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Articles avec #nebal lit des bons bouquins tag

"Goethe et un de ses admirateurs", d'Arno Schmidt

Publié le par Nébal

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SCHMIDT (Arno), Goethe et un de ses admirateurs, [Goethe und Einer seiner Bewunderer], traduit de l’allemand par Claude Riehl, postface par Jörg Drews, Auch, Tristram, [1958] 2006, 61 p.

 

Après la kolossale baffe que fut Scènes de la vie d’un faune, à n’en pas douter une de mes meilleures lectures de l’année dernière, j’ai tout naturellement eu envie de prolonger l’expérience Arno Schmidt. À la recherche de livres petits par la taille, je me suis donc finalement procuré ce Goethe et un de ses admirateurs (ainsi qu’Alexandre ou Qu’est-ce que la vérité ?). Il faut dire que le postulat de ce très court récit avait de quoi intriguer…

 

En effet, on a trouvé le moyen de ressusciter les morts ! Mais seulement une fois tous les cent ans, et pour quinze heures seulement… Cela dit, ce n’est pas rien. Les défunts ramenés à la vie, cependant, risquent d’être fortement désarçonnés par le monde dans lequel on les plonge sans véritablement leur demander leur avis ; aussi ont-ils besoin d’un guide…

 

Et voilà : c’est à Arno Schmidt lui-même (car c’est bien lui le narrateur de ce court récit) de servir de guide à un illustre écrivain d’antan. Or, consultant la liste, l’homme du métier se rend compte que personne n’a osé ramener le Grand Homme, l’illustre auteur des Souffrances du jeune Werther, du Faust, etc., autant dire l’auteur qui incarne l’Allemagne, l’incontournable, le meilleur d’entre les meilleurs. Arrogant comme c’est pas permis, c’est tout naturellement qu’Arno Schmidt se propose pour guider Goethe.

 

Et c’est parti. Quinze heures de pérégrinations avec deux écrivains rivalisant de prétention. Et l’occasion pour Arno Schmidt – qui se présente à l’Illustre comme un des plus grands écrivains allemands contemporains, ce en quoi il n’avait sans doute pas tort – de dresser un portrait au vitriol de son « collègue », porté sur la bouffe et la boisson, et surtout… de se venger. Et de venger avec lui tous les Allemands qui ont dû bouffer du Goethe à tort et à travers, tout Goethe, le meilleur comme le pire, pour la simple raison que l’on en avait fait une incarnation de l’Allemagne dans ce qu’elle a de plus grand, et, qui plus est, épargnée par le régime nazi qui lui a préféré d’autres figures – ce qui le rendait toujours fréquentable, et même plus, à l’époque du récit.

 

Critique impitoyable, donc, du culte de la personnalité rendu à Goethe, semble-t-il particulièrement exacerbé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; mais critique littéraire, également, où Goethe, le parfait Goethe, en prend pour son grade… Non qu’Arno Schmidt rejette en bloc toute l’œuvre du Grand Homme ; mais il en stigmatise certaines dérives, distingue le jeune Goethe révolutionnaire et le vieux Goethe engoncé dans le classicisme qu’il a incarné plus que tout autre, sans doute. En parallèle, nous avons les lettres de Schmidt, qui évoquent tout d’abord son admiration pour le collègue, puis son exaspération…

 

Formellement, Goethe et un de ses admirateurs reprend le dispositif intriguant de Scènes de la vie d’un faune. C’est donc là encore parfaitement déstabilisant au premier abord, avant de couler assez bien (même si je n’ai pas autant goûté la plume de l’auteur ici que dans le chef-d’œuvre précité). C’est surtout assez drôle, dans son outrecuidance irrévérencieuse. Les deux personnages sont plus infects et imbus d’eux-mêmes l’un que l’autre, et c’est ce qui les rend irrésistibles.

 

Reste que c’est là un texte pour lequel il me manquait des clefs. Aussi ne puis-je prétendre l’avoir autant apprécié que Scènes de la vie d’un faune. Il me semble en effet que seul un Allemand, et peut-être même pire, seul un Allemand contemporain d’Arno Schmidt, peut parfaitement en saisir la portée. Il faut sans doute, pour en apprécier tout le sel, bien connaître la littérature allemande en général, et bien évidemment Goethe en particulier. Il faut surtout, j’imagine, avoir bouffé du Goethe, donc, l’avoir subi contraint et forcé, avoir été soumis au culte de la personnalité… Or je ne peux prétendre connaître vraiment Goethe, n’ayant lu de lui, sauf erreur, que Les Souffrances du jeune Werther et le Faust (donc) ; qui plus est, on ne m’en a pas imposé la lecture, ce fut un choix parfaitement libre, et un bon choix : j’ai adoré ces lectures (tout particulièrement le premier Faust). Mais je comprends tout de même, en gros, l’exaspération rigolarde d’Arno Schmidt.

