lui laisser pour agir… Tess tourne autour de Dwayne en l’observant sous toutes ses coutures, elle prend son temps pour réfléchir (à un moment, elle lui pince même les fesses, ce qui le fait frissonner…). Tess répond enfin : « Disons… une petite semaine… s’il arrive à sortir d’ici… » Dwayne acquiesce de la tête. Tess ajoute que, s’il accomplit sa tâche dans ce délai, elle n’ira pas voir Brienne et Elaine (mais Dwayne se fout d’Elaine…). Elle repasse devant Dwayne et fait un pas de côté, comme pour lui laisser le passage ; et Dwayne traite Radzak avec respect, ce qui plaît au chat.

 

[I-10 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart, Radzak, Tess McClure] Mais Dwayne lance un coup d’œil en arrière sur Anatole : serait-il possible d’avoir l’aide de quelqu’un dans cette pièce pour sortir d’ici ? Radzak et Tess comprennent de qui il parle – le seul disposant d’une carrure physique et d’une assurance utiles. Tess lui tourne autour, comme elle l’avait fait avec Dwayne auparavant. Mais sa voix est beaucoup moins courtoise et familière : « Lui, je ne le connais pas… » La main d’Anatole tremble dans sa poche, il hésite visiblement à sortir son arme, tandis que Tess hésite quant à elle à le planter de sa dague sacrificielle… Dwayne intervient : « Je sais que tu ne le connais pas, mais laisse-lui sa chance ; il ne peut qu’être utile pour cette tâche. » Il se tourne pour voir la réaction de Radzak, puis revient sur Tess. « Si tu as de l’aide, tu as besoin de moins de temps… Quatre jours. »

 

[I-11 : Dwayne : Radzak, William Harris-Jones, Tess McClure ; Leonard Border, Butch, Hippolyte Templesmith] Dwayne n’a pas vraiment envie de négocier davantage. Radzak n’a pas l’air contre – c’est surtout qu’il s’en fout un peu : il est bien plus intéressé par les autres prisonniers, dont William Harris-Jones enfin venu dans le dortoir… Dwayne, toutefois, sent qu’il doit encore plaider sa cause auprès de Tess, qui demeure hésitante. À moitié désespéré, il avance qu’il ne s’en sortira pas sans aide – c’est une chance supplémentaire… Il lui rappelle tout ce qu’ils ont vécu ensemble – et le fait est que Tess et lui ont été assez complices, ont accompli nombre d’actions à deux – incluant le kidnapping de Leonard Border, la préparation du rituel, ou encore le désir de vengeance contre le bar Chez Butch… Tout cela joue en sa faveur – tout particulièrement quand il avance que ce serait l’occasion de faire sauter enfin ce bar : il ne joue donc pas que sur leur complicité passée, mais aussi sur leurs rancœurs communes, virant à la haine pure chez Tess… Cette approche fonctionne : Tess est désormais moins hésitante, plus favorablement disposée envers Dwayne. Son regard se précise toutefois sur la bague de fiançailles de Dwayne, qu’elle trouve jolie… Dwayne la lui donne sans hésiter. Tess la prend avec plaisir, et lui adresse un sourire sincère – qui a quelque chose d’enfantin et d’étrangement décalé. Elle le remercie. Puis elle dit qu’elle repassera les voir tous deux d’ici quatre jours, et, en fonction de ce qu’ils auront fait à Hippolyte Templesmith

 

[I-12 : Dwayne : Radzak, William Harris-Jones, Anatole « Froggy » Despart] Radzak libère le passage d’un vif et puissant coup de patte. Mais William Harris-Jones invective Anatole, son garde du corps : il ne peut pas le laisser ici ! Son salaire sera doublé ! Anatole lui fait face, hésitant – Dwayne comprend qu’il y a plus qu’un lien « professionnel » entre les deux hommes, une vague complicité, sinon véritablement de l’amitié… Mais Dwayne dit à Anatole que c’est maintenant ou jamais – rappelant qu’il a sacrifiés trois jours de sa propre vie pour assurer que le garde du corps pourrait le suivre… Anatole pousse un profond soupir, mais n’a guère le choix : « Désolé, patron… Le soldat se doit de vivre pour combattre un jour de plus – c’est une cruelle leçon de ces tranchées que tu n’as jamais connues… »

 

[I-13 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; William Harris-Jones] Anatole suit Dwayne, même si c’est à contrecœur. Il est toujours vigilant, attentif à tout ce qui se passe autour de lui – et il est conscient que ce n’est que grâce à l’intervention de Dwayne, même intéressée, qu’il a échappé à une mort horrible. Dwayne est sur le pas de la porte, donnant sur la cuvette : « Bon, où est la sortie, maintenant ? », dit-il dans le vide, espérant vainement une réponse… Mais rien – si ce n’est, derrière eux, les cris de souffrance de William Harris-Jones… Sur la plateforme surplombant l’abîme, c’est comme si les statues les observaient…

 

II : ALLIANCE DE CIRCONSTANCES

 

[II-1 : Michael : Pierce Hawthorne ; Hippolyte Templesmith] Michael essayait de secourir Pierce Hawthorne quand le jour s’est levé, entraînant le ressac de la marée de crabes. L’arbre où s’était réfugié Hawthorne tremblait sous l’assaut des monstrueux crabes « centaures », mais ils se sont eux aussi retirés. Hawthorne n’est pas des plus leste, il est même peu ou prou obèse… Il hésite à saisir la corde que lui tend Michael, et jette des coups d’œil au reflux des crabes. Michael sait que l’homme figurait sur la liste trouvée chez Hippolyte Templesmith, et avait entendu son discours lèche-cul au gala...

 

[II-2 : Michael : Pierce Hawthorne ; Hippolyte Templesmith] Pierce Hawthorne décide enfin de tenter le coup. Il se montre très prudent, et prend donc tout son temps. Impossible pour Michael de déterminer si Hawthorne sait qui il est. Mais, alors que ce dernier se trouve à mi-parcours environ, Michael fait vibrer la corde – pas suffisamment pour que Hawthorne tombe, mais amplement assez pour le faire paniquer… « Qu’est-ce que vous faites ?! » Michael répond posément : « Pas si vite, l’ami ; j’aimerais savoir à qui j’ai affaire ! Si je me souviens bien, vous disiez encore il y a peu le plus grand bien de Hippolyte Templesmith ? » Il refait vibrer la corde… Pierce Hawthorne est très mal à l’aise : « Qui êtes-vous ? Et en quoi est-ce que cela vous dérange ? » Michael répond que, s’ils se trouvent ici, c’est à cause de lui, non ? Il n’a pas de sympathie particulière pour Templesmith ou ses amis, alors il aimerait bien savoir qui il est en train d’aider… Hawthorne ne le reconnaît visiblement pas. Il répond qu’il est la seule personne à pouvoir l’aider pour sortir d’ici – il a le ton de quelqu’un désireux de négocier, mais conscient de ne pas être en position de force… Michael dit que ça l’intéresse – mais il veut en savoir davantage avant de le laisser le rejoindre. Il secoue à nouveau la corde, et Hawthorne chancelle : à prolonger encore ce petit jeu, il ne manquera pas de tomber… Ses yeux sont terrifiés – à la manière de ceux d’un lapin pris dans les phares d’une voiture. Michael lui demande comment sortir d’ici ; Hawthorne répond : « Ça va vous paraître fou, mais je connais un moyen de nous téléporter… » Est-ce un objet ? Un lieu ? Les deux, en fait : un objet dans un lieu… Et comment a-t-il obtenu cette connaissance ? Cela serait bien trop long à expliquer ! Michael laisse Hawthorne monter, et va même l’aider – non sans préciser qu’il compte ensuite en apprendre davantage, et il est armé… Hawthorne acquiesce et reprend son ascension – il est épuisé à l’arrivée.

 

III : DANS L’HÔTEL MAUDIT

 

[La joueuse incarnant précédemment Leah McNamara joue désormais la journaliste Kelly Gillian – en fait McGillian, mais elle avait pris soin de transformer son nom en raison des préjugés ethniques à Arkham. Longtemps comparse de Leonard Border, elle avait été renvoyée de la Gazette d’Arkham, en partie en raison de son ascendance irlandaise, plus précisément parce qu’elle avait refusé de sombrer dans l’enthousiasme béat pour Hippolyte Templesmith – et avait même envisagé d’enquêter sur le passé de la nouvelle coqueluche de la ville. Les PJ n’en savent pas davantage, n’ayant eu aucune nouvelle d’elle depuis son licenciement. Elle, cependant, n’était pas restée sans rien faire. Elle avait mené sa petite enquête, et établi plusieurs choses : sur un plan relativement légal, elle avait découvert que l’usine de Miska-Tonic ! appartenait à Hippolyte Templesmith, qui avait eu recours aux services de Diane Pedersen ; là-bas, des chimistes ont semble-t-il constaté « des choses étranges », mais on les a payés pour qu’ils se taisent. Par ailleurs, Templesmith avait recours à des gros-bras : des types d’Innsmouth, à la très mauvaise réputation, et qui sentent le poisson – elle a eu l’occasion d’en croiser… Ils sont responsables d’une bonne partie des disparitions en ville – le reste, c’est semble-t-il le fait de la mafia irlandaise. Elle sait par ailleurs qu’il se trouvait de nombreux cadavres à la ferme des Tulliver, mais qu’ils ont été subtilisés par les hommes de Templesmith – pour les « étudier », peut-être ? Quoi qu’il en soit, elle est très bien placée pour savoir que personne n’osera dire quoi que ce soit contre Templesmith : les témoins gênants sont apeurés, et on achète leur loyauté ; sinon… Kelly, pleine de rancœur à l’encontre de Hippolyte Templesmith, et ayant en outre tendance à boire plus que de raison, avait trouvé à s’infiltrer dans le gala à l’Omni Parker House, où elle souhaitait susciter le scandale, sans même penser aux conséquences pour elle-même. Personne ne l’avait reconnue là-bas. La journaliste avait commencé à boire des cocktails pour se donner du courage, dans le dancing room, mais, alors même qu’elle retournait dans la salle principale pour mettre son plan à exécution, elle a vu Diane Pedersen (en fait Tess McClure, mais elle n’en savait rien) embrasser à pleine bouche Templesmith… puis a vu tout ce qui a suivi. Comme tout le monde, elle a fini par perdre connaissance…]

 

[III-1 : Kelly : Bert Rockerson] Kelly se réveille, avec une certaine gueule de bois, couchée sur un lit, dans une sorte de chambre particulière qu’elle ne connaît pas. Les meubles et la décoration donnent plutôt l’impression d’une chambre masculine, et assez luxueuse – les meubles sont anciens mais bien entretenus. Kelly retrouve son déguisement, mais aussi son Derringer. Elle se lèvre, cherche à déterminer à qui appartient cette chambre. Elle est encore un peu déboussolée… mais finit par rassembler des éléments : il s’agit d’une chambre destinée à un invité qu’elle comprend être Bert Rockerson, un magnat pétrolier de la région de Boston – elle trouve des effets personnels à ses initiales, et ses vêtements dans une armoire. Elle trouve aussi sur les meubles diverses statuettes de toutes origines, qu’elle sait être d’une grande valeur tant pécuniaire qu’historique. Puis, tendant l’oreille, elle entend des bruits festifs en provenance d’une autre pièce – de la musique jazz, des éclats de rire…

 

[III-2 : Kelly] Kelly sort de la chambre, guidée par la musique. Elle se trouve à l’extrémité d’un couloir d’hôtel, avec de nombreuses portes conduisant suppose-t-elle à d’autres chambres similaires à la sienne. Elle relève aussi une étrange odeur de terre, mais très diffuse au milieu des parfums de qualité… Se fiant à la musique, elle avance dans le couloir – à la décoration riche (de nombreux tableaux de toutes provenances) mais un brin déconcertante… d’autant qu’elle prend conscience de la texture « métallique » des murs autant que du sol. Un peu plus loin devant elle, le couloir bifurque à angle droit sur la droite. Kelly sent une légère odeur de poisson pourri aux environs… Et elle entend des bruits de voix dans cette direction : elle ne distingue pas vraiment les paroles ; mais il y a une voix assez distinguée qui semble donner des consignes – « temporiser », « gardez-les » ? Les autres voix sont plus « coassantes », en tout cas soumises et affirmatives.

 

[III-3 : Kelly] Kelly, avant d’aller plus loin, est prise de l’envie de retourner dans sa chambre – afin de jeter un œil par la fenêtre pour déterminer où elle se trouve. Elle ne se montre pas spécialement discrète… Et elle entend des bruits de pas un peu empressés, qui vont dans sa direction. Elle n’y prête pas attention et continue, mais tourne enfin rapidement la tête, comme par réflexe : se trouve derrière elle un individu, qui lui demande d’une voix courtoise et polie si tout va bien. Elle répond qu’elle s’est réveillée ici, et ne sait pas où elle se trouve… Peut-il la renseigner, lui dire quel est cet hôtel ? Elle discerne plusieurs réactions chez son interlocuteur – un mélange de surprise, de légère angoisse… et finalement un sourire machiavélique. Passé la surprise initiale, l’homme se montre enjoué – ce qui, en fait, lui fait d’autant plus froid dans le dos… « Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle ; la soirée d’hier a été un peu arrosée… Restez dans votre chambre, je vais vous faire porter un remontant. » L’homme semble prêt à repartir sur ses pas, mais Kelly insiste : quel est cet hôtel ? Il ne lui a pas répondu… L’homme s’étonne de cette réaction, et joue sur son amnésie – allant jusqu’à lui demander, avec un plaisir sadique de manipulateur, si elle sait en quelle année elle se trouve, quel est le nom du président de la République, etc. Kelly, qui comprend son petit jeu, lui dit que tout va bien – elle a dû s’endormir elle ne sait où, après quoi quelqu’un de charitable l’a portée dans cette chambre… L’homme répond enfin : « Vous êtes à l’Omni Parker House. » Et il s’en va. Mais ça ne ressemble pas du tout à l’Omni Parker House

 

[III-4 : Kelly] Kelly s’en tient pour l’heure à son idée, et va jeter un œil par la fenêtre de sa chambre… sauf qu’elle se rend compte maintenant qu’elle donne sur de la terre. S’y trouve en outre un caractère d’une écriture inconnue, gravé en plein milieu. Puis elle perçoit une brève oscillation, comme des ronds concentriques dans l’eau quand on y jette un caillou… Et, en quelques instants, la vue à travers la vitre change du tout au tout : elle ne donne plus sur de la terre, mais sur une sorte d’archipel étrange, avec un point de vue relativement élevé. Mais les astres sont étranges – le soleil est comme mordu par deux lunes, et la luminosité est irréelle… Sur une île à quelque distance, elle perçoit des tranchées – mais croit aussi voir deux hommes au sommet d’un arbre ? Elle est toutefois trop éloignée pour pouvoir en dire davantage… Elle voit par contre de très nombreux crabes, de toutes tailles, qui s’avancent sur la plage et disparaissent bientôt dans la mer… Le spectacle la perturbe – inconsciemment, Kelly porte la main à la fiasque de whisky dans sa poche de poitrine. Ce paysage est irréel, pire encore, il a quelque chose de fou…

 

IV : L’ÉCHELLE D’HIPPOLYTE

 

[IV-1 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Radzak] Dwayne et Anatole laissent le dortoir derrière eux – Radzak leur demande poliment de fermer la porte derrière eux, mais Dwayne ne comptait de toute façon pas faire autre chose… Anatole est perturbé par le spectacle des statues sur la plateforme – mais il l’est tout autant par les deux escaliers, celui qui s’enfonce dans l’abîme, et celui qui semble monter vers le ciel et s’interrompt étrangement… Il suppose que Dwayne a déjà vu tout cela ; mais sait-il quel chemin il leur faut emprunter ? Si seulement ! Derrière eux, les hurlements en provenance du dortoir les incitent à s’éloigner – mais pour aller où ? Anatole observe les cadavres d’adorateurs qui jonchent le sol ; il hausse enfin les épaules, prend une profonde inspiration : « OK… » Il suit Dwayne.

 

[IV-2 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Dwayne décide tout d’abord de monter, vers l’escalier disparaissant dans le ciel ; il se demande en effet s’il ne s’y trouverait pas quelque chose d’invisible depuis leur position – il suppose aussi, à voix haute, que, s’ils se mettent à descendre, ils ne remonteront plus… Rejoindre l’escalier prend du temps : la pente est assez raide, et il leur faut couvrir une certaine distance. Ils y parviennent enfin, et s’attardent sur la très complexe décoration de l’escalier, dont les rambardes sont gravées de dessins représentant des nuées de serpents – ce n’est pas du « copier-coller », chaque motif est distinct de tous ceux qui l’environnent, et il en va probablement ainsi jusqu’au bout… C’est un travail parfait, d’une exécution sans faille et par ailleurs étonnamment lisible : la décoration n’a rien de confus. Anatole en est stupéfait : « Putain, c’est foutrement ancien… » Sans se poser en archéologue confirmé, il identifie sans peine un style gréco-romain.

 

[IV-3 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Ils montent l’escalier ; là encore, cela demande du temps, mais ils parviennent enfin aux dernières marches, à environ 50 mètres de hauteur. Et l’escalier s’interrompt bien abruptement – mais de manière délibérée et nette. Cela évoque à Anatole l’idée du « saut de foi »… puis il ajoute : « C’est con… Il y a plein de cadavres en bas qu’on pourrait jeter pour voir ce qui se passe… On va en chercher un, pour voir ? Ou bien ça serait une perte de temps ? » Il n’est pas sûr de lui. Mais Dwayne suppose qu’on pourra obtenir le même résultat en jetant un objet – Anatole n’a-t-il rien à délaisser au cas où ? Mais le garde du corps désigne la dague sacrificielle dont s’était emparé Dwayne… Ce dernier acquiesce, et jette l’arme archaïque… qui disparaît illico. D’une certaine manière, Anatole aurait préféré voir le couteau tomber… Dwayne a-t-il déjà vécu ce genre de trucs ? Oui – mais il y avait chaque fois « quelque chose », une sorte de « portail » ; ici, c’est le vide, et ça lui fait peur : s’ils tombent, ils tombent… Mais peut-être serait-il possible de passer simplement la tête, voir ce qui se trouve de l’autre côté ? Anatole enlève sa veste, la découpe par le centre, et confectionne une sorte de cordage de fortune ; il vérifie que c’est suffisamment solide, en attache une extrémité à sa ceinture, puis tend l’autre à Dwayne : « Tu tiens bien – je suis pas léger… »

 

[IV-4 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Hippolyte Templesmith] Anatole s’avance ; il se contente tout d’abord de passer la tête au bout de l’escalier, mais ça ne donne rien. Dwayne suppose qu’il est possible d’attacher la « corde » aux petits piliers de la rambarde, mais il a besoin de plus de longueur – il utilise ses propres vêtements. Anatole prend une profonde inspiration, puis avance d’un pas courageux – et, cette fois, il disparaît. Le tissu, qui s'interrompt dans le vide mais sans être coupé, continue de se tendre encore un peu. Dwayne tire ensuite dessus, et sent une réponse de l’autre côté ; quelques secondes plus tard, Anatole revient, les yeux grands ouverts et bouche bée : « Je… Ça… Ça mène ailleurs… J’ai vu la lune… Il y a… Un autre escalier… Qui mène à un château… Un château de contes de fées ! Un château… dans l’espace ! » Dwayne n’a pas confiance – c’est sans doute la demeure de Templesmith… Mais Anatole est stupéfait, et répète : « Un château dans l’espace ! »

 

V : LA FOULE DANS LA CIME

 

[V-1 : Michael : Pierce Hawthorne ; Hippolyte Templesmith] Pierce Hawthorne est enfin parvenu au niveau de Michael ; il est épuisé, la fatigue musculaire le contracte – il reprend son souffle en s’étalant sur la branche donnant sur le réseau de lierre. Puis il observe Michael : « Merci… » Ce dernier répond, détaché : « Pas de quoi, l’ami, mais maintenant faut nous conduire à la sortie comme promis… » Hawthorne lui demande s’il a des jumelles, ou quelque chose d’équivalent, mais ce n’est pas le cas. Peu importe : Hawthorne dit savoir où se trouve un enclos, protégé, permettant d’accéder à la colline (il l’indique, pointant le nord-ouest), et de quitter les lieux. Michael suppose qu’il leur faudra encore « jouer les Tarzan »… Ça n’enchante pas Hawthorne, bien sûr, mais il n’y a pas d’autre solution a priori. Michael va l’aider – il sait que c’est sa dernière chance de quitter cet enfer… Il ressent une méfiance instinctive à l’encontre de Pierce Hawthorne, il y a peu encore ardent partisan de Templesmith, mais suppose qu’il lui faudra faire avec. C’est parti !

 

[V-2 : Michael : Pierce Hawthorne] Michael, nettement plus agile, passe devant, afin d’ouvrir la voie ; mais il distancie régulièrement Pierce Hawthorne, et est alors obligé de l’attendre – parfois même de revenir en arrière pour l’assister. Ils progressent ainsi une dizaine de minutes… et la nuit retombe déjà ! Le cycle du jour et de la nuit semble aléatoire, en tout cas impossible à conceptualiser de manière fiable. Sur l’ensemble de la durée de leur périple, l’alternance se reproduit trois fois… Ils entendent parfois des cris d’effroi ou d’agonie alentour.

 

[V-3 : Michael : Pierce Hawthorne] Et ils entendent enfin, tout près, une jeune femme appeler à l’aide. Et Michael entend répondre à cet appel – même si Hawthorne est visiblement inquiet qu’il « perde ainsi du temps » à secourir une inconnue… Michael cherche à localiser la voix ; il en a une vague idée, surtout en se fiant aux branches secouées… Hawthorne insiste : ils n’ont pas le temps, et le risque est trop grand ! Michael lui répond que, oui, c’est un risque, mais ça peut aussi être une chance – quelqu’un qui pourrait les aider en cas de coup dur… Hawthorne se tait ; il comprend qu’il vaut mieux ne pas contrarier Michael… Ce dernier parvient enfin à apercevoir la jeune femme : à en juger par son uniforme, c’est une serveuse de l’Omni Parker House. Elle est perchée sur un tronc d’arbre, crispée ; ses jambes saignent, entaillées à plusieurs endroits. Son appel à l’aide relève plus de la prière que de tout autre chose ; elle garde les yeux fermés…

 

[V-4 : Michael : Pierce Hawthorne] Michael l’appelle – et ça la surprend, il redoute même un moment qu’elle tombe de l’arbre… Une fois la jeune femme remise de sa surprise, et à nouveau fermement assurée sur la cime de son arbre, il lui demande dans quel état elle se trouve – mentionnant ses jambes. Elle va mal ! Mais, à vrai dire, elle n'y prêtait plus vraiment attention… Michael dit qu’il peut peut-être l’aider : « Je suis avec un autre gus de l’hôtel, on a peut-être une chance de s’échapper de cet endroit de merde… » Viendrait-elle avec eux ? Michael demande à Hawthorne de fabriquer une corde avec le lierre endémique à cet endroit ; il n’est pas très doué, mais, après quelques minutes, parvient à un résultat convenable. En s’aidant de la corde, après que Michael s'est assuré de ce qu'elle était solide, ils parviennent à ramener la jeune femme auprès d’eux.

 

[V-5 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Elle les prend tous deux dans ses bras, les remerciant en larmes… Savent-ils comment partir d’ici ? « Attends… Juste une chose, d’abord : Michael. À qui avons-nous l’honneur ? » Elle s’appelle Sarah. Pierce Hawthorne se présente également par son prénom. Michael dit à Sarah que Pierce a un moyen de les faire sortir d’ici, et qu’ils l’ont croisée en route – coup de bol… Elle est prête à les suivre. Hawthorne dit qu’il faut seulement qu’ils atteignent l’enclos sur la colline. Et Michael dit à Sarah : « Si jamais ce type nous a raconté des craques, je l’envoie rejoindre les crabes en bas… » Hawthorne est surpris de cette menace, mais comprend bien dans quelle situation il se trouve… Il indique à nouveau la direction où il suppose que se trouve l’enclos.

 

[V-6 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Ils repartent. Sarah est plus agile que Pierce Hawthorne, mais moins que Michael. Il lui dit de passer derrière Hawthorne, afin qu’ils puissent tous deux l’aider le cas échéant. Sarah opine de la tête – et elle a visiblement compris le sous-entendu : elle doit demeurer vigilante à l’égard de Hawthorne… Le cycle du jour et de la nuit reprend – il leur faut une bonne heure pour atteindre la limite des arbres avec la plage, d’autant que Hawthorne, prudent et inquiet, progresse généralement à quatre pattes. L’effort les fatigue, et ils ont faim…

 

[V-7 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] L’universitaire désigne enfin l’enclos, à la base de la colline ; les autres ont tout d’abord du mal à l’apercevoir, mais y parviennent à l’aide des indications de Hawthorne – la murette est de la même couleur que la terre de la colline, un endroit pareil ne peut être distingué que par quelqu’un de conscient de son existence. Michael constate que l’enclos existe bien – sur ce point du moins, Hawthorne ne leur a pas raconté des conneries. Il dit à Sarah qu’il y a donc peut-être un espoir… mais il se tourne aussitôt vers Hawthorne : qu’il ne s’avise pas de leur fausser compagnie !

 

[V-8 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Ils ne sont toutefois pas au bout de leur peines : une fois le dernier arbre atteint, il leur faudra redescendre, parcourir bien 150 mètres de plage, puis nager sur 200 mètres environ… Pour l’heure, il fait encore nuit, et les crabes sont sous leurs pieds – sans doute aussi deux ou trois « centaures », à en juger par la végétation agitée… Il leur faut attendre une bonne demi-heure avant que le soleil ne les éclaire de nouveau. Michael demande à Sarah et Pierce Hawthorne s’ils savent nager : oui… Mais il vaudra mieux qu’ils se débarrassent de l’essentiel de leurs vêtements, pour progresser plus efficacement. Sarah a tout d’abord un réflexe pudique, mais est bien consciente de leur situation : elle déchire son uniforme. Hawthorne enlève sa veste, et lacère le bas de son pantalon. Mais Michael perçoit chez l’universitaire un geste de dissimulation quand il ôte sa veste – il y a saisi discrètement un objet… Il lui attrape le bras, et s’empare de ce qu’il avait caché : c’est un Derringer. Michael le lui brandit sous le nez : « Tu nous en prépares d’autres, des comme ça ? » Mais Hawthorne lui dit : « Si vous me tuez, vous êtes perdus ! » Michael se calme – disant qu’il espère que le professeur nage bien… Ils se reposent d’ici au « lever » du soleil.

 

VI : SERVICE D’ÉTAGE

 

[VI-1 : Kelly] Kelly se remet de son étrange vision. Elle entend des bruits de pas dans le couloir, qui approchent de la porte de sa chambre. Elle s’assure que son Derringer est chargé – elle ne fait pas confiance au type qui l’avait accostée dans le couloir ; mais elle entend aussi se montrer discrète, et attend aux aguets près de la porte.

 

[VI-2 : Kelly] On toque à la porte. Une voix féminine : « Madame ? Mademoiselle ? » Kelly lui dit d’entrer. Il s’agit d’une serveuse, en tenue de soubrette française – pas tout à fait un fantasme, mais pas loin… Elle porte un plateau avec une théière et une tasse en porcelaine chinoise, et explique que cela lui est offert par l’hôtel, en raison de ses « troubles » ; par ailleurs, si Kelly le souhaite, la direction lui laisse disposer de la chambre le temps qu’elle se remette. La serveuse dépose le plateau sur une table basse, et demande si Kelly a besoin d’autre chose – ce n’est pas le cas. La serveuse lui indique toutefois une clochette sur le plateau – qu’elle n’hésite pas à en faire usage. A-t-elle besoin d’un médecin ? Non, merci, elle récupère… La serveuse s’en va.

 

[VI-3 : Kelly] Kelly renifle alors le thé : il sent bon… mais elle décide de ne pas le boire. Elle plaque son oreille contre la porte pour s’assurer que la serveuse est partie, et compte ouvrir ensuite la porte pour sortir à son tour ; mais elle entend aussitôt d’autres bruits de pas, puis quelqu’un toquer à une autre chambre. Elle tend l’oreille, mais ne perçoit pas grand-chose de plus – si ce n’est la porte qui s’ouvre, quelques paroles échangées qu’elle ne distingue pas, après quoi la porte se referme, et les bruits de pas s’éloignent à nouveau.

 

[VI-4 : Kelly : Hippolyte Templesmith] Cette fois, Kelly sort de sa chambre. Elle progresse prudemment dans le couloir en faisant le moins de bruit possible, et garde la main sur le Derringer dans sa poche. Alors qu’elle parvient à nouveau à l’endroit où le couloir bifurque, elle sent à nouveau cette désagréable odeur de poisson pourri – une odeur qu’elle reconnait très bien : ce sont les gros-bras de Templesmith, en provenance d’Innsmouth… Elle perçoit aussi un ronflement dans une chambre à la porte entrouverte, mais ne s’y attarde pas : elle ne compte certainement pas fouiller partout – ce qu’elle veut, c’est se barrer d’ici : le type de tout à l’heure lui a fait une très mauvaise impression… Elle jette un œil à l’angle du couloir ; elle aperçoit un homme affligé du « masque d’Innsmouth », même si c’est encore léger, qui lit sans enthousiasme le journal, assis sur une chaise – il ne fait pas attention à elle. Au-delà se trouvent d’autres portes – notamment une double porte, et c’est de là que proviennent la musique jazz et les rires.

 

[VI-5 : Kelly] Kelly retourne une fois de plus à sa chambre. Elle essaye d’ouvrir la fenêtre, mais c’est impossible ; elle se résout à agiter la clochette pour appeler la serveuse. Celle-ci revient – Kelly remarque alors qu’elle a de nombreux aphtes. Et il y a quelque chose d’étonnant dans son allure – c’est comme si elle avait d’autres vêtements sous sa tenue de soubrette française, et comme si cette dernière n’était destinée qu’à elle… Kelly fait l’idiote, demandant à nouveau à la serveuse où elle se trouve : elle lui répond à son tour que c’est ici l’Omni Parker House… Visiblement, Madame ne se sent pas très bien ! La serveuse va chercher un médecin, c’est bien la moindre des choses… Mais elle la baratine clairement : Kelly comprend qu’il s’agit avant tout de la garder ici, cloitrée et calme. Mais elle ne s’y oppose pas. La serveuse s’en va ; Kelly attend…

 

[VI-6 : Kelly : « Dr Anton »] Après quelque temps, Kelly voit arriver un homme vêtu d’une blouse de médecin – mais avec la même impression que pour la soubrette, de vêtements passés sur d’autres et destinés seulement à déguiser le personnage pour qu’il corresponde bien à son rôle supposé… D’une voix très gentille, l’homme dit à Kelly qu’il est au courant de ce dont elle souffre, et qu’il a ce qu’il faut pour elle. Il sort une seringue de sa trousse de médecin, et dit à Kelly de s’allonger. Elle lui dit que ce n’est vraiment pas nécessaire, tout va bien, elle n’a pas besoin de traitement… Mais le médecin lui rétorque que, dans son état, il n’ y a rien d’étonnant à ce qu’elle se leurre, et prenne éventuellement des décisions pas toujours bienvenues… Il entend au moins prendre sa température – et tend un thermomètre buccal à Kelly, qui obtempère. Il lui demande si elle a mangé des choses étranges, si elle a bu de l’alcool, etc., tout en marchant autour d’elle ; mais non, rien d’autre que ce qui avait été servi à l’hôtel… Elle tend le thermomètre au médecin. À en croire ce dernier : « Ça ne va pas. Fermez les yeux et dites 33… » Mais Kelly lui demande où il a fait ses études : à l’Université Miskatonic – il est le Dr Anton… Mais Kelly refuse de fermer les yeux.