 

Goethe et un de ses admirateurs est donc loin d’avoir le caractère indispensable de Scènes de la vie d’un faune. En tant que tel, pour un Français ignorant tel que votre serviteur, cela reste une lecture amusante, mais guère plus ; là, il me manquait clairement le bagage pour vraiment l’apprécier…

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"Les Femmes de Stepford", d'Ira Levin

Publié le par Nébal

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LEVIN (Ira), Les Femmes de Stepford, [The Stepford Wives], traduit de l’américain par Tanette Prigent et Noman Gritz, Paris, J’ai lu, [1972] 1974, 158 p.

 

Si je me suis bien sûr maintes fois régalé du film de Roman Polanski Rosemary’s Baby, je n’avais jusqu’à présent lu qu’un seul roman d’Ira Levin, son auteur : Un bonheur insoutenable, dystopie dans la lignée de 1984 et compagnie, correcte, mais tout de même écrasée par l’ombre des géants dont elle s’inspirait. Enfin, dans mon vague souvenir : c’était il y a longtemps…

 

Mais j’avais depuis longtemps envie de lire Les Femmes de Stepford, court roman qui a tout naturellement trouvé sa place dans mon cycle de livres petits par la taille. Un roman qui date des années 1970, et ça se sent… mais le plus terrible dans ce cauchemar est sans doute qu’il n’a rien perdu de son actualité, voire qu’il en a gagné entre-temps. Horreur glauque… Les Femmes de Stepford s’intéresse en effet à la condition des femmes. Il en dresse un tableau qui sent son MLF et sa domination masculine, un poil désuet par certains côtés, mais hélas toujours parlant dans notre triste monde tragique, quarante ans plus tard.

 

Joanna (féministe, mais qui a arrêté de travailler pour élever ses gosses, même si elle fait un peu de photo de temps à autre…) vient de s’installer avec son époux Walter, très progressiste, à Stepford, souriante ville de banlieue (au sens ricain) qui change agréablement de l’enfer new-yorkais. Ici, tout le monde est abominablement gentil. On fête l’arrivée des nouveaux venus, qui apprécient bien vite le calme et la convivialité des habitants.

 

Le problème, c’est que question activités, c’est quand même un peu la zone, Stepford. Enfin, pour les femmes, surtout. Car Stepford, voyez-vous, a un de ces archaïsmes invraisemblables dans les modernes années 1970 (lisez 2010), à savoir un « Club des Hommes » (Ministère de l’Homme, pour ceux qui en ont). Walter en devient membre, bien sûr, espérant répandre le virus du progressisme de l’intérieur pour ouvrir cette relique antédiluvienne aux femmes et cesser cette discrimination absurde.

 

Mais Joanna n’entend pas rester les bras croisés de son côté. Elle se met donc à faire le tour des femmes de Stepford pour monter à son tour un club qui leur serait ouvert, et les sortirait de leur quotidien morose. Morose ? Pensez-vous ! Il y a tant à faire… Non, vraiment, elles n’ont pas le temps, il faut qu’elles s’occupent de leurs maris et de leurs enfants, il y tant de choses à faire à la maison, ce serait égoïste que de faire l’impasse dessus… Mais n’imaginez pas de pauvres et fragiles femelles oppressées par leurs maris, hein ! Non, c’est de leur plein gré qu’elles s’enferment dans leur ménage. Et c’est toujours avec un grand sourire (et un bac de linge resplendissant dans les bras) qu’elles disent non à Joanna, ces épouses modèles tout droit sorties d’une publicité ringarde.

 

Joanna ne trouve finalement que deux, puis trois autres femmes dans tout Stepford pour s’associer à elle. Et c’est tout. Et le pire, c’est que ce n’est pas dit que ça dure… Parce que c’est quand même étrange, cette situation, à Stepford. Un phénomène statistique unique, sans doute. Un fantasme régressif qui a peut être bien une raison extérieure… Mais dans ce cas, le combat de Joanna pour émanciper les femmes de Stepford ne serait-il pas perdu d’avance ? Et, pire encore, ne serait-elle pas condamnée à finir comme elles, comme ces femmes au foyer pas du tout dépressives, parfaites à vrai dire, si souriantes, si serviables, si aimantes ? Comme s’il y avait quelque chose de viral dans l’air, ou dans l’eau, ou… non, quand même pas !