 

[VI-7 : Kelly : « Dr Anton »] « Bon, puisqu’il le faut… » Le « Dr Anton » se jette sur Kelly. Celle-ci dégaine son Derringer et fait feu aussitôt. Elle lui loge une balle dans le bras droit, celui qui tenait la seringue, au niveau du coude – il en résulte un orifice impressionnant, et l’avant-bras devient aussitôt flasque. Le « médecin » tente alors de lui donner un coup de poing de sa main gauche encore valide – il ne fait pas semblant, ce n’est visiblement pas la première fois qu’il cherche à assommer quelqu’un… Mais elle parvient à esquiver l’assaut. Elle s’empare alors de la seringue, et la lui injecte aussitôt. Il pousse un cri, que Kelly devine davantage lié à l’anticipation de ce qui l’attend qu’à la souffrance sur le moment. Il tente un dernier coup, mais c’est peine perdue : il tombe à genoux, saisit par réflexe son bras droit… Kelly le délaisse, et cherche comment barricader sa porte – éventuellement en faisant tomber une armoire. Mais le « Dr Anton », même sédaté, n’a pas dit son dernier mot : lui aussi est armé d’un Derringer, mais il est incapable de viser avec précision, et ses tirs manquent leur cible. Il ne pourra rien faire de plus.

 

[VI-8 : Kelly : « Dr Anton »] Kelly perçoit des bruits de pas qui s’approchent dans le couloir ; elle cherche plus que jamais à faire basculer l’armoire, mais sans succès : elle ne fait guère que s’y esquinter les doigts… Elle n’a pas le temps. Elle s’empare alors de la table basse, dans l’idée de défoncer la vitre. Mais, une fois la vitre cassée, la « vision » l’est tout autant : la fenêtre donne à nouveau sur de la terre, qui s’écoule dans la chambre… Elle récupère le Derringer du « médecin », s’empare à nouveau de la table basse dont elle se sert comme d’un bouclier, puis prend les devants et sort de sa chambre.

 

[VI-9 : Kelly] Kelly tombe aussitôt sur deux hommes d’Innsmouth, juste derrière sa porte – l’un est celui qui lisait le journal dans le couloir, l’autre émerge visiblement tout juste d’une sieste. L’un est équipé d’un Derringer, l’autre d’un couteau de chasse. Ce dernier s’approche, sur ses gardes, mais laisse à l’autre du champ pour qu’il fasse feu. C’est ce dernier que vise Kelly – elle le touche à la jambe gauche, ce qui le fait reculer un peu, mais la douleur ne l’empêche pas de tirer à son tour, et sa balle effleure la hanche de Kelly. L’autre se lance alors au corps à corps, mais sa lame ne fait pour l’heure que raser Kelly

 

VII : DU CIEL AUX ENFERS

 

[VII-1 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Dwayne a pris sa décision : Anatole et lui vont tenter de passer par le portail de l’escalier céleste. Il demande à Anatole s’il se sent prêt : oui, et Dwayne a l’air de mieux savoir que lui quoi faire… Anatole défait le nœud à sa ceinture. Tous deux passent le portail, sont aveuglés l’espace d’un instant par un bref éclat de lumière pâle, après quoi ils se retrouvent face au château décrit par Anatole. Dwayne constate que la poche où il avait son .38 est déchirée, et y sent quelque chose de très lourd et d’un métal froid à la place – son pistolet s’est transformé en une épée bâtarde, tandis que son chargeur supplémentaire est devenu un couteau de lancer ; il ramasse par ailleurs la dague sacrificielle qu’il avait jetée à travers le portail. Même effet pour Anatole, dont le .45 amélioré est devenu… une épée à deux mains ! Il l’avait laissée sur place après le premier passage, incrédule, mais la ramasse maintenant – c’est une lame à la garde travaillée, et qui se termine par de petites fourches…

 

[VII-2 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] L’escalier continue, d’abord dans le même style gréco-romain à la thématique reptilienne, mais il change d’aspect au bout de 50 mètres : il a dès lors une allure plus irrégulière, voire « biscornue » ; le métal est relativement similaire, pourtant plus sombre ; la frise ne représente plus des serpents. Le château, par ailleurs, est tout à la fois étrangement beau et anxiogène, notamment dans son mélange de différent styles architecturaux (gréco-romain, gothique, victorien…) : cet accord étrange donne une impression de patchwork assez déconcertante. Quand ils parviennent au nouvel escalier, ils peuvent voir de plus près les motifs des rambardes : ce sont davantage des tentacules, maintenant, mais on y trouve également des bouches ornées de crocs impressionnants et disparates, des yeux, d’autres organes indéfinissables… Tous mélangés n’importe comment, sans schéma ou ordonnancement. Tout autour d’eux, enfin, c’est l’espace – la lune est énorme.

 

[VII-3 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart] Avant de poser le pied sur le nouvel escalier, Dwayne veut le tâter de sa lame ; à l’endroit où il en a posé l’extrémité, c’est comme si les formes gravées autour s’animaient soudainement, en tremblant ; un petit tentacule s’extraie même de l’escalier et s’entortille autour de la lame, que Dwayne ne peut plus retirer. Bientôt, tout s’anime alentour, dans un bruit spongieux ; même l’escalier gréco-romain semble trembler à son tour… Dwayne abandonne son épée, et repart en arrière, Anatole sur ses talons. Les tentacules de la rambarde essayent de les attraper, mais c’est trop tard – ils ont déjà refranchi le portail, et s’écroulent sur l’escalier partant de la colline ; Anatole fait un faux mouvement, et est à deux doigts de tomber dans le vide, mais Dwayne le rattrape in extremis par sa ceinture [échec critique suivi aussitôt d’une réussite critique !]…

 

[VII-4 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; William Harris-Jones] Anatole a récupéré son .45, l’épée à deux mains ayant à son tour été métamorphosée quand ils ont refranchi le portail, mais Dwayne a perdu son épée bâtarde – et donc son .38… Anatole lui rappelle qu’il y a de nombreuses lames en bas, et ils redescendent l’escalier. Dwayne trouve enfin une bonne dague, une sorte de main gauche, aux mêmes motifs tentaculaires. [Il souhaitait qu’Anatole lui donne une arme à feu, dans la mesure où le garde du corps français est à même de se débrouiller avec des armes de contact, tandis que ce n’est pas son cas… Le Gardien des Arcanes a cependant préféré me laisser la décision, que j’ai prise lors de la séance suivante : il se trouve que j’avais ramassé le Derringer de William Harris-Jones, et je le confie donc à Dwayne, conservant pour ma part mon .45 amélioré ; pour ce qui est des armes de contact, Dwayne dispose de sa dague, et moi d’une matraque en cuir.]

 

[VII-5 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Tess McClure] Tous deux regagnent la plateforme au-dessus de l’abîme : l’escalier qui s’enfonce dans les ténèbres semble être la seule issue possible… En chemin, ils entendent des bruits de torture en provenance du dortoir – et Tess chante avec une joie toute gamine une petite comptine… Dwayne et Anatole se tiennent à carreau et ne s'attardent pas. Ils suivent les traces de sang du cultiste massacré par Tess dans l’escalier jusqu’à parvenir à son cadavre, sur une petite plateforme où se trouve une porte (l’escalier descend encore, sinon). Dwayne ramasse le cristal étrange de Tess, abandonné dans une flaque de sang, et le met dans sa poche.

 

[VII-6 : Dwayne : Anatole « Froggy » Despart ; Tess McClure] Des bruits spongieux leur parviennent de derrière la porte, entrouverte. Tandis qu’Anatole, toujours vigilant, dresse l’oreille, Dwayne y jette un œil, et voit la même scène que Tess précédemment : c’est une sorte de mine, aux parois de cet étrange métal omniprésent ; y travaillent deux automates numérotés (2 et 3), qui ne semblent pas pourvus des petites boîtes logées dans leurs interstices crâniaux, à la différence des précédents que nous avions pu rencontrer. Dwayne, se fondant sur les descriptions qu’on lui avait faites, cherche des points faibles, mais ils sont donc différents – et ont une plaque de fer vissée à l’arrière de leurs crânes… De leur pas monotone, d’une régularité métronomique, ils passent sans cesse des parois à des sortes de cuves d’acide, en utilisant de longs outils qui semblent fractionner le métal extrait de la roche. Dwayne ramasse une boulette de terre et la jette dans la vaste salle, afin de voir comment ils réagissent, mais ils n’y prêtent pas la moindre attention. Dwayne dit à Anatole qu’ils n’ont probablement pas d’ouïe – à moins qu’ils s’en moquent… Tandis que le Français fait le guet à l’entrée de la mine, Dwayne s’avance en quête d’une autre issue – mais n’en trouve pas : seulement de la terre et du métal. Il va alors jeter un œil aux outils rassemblés dans un placard non loin, qui ont un peu la forme de serpillères s’achevant sur un rectangle (à peu près de la taille d’un clavier) ; de l’acide en goutte, issu d’un petit réservoir, quand on presse un bouton – le reste de l’outil semble destiné à racler les parois. Ils sont faits du même métal étonnamment léger – le poids provient surtout de la réserve d’acide. Dwayne prend un de ces outils pour lui-même, et un autre pour Anatole. Mais il ne se montre guère discret tandis qu’il retourne auprès du Français [échec critique], et un automate semble prendre en considération sa présence, et se mettre à le suivre…

 

VIII : NAGER POUR SURVIVRE

 

[VIII-1 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Le moment de nager jusqu’à l’île centrale est bientôt arrivé. Michael le sait… mais il sait aussi qu’il n’est pas certain que tous y parviennent. Pierce Hawthorne, tout particulièrement… Aussi doit-il leur dire, à Sarah et à lui-même, quoi faire une fois là-bas – dans l’hypothèse où l’universitaire n’aurait pas réussi à traverser jusqu’à l’île. Mais Hawthorne dit que, du fait de son instruction, il est le seul à même de comprendre ce qu’il faut faire… Michael se tourne vers Sarah : « Partons du principe que ce type ne nous dit pas n’importe quoi ; il faut qu’on y arrive tous… ou pas du tout. » Il faudra donc l’aider. La serveuse acquiesce.

 

[VIII-2 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Le « jour » se lève. Ils descendent aussi vite que possible des arbres, puis courent sur la plage afin de se jeter dans la mer. 200 mètres de nage les y attendent… et Michael a vu ce qui pouvait se trouver dans ces eaux étonnamment limpides et profondes tout à la fois. Sarah et Michael veillent à ce que Hawthorne les suive, quitte à l’aider. Sarah se débrouille bien, et l’universitaire sans doute mieux que ce que Michael supposait, mais, à l’évidence, il s’essouffle rapidement… Bientôt, il supplie Michael de l’aider, et paraît sur le point de boire la tasse. Michael l’aide comme il peut, demandant à Sarah de s’y mettre aussi. Ils parviennent à maintenir l’universitaire en surface, mais doivent progresser de front : Hawthorne n’est visiblement pas en mesure de se débrouiller seul – et il faut qu’il survive…

 

[VIII-3 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne] Au bout d’un moment, Michael sent une surface sous ses pieds – et ce n’est clairement pas la plage… Il distingue des crabes « centaures » en dessous ; l’un sort même des flots, semble les observer, puis prend la direction de l’île où eux-mêmes se rendent. Michael redoute que la « nuit » tombe avant qu’ils aient regagné la terre ferme… Mais il leur faut tous y parvenir ! Impossible de se débarrasser de qui que ce soit pour avancer plus vite… Sarah, pourtant, n’aurait visiblement pas hésité à se débarrasser de Hawthorne

 

[VIII-4 : Michael : Pierce Hawthorne, Sarah] Le crépuscule tombe quand ils atteignent la plage. Pierce Hawthorne a beau être exténué, il a encore assez de souffle pour dire qu’il leur faut courir vers l’enclos – ils n’ont pas le temps de récupérer ! Ils se précipitent vers le petit bâtiment, et la porte peinte qui donne à l’intérieur, tandis qu’une nouvelle marée de crabes s’amalgame et se lance sur leurs trousses… Hawthorne, qui n’en peut plus, sort une clef de sa poche, et ouvre la porte – qui donne sur un couloir obscur, semble-t-il à l’intérieur même de la colline. La vague de chitine n’est plus qu’à dix mètres derrière eux. Michael pousse Hawthorne et Sarah dans le couloir : « On y va ! » Ils pénètrent tous à l’intérieur, et Pierce Hawthorne verrouille la porte derrière eux en reprenant son souffle.

 

[VIII-5 : Michael : Sarah, Pierce Hawthorne ; Tess McClure, Dwayne O'Brady] Mais, soudain, Michael et Sarah repèrent dans la respiration hachée de Pierce Hawthorne des marmonnements indistincts. Or Michael avait entendu Tess et Dwayne s’entraîner à prononcer des incantations bizarres, et croit y reconnaître de ces mots étranges, « Sothoth », « Nyarlathotep »… Et Sarah hurle. Au plafond se trouve un large caractère aklo, qui émet bientôt une luminescence vermillonne tandis que Pierce Hawthorne achève son sortilège – et Michael et Sarah sentent leur peau qui se fragmente, et dont des lambeaux sont littéralement arrachés ! leur chair gicle de leurs propres corps pour s’agglomérer au symbole akloPierce Hawthorne reste en arrière, et n’est pas affecté. Michael se jette sur lui : « Qu’est-ce que tu fous ? » Mais la douleur de la chair arrachée à sa jambe droite l’empêche de courir, et, même épuisé, Hawthorne n’a aucun mal à esquiver quand Michael cherche à le saisir par le col…

 

À suivre…

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CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (28)

Publié le par Nébal

CR L'Appel de Cthulhu : Arkham Connection (28)

Vingt-huitième séance de la campagne de L’Appel de Cthulhu maîtrisée par Cervooo, dans la pègre irlandaise d’Arkham. Vous trouverez les premiers comptes rendus ici, et la séance précédente .

 

Un joueur, celui incarnant l’avocat Chris Botti, est arrivé en retard – il avait toutefois donné des instructions pour son personnage, le temps qu’il nous rejoigne, à la joueuse incarnant la violoniste et chanteuse Leah McNamara… et s’est par ailleurs retrouvé à jouer ensuite (temporairement ?) le PJ abandonné Michael Bosworth. Était également présent le joueur incarnant Dwayne O’Brady. Quant à moi, j’ai tout d’abord joué « Classy » Tess McClure (ou plutôt « Tess la Rouge »…), mais il faut noter qu’elle avait déjà 0 en SAN au début de la séance (c’était également vrai pour la précédente, d’ailleurs) ; j’ai cependant continué de l’incarner un temps, jusqu’à ce que l’on décide d’en faire un PNJ, après quoi j’ai joué un nouveau personnage, Anatole « Froggy » Despart, garde du corps d’un écrivaillon…

 

I : LE MASSACRE DES ADORATEURS

 

[I-1 : Dwayne, Tess : Alexis Ranley] Dwayne a fait tomber des lits superposés, avec l’aide d’Alexis Ranley, pour bloquer le passage donnant sur la cuvette, mais un adorateur a néanmoins pu passer – et, à l’évidence, ça ne bloquera pas éternellement ses comparses. Mais je me suis positionnée en face de l’ouverture, pour disposer d’une bonne position de tir, et aligne automatiquement celui qui s’était avancé précipitamment, et qui est littéralement submergé sous les aphtes, au point où je me demande s’ils n’ont pas dévoré jusqu'à l’intérieur de son crâne. Je lui loge une balle dans la poitrine ; il ne meurt pas pour autant, mais le choc lui fait lâcher sa dague sacrificielle (usée mais à la garde étonnamment brillante).

 

[I-2 : Dwayne, Tess : Alexis Ranley] Alexis Ranley couine de terreur et se réfugie derrière un des lits superposés encore debout. Dwayne s’occupe d’en faire chuter un autre, et lui crie : « Bats-toi si tu veux survivre ! » Mais il est trop affolé, et ne peut rien faire d’autre que hoqueter de terreur. Dwayne aurait voulu faire s’écrouler un des meubles sur l’adorateur que j’avais amoché, mais n’en a pas eu le temps – d’autant qu’il s’est empêtré dans les débris qu’il avait déjà fait tomber dans le passage. Du coup, aussi abîmé soit-il, le cultiste blessé essaye de le saisir au cou des deux mains – il ne constitue toutefois pas une véritable menace. On entend alors des protestations fatiguées et des coups derrière la porte. Je m’approche du blessé au sol et l’achève à coups de pied, lui plantant le talon dans la tempe ! Sa blessure par balle l’avait déjà considérablement affaibli, tant elle saignait, et il meurt dans un répugnant gargouillement.

 

[I-3 : Dwayne, Tess] La porte grince et s’ouvre lentement – les autres adorateurs pourront bientôt passer, et, s’ils sont physiquement faibles, ils font preuve d’une certaine détermination. Dwayne continue à faire tomber des meubles dans le but de les ralentir – on ne les empêchera pas de passer, mais cela nous permettra de nous en débarrasser l’un après l’autre. Dwayne dégaine une lame et s’empare d’un tabouret dont il compte se servir en guise de bouclier ; après quoi il se place sur le côté tandis que je reste en face de la porte, arme au poing, bras tendu. Deux cultistes parviennent à se faufiler dans les débris en s’entraidant, mais nous sommes bien placés et nous en débarrassons sans le moindre souci ; même chose pour un troisième arrivant.

 

[I-4 : Dwayne : « le Maître »] On entend alors chuchoter ceux qui se trouvent toujours à l’extérieur. Dwayne avance prudemment la tête et parvient à entendre ce qu’ils disent : ils ont finalement compris qu’ils se feraient tous tuer à continuer ainsi, et ont décidé d’aller prévenir « le Maître ». S’avançant encore un peu, Dwayne en repère un qui se précipite vers l’escalier remontant le long de la cuvette, tandis qu’un autre emprunte la plateforme au-dessus de l’abîme pour descendre l’escalier en colimaçons qui s’y enfonce.

 

[I-5 : Dwayne, Tess] Dwayne se lance aux trousses de l’homme qui tente de monter – il est très lent… Mais un de ses comparses s’était caché sur le côté de la porte ! Voyant surgir Dwayne, il le frappe aussitôt à la tête – mais ça ne lui fait pas grand-chose, et il lui tire dessus par réflexe, l’atteignant au ventre. Le cultiste tombe sous le coup de la douleur et saigne abondamment ; il essaye de ramper vers l’escalier de l’abîme… Je suis Dwayne ; étant plus fine, je me faufile sans problème parmi les débris, et avance d’un pas détaché vers la plateforme ; j’achève au passage l’adorateur blessé par Dwayne, en lui écrasant la trachée du pied. Dwayne reprend son ascension.

 

[I-6 : Tess : Dwayne O’Brady] Je me retrouve devant les statues de la plateforme – je n’avais pas encore eu l’occasion de les voir. Autour sont disposés les quatre grands becs de poulpes, de dix à douze mètres de hauteur, qui font cercle autour de l’abîme. La plateforme est d’un gris argenté sous la faible luminosité grisâtre qui demeure, les lunes ayant dissimulé le soleil. Je constate que la structure est parsemée de petits trous, et suppose que c’est pour laisser s’évacuer le sang – d’ailleurs, celui de ma dernière victime s’insinue dans des rigoles avant de tomber dans le vide… Il y a trois statues ; mais, comme Dwayne avant moi, je sais qu’il devrait y en avoir quatre – en restent d’ailleurs quelques vestiges, évoquant des pieds griffus et écailleux, dotés de deux orteils seulement et d’un ergot…. Quant aux autres statues :

- La première lévite, c’est une sorte d’amas de bulles ne reposant pas sur un socle physique. Elle est façonnée dans une matière métallique évoquant les matériaux étranges que nous avons déjà vus plusieurs fois (et cela vaut d’ailleurs aussi pour la plateforme). Les bulles, de taille très variable, sont légèrement animées, elles semblent se tourner autour les unes des autres.

- La deuxième statue représente un gigantesque homme noir, dont la tête dépasse les becs de poulpes ; il n’y a pas de signe distinctif sur son visage, tout au plus le vague dessin d’un nez, mais pas de bouche ; il n’en a pas moins une allure hautaine et arrogante… Ses bras sont croisés sur son torse, tandis qu’un troisième membre semble jaillir de la tête, entouré de couronnes d’yeux plus ou moins ouverts ou fermés. Et il faut y ajouter le sentiment désagréable que ces yeux nous suivent quoi que nous fassions…

- La troisième statue représente un grand bouc, avec les cornes et les sabots de rigueur. Toutes les statues sont recouvertes de lanières de peau plus ou moins anciennes et putréfiées, mais, sur la « fourrure » du bouc, c’est comme si ces lanières constituaient un amalgame dont la créature se nourrirait – permettant son développement.

Toutes ces statues m’évoquent clairement des divinités, probablement celles qui apparaissaient dans mes récentes lectures ésotériques – ces sons étranges me reviennent en tête, « Sothoth », « Nyarlathotep », etc. Et je ressens alors le besoin irrésistible de tuer ! Faire souffrir me paraît le seul moyen de résister à la folie incarnée des statues…

 

[I-7 : Tess, Dwayne] Par chance, je ne m’en prends pas à Dwayne, qui, tandis qu’il poursuit le cultiste grimpant la paroi de la cuvette (lequel lui jette des mottes de terre à la figure pour le ralentir), m’indique celui qui descend dans l’abîme. Ce dernier fera bien l’affaire… Je me lance à sa poursuite. Mais mes jambes tremblent, en écho de la vision des statues – j’ai l’impression que l’exécution du rituel de change-forme, en faisant appel à ces divinités, a tacitement impliqué mon allégeance à leur égard…

 

II : LA MARÉE DE CHITINE

 

[II-1 : Leah : Chris Botti ; Charles Reis] Leah et Chris, devant la frénésie « nocturne » des crabes évoquée par Charles Reis dans son carnet (qu’ils n’ont du coup pas pu lire intégralement), se sont précipités dans la direction de la plateforme que le défunt avait tant bien que mal conçue. Ils se sont toutefois gênés dans leur course… Or des crabes apparaissent partout autour d’eux, visiblement agressifs. Il y en a de toutes tailles, notamment sur la plage. Toute ambiguïté quant au bruit de chitine disparaît, s’il en était encore besoin, alors même que tous deux arrivent à la base de l’arbre dans lequel a été bâtie la plateforme : ils sont entourés par des rangées innombrables de crabes très divers, qui se marchent dessus, s’entredévorent même (les plus gros massacrent les plus petits), et cette marée avance sur eux comme un titanesque rouleau compresseur vivant…

 

[II-2 : Leah : Chris Botti ; Charles Reis] Leah, paniquée, essaye d’escalader le tronc… mais une mauvaise prise la fait tomber à côté du squelette de Charles Reis. Les crabes sont alors à moins de quinze mètres. Elle tente de réessayer mais est trop affolée par l’imminence de la marée de chitine, et n’arrive à rien… L’adrénaline a un effet tout différent sur Chris, pourtant bien moins leste en temps normal : lui parvient à grimper. Il se retourne aussitôt pour tendre la main à Leah – les crabes sont alors à moins de dix mètres. Leah saisit la main secourable de l’avocat, mais ressent bientôt une douleur à la cheville – cinq à sept tout petits crabes la mordillent à cet endroit. Elle essaye de les faire tomber, mais n’est pas dans une position très assurée pour ce faire… Elle parvient toutefois à se hisser sur la plateforme aux côtés de Chris.

 

[II-3 : Leah : Chris Botti : Charles Reis] En dessous s’étale un tapis de chitine, qui semble attendre patiemment… Ces crabes sont plus ou moins vieux – la couleur et l’usure de la carapace, combinées à la taille, permettent de le déterminer. Bon nombre de ces crabes, de taille moyenne à grande, restent à s’agiter sous l’arbre où ils s’entredévorent ; mais certains sont minuscules – de la taille d’un pouce – qui parviennent à grimper aux arbres. Leah et Chris essayent de s’en débarrasser avec leurs lances rudimentaires ; il est possible de percer la carapace des crabes un peu plus gros qui tentent également l’escalade. Leah et Chris constatent aussi que les plus gros crabes ont des sortes de reflets métalliques étranges, comme si l’on avait « réparé » leur carapace trop usée… Le nombre est pour beaucoup dans la menace des crabes arboricoles ; mais pour l’heure Leah et Chris parviennent à s’en débarrasser sans trop de soucis – ils tombent directement entre les pinces des plus gros, qui restent en dessous… Ils brisent tout de même assez vite une des trois lances, trop fragile. Leah aimerait faire comme Charles Reis, concevoir de nouvelles lances en taillant au canif (récupéré dans le baluchon du défunt) des branches environnantes, mais elle ne dispose, ni du matériau adapté, ni des compétences nécessaires… Par ailleurs, c’est l’occasion de constater que la plateforme n’est prévue que pour une seule personne : en se déplaçant, Leah la fait grincer ; elle a le réflexe de revenir en arrière, mais l’endroit où elle se trouvait une seconde plus tôt s’affaisse puis tombe sur les crabes en dessous, qui ne tardent pas à submerger ce débris. S’ils répartissent mal leurs poids, il ne fait aucun doute que la plateforme finira par lâcher…

 

[II-4 : Leah : Chris Botti, Michael Bosworth, Pierce Hawthorne ; « 6X »/Hippolyte Templesmith] Ils entendent également des voix humaines, hurlant de souffrance, un peu partout autour d’eux. Mais ils n’ont pas le choix : ils ne sont pas en mesure de quitter la plateforme… Ils identifient trois de ces voix : tout d’abord, celle de Michael, qui jure en irlandais (il doit se trouver à une trentaine de mètres à l’ouest) ; ensuite, celle de Pierce Hawthorne (Chris avait assisté à son discours au gala), qui, hurle, affolé : « À l’aide ! ʺ6Xʺ ! » Le sortilège instinctif de Templesmith a donc affecté tout le monde au gala, y compris ses alliés… Hawthorne se trouve à plus de quarante mètres au nord. Dernière voix identifiée : celle d’un célèbre animateur radio… à l’agonie : il est à l’évidence dévoré vivant ! Au bout d’un moment, ils n’entendent plus la voix de Michael, tandis que les suppliques de Pierce Hawthorne persistent. Impossible de toute façon de venir en aide à qui que ce soit, et la plateforme est déjà bien trop petite comme cela ! Ils n’ont pas le choix : ils attendent… Les deux lunes sont dans l’alignement parfait du soleil ; une cependant semble s’en éloigner un peu, mais pas encore au point de susciter un rayon de lumière.

 

[II-5 : Leah : Chris Botti, Pierce Hawthorne ; « 6X »/Hippolyte Templesmith] Leah et Chris ne cessent de toute façon pas de dégager les petits crabes qui grimpent autour d’eux… Mais ils devinent aussi que des choses bien plus massives se déplacent dans la végétation tout autour de l’île (c’est au mouvement des arbres et des buissons qu’ils s’en rendent compte), et Leah n’en est que plus désespérée encore… Une de ces créatures semble prendre la direction de Pierce Hawthorne, qui continue d’appeler « 6X » au secours ; mais une autre vient dans leur direction : à treize ou quatorze mètres, des buissons s’écroulent littéralement… Puis des antennes gigantesques en dépassent, de la taille approximative de mains humaines, et d’une couleur rouge foncé mat. Leah dit à Chris de la boucler, il ne faut pas attirer son attention ! Mais surgit alors un crabe immense qui s’insinue dans la « clairière » formée par les crabes déjà présents sous l’arbre ; il fait plus d’un mètre cinquante de largeur pour deux mètres de longueur. Il traverse la marée de chitine sans crainte et se positionne sous l’arbre, en dégageant nonchalamment ses congénères bien plus petits. Ses antennes sont visiblement fixées sur Leah et Chris. Au centre de sa carapace, sur son dos, la chitine paraît plus souple, moins dure et dense, constituant comme une articulation – et, effectivement, cette partie du corps du crabe géant se soulève, et en sort un torse surmonté d’une tête et doté de deux membres, d’allure humaine, évoquant à sa manière un centaure…

 

III : LES MYSTÈRES DU CRATÈRE

 

[III-1 : Dwayne] Dwayne se débarrasse des mottes de terre que lui jette le cultiste qu’il poursuit – à peine à cinq mètres devant lui, la corniche est encore loin. Dwayne accélère le rythme… et le fuyard dérape ! Lui aussi s’est appuyé sur une terre trop humide… Il tombe, roulé en boule, et risque de faucher Dwayne au passage – lequel, cependant, est tout prêt à « l’aider à redescendre »…

 

[III-2 : Tess] Mon état mental désastreux me ralentit… Il faut que je me force pour dépasser la plateforme ; l’effort me fait saigner du nez, et je suis contrainte à me griffer pour garder conscience… J’atteins cependant l’escalier qui s’enfonce dans l’abîme ; mon apparition au sommet surprend ma proie, qui s’écroule… Je rejoins l’adorateur calmement, et le roue de coups, lui faisant descendre l’escalier marche après marche – il souffre horriblement, et est visiblement terrorisé : je m’en délecte. Je remarque que des lampes sont disposées irrégulièrement, qui éclairent vaguement l’escalier – lequel fait tout le tour de l’abîme, soit environ trente mètres de diamètre, c’est long… Le sang ruisselle dans l’escalier, ainsi que depuis la plateforme – cela fait comme une petite bruine rouge…

 

[III-3 : Dwayne] Dwayne évite l’adorateur qui dévale la pente dans sa direction, et saisit au passage sa chemise, tentant de le décoller de la paroi d’un coup sec, mais il se contente de tomber juste en dessous de lui. Dwayne lui saute alors dessus, éclatant sa poitrine en y atterrissant à pieds joints – les côtes craquent et se logent dans les organes vitaux : à peine le cultiste a-t-il le temps de cracher du sang qu’il meurt… Dwayne fouille le cadavre à tout hasard, mais n’y trouve guère qu’une pièce de 1 $...

 

[III-4 : Tess : Hippolyte Templesmith, Patrick] J’ai poursuivi ma descente dans l’abîme, et suis maintenant une dizaine de mètres plus bas – le cultiste à mes côtés n’est pas encore mort, mais je le traine avec moi… J’arrive devant une porte métallique, accessible depuis un palier de l’escalier. Je m’assure cette fois que l’adorateur est mort, puis m’approche de la porte ; j’entends derrière un bruit à la fois étrange et familier – comme une serpillère au sol ? Mais il y a des nuances plus déconcertantes, évoquant un couinement métallique et automatique… Je pense d’ailleurs à l’automate chez Hippolyte Templesmith. J’ouvre la porte, qui donne sur un tunnel où les étais renforcés évoquent une mine – un peu comme dans le souterrain où je m’étais retrouvé avec Patrick après avoir fouillé la résidence de Templesmith. Il y a d’ailleurs comme des gisements de ce métal étrange ; et deux automates en forme de mannequins d’anatomie font des allers-retours entre ces gisements et des cuvettes que je suppose remplies d’acide – ces automates sont du même métal, ont chacun un numéro sur la tête (2 et 3), et usent de leur « serpillère » contre les parois riches en minerai ; c’est comme si elles suintaient l’acide afin de « désépaissir » le métal pour le récolter ensuite, et le porter dans les cuves après coup, ou dans des chariots. Ces automates se distinguent de ceux que j’avais vus précédemment dans la mesure où il n’y a pas de « boîte » organe logée à l’arrière de leur crâne, ou où que ce soit ailleurs.