 

Sur ce postulat diaboliquement simple et pertinent, Ira Levin construit avec un grand professionnalisme un thriller (SF ou pas ? eh…) étonnamment palpitant et indubitablement intelligent, tellement paranoïaque qu’on aurait envie de le dire dickien. Le roman ne brille certes pas par le style (mais la traduction aurait probablement besoin d’être dépoussiérée…), mais c’est de peu d’importance devant l’astuce dont il fait preuve. Ce cauchemar particulièrement oppressant sous la bonhomie et la gentillesse de façade s’inscrit ainsi bel et bien dans la lignée de Rosemary’s Baby, et se montre tout aussi efficace et juste.

 

Un roman ancré en plein dans les années 1970, disais-je… Mais quand on voit les discours que d’aucuns tiennent aujourd’hui – dont bon nombre de femmes… –, après une ellipse assez souvent, on se prend à frissonner d’autant plus. Les Femmes de Stepford, c’est triste à dire, constitue encore aujourd’hui, ou plus encore aujourd’hui, une utopie pour certains dinosaures… peu importe leur sexe. Il y en a bel et bien pour rêver de ces femmes au foyer souriantes à forte poitrine. Le cauchemar des Femmes de Stepford s’insinue ainsi dans notre quotidien, ce qui ne le rend que plus terrifiant encore.

 

Une vraie réussite, donc, qui, sous les dehors d’une littérature de pur divertissement, pointe de vrais problèmes, et qui mérite encore d’être lu aujourd’hui tant il n’a pas perdu de son acuité… voire en a gagné.

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"Vampire : The Eternal Struggle"

Publié le par Nébal

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Vampire : The Eternal Struggle

 

À l’époque où les jeux de cartes à collectionner sont apparus et ont submergé le monde, j’avoue m’y être pas mal adonné. Le premier, bien sûr, ce fut Magic, qui m’a procuré des heures de jeu fort sympathiques. Mais celui qui m’a le plus durablement marqué et passionné, au point que je m’en suis repayé une boîte de starters il y a peu pour y initier mes petits camarades, c’est sans conteste Vampire : The Eternal Struggle (qui s’appelait Jyhad lors de sa première édition ; une mauvaise idée, sans doute…). Ce jeu, également développé par Richard Garfield et Wizards of the Coast (mais bien vite repris par White Wolf), et historiquement si je ne m’abuse le deuxième du genre, n’a certes pas eu le succès de son glorieux aîné, n’a jamais eu l’honneur d’une traduction française, et sa commercialisation a cessé il y a quelques années de cela. Et c’est bien dommage, parce que c’est indubitablement un des meilleurs jeux que je connaisse, tous genres confondus.

 

Je l’ai d’abord découvert, tout gamin, sous le nom de Jyhad. Déjà fasciné par le jeu de rôle Vampire : la Mascarade dont il s’inspire, je m’étais en effet risqué à en commander quelques cartes (avec une traduction française des règles et des cartes sur feuilles imprimées !) pour voir un peu ce que ça pouvait donner. Sans surprise, je n’y ai absolument rien pigé pendant des années… et ai passé ma frustration sur Magic, avec des decks forcément noirs comme la nuit (ouh ouh). Mais, quelques années plus tard, quand j’ai été en mesure de comprendre au juste de quoi il retournait, je m’y suis remis en compagnie de joyeux camarades et y ai pris énormément de plaisir, même si je n’ai jamais été un joueur très efficace. Peu importe : c’est toujours l’aspect purement ludique qui me séduisait, dans ce double plaisir particulier à ces jeux consistant tant à élaborer méticuleusement des paquets variés qu’à les tester contre des adversaires nécessairement fourbes ; et du coup je n’ai jamais forcément cherché la victoire, mais simplement à passer un bon moment. Ce qui a duré des années… jusqu’à ce que mes joyeux camarades et moi-même succombions à l’appel de la compétition, expérience qui m’a paru très désagréable – je n’aime décidément pas l’esprit de compétition et ne me reconnaissais pas dans les joueurs qui l’avaient – et a fini par m’éloigner de ce jeu que j’aimais tant… Mais, comme dit plus haut, je m’en suis donc il y a peu procuré une boîte de starters (de Vampire : The Eternal Struggle, c’est-à-dire la deuxième édition, purement Camarilla) afin de constituer sept paquets tout bêtes (un par clan de la Camarilla, donc) et d’y initier quelques rôlistes de ma connaissance, et plus si affinités. Pour le pur plaisir de jouer. Et ce plaisir, après toutes ces années, est resté intact, effaçant le mauvais souvenir laissé par la période « compétition ». Et c’est pourquoi j’ai envie de vous parler de ce jeu aujourd’hui.