 

[III-5 : Dwayne : Tess McClure, Alexis Ranley] Dwayne est retourné dans la salle du dortoir où je m’étais éveillée. Il y fouille les cadavres des adorateurs, mais il n’y a pas grand-chose à y ramasser : un briquet qui ne marche plus, etc. Mais il trouve enfin la clef qu’il cherchait – pendant seule d’un anneau rouillé. Il ramasse également une dague sacrificielle – la moins abîmée ; mais c’est plus un outil d’apparat qu’une véritable arme, et elle n’est guère maniable. Alexis Ranley est toujours là, qui pleure et gémit, mais Dwayne s’en moque. Il essaye la clef sur la porte au fond de la pièce : il prend bien soin de ne pas l’ouvrir, il s’agit seulement de voir si c’est la bonne clef – et c’est le cas. À peine a-t-il fait jouer la serrure qu’il est assailli par une violente odeur d’excrément de l’autre côté ; il entend également des gémissements et des suppliques : « Pitié ! » Il referme la porte et sort du dortoir pour m’appeler.

 

[III-6 : Tess : Dwayne O’Brady] J’entends Dwayne qui m’appelle… mais n’y prête pas la moindre attention ; je pénètre à l’intérieur de la mine…

 

[C’est alors que je perds définitivement le contrôle de Tess ; celle-ci est désormais un PNJ, gérée par le Gardien des Arcanes, et n’apparaîtra donc plus dans ces comptes rendus qu’à la troisième personne. Quant à moi, j’incarnerai désormais un nouveau personnage, Anatole « Froggy » Despart, et c’est donc lui que je désignerai en employant maintenant la première personne, dès la scène V-1 de cette séance.]

 

IV : CLIFFHANGERS

 

[Sauf erreur, c’est en gros à partir d’ici, ou un peu avant, que le joueur incarnant Chris Botti nous a rejoints. En tout cas, il l’incarnait dans les scènes qui suivent.]

 

[IV-1 : Leah, Chris] Leah et Chris sont obnubilés par la figure du crabe « centaure ». A priori, la bête est trop grosse pour monter dans les arbres ; elle en a bien après eux, ainsi qu’en témoignent ses tentatives pour hisser ses gigantesques pinces en direction de la plateforme, mais les extrémités de ses membres ne parviennent qu’à peine à racler les rondins – et elle ne semble pas assez intelligente pour défaire l’armature de la plateforme ; après avoir insisté un moment, elle s’en prend toutefois au tronc soutenant pour l’essentiel l’abri arboricole, et ses violents coups de pinces font trembler la structure…

 

[IV-2 : Chris, Leah] Chris et Leah, confrontés à ce nouveau péril, cherchent des moyens de fuir : ils pourraient peut-être continuer à grimper, ou tenter un saut pour rejoindre un autre arbre sur la droite… Ils constatent par ailleurs que s’y trouve un réseau d’une sorte de lierre solide, qui pourrait faire office de lianes. Chris suggère à Leah de monter, et il va tenter de la suivre. Mais Leah retombe bien vite sur la plateforme, qui n’en tremble que davantage – une corde lâche, un rondin tombe sur les crabes toujours amassés en dessous : s’ils insistent, tout finira par s'écrouler… et la plateforme commence à pencher vers la droite sous les assauts du « centaure ».

 

[IV-3 : Chris, Leah] Chris tente alors, très prudemment, de rejoindre le lierre, tout en restant suffisamment près pour venir en aide à Leah le cas échéant. Ce qui fonctionne tout d’abord – mais Leah retombe pourtant lourdement sur ce qui reste de la plateforme, dont un quart s’écroule, alors qu’elle penche de plus en plus sur la droite ! Chris lui tend la main, et parvient à la hisser ; mais, d’ici une minute ou deux, le « centaure » aura fini son œuvre…

 

[IV-4 : Chris, Leah] Chris poursuit son ascension… mais c’est cette fois lui qui tombe, et il ne parvient pas à se rattraper à ce qui reste de la plateforme : il s’écroule plusieurs mètres en dessous, au milieu des crabes ! Et il est à portée des pinces du « centaure »… Les crabes s’en prennent aussitôt à lui ; pour l’heure, c’est plus douloureux que fatal, mais ils commencent à le submerger – ils arrivent presque à hauteur de poitrine ! Leah se trouve à plus de cinq mètres au-dessus, elle ne peut rien faire pour lui venir en aide. Le « centaure » se retourne alors vers Chris, et, de ses gigantesques pinces, déblaie le passage qui les sépare. Chris tente de s’agripper à un autre arbre, et y parvient malgré les morsures sans nombre ; son instinct de survie l’incite à marcher sur les carapaces des plus grands crabes, ce qui lui permet de remonter un peu – mais à peine à trente centimètres au-dessus de la marée de chitine : il est toujours à portée du « centaure », qui s’avance…

 

V : SANG FRAIS

 

[V-1 : Dwayne, Anatole : Tess McClure, William Harris-Jones] Dwayne a continué d’interpeller Tess plusieurs fois, mais sans en obtenir de réponse. Il retourne donc dans le dortoir, tendant l’oreille aux bruits en provenance de l’autre côté de la porte ; il remarque alors une voix à l’accent français : « Ici ! ici ! Ouvrez-nous ! » [Il s’agit d’Anatole, mon nouveau PJ.] Il entend aussi d’autres appels à l’aide, sans accent cette fois, évoquant plutôt un WASP : « Aidez-nous ! J’ai de l’argent ! Beaucoup d’argent ! » [Il s’agit de William Harris-Jones, mon employeur.]

 

[V-2 : Dwayne] Dwayne ouvre la porte. L’odeur d’excréments est insoutenable, et la pièce, dans le fond, fait visiblement office de fosse d’aisance ; non loin se trouvent des débris d’un métal noir, où il reconnaît des fragments humanoïdes de peau écailleuse – les vestiges de la quatrième statue ? Mais la pièce abrite aussi des cellules – et des prisonniers. La première cellule est plus vaste que la seconde : elle fait environ deux mètres sur cinq, et s’y trouvent six individus émaciés, enchaînés pour certains, parfois la bouche cousue, et visiblement traumatisés. La deuxième cellule n’abrite que deux personnes : un homme très élégamment habillé, avec une nuance d’excentricité artistique ; à ses côtés, un homme à la carrure autrement massive, figurant quelque malfrat et/ou garde du corps (et c’est ce dernier qui a l’accent français).

 

[V-3 : Dwayne, Anatole : William Harris-Jones] L’homme élégant s’approche des barres de la cellule, et répète qu’il a plein d’argent, tout en se nommant : « Je suis William Harris-Jones ! L’écrivain ! » Dwayne lui répond que son argent ne pèse pas bien lourd ici… Je lui demande quel est cet endroit, comment y sommes-nous arrivés – Dwayne n’a pas grand-chose à répondre… Peut-il nous ouvrir ? Cela dépend – peut-il nous faire confiance ? William Harris-Jones sort de sa veste un paquet de tissu ; l’entrouvrant, il montre qu’il contient de la cocaïne, et il en propose à Dwayne – au cas où cela pourrait remplacer l’argent… Mais Dwayne lui dit de ranger son paquet, ça ne lui sera pas davantage utile ici… Harris-Jones s’exécute, non sans s’accorder d’abord un petit rail. Me fixant, Dwayne dit qu’il aurait bien besoin de bras en plus, mais il me faudra suivre ses instructions – j’acquiesce. Dwayne ouvre alors la cellule (avec la même clef que pour la pièce), tandis que je me colle contre le fond du mur pour l’assurer que je ne lui causerai pas de soucis. Harris-Jones, lui, cherche aussitôt à se précipiter dehors, ce qui interpelle un bref moment Dwayne, qui comprend cependant bien vite que le riche prisonnier ne présente pas de danger. Il se contente de se palper en criant : « M’ont tout piqué ! » Dwayne nous fait signe de sortir.

 

[V-4 : Dwayne] Dwayne jette alors un œil à l’autre cellule – en quête de quoi que ce soit d’utile. Il y a une femme assez jeune, une plus vieille avec un enfant, trois hommes adultes – qui lui demandent : « Vous n’êtes pas avec eux ? » Ils ont l’air infiniment surpris…

 

[V-5 : Dwayne, Anatole : William Harris-Jones ; Tess McClure] Dwayne continue son tour d’horizon, et repère une armoire dans le coin de la pièce ; son attitude effraie un peu William Harris-Jones, qui le suit cependant – supposant que ses affaires manquantes seront dans le placard. Je suis également. Nous y trouvons des montres, des portefeuilles, des cigarettes, des briquets… mais aussi mes armes (un .45 amélioré, sans chargeur de rechange, et une matraque en cuir), ainsi que le Derringer de William Harris-Jones – il se jette dessus. Dwayne le contient et lui dit de se calmer – je l’appuie, mon patron doit arrêter les conneries. Prenant soin d’accorder un signe de tête à Dwayne, je m’avance vers l’armoire, et y récupère posément mes armes, qu'il avait bien identifiées comme telles ; quant à lui, il ramasse le Derringer de William Harris-Jones, et le lui tend en personne – l’écrivain est méfiant… Nous entendons un rire féminin, un peu hystérique, à l’extérieur – Dwayne reconnaît la voix de Tess… Indiquant nos armes, il nous dit qu’il nous faudra bientôt nous en servir…

 

[V-6 : Dwayne] Dwayne retourne alors à la cellule, où on le supplie plus que jamais : qu’il les fasse sortir ! Dwayne n’y voit pas d’inconvénient, mais leur dit qu’il ne fera en aucun cas leur nounou – et pas de précipitation ! Le suivront qui le veulent, mais ils devront alors suivre ses instructions. Il ouvre la porte ; la vieille se redresse aussitôt, l’enfant dans les bras – il faut de la nourriture au petit ! Quant à la femme plus jeune, elle se jette les bras ouverts sur Dwayne, qui l’évite, craignant le coup fourré – mais elle voulait seulement le serrer dans ses bras, l’embrasser… et peut-être un peu plus que cela. « Doucement ! C’est bon, c’est bon ! » Il la repousse.

 

[V-7 : Anatole : William Harris-Jones] De mon côté, je me montre plus professionnel que jamais – calmant mon patron, et prenant soin de bien vérifier que mon .45 est chargé et en état de fonctionner...

 

VI : HÉCATOMBE

 

[VI-1 : Chris : Charles Reis] Chris, submergé par les crabes et face au « centaure », tente, en se hissant sur les côtés, de contourner l’arbre pour atterrir ensuite sur le dos de la monstrueuse créature et lui crever les yeux. Mais il ne saurait rater davantage son coup [échec critique : 100] : le « centaure » l’empêche d’aller bien loin en broyant puis tranchant sa jambe droite d’une de ses pinces ! Chris s’effondre, pissant le sang, et la nuée de crabes le dévore alors qu’il est encore vivant… Accessoirement, c’était lui qui avait le baluchon de Charles Reis, dès lors inacessible et peut-être perdu.

 

[Le joueur incarnant Chris récupère maintenant, au moins temporairement, le personnage de Michael Bosworth, PJ abandonné depuis quelque temps, son joueur ne pouvant plus assurer sa participation à la campagne. La scène qui suit immédiatement est du coup un bref flashback.]

 

[VI-2 : Michael : Pierce Hawthorne, Chris Botti] Quand Michael est arrivé sur l’archipel, il a fait une courte chute, mais des branches l’ont amortie. Il était bien dans des arbres, et a pu bénéficier du réseau de lierre pour se déplacer sans risques excessifs. Il avait tout d’abord entrepris de descendre – il lui avait semblé avoir repéré des gens à distance, mais la végétation était trop touffue pour en être certain. Il n’a toutefois guère eu les temps d’arpenter les environs : la « nuit » n’a guère tardé, et Michael avait vite compris le danger représenté par les crabes – il est aussitôt remonté à la cime de son arbre (dans les huit ou neuf mètres), continuant de guetter pour trouver des signes d’autres personnes. Il a notamment vu, au loin – dans les 500 mètres ? – des survivants inconnus qui avaient confectionné un radeau de fortune ; ils partaient vers l’horizon, semblant fuir la colline centrale. Il y avait bien d’autres signes, mais guère encourageants : il a entendu les suppliques de Pierce Hawthorne, ainsi que la mort de l’animateur radio… mais aussi, à l’instant, l’agonie de Chris – immédiatement identifié comme tel.

 

[VI-3 : Michael : Radzak, Tess McClure] Par ailleurs, au loin, dans la direction de la colline, il a cru voir quelque chose d’assez petit tomber du ciel… [Il s’agit de Radzak, le chat onirique, que Tess a invoqué – elle avait systématiquement son cristal sur elle, qui chauffait…] Michael est cependant davantage attiré par un grand navire surgi à l’horizon, d’allure médiévale voire antique, et doté de nombreuses voiles, qui s’approche du radeau improvisé…

 

[VI-4 : Michael, Leah : Chris Botti] Mais, à guetter de toutes parts, Michael repère enfin Leah, là où Chris vient de mourir. Il se met à naviguer dans les branches pour tenter de la rejoindre – il est habile à ce petit jeu. Il interpelle Leah, qui l’entend, crie à son tour, et lui fait de grands signes pour indiquer sa position. Michael la rejoint bientôt, et lui demande ce qui s’est passé, et où est Chris ? Leah se contente de répondre : « Dans l’estomac d’un crabe… » Michael fait de son mieux pour l’aider, confectionnant notamment une corde de lierre pour qu’elle puise grimper plus haut et le rejoindre. Mais c’est trop tard : un faux mouvement de trop fait chuter Leah sur les crabes… Ceux qui se disputaient les restes de Chris (parmi lesquels un nouveau « centaure » ?) se tournent aussitôt vers elle et lui infligent d’innombrables morsures. Michael est sept ou huit mètres plus haut ; il essaye de redescendre aussi vite que possible, sa corde de fortune en main… Mais Leah, bien que relativement épargnée par sa chute, se noie sous les crabes qui la déchiquètent comme ils avaient déchiqueté Chris quelques instants plus tôt à peine…

 

[Mort de Leah. Sa joueuse n’a pas incarné de personnage temporaire jusqu’à la fin de la séance, un nouveau PJ sera créé d’ici à la prochaine séance.]

 

VII : LE RETOUR DU CHAT

 

[VII-1 : Dwayne, Anatole : William Harris-Jones ; « 6X »/ Hippolyte Templesmith] Dwayne et moi nous dirigeons vers la sortie, William Harris-Jones derrière nous, après toutefois avoir jeté un œil aux débris de la statue ; la tête évoque un peu à Dwayne la véritable apparence de « 6X », mais en plus reptilien encore, avec des yeux en amande et une langue bifide… Pourtant, ce faciès n’est pas sans noblesse, et évoque une divinité aux traits de serpent. Que la statue ait été abandonnée dans une fosse d’aisance n’est sans doute pas anodin…

 

[VII-2 : Dwayne, Anatole : William Harris-Jones] Mais la femme qui s’était jetée sur Dwayne me vise désormais : « Mon sauveur ! » Je n’ai pourtant absolument rien fait pour la sauver… Mais elle commence à me déshabiller ! Je la repousse d’abord calmement, mais, quand elle insiste, je la projette par terre. La vieille, de son côté, ne cesse de se plaindre que l’enfant mourra s’il ne mange pas, très vite… Dwayne ne peut rien faire pour elle. Mais son comportement me plaît : c’est visiblement le seul ici à savoir ne serait-ce qu’un minimum quoi faire – je calque mon comportement sur le sien.

 

[VII-3 : Dwayne, Anatole : William Harris-Jones, Alexis Ranley, Tess McClure, Radzak] Dwayne et moi quittons les cellules pour aller au dortoir. Derrière nous, les gémissements ne laissent aucun doute : William Harris-Jones, lui, a accepté les avances de la femme… Nous n’y prêtons pas davantage attention, même si je ne peux retenir un soupir. Dwayne s’arrête, disant à Alexis Ranley de sortir de sa cachette : ou il vient, ou il crève ici ! Nous l’entendons ramper au sol, et il s’extrait de sous un lit. Il s’approche, conscient qu’il ne peut faire autrement. Dwayne nous indique la sortie, et nous le suivons – mais, à travers la porte entrouverte, nous parvient une voix féminine, que Dwayne reconnaît pour être celle de Tess, engagée dans une conversation enjouée avec une autre voix aux accents étranges…

 

[VII-4 : Dwayne, Anatole : Radzak, Tess McClure ; Johnny « La Brique », Moira] Dwayne jette un œil dans l’entrebâillement de la porte… et aperçoit un gros chat qui se dandine et parle avec Tess. Il se souvient de ce qu’avait raconté le gamin à la ferme, quand il avait rapporté la mort de « La Brique » et de Moira, et confié le cristal à Tess… Le chat pose des questions à Tess – portant sur ce qu’elle aimerait faire à l’avenir. Dwayne se fraye un passage aussi discrètement que possible… mais le chat se tourne aussitôt vers lui, et, d’une voix sèche : « Deux secondes. On discute. » Et il repousse la porte ! J’ai eu un vague aperçu du chat en train de parler, et je regarde Dwayne d’un air stupéfait, en quête d’explications, mais il n’a rien à me dire…

 

[VII-5 : Dwayne, Anatole : William Harris-Jones] Nous restons donc dans le dortoir pour l’heure. La vieille a fouillé dans les boîtes de conserve abandonnées, et en nourrit le gosse. Les autres sont avec nous, à l’exception de William Harris-Jones et de son amante. Nous n’avons que de très vagues échos de la conversation de l’autre côté de la porte, mais le volume est fluctuant – ils se déplacent tout en parlant. Dwayne nous dit de fouiller les cadavres pour trouver quoi que ce soit d’utile, mais, à l’évidence, il ne s’y trouve rien pour moi. Quand les gémissements s’interrompent, je laisse un peu de battement puis vais chercher mon patron… Après quoi je demande à Dwayne si nous allons attendre encore longtemps – mais il me dit qu’on attendra qu’ils aient fini de discuter, et qu’il ne vaut mieux pas les déranger… Le temps passe…

 

[VII-6 : Dwayne, Anatole : Radzak, Tess McClure] Au bout d’un moment, la conversation s’amenuisant, Dwayne toque à la porte : « Vous avez fini ? » Nous entendons le chat… exploser de rire. Puis Tess, joviale : « Oui, mais peut-être vous aussi ! » Leurs bruits de pas se rapprochent de la porte, ils ne discutent plus. Dwayne se recule, et je fais comme lui – en position pour tirer sur ce qui franchira la porte.

 

[VII-7 : Dwayne, Anatole : Tess McClure/« Tess la Rouge », Radzak] La porte s’ouvre. Les paupières de Tess sont agitées d’un mouvement perpétuel. Elle entre en compagnie du chat, qui se présent solennellement sous le nom de « Radzak ». Ils se comportent comme deux vieux amis… Dwayne avance qu’il a entendu parler de Radzak. Le chat dégage les débris du passage, tandis que les prisonniers se chient dessus – littéralement – à cette scène improbable et étrangement angoissante… Puis Radzak monte au sommet d’une pile de débris, il tourne un regard amusé vers Tess, puis lui dit : « Alors ? Choisis… » Dwayne demande à Tess si ça va, et elle répond : « Oui, mieux que jamais… » Son sourire est cette fois irrémédiablement celui de « la Rouge »… Elle « choisit » enfin la vieille et l’enfant. Dwayne me fait signe de ne pas intervenir – je me plie à ses instructions muettes… d’autant que j’ai le souvenir de « Tess la Rouge » telle qu’elle était dépeinte dans les journaux.

 

VIII : LE RESSAC, ENFIN

 

[VIII-1 : Michael : Leah, Pierce Hawthorne : « 6X »/Hippolyte Templesmith] Michael horrifié a vu Leah périr sous les assauts des crabes ; il est totalement perdu… Il entend toujours la voix de Pierce Hawthorne appeler « 6X » à l’aide. Au loin, il ne voit plus le radeau – sans savoir comment il a disparu. Il fixe un moment l’eau très claire, très pure, mais aussi très profonde… et finit par distinguer une ombre massive sous les flots, dotée de nombreux appendices – une immense pieuvre ? Elle se rapproche du bateau antique. Effaré, Michael prend toujours un peu plus conscience des dimensions colossales de la créature : elle doit faire des kilomètres pour qu’il la voie ainsi ! En comparaison, le bateau, pourtant volumineux, n’est plus qu’un point à l’horizon… Puis la silhouette disparaît dans les profondeurs – mais c’est alors que jaillissent ses tentacules, qui environnent le bateau puis se resserrent sur lui pour le broyer comme une coquille de noix ! Des passagers tentent de rallier des éclats de bois faisant office de petits radeaux, mais les tentacules achèvent leur office : ils disparaissent tous dans les profondeurs, et bientôt les tentacules de même…

 

[VIII-2 : Michael : Pierce Hawthorne] Michael a beau être terrorisé par l’enchaînement des événements sinistres, il tente de se reprendre et de faire quelque chose. Il se dirige donc vers la voix de Pierce Hawthorne. Au bout de quelque temps à naviguer dans les branches, il aperçoit sa silhouette obèse – il y a aussi des reflets sur sa barbe ainsi que dans l’armature de ses lunettes. Hawthorne ne l’a pas encore aperçu, et reste crispé sur sa branche – cela fait au moins une bonne heure qu’il appelle vainement à l’aide… Michael le surplombe à quelque distance. Les vêtements du chercheur sont abimés et imprégnés de sang – il a fait connaissance avec les crabes… Michael l’interpelle enfin – et lui demande si ça va. Hawthorne, pris par surprise, lui demande qui il est – il n’a pas l’air très rassuré… Mais il en revient bien vite aux suppliques : « Aidez-moi, je vous en supplie, je ne vais pas pouvoir tenir encore longtemps ! » Michael confectionne une nouvelle corde pour permettre au chercheur de le rejoindre à son niveau… tandis que son arbre tremble, victime à son tour des assauts d’un « centaure ». Hawthorne cède à la panique : « Vite ! » Michael accélère : « Ça vient, ça vient ! » Puis, alors même qu’il vient d’achever son travail et s’apprête à lancer la corde à Hawthorne, la luminosité change : un croissant de soleil très fin apparaît, se dégageant des lunes… Les chocs contre le tronc s’arrête presque aussitôt, et c’est comme un ressac de chitine…

 

À suivre…

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CR 6 Voyages en Extrême-Orient : Lame, l'arme, larmes (02)

Publié le par Nébal

CR 6 Voyages en Extrême-Orient : Lame, l'arme, larmes (02)

Deuxième séance du scénario de Fabien Fernandez « Lame, l’arme , larmes », tiré de 6 Voyages en Extrême-Orient. Vous trouverez les éléments préliminaires ici, et la précédente séance .

 

Je maîtrisais. Le joueur incarnant Sekine Senzô, l’onmyôji, était absent. Les PJ présents étaient donc Goto Yasumori, la voleuse, Hira Ayano, la montreuse de marionnettes, Kuzuri Hideto, l’apothicaire, et Masasugi Takemura, l’ancien soldat.

 

I : IL VA BIEN FALLOIR PARTIR

 

[I-1 : Yasumori, Hideto, Takemura, Ayano : Sekine Senzô ; Aki] Tous se trouvent chez Senzô, à réfléchir à ce qu’ils doivent faire. C’est l’occasion d’échanger leurs points de vue sur la malédiction qui les affecte, mais l’onmyôji leur fait prendre conscience d’une dimension qui avait pu leur échapper : si c’est bien le sabre qui les a maudits, la malédiction dépasse désormais le seul sabre – Yasumori ne l’avait même pas touché, et pourtant Aki est morte à ses côtés ; même chose pour les animaux de Hideto et Takemura (ce dernier avait sorti le sabre, mais l’avait ensuite laissé chez Senzô). Il serait trop simple d’enterrer quelque part l’objet maudit et de penser s’en tirer comme ça : la malédiction, comme de juste, est bien plus perverse… Par ailleurs, elle affecte donc également les animaux : Ayano pensait partir avec sa mule, mais, à l’évidence, celle-ci ne tiendrait pas plus d’un jour ; il en va d’ailleurs de même pour le cheval de Senzô, ce qui l’ennuie profondément… Mais, au-delà de ces révélations, la compétence de Senzô est éventuellement mise en cause : son projet d’exorcisme à la cascade semble tomber à l’eau, faute de pouvoir changer quoi que ce soit à leur situation – il ne le dit pas, mais Ayano, notamment, s’en rend compte...

 

[I-2 : Ayano, Yasumori : Sekine Senzô ; « le Messager », Noboru, Takeo, Reizo] Ayano insiste d’autant plus pour partir au plus tôt. Mais la question se pose inévitablement : dans quelle direction ? Certains penchent pour suivre la trace du « Messager », parti vers l’est ; d’autres préfèrent remonter sa piste, en enquêtant au relais de Noboru (Takeo avait mentionné sa présence là-bas, ainsi que le décès du soigneur Reizo, dans des circonstances similaires). Yasumori propose que l’un d’entre eux parte avec le cheval de Senzô pour pister « le Messager » pendant que les autres font ce qu’ils ont à faire au village et partent enfin dans la direction du relais de Noboru – mais l’animal serait condamné à mort, ainsi que l’onmyôji lui-même l’a démontré ! Dimension que Yasumori n’avait pas prise en compte… Mais on pourrait charger de cette tâche un habitant du village, non affecté par la malédiction ? Senzô admet à demi-mots que c’est envisageable…

 

[I-3 : Hideto, Takemura, Yasumori : Tsunekiyo, Sadasuke, Yoritaka] Ils ont en effet peut-être encore des choses à faire à Kengo – le temps presse, mais quelques entretiens supplémentaires pourraient s’avérer utiles… Hideto suggère ainsi d’en parler avec Tsunekiyo, l’érudit du village – il est sans doute le mieux à même de comprendre quoi que ce soit à cette affaire à KengoTakemura approuve cette idée. On évoque aussi Sadasuke, le moine zen errant… Dans un autre registre, Takemura mentionne le chasseur émérite du village, Yoritaka – un pisteur efficace, qui pourrait remplir la mission suggérée par Yasumori. C’est en outre un bon archer – Takemura n’est guère à même d’en juger, peut-être, mais Yasumori bien davantage, dit-elle : réflexion qui douche un peu l’ancien soldat, et la jeune fille se rattrape, louant son expertise en d’autres domaines… Quoi qu’il en soit, Yoritaka est un homme honnête et bon : Yasumori est convaincue de ce qu’il sera à même de remplir cette mission.

 

[I-4 : Yasumori : Yoritaka ; « le Messager », Senzô] Yasumori part sur-le-champ et se rend à la maison de Yoritaka – il s’y trouve. Elle commencer par lui demander s’il pourrait lui vendre un bon arc et des flèches : c’est le cas, encore qu’il ne s’agisse pas véritablement d’une vente, pour lui qui n’a que faire de l’argent : Yoritaka offre en fait un arc adroitement conçu à Yasumori, considérant que c’est un moyen de contribuer à payer sa dette éternelle envers le village, mais c’est du coup maintenant Yasumori qui se trouve endettée auprès du chasseur – en son temps, il lui demandera un service à titre de rétribution. La jeune fille accepte sans l’ombre d’une hésitation et à grand renfort de courbettes. Après quoi elle mentionne aussi la tâche de pister « le Messager »… Cela fait soudain beaucoup de choses, et Yoritaka en fait laconiquement la remarque, mais le chasseur est volontaire – toujours cette notion de dette, plus encore, même. Il ne doute pas être en mesure de pister l’étranger, et, avec le cheval de Senzô que lui offre gracieusement Yasumori, il devrait pouvoir faire ça assez rapidement ; c’est aussi un moyen, pour cet homme de peu de mots, d’inciter les cinq « maudits » à partir sans l’attendre… Dès qu’il sera prêt, il se rendra chez Senzô, et partira aussitôt sur la piste du « Messager », après quoi il les retrouvera sur la route : nul besoin de convenir d’un rendez-vous, il saura suivre leurs traces. Yasumori le remercie, et s’en va de son côté pour préparer avec soin ses affaires pour ce voyage soudain auquel elle est contrainte…

 

[I-5 : Yasumori, Takemura, Hideto, Ayano : Senzô, Tsunekiyo, Sadasuke, Kioyosada ; Aki, Masako] Peu après le départ de Yasumori, Takemura et Hideto, en accord avec Senzô, hèlent un gamin pour qu’il fasse venir chez l’onmyôji Tsunekiyo et Sadasuke – en ajoutant à la dernière minute, et à la requête de Takemura, Kioyosada, en tant que chef du village, même si le vieil homme est plus que jamais dépassé par les événements… Ayano, qui n’a guère la tête à ces discussions oiseuses, est bien plus préoccupée par le décès d’Aki, et pensait rejoindre Masako, afin qu’elles se soutiennent mutuellement, et veillent à organiser les funérailles de la pauvre fille, la sœur d’Ayano donc – mais la présence de Sadasuke au village change quelque peu la donne, et, le moine se rendant de toute façon chez Senzô, Ayano décide finalement de rester.