 

Même s’il en constitue un succédané et en reprend le mécanisme fondamental, Vampire est un jeu très différent de Magic (et mille fois plus intéressant à mon sens, donc, sans cracher sur les bons moments que m’a procuré le premier JCC). Notamment en ce qu’il ne prend sa pleine dimension qu’au-delà de deux joueurs (l’idéal étant quatre ou cinq), ce qui permet de déployer tout son aspect, disons, « politique ». Aussi les parties sont-elles généralement bien plus longues et complexes qu’un « simple » affrontement martial entre deux magos. Chaque joueur, ici, incarne un mathusalem, c’est-à-dire un très vieux vampire qui tire les ficelles de la société vampirique. Le joueur à gauche constitue sa proie, le joueur à droite son prédateur. Le but est donc d’éliminer sa proie, puis la suivante, etc., afin de récupérer des points de victoire… tout en évitant bien sûr de se faire tuer par son prédateur.

 

Pour agir, le mathusalem dispose d’une réserve de points de sang (trente normalement au départ). Ces points de sang représentent à la fois sa « vie » (comme à Magic), mais aussi – ce qui change tout – sa capacité de jeu, puisqu’il va s’agir pour lui de les investir judicieusement afin de saigner sa proie et de se défendre contre son prédateur. Et, notamment, c’est avec ces points de sang que le mathusalem va pouvoir faire entrer en jeu des vampires (cartes à dos marron) ; ces vampires, à leur tour, pourront se livrer à tout un paquet d’actions, et c’est généralement par leur biais que seront utilisées les cartes à dos vert constituant la bibliothèque.

 

Chaque tour de jeu (dans l’ordre des aiguilles d’une montre en principe, et donc dans l’ordre de prédation) est composé de plusieurs phases. La première est l’untap, dans laquelle on redresse les cartes engagées précédemment afin de pouvoir les utiliser à nouveau (et certains effets de jeu s’appliquent à ce moment-là). La deuxième phase est consacrée au cartes master – des cartes grises représentant dans un sens l’action directe du mathusalem sur le déroulement de la partie ; on peut en jouer une par tour. Suit la phase d’action : c’est alors que les serviteurs du mathusalem – pour l’essentiel des vampires – peuvent agir, de bien des façons différentes (j’y reviendrai en détail par la suite). Il y a ensuite la phase de transfert, au cours de laquelle le mathusalem interagit avec sa crypte, afin notamment de faire apparaître des vampires dans le jeu. Et le tour s’achève sur la phase de défausse (différence essentielle avec Magic et compagnie : il n’y a pas de phase de pioche ; en principe, dès qu’une carte est jouée, elle est immédiatement remplacée : il s’agit donc souvent de faire tourner le paquet, ce que permet en dernier recours cette ultime phase). On passe alors à la proie, et le même cycle se répète.

 

Mais revenons sur la phase d’action. Les minions (vampires – kindred – et alliés) agissent chacun individuellement (autre grosse différence avec Magic). Certaines de leurs actions sont représentées par des cartes, et peuvent être très diverses (comme les actions politiques, nécessitant un vote, dont l’issue dépendra des vampires en présence et des cartes jouées, ou encore s’équiper, ou aller chercher un allié ou un larbin, etc.) ; mais d’autres interviennent indépendamment. C’est le cas notamment de l’action fondamentale du jeu qu’est le bleed, c’est-à-dire le fait de « saigner » la proie pour lui faire perdre des points de sang. Mais d’autres actions sont également possibles, qui sont généralement à + 1 stealth de base (ce qui signifie que, pour pouvoir la bloquer, un vampire adverse doit avoir au moins + 1 intercept, les niveaux de ces deux notions pouvant varier du fait des cartes jouées) ; par exemple, le vampire peut partir chasser pour regagner un point de sang (sa réserve, de même que celle du mathusalem, incarnant à la fois sa « vie » et sa capacité d’action, mais aussi son « âge »). Une action engage normalement le minion… qui ne sera donc plus disponible ultérieurement pour protéger son maître contre les actions des autres mathusalems, du moins jusqu’à la prochaine phase d’untap. Notons enfin que la variété des actions offerte au vampire dépend largement de ses « disciplines », c’est-à-dire de ses capacités surnaturelles : l’Auspex, par exemple, est une forme de télépathie très utile en défense ; la Domination intervient notamment pour augmenter le bleed, ou en politique ; le Protéisme permet au vampire de se métamorphoser, ce qui lui offre par exemple souvent l’occasion de faire des dégâts aggravés, etc. Chaque discipline a deux niveaux ; si le vampire a la discipline requise au niveau inférieur, il en applique le texte en caractère romains ; s’il l’a au niveau supérieur, il peut en appliquer le texte en caractères gras.