 

 

[I-6 : Hideto, Takemura, Ayano : Kioyosada, Tsunekiyo, Sadasuke, Senzô, Takeo ; Noboru, Masako, Aki] Kioyosada arrive le premier, nerveux, incapable de prendre la moindre décision, et n’ayant pas le moindre avis sur la question : le débonnaire chef de village est parfaitement désemparé. Tsunekiyo et Sadasuke, qui arrivent ensemble chez Senzô, sont autrement sereins, mais ont d’abord besoin d’explications supplémentaires. Hideto et Senzô se chargent de leur résumer la situation – Hideto en profite pour évoquer aussi Takeo, qui semblerait avoir vu un cas similaire au relais de Noboru : on dépêche de nouveau un gamin pour aller chercher le marchand itinérant à l’auberge de Masako, où il s’est installé. Reste à voir le sabre : très solennel, Takemura scrute les nouveaux arrivants, puis ouvre le coffre afin de leur présenter l’arme maudite. Sadasuke et Tsunekiyo conservent toute leur dignité à ce spectacle, tandis que Kioyosada sombre de plus en plus dans la panique. Ayano fait la démonstration de sa haine du sabre qui lui a volé Aki : à la seule vue de la chose, elle crache par terre – sur le tatami de Senzô

 

[I-7 : Takemura, Ayano, Hideto : Tsunekiyo, Sekine Senzô ; « le Messager »] Tsunekiyo se prononce enfin : il s’agit pour lui de remonter une piste, de trouver l’origine de la malédiction – ce qui permettra, soit de la réduire à néant… soit, même s’il ne le présente pas de la sorte, de la transférer sur quelqu’un d’autre (Senzô approuve, mais Takemura est visiblement mal à l’aise avec ce genre de solution…). Peut-être, plus concrètement, pourrait-il se montrer plus utile, à la condition de voir le sabre de plus près ? Takemura le lui tend, et Tsunekiyo, après un instant d’hésitation (la malédiction passerait-elle sur lui ?), s’en empare (c’est en effet très peu probable…). À ses gestes, Takemura, seul d’entre les présents, acquiert la conviction que Tsunekiyo a sans doute manié ce genre de katanas dans sa jeunesse – la rumeur dirait donc vrai… Mais il s’abstient de le signaler aux autres. Tsunekiyo confirme qu’un sabre pareil, aussi habilement conçu, aussi évidemment antique, a forcément une histoire, un passé – rien de commun avec le tout-venant de la production de katanas en cette ère de décadence. Peut-être faudrait-il alors creuser cette question de « l’héritage » ? « Le Messager » a très explicitement désigné ces cinq individus très différents – a priori, ils n’ont rien à voir entre eux : même le lien avec Kengo s’avère léger, tout particulièrement pour Ayano et Hideto… Quel est donc leur lien ? Takemura est le seul à répondre : il n’en a pas la moindre idée… Où trouver, alors, ces explications ? Sûrement pas à Kengo ou dans tout autre village de montagne du même type. Une arme pareille, on a forcément écrit à son sujet – de par Kyushu, ce ne sont pas les bibliothèques qui manquent, que ce soit dans des centres urbains, ou dans des monastères, ou dans des forteresses… Les légendes courant sur de semblables sabres ne manquent pas, à vrai dire – mais comment donc identifier précisément celui-ci ?

 

[I-8 : Hideto, Ayano, Takemura : Sadasuke, Sekine Senzô ; Aki, Masako] Hideto, peut-être pour la forme, demande alors à Sadasuke – qui n’a pas prononcé le moindre mot depuis son arrivée – s’il ne lui serait pas possible, en tant que moine, de « purifier » l’arme. Mais ce dernier n’éprouve en rien la gêne de Senzô à faire part de son incompétence… En fait, après avoir répondu à cette question, il se lèvre tout naturellement – expliquant laconiquement qu’il ne sert à rien ici : mieux vaut qu’il aille s’occuper des rites pour Aki, et tenter de procurer la consolation à ceux qui en ont besoin, Masako en tête. Ayano le remercie d’un signe de tête ; mais elle bout toujours autant : personne ici ne sait rien sur rien, il faut partir, et c’est tout ! Sadasuke semble s’arrêter un instant sur le pas de la porte, hoche la tête à cette déclaration, et s’en va. Toutefois, les rites ne seront pas exécutés dans l’immédiat et, même si ça lui déchire le cœur, Ayano sait qu’elle ne pourra pas rester jusqu’à la crémation de sa sœur… Par ailleurs, le mariage prévu pour la journée risque d’être affecté par ce drame – et les habitants de Kengo n’y verront que davantage encore de raisons pour chasser au plus vite les cinq maudits ! Elle n’en doute pas : il faut partir – et avant la nuit, précision qu’approuve Takemura ; sans quoi Masako au moins va y passer, et d’autres peut-être…

 

[I-9 : Yasumori, Takemura : Yoritaka, Sekine Senzô] Yasumori retourne auprès de ses camarades – elle a suivi Yoritaka, qui a obtenu confirmation de ce que Senzô lui prêtait son cheval, après quoi le chasseur s’est engagé sur la route de l’est. Takemura est assez impressionné par la manière dont Yasumori a agi avec le chasseur – la vilaine fille remonte un peu dans son estime…

 

[I-10 : Ayano, Takemura : Takeo, Sekine Senzô ; Noboru, Reizo, Masako, Towika, Sanzo, Osamu] Takeo les rejoint tous chez Senzô. Le marchand itinérant a été pour le moins interloqué par la scène qu’il a vue en arrivant à Kengo… Bonne patte, Takeo répond volontiers aux questions, avec un sérieux de circonstance. Il a effectivement vu un cadavre semblable au relais de Noboru, il y a deux jours de cela – soit la distance avec Kengo (il n’y a pas de route à proprement parler, ce sont des sentiers de montagne ; mais le relais se trouve au nord-ouest, dans la direction de Fukuoka. Et c’était bien le cadavre de Reizo, le soigneur qu’attendait Masako (Ayano intervient : il faut en prévenir l’aubergiste, et faire passer le mot, qu’un autre soigneur se rende à son chevet, elle tousse tant… Elle s’en chargera). Takemura demande au marchant si d’autres que lui pourraient savoir quoi que ce soit à ce sujet ; Takeo ne sait pas vraiment… Noboru lui-même et sa serveuse Towika en ont été témoins, mais autrement il y a du passage… Peut-être Sanzo, ce désagréable rônin qui erre souvent par là… Peut-être aussi Osamu, un concurrent de Takeo, qui ne l’apprécie guère… D’autres encore ? Tout dépend de qui se trouve là-bas…

 

[I-11 : Ayano, Hideto : Kioyosada, Tsunekiyo, Takeo, Sekine Senzô] Ayano ne s’attarde guère après le départ de Kioyosada, Tsunekiyo et Takeo. Elle se rend à l’auberge, où elle se prépare de son mieux – réalisant alors seulement qu’elle ne pourra pas partir avec sa mule ! Elle doit donc laisser des choses en arrière. C’est un crève-cœur, mais elle ne peut emporter ses marionnettes, et doit en outre faire le tri dans ses costumes (elle conserve dans un sac tout de même bien ordonné une tenue de femme noble, et une autre de paysanne). Hideto est dans une situation un peu moins fâcheuse, lui qui a l’habitude de tout conserver dans la malle d’osier qu’il porte sur le dos ; il trie néanmoins au mieux son matériel d’apothicaire. Senzô, enfin, ne peut sûrement pas emporter avec lui sa précieuse bibliothèque et ses tout aussi précieuses œuvres d’art… Il garde néanmoins ses outils de divination, et quelques rares livres dont il suppose qu’ils pourraient s’avérer utiles. Takemura et Yasumori se préparent également, et avec soin, mais n’ont pas ce genre de dilemmes.

 

[I-12 : Takemura, Yasumori : Kuchi ; Kioyosada] Après quoi Takemura souhaite s’entretenir avec Kuchi la folle, la vieille grand-mère du pourtant déjà vieux Kioyosada. Il n’en a pas une très bonne impression, surtout avec la scène qu’elle a jouée devant lui plus tôt dans la matinée, mais suppose que cela doit être fait. Et Yasumori se joint à lui, ce qui ne l’enchante pas davantage… Pourtant, il lui faudra bien s’habituer à sa compagnie dans les jours qui viennent – et comme elle semble connaître un peu la vieille, pour autant qu’on puisse la connaître… Tous deux se rendent donc au cabanon à l’arrière de la propriété de Kioyosada, où la vieille réside quoi que son petit-fils puisse en dire – elle ne vivra pas sous son toit ! Yasumori se montre d’une déférence appropriée devant son aînée, mais Takemura est à la fois prudent et plus direct – la fillette réagit comme il se doit en se plaçant derrière lui. L’ancien soldat a surtout une question en tête : cette malédiction est-elle le fruit du hasard, ou bien ont-ils fait quelque chose (mais quoi donc ?) pour mériter ça ? Le discours de la vieille est forcément confus, ou plus exactement cryptique, mais Takemura et Yasumori en retirent l’essentiel : ils sont débiteurs de leurs ancêtres – peut-être sont-ce plutôt eux qui ont fait quelque chose pour qu’eux cinq « méritent » cela ? Takemura perçoit bien la portée de ce discours, admet forcément qu’il fait sens, et n’en est que plus inquiet… Yasumori reprend les devants : Kuchi sait beaucoup de choses… Sait-elle comment lever la malédiction ? La vieille ne dit rien, se contente de sourire. Puis Yasumori tente une autre approche : Kuchi est vénérable, on la dit très âgée… Peut-être aurait-elle connu leurs ancêtres ? Le sourire persiste, et Kuchi se tait. Yasumori n’est pas mécontente de cette entrevue – elle pense avoir mis le doigt sur quelque chose… Mais, à l’évidence, ils n’en sauront pas plus maintenant : Takemura et Yasumori se retirent humblement.

 

[I-13 : Ayano : Masako ; Noboru, Reizo, Aki] Ayano s’est entre-temps rendue chez Masako. Elles partagent leur deuil commun, et Ayano explique en outre ce qui s’est passé au relais de Noboru, avec Reizo. Comme elle s’y rend, elle verra à faire passer le message, qu’un autre soigneur s’empresse de venir à KengoMasako ne réagit pas. Elle ne se montre pas hostile envers Ayano, mais attribue la mort d’Aki autant à son intransigeance malvenue qu’à la malédiction dont la sœur même de la défunte prostituée est la victime et le vecteur… La vieille femme, abattue, laisse entendre qu’elle ne désire qu’une chose : qu’ils partent au plus tôt.

 

[I-14 : Takemura, Hideto, Yasumori] Impossible de se leurrer : c’est en fait tout le village qui n’attend que ça… Sitôt leurs préparatifs effectués, ils partent en direction du nord-ouest – avant même le déjeuner. Takemura se porte volontaire pour prendre le sabre : à n’en pas douter, d’eux tous, il est le plus à même de s’en servir, et a conscience de ce qu’il s’agit d’une excellente arme, à même de sublimer ses capacités déjà notables. Hideto avait proposé, autrement, de le glisser dans sa mallette – c’est faisable, en l’arrangeant bien. Yasumori suggère alors un stratagème : et s’ils échangeaient les fourreaux ? Sans qu’on puisse parler de modèles « standard », les deux armes, le sabre maudit et celui de Takemura, sont de même taille ; l’ancien soldat pourrait porter le sabre magique dans son simple fourreau, tandis que son vieux katana, dans le fourreau luxueux de l’arme maudite, atterrirait dans la mallette de Hideto… On procède à l’échange – mais c’est l’occasion pour Takemura de percevoir un nouvel aspect de l’arme maudite, car ce questionnement sur la modernité le travaille : la lame est à n’en pas douter ancienne, mais son fil parfait a peut-être bénéficié d’un nouveau forgeage, bien plus récent… Il se demande même si cet incroyable acier ne serait pas importé ! Mais il garde tout cela pour lui – pour l’instant du moins.

 

[Ellipse.]

II : LE RELAIS DE NOBORU

 

[II-1 : Ayano, Hideto, Takemura, Yasumori : Noboru] Ils arrivent deux jours plus tard au relais de Noboru (avant le déjeuner – et ils ne comptent pas y passer la nuit, mieux vaut être toujours en mouvement…). Ayano et Hideto sont habitués de ce genre de longues marches – à vrai dire, ils ont même emprunté ce chemin plus d’une fois, ce qui leur facilite la tâche à tous. Takemura ayant en outre gardé quelques trucs de ses campagnes passées, tout se passe pour le mieux. Yasumori, au matin, avait pris soin de guetter aux alentours de leur campement s’il n’y avait pas d’animaux morts, mais ce n’est pas le cas. Hideto, instinctivement, surveillait également leur état de santé à tous, mais, physiquement, ils se portent tous pour le mieux – il redoutait que Takemura, à porter le sabre, soit affecté davantage que les autres, d’une manière imprécise, mais ce n’est semble-t-il pas le cas.

 

[II-2 : Takemura, Yasumori : Noboru, Fusamasa] Avant de pénétrer dans le relais de Noboru, toutefois, Takemura, après avoir longtemps ruminé seul cette information, fait part aux autres de son soupçon de « nouvelle forge » ; Yasumori s’en désole : peut-être auraient-ils pu en parler avec Fusamasa, le forgeron de Kengo… Mais Takemura pense qu’il n’aurait rien pu dire plus : pour un travail pareil, il faut se rendre en ville… même si d’autres réparations, peut-être… ? Pris d’un soupçon, Takemura examine à nouveau à fond le sabre, mais aussi son véritable fourreau : oui, ce dernier a été réparé récemment – un anneau…

 

[II-3 : Ayano, Yasumori, Takemura, Hideto : Noboru, Sekine Senzô, Sanzo, Towika, Osamu ; Takeo] Ils pénètrent dans la grande salle commune du relais de Noboru. Ayano et Yasumori ont pris soin de se vêtir de tenues passe-partout, appropriées à la marche et discrètes. Mais ce sont Senzô et Takemura qui, d’emblée, s’attirent de sales regards de la part d’un rônin pouilleux, l’air peu amène, et qui a sans doute déjà bu bien trop de saké – mais il ne compte visiblement pas s’arrêter de sitôt… C’est sans doute là le Sanzo dont leur avait parlé Takeo, les mettant en garde contre ses colères… Noboru, le tenancier du relais à son nom, est un bonhomme bien plus sympathique – comme Ayano et Hideto ont eu maintes fois l’occasion de l’apprécier ; il les reconnaît d’ailleurs, comme de juste, et, bavard impénitent, il est heureux de discuter avec eux de tout et de rien – tandis que sa charmante serveuse Towika s’affaire en cuisine. Est également présent le marchand itinérant Osamu, qui leur adresse un sourire dégoulinant, mais reste à sa table – tendant toutefois l’oreille aux bavardages des nouveaux convives.

 

[II-4 : Hideto, Yasumori, Takemura : Noboru, Sanzo ; Takeo, Reizo, Aki] Hideto hésite à parler immédiatement de leurs affaires avec Noboru, et se fait comprendre sans rien en dire… Yasumori, de même, glisse qu’il vaut mieux qu’ils mangent d’abord, quitte à en parler entre eux. Takemura approuve. Pourtant, le volubile aubergiste leur tenant la jambe, c’est bien Yasumori, en définitive, qui en vient au fait ; elle commence par évoquer Sanzo, qui « la dévisage », mais c’est pour en venir aussitôt à ce que Takeo a rapporté : il y aurait eu un meurtre ? Noboru est forcément un peu gêné – c’est son établissement, après tout –, mais il est avant tout amateur de potins sordides, et, après une brève hésitation, et sur le ton de la confidence, il veut bien se lancer sur le sujet. Le mot de « meurtre » semble pourtant le laisser un peu sceptique – peut-être un écho de sa gêne de commerçant ? Mais peut-être – on aurait dit du poison, oui… Ce qui, au passage, exclut Sanzo : les insinuations de Yasumori ne l’offusquent en rien, mais elles ne tiennent pas la route. Hideto demande alors s’il y a un suspect – mais Noboru ne compte accuser personne ; il serait de toute façon bien en peine de pointer qui que ce soit du doigt… Mais Yasumori insiste : Takeo leur avait clairement fait entendre que Reizo n’était pas mort de mort naturelle – non, certainement pas… Mais Noburu ne peut se priver de faire la remarque que Takeo lui-même convoie des serpents vivants et ô combien venimeux pour certains clients « excentriques »… Remarque gratuite : Takeo est arrivé plus tard – et l’état du cadavre du soigneur était tout de même bien particulier : Noboru s’étale sur sa description, qui correspond en tous points à celle du cadavre d’Aki. A-t-il conservé quoi que ce soit de Reizo ? Non, pas la moindre babiole – Noboru ne le dit pas ainsi, mais ne compte certainement pas se laisser accuser d’être un voleur ou un pilleur de cadavres… Reizo, de toute façon, n’avait pas grand-chose sur lui, le pauvre… Était-il malade en arrivant ? Non, pas le moins du monde – mais après tout les soigneurs tombent malades comme les autres… Et il n’y avait pas d’autre malade ? Non… ou peut-être cet étranger, qui s’est longuement entretenu avec Reizo ? Noboru crevait visiblement d’envie d’en parler, et saisit l’occasion. Malade ou pas, il ne saurait dire : le bonhomme n’était pas très causant, c’est peu dire – plutôt désagréable, même (autant que Sanzo ?) ; en fait, il ne s’est pas attardé dans la salle : il a alpagué Reizo, qui l’a suivi dehors (Noboru n’a pas la moindre idée d’où ils sont allés et de ce qu’ils y ont fait). Puis l’inconnu est parti, et le lendemain Reizo était mort… Mais autrement cet homme intrigant n’a pas causé le moindre trouble ? Même avec Sanzo, qui semble n’attendre que cela ? Non… Sur le ton de la confidence, Noboru avance que Sanzo n’est pas du genre à provoquer ceux qu’il sait plus fort que lui, et cet homme, en dépit de ses habits crasseux, avait une certaine aura – en partie due à son sabre, peut-être… Mais Reizo et l’inconnu n’étaient donc pas arrivés ensemble ? Non : Reizo venait de l’est, et l’autre homme, rare renseignement qu’il a pu en soutirer, venait de Hizotachi, au nord-ouest (toujours dans la direction de Fukuoka).

 

[II-5 : Ayano : Noboru, Hideto ; Masako, Reizo, Someyo, Kioyosada, Akiharu, Takeshi, Yôko, Ito] Puis la conversation tend à s’amenuiser. Les ragots scabreux laissent la place à des choses plus anodines – ainsi quand Ayano évoque la maladie de Masako ; et demande à Noboru de faire passer le message pour qu’un autre soigneur, remplaçant Reizo, se rende à Kengo, au chevet de l’aubergiste ; c’est une promesse… Noboru se fera un plaisir de transmettre l’information, et ne doute pas que quelqu’un s’en occupera bien vite. D’un ton tout ce qu’il y a de naturel, Ayano évoque ensuite le village de Hizotachi, justement, où ils se rendaient (là encore, Hideto et elle y sont forcément passés à plusieurs reprises) ; ils ne pourront pas s’attarder au relais, hélas, ils sont assez pressés ! En plus, elle doit faire sans sa mule : la pauvre bête s’est cassé une patte ! Tous deux échangent des banalités sur les affaires, et sur Kengo – mais Ayano n’a pas grand-chose à en dire… Noboru étant visiblement un peu déçu, Ayano brode sur le bien joli mariage de Someyo, la fille de Kioyosada, avec Akiharu… Ce qui fait réagir Noboru : c’est une chance ! Parce que, à Hizotachi justement, les choses ne se sont pas aussi bien passées : figurez-vous que Takeshi, le chef du village, comptait lui aussi marier sa fille, Yôko, mais le fiancé, le charmant Ito, a disparu ! Yôko est une jolie fille, pourtant… ou du moins c’est ce qu’on a rapporté à Noboru.

 

[II-6 : Takemura : Sanzo] Takemura garde un œil sur Sanzo – c’est réciproque, les regards courroucés s’entretiennent et se renforcent… Il se demande si le rônin ne pourrait pas leur apprendre quelque chose sur ce qui s’est passé…

 

[II-7 : Hideto : Osamu ; Reizo] Au prétexte de parler affaires, Hideto laisse les autres à leur table pour s’asseoir à celle d’Osamu. Hideto sait parfaitement que ce dernier n’est pas fiable – en fait, son saké frelaté est peu ou prou légendaire – mais peu importe, d’autant qu’Osamu est parfaitement conscient de ce que l’apothicaire pense de lui. Puis la conversation en vient au soigneur mort. Osamu n’avait pas plus que ça discuté avec Reizo – ils n’étaient pas en affaires, de toute façon. Et le soigneur a donc passé beaucoup de temps à l’extérieur avec cet inconnu au beau sabre… Mais, oui, Osamu a ensuite vu le cadavre – pas beau à voir, c’est sûr… Bon, ça ne l’a pas empêché de se rendre dans les villages des environs pour y vendre ses produits, dont son excellent saké, il faut bien vivre… Et il est revenu ici, ayant fait ce qu’il avait à faire ; il ne compte pas s’attarder plus que de raison…

 

[II-8 : Yasumori : Towika] Quant à Yasumori, elle passe un peu de temps avec la serveuse, Towika – comprenant bien vite qu’elles sont deux âmes semblables, lasses de la monotonie de la campagne et assoiffées de ville… La serveuse fera tout pour sortir de ce trou – quitte à user de ses charmes s’il le faut. Yasumori lui dit qu’elle a bien raison d’avoir ce rêve, et qu’il ne faut surtout pas perdre de vue cet objectif.

 

[II-9 : Yasumori, Takemura : Sanzo] Yasumori retourne à leur table, où Takemura est plus que jamais engagé dans un duel de regards avec Sanzo – le rônin est déjà bien éméché… Puis il n’y tient plus, et, sans quitter Takemura des yeux, il s’installe à leur table, en face de l’ancien soldat – il a emporté avec lui sa cruche de saké et sa coupelle, il ne cesse de se resservir… Mais jamais il ne baisse le regard (quitte à renverser un peu d’alcool sur la table quand il se sert…). Takemura est toutefois assez intimidant… Craignant de perdre la face, le rônin l’agresse soudain verbalement : pourquoi a-t-il un sabre ? Il n’est pas un samouraï. Il ne mérite pas d’avoir une arme pareille, il n’en a pas le droit ! Où a-t-il trouvé son katana – il l’a volé, sans doute ? Ou alors – oui, c’est probablement plutôt ça – il a dépouillé un cadavre ! C’est ce qu’il fait, n’est-ce pas ? Voler leurs sabres aux morts qui, eux, les méritaient ? Horrible voleur ! Homme sans honneur ! Takemura ne se laisse pas faire : « Si vous voulez que je vous corrige, dites-le, et je saurai prouver que j’ai le droit de porter cette arme, et que je sais m’en servir… » Après quoi il essaye d’avancer que deux hommes civilisés n’ont pas à… Mais Sanzo se lève brusquement, emporté par une rage noire ! Partant en arrière, le saké aidant, il se casse presque la figure sur une table dans son dos, mais n’en dégaine pas moins son sabre. Takemura se lève aussitôt et porte la main sur la garde du katana maudit, mais Yasumori le saisit par le bras – cet imbécile ne le mérite pas, et mieux vaut ne pas montrer aux yeux de tous le sabre ! Takemura acquiesce.

 

[II-10 : Takemura, Ayano, Yasumori : Sanzo] Takemura essaye de désarmer Sanzo, mais son coup ne porte pas suffisamment. Et, le rônin a beau être ivre, il n’en reste pas moins qu’il est armé d’un sabre contre un adversaire à mains nues ! Il riposte aussitôt, et blesse assez grièvement Takemura, d’une vilaine estafilade au bras gauche… Ce que voyant, Ayano entreprend de contourner le rônin pour passer dans son dos, tandis que Yasumori s’avance couteau en main – c’en est presque dérisoire face au katana, même d’un ivrogne… Pourtant, c’est Ayano qui parvient à le vaincre, et d’une manière encore moins conventionnelle : un bon coup de cruche de saké à l’arrière du crâne ! Sanzo lâche son arme sous le choc, et tombe à genoux – il reste cependant conscient, juste sonné… Takemura, malgré la douleur, dégaine alors son sabre et le place sous la gorge du rônin. Sanzo se rend – mais ils n’ont pas d’honneur, ils s’y sont tous mis pour le vaincre !

 

[II-11 : Yasumori, Takemura, Hideto : Noboru, Sanzo, Towika, Osamu] Yasumori donne un coup de pied dans le sabre de Sanzo pour le mettre hors de portée. Puis elle s’empresse de retourner à ses affaires et de payer Noboru – elle ne compte pas rester plus longtemps. Takemura demande pourtant à Sanzo s’il a déjà vu son arme – ou plutôt, il l’affirme… Sanzo, un peu dégrisé par l’adrénaline, observe le sabre de plus près, et dit, stupéfait : « Vous avez la Griffe ? » Takemura répond que c’est un « héritage »… maudit, sans aucun doute. Mais qu’est-ce que le rônin sait à ce propos ? Sanzo baisse la tête : il ne savait pas, il ne comptait pas interférer avec la Griffe, il n’aurait jamais… Le rônin se prosterne et se confond en pitoyables excuses. Impossible d’en tirer quoi que ce soit de plus : ils embarquent leurs affaires, et laissent là le relais de Noboru – l’aubergiste, Towika et Osamu tous stupéfaits de ce soudain éclat de violence, et de sa conclusion inattendue… Mais Takemura ne se prive pas d’adresser un regard courroucé à Yasumori, qui l’avait dissuadé de sortir son sabre de suite… Hideto a toutefois pris le temps de s’occuper de la blessure de Takemura ; l’hémorragie est vite stoppée, et les organes vitaux ont été épargnés, mais la douleur est là, et demeurera quelque temps…

III : DU RELAIS DE NOBORU À HIZOTACHI

 

[III-1 : Takemura, Hideto, Ayano, Yasumori] Takemura veut partir aussitôt en direction de Hizotachi, et tous l’approuvent. Le voyage est plus tendu, si Hideto et Ayano ont là encore déjà emprunté cette route… Ils sont sur leurs gardes, et se doutent qu’au relais on ne parlera pas d’eux en termes très flatteurs – d’autant que Yasumori en a rajouté in extremis, en s’offusquant de la tenue de cet établissement… Mais la jeune fille suppose qu’ils ne seront peut-être pas très bien accueillis à Hizotachi, du coup.

 

[III-2 : Takemura, Hideto] Dans ces circonstances, et la blessure de Takemura n’y est pas pour rien, ils prennent un peu de retard : il leur faudra trois jours au lieu de deux pour parvenir à Hizotachi. Mais Hideto en profite pour soigner au mieux Takemura : arrivé au village, il ne devrait plus être affecté par sa blessure, qui a été bien traitée.

 

[III-3 : Yoritaka, Senzô ; « le Messager »] À un jour de leur destination, ils sont rejoints par Yoritaka. Le chasseur n’a pas eu de véritables difficultés à trouver « le Messager »… ou plutôt son cadavre. L’étranger s’est en effet suicidé par seppuku – dans un endroit choisi, calme et beau… Pas grand-chose de plus à en dire – simplement, il avait un bandage à l’omoplate droite : en dessous, un petit carré de peau avait été écorché – par quelqu’un d’autre, a priori, avec une lame quelconque… Yoritaka ne s’attarde pas – il ne désire pas vraiment leur compagnie… Il repart très vite pour Kengo, sur le cheval de Senzô.

 

[III-4 : Yasumori, Takemura, Ayano, Hideto : Sekine Senzô ; Takeshi] Avant de reprendre la route, Yasumori veut déterminer comment ils aborderont le village. Ce n’est pas seulement qu’il faut dissimuler le sabre – et Takemura s’y emploie. Par exemple, les habitants ne manqueront probablement pas de s’étonner, non seulement de leur troupe passablement hétéroclite, mais aussi de ce qu’ils ne passeront pas la nuit sur place – puisque tous sont d’accord pour bouger sans cesse, de crainte de faire d’autres victimes innocentes… Ils décident d’un pieux mensonge : Ayano et Hideto, itinérants de profession, se rendent à des festivités près de Fukuoka – ils ont été amenés à faire la route ensemble, la compagnie n’étant pas de refus dans leur activité autrement solitaire… Ils ne peuvent pas se permettre de rester à Hizotachi, sans quoi ils ne seront jamais à temps pour la fête… Quant à Yasumori, elle se rend auprès d’une vieille tante en ville – elle est de bonne famille, aussi a-t-elle requis les services d’un garde du corps, TakemuraYasumori avait suggéré à Senzô de parler d’une cascade miraculeuse dans les environs, et qu’ils avaient prévu d’y passer la nuit – mais Senzô ne connaît pas suffisamment la région, et redoute que Takeshi, le chef du village, y trouve matière à suspicion... Ayano concocte plutôt un boniment à propos d’un hameau, un peu plus loin, où on les attendrait.

 

IV : L’ARRIVÉE À HIZOTACHI

 

[IV-1 : Ayano, Hideto : Takeshi, Akane ; Yôko, Ito] Ayano et Hideto connaissent le village, un peu plus grand que Kengo. Ils savent notamment que son chef, le vieux Takeshi, assez riche pour un campagnard de cette région montagnarde, a de plus en plus délégué la gestion de ses domaines agricoles, et a consacré une bonne partie de son patrimoine à l’apprentissage de l’astrologie et autres disciples ésotériques ; à force, il a acquis une érudition appréciable en la matière. Sa femme, Akane, a voulu suivre ses traces, mais n’a pas sa compétence. Quand ils pénètrent dans la maison commune pour y faire leurs salutations, ils ne voient par contre pas la jeune Yôko, censée se marier quelques jours plus tôt à peine, avec un certain Ito qui a soudainement disparu… Les formalités sont accomplies ; mais l’aimable Takeshi prend bien soin de ne jamais évoquer la disparition de son futur gendre, et évite avec soin toutes les allusions qui pourraient amener à évoquer cette affaire qui lui pèse.

 

[IV-2 : Ayano, Hideto, Takemura, Yasumori : Takeshi, Sekine Senzô ; Noboru, « le Messager », Bentei, Yôko, Ito] Ayano mène la conversation habilement, et Takeshi ne suspecte rien, même quand elle évoque les rumeurs entendues au relais de Noboru, sur cet inconnu qui disait venir de Hizotachi… On a tout de même parlé de meurtre ! Cet étranger – qu’on disait taciturne, et arborant un sabre impressionnant, guère en accord avec sa mise – est-il bel et bien passé par ici ? Takeshi confirme que c’est le cas – notant que lui non plus n’a pas passé la nuit au village. Lui-même ne l’a guère vu – il a passé l’essentiel de son bref séjour ici avec Bentei, le forgeron (que Ayano et Hideto connaissent pour être déjà passés dans le village). Mais Takeshi avait deviné qu’il était affecté par une mauvaise étoile, et son aura, pour qui y est sensible, exprimait une intolérable souffrance…Et Takeshi ajoute alors qu’il a le même sentiment concernant les cinq voyageurs ! Malgré la réussite apparente de leur boniment, tous craignent d’avoir été démasqués… Mais ce n’est pas forcément le cas : de la part de Takeshi, c’était plus un constat qu’une insinuation. Takemura décide cependant de montrer le sabre à Takeshi, sans autres explications, tandis que Senzô, à demi-mots, laisse entendre que le vieux chef a sans doute perçu la vérité quant à leur passage à HizotachiTakeshi joue pleinement le jeu : non, ils ne resteront pas ici, et ça sera mieux pour tout le monde. Mais Yasumori évoque alors le sujet tabou, le mariage annulé de Yôko et Ito – peut-être y a-t-il un lien avec le passage de « l’étranger » ? Auquel cas, ils feraient face au même problème, et auraient peut-être le même but… Mais, étrangement, Takeshi ne semble pas croire à ce lien – c’est encore autre chose… Puis le chef du village s’attarde dans la contemplation du sabre exhibé par Takemura : c’est une très vieille arme… Elle lui évoque, sans qu’il sache trop dire pourquoi ni comment, ces lames ancestrales que l’on avait conçues avec un soin inouï du temps des conflits avec la Corée – pas les projets tout récents de Toyotomi Hideyoshi, non, ceux du temps de Mahan [une confédération de 54 petits États qui a existé du Ier siècle av. J-C. au IIIe siècle dans le sud-ouest de la Corée]… Kyushu a conservé la mémoire de ces temps presque mythiques. Il y a sans doute des choses à découvrir, dans les bibliothèques – il cite notamment celle de la forteresse d’Ashiga Tomo, tout particulièrement riche à cet égard… mais en avançant qu’il ne sera peut-être pas facile d’y accéder.

 

À suivre…

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