 

Parlons maintenant des combats. Quand deux vampires se rencontrent – quand un vampire bloque l’action d’un autre vampire –, il y a (normalement) combat. Lequel, à son tour, se décompose en plusieurs phases : certaines cartes doivent être jouées au début du combat ; ensuite, c’est la phase de manœuvre : les vampires commencent au corps à corps, mais ils peuvent utiliser des cartes pour s’éloigner ou, du coup, se rapprocher ; vient ensuite le strike, qui débouche sur la résolution des dégâts ; se pose enfin la question de la poursuite : si un joueur joue une press, le combat se continue en revenant à la première phase, etc. Un vampire réduit à zéro points de sang est ultérieurement contraint d’aller chasser ; en dessous, ou s’il se prend des dégâts aggravés, il part en torpeur… et c’est alors éventuellement l’occasion de commettre la diablerie, quasiment le seul moyen de se débarrasser définitivement d’un vampire.

 

Ces mécanismes sont relativement complexes au premier coup d’œil, ce qui peut être un brin déstabilisant. Mais le jeu est fort bien conçu, et on acquiert vite les réflexes essentiels. Ce qui n’enlève rien à son incroyable complexité, au sens de richesse. On peut en effet jouer à VTES de bien des manières différentes – un nombre presque infini, à vrai dire ; d’aucuns vous diraient que c’est là une caractéristique essentielle des jeux de cartes à collectionner, mais j’aurais envie de dire que la subtilité du jeu est telle que cet infini-là est plus grand que les autres… ou du moins qu’on en prend plus frontalement conscience. Et c’est absolument fascinant et passionnant.

 

Cette deuxième édition se focalise uniquement sur les sept clans de la Camarilla (ceux du Sabbat et les indépendants ont été couverts par les éditions ultérieures et les diverses extensions). Je vais rapidement présenter ici ces clans, en notant que chaque vampire est unique, et peut avoir des disciplines traditionnellement rattachées à d’autres clans (ce qui accroît d’autant les possibilités de construction de deck, bien sûr, même si je n’ai créé ici, pour initier mes camarades, que des paquets « purs »). Chaque clan a en effet trois disciplines de prédilection, qui déterminent largement le style de jeu. Les Brujah (Celerity, Potence, Presence) sont des bêtes de combat, capables de frapper vite et fort, et on tend donc avec eux à jouer au casse-vampires (autrement dit, à nettoyer le terrain pour forcer le passage). Les Gangrel (Animalism, Fortitude, Proteism) sont des métamorphes souvent à même de faire des dégâts aggravés, ce qui les rend également redoutables au combat. Les  Malkavian (Auspex, Dominate, Obfuscate), ces gros dingues, sont très polyvalents, et en mesure de faire passer du bleed en stealth, ce qui peut faire très mal… Les hideux Nosferatu (Animalism, Obfuscate, Potence) sont également très polyvalents, même s’ils sont avant tout les rois de la discrétion. Les Toreador (Auspex, Celerity, Presence) jouent également la carte de la polyvalence, étant aussi bons en « attaque » qu’en « défense ». Les Tremere (Auspex, Dominate, Thaumaturgy) sont surtout efficaces en défense, à mon sens ; leurs puissantes cartes de thaumaturgie ne sont cependant le plus souvent utilisables que suite à une press, ce qui peut rendre leur jeu un peu délicat. Les Ventrue (Dominate, Fortitude, Presence), enfin, sont mes chouchous : souvent politicards, ce sont en tout cas les maîtres incontestés du gros bleed dans ta gueule…

 

Rien qu’avec des jeux « purs » de cette seule édition, les possibilités ouvertes sont ainsi énormes, témoignage éloquent de la richesse de ce jeu d’exception. Car, au risque de me répéter, VTES est clairement le meilleur jeu de cartes à collectionner que je connaisse, et c’est avec un énorme plaisir que je m’y suis remis récemment, rien que pour le fun.

 

La nostalgie, camarades…

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"Mygale", de Thierry Jonquet

Publié le par Nébal

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JONQUET (Thierry), Mygale, nouvelle édition révisée par l’auteur, Paris, Gallimard, coll. Folio Policier – Thriller, [1984, 1995, 1999] 2011, 156 p.

 

Dans ma quête de livres courts, je cherchais volontiers un polar, ou disons un roman noir, plus généralement. Une libraire que je ne citerai pas m’a instantanément suggéré ce Mygale de Thierry Jonquet, auteur dont j’avais entendu parler mais que je n’avais jamais eu l’occasion de pratiquer jusqu’à maintenant. Pourquoi pas ? Mais ladite libraire, qui est coutumière du fait, avait assorti ce conseil d’une recommandation impérative : ne surtout pas lire la quatrième de couverture, sous peine de gros spoiler. Bon, moi, je veux bien, hein ; le problème, c’est que là, maintenant, je dois parler du bouquin : et je me retrouve du coup dans la position d’une vilaine, ô combien vilaine quatrième de couverture. Donc ça va SPOILER sec, vous êtes prévenus.

 

Il y a Richard Lafargue, chirurgien de son état, pété de thune comme c’est pas permis. Il vit avec une certaine Ève, sublime créature qu’il soumet à de bien étranges caprices pervers, la prostituant pendant qu’il joue au voyeur.

 

Il y a Alex Barny, minable petit truand qui, après un braquage qui a mal tourné, s’est planqué dans un mas.

 

Et puis il y a ce mystérieux prisonnier, enchaîné dans une cave, et livré au bon plaisir d’un immonde tortionnaire qu’il a surnommé « Mygale ».

 

Tout ce beau monde, évidemment, est amené à se croiser et, en vous faisant ce tout petit résumé, je vous en ai déjà trop dit, sans doute. En effet, Mygale est à mon sens aussi improbable (ce qui n’est pas forcément bien grave, il y a du narrativum) que prévisible (ce qui est plus embêtant en ce qui me concerne). On va donc reconnaître d’emblée que ce n’est pas l’intrigue qui fait la grande force de ce court roman de Thierry Jonquet, lequel a beau jeu de multiplier les révélations « coups de poing », sauf que ça tombe un peu à plat à chaque fois ou presque.

 

Avouons de même que ce n’est pas le style qui fait de Mygale un grand roman ; c’est assez terne, tout cela.

 

Restent les personnages et l’ambiance. Ici, c’est mieux. Surtout dans les passages à la deuxième personne. Pourtant, nous avons une belle collection de clichés… et un propos général qui peut paraître décevant. M’est avis, en effet, mais cela va sans doute à l’encontre du projet de l’auteur, que le sadisme de « Mygale » n’avait pas à être « justifié » en définitive, qu’il était plus percutant en restant abstrait et motivé par la seule cruauté du geôlier. Ici, la mécanique est trop apparente pour pleinement convaincre. Alors oui, les victimes sont des bourreaux et les bourreaux des victimes… mais tout cela est bien convenu, en définitive. On s’en doute dès la première apparition des personnages. Cela pourrait ne pas vraiment poser de problèmes, mais le roman est à mes yeux bien trop focalisé sur sa mécanique de « thriller » (genre qui me pose décidément des problèmes, en littérature en tout cas) pour se montrer adroit dans le maniement de cette thématique. Les gens ne sont pas forcément ce qu’ils ont l’air d’être ? Tu parles d’une révélation…

 

Mais il y a quelques beaux moments dans la cave de « Mygale ». Et une joulie histoire d’amour, idéale pour la Saint-Valentouille…

 

Je n’irais pas jusqu’à dire que je n’ai pas aimé Mygale – je n’ai en tout cas pas souffert à sa lecture, ça coule tout seul… Mais de là à en faire un vrai bon roman ? Non, c’est au-dessus de mes forces. À la limite correct pour la plage, indubitablement pour les trajets en métro ou en train, mais c’est tout. Oui, voilà : un roman de gare honnête, qui se lit sans y penser, et ne laisse pas grand-chose en tête en définitive. Médiocre, quoi. Désolé, libraire…

CITRIQ

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"Qu'était-ce ?", de Fitz-James O'Brien

Publié le par Nébal

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O’BRIEN (Fitz-James), Qu’était-ce ?, [What was It ?], traduit de l’anglais par Richard Scholar et Guillaume Pigeard de Gurbert, lecture de Guillaume Pigeard de Gurbert, Arles, Actes Sud, coll. Babel – Les Fantastiques, [1859] 1998, 47 p.

 

Qu’était-ce ? Eh bien… Quelque chose… Que je vais devoir révéler (aussi, si vous craignez le SPOILER, fuyez, pauvres fous !). Et c’est justement la certitude de cette présence que Lovecraft qualifiera ultérieurement « d’indicible » qui est au cœur de cette brève nouvelle de Fitz-James O’Brien – sans doute une de ses plus célèbres – parue initialement en 1859, et qui se pose ainsi en véritable réflexion sur la nature même de la littérature fantastique.

 

Soit une maison new-yorkaise qui a la réputation d’être hantée. Une pension de famille – des fortes têtes assurément – s’y installe pourtant, ou peut-être justement pour cette raison. Dès les premiers instants passés dans la demeure, les locataires s’empressent de guetter les manifestations fantomatiques… en vain. Notre narrateur, opiomane qui a commis en son temps une « ghost story », n’est certes pas le dernier à se régaler de l’attente du surnaturel dans la bâtisse. Toutefois, il n’entend pas mélanger rêveries opiacées et songes hoffmanniens, sachant ce que cette alliance peut avoir de perturbant. Mais un soir où un compagnon d’excursion dans les paradis artificiels l’entraîne bien malgré lui sur ce terrain, le narrateur est assailli par… Quelque chose. « A Something », dit le texte original, qui bénéficie en outre du « it » anglais, sans doute intraduisible en français, ou maladroitement sous la forme de « ça » (vous avez le bonjour de Stephen King).

 

On pourrait croire à vue de nez – et cela correspondrait aux canons du fantastique, à en croire une définition à mon sens bien trop courante et beaucoup trop réductrice – que ce Quelque-Chose n’est que l’hallucination d’un toxicomane qui fait un « bad trip ». Le fantastique serait dès lors réduit au procédé de l’ambiguïté. Mais non : ce qui fait l’intérêt de la nouvelle de Fitz-James O’Brien, et constitue du coup un salutaire pied de nez à ces définitions psychologisantes qui ont tôt fait d’évacuer le surnaturel, c’est bien la certitude de la présence de ce Quelque-Chose. Oui, il résiste à la définition ; il se dissimule donc en anglais sous un neutre perplexe. Mais il est assurément. Il est certes incompréhensible et incommunicable – indicible, disais-je –, mais sa réalité ne saurait faire de doute pour personne. Si l’opiomane ne voit rien, et les autres locataires pas davantage, la présence indéfinie n’en est pas moins indiscutable. Ce « Horla » n’est pas une hallucination, pas le moins du monde. Et c’est bien ça qui est terrible ; pas la suspicion de folie, mais l’indiscutable existence de ce qui ne devrait pas être, de ce qui n’est pas compris et ne le sera jamais, pas plus au moment de l’assaut que, plus tard, quand le narrateur et son camarade de pipe sont amenés à enterrer cette chose qu’on ne voit pas, scène fort brève, certes, mais fascinante dans son principe même.

 

La nouvelle de Fitz-James O’Brien, ainsi, dans sa brièveté qui la rend presque abstraite, ou lui donne plus exactement un caractère d’épure, a quelque chose de programmatique. En posant d’emblée la question (au passé, ce n’est pas négligeable) et en y apportant bel et bien une réponse, aussi perplexe soit-elle, elle dit ce qu’est (ce que doit être ?) le fantastique, n’en déplaise aux apôtres de l’ambiguïté fondamentale. On n’évacue rien, ici, au prétexte de conformer le récit aux nécessités rationnelles de notre société et de nos modes de pensée. On ne dissimule pas l’indéfinissable comme étant par nature irréel. Bien au contraire. Cette déclaration d’intention, dès lors, avait tout pour me plaire, de même que sa « lecture » par Guillaume Pigeard de Gurbert (à grands renforts de Deleuze).

 

Je ne ferais pas de Qu’était-ce ? une lecture indispensable pour tous, mais, pour qui s’intéresse un tant soit peu à la littérature fantastique et à sa théorie, la nouvelle de Fitz-James O’Brien constitue bel et bien une importante pièce à verser au dossier. En tant que telle, on ne saurait imaginer meilleure réponse à la question du titre : on ne sait pas ce que c’est, mais on sait que ce Quelque-Chose est ; et c’est bien ce qui le rend terrible. Aussi cette nouvelle me paraît-elle fondamentale à plus d’un titre, typique d’un certain fantastique rétif aux ratiocinations théoriques les plus convenues ; en affirmant la réalité de l’horreur, elle ouvre le champ à d’autres auteurs non négligeables, dont Lovecraft et King : ceux qui ont fait de la quête de ce « it » le cœur de leur œuvre.

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"Le Peuple du tapis", de Terry Pratchett

Publié le par Nébal

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PRATCHETT (Terry), Le Peuple du tapis, [The Carpet People], traduit de l’anglais par Patrick Marcel, Paris, J’ai lu, coll. Science-fiction, [1992] 1997, 188 p.

 

Le Peuple du tapis est le premier roman de Terry Pratchett, qui l’avait écrit à l’âge de dix-sept ans. L’auteur, qui avait entre-temps connu le succès avec « Les Annales du Disque-monde », a révisé ultérieurement ce péché de jeunesse longtemps indisponible pour le soumettre à nouveau à publication, devant les demandes insistantes de ses fans. Et c’est en quoi ce livre a bel et bien deux auteurs, ainsi que Pratchett l’explique lui-même dans une brève note précédant le roman.

 

Quoi qu’il en soit, on trouvait déjà dans ce premier ouvrage bien des traits typiques du créateur de Rincevent et compagnie. Le goût pour la fantasy parodique, bien sûr, ici particulièrement exacerbé peut-être puisque c’est la high fantasy à la Tolkien qui trinque, dans un sens ; le goût pour les univers inattendus, aussi, le Disque-monde étant ici présagé par un simple tapis où se nichent entre les poils bien des êtres farfelus ; et puis, déjà (à moins que ce soit l’effet de la révision ?), ce ton très particulier, où des considérations fort sérieuses (notamment d’ordre religieuses, philosophiques et politiques) se mêlent à l’humour le plus fantasque et burlesque, pour donner au final un roman éminemment pratchettien.

 

Nous sommes donc dans un tapis, au milieu des poils et de la poussière ; des cendres y tombent, du sucre, des pièces de monnaie. Mais c’est aussi un écosystème très riche, où vivent bien des êtres intelligents (ou presque). Le tapis est largement sous la domination de l’empire dumii (qui a inventé un truc aussi phénoménal que l’argent pour maintenir sa domination, ça aide). La tribu des Munrungues n’en subit à vrai dire pas vraiment le joug, se contentant de se faire recenser de temps à autre et de verser un impôt à cette occasion, ce qui satisfait tout le monde. Mais, un jour, les agents du recensement ne se présentent pas ; il faut dire que leur ville a été ravagée par le grand Découdre, bien étrange phénomène de destruction massive, qui entraîne dans son sillage des hordes de moizes chevauchant des snargues (ce qui peut effectivement rappeler quelque chose…).

 

Les frères Glurk et Snibril Orkson, à la tête de la tribu, secondés par le chaman excentrique Forficule, philosophe rationaliste, conduisent donc leur peuple dans un long et dangereux périple, et entendent bien faire la lumière sur les agissements des moizes et la nature du grand Découdre. En chemin, ils tomberont sur des compagnons remarquables, tels le général dumii Fléau ou le roi des Fulgurognes Brocando (parce que Terry Pratchett croyait encore à l’époque que la fantasy devait s’embarrasser de rois et tout le baltringue ; mais ils prennent cher, quand même…). Et, sous le regard apaisé des Vivants qui se souviennent du futur, ils vont contribuer à changer le monde, en construisant eux-mêmes leur destin et en écrivant l’histoire ; et pour ça, il faut survivre. Ce qui n’est pas gagné.

 

Le Peuple du tapisest ainsi, sous ses dehors incongrus et burlesques, une épopée, une véritable saga, du genre de celles qui ont inspiré Tolkien pour Le Seigneur des Anneaux et plus encore Le Silmarillion. Rien n’y manque, absolument rien ; quelques glissements du vocabulaire ne sauraient dissimuler les influences profondes de ce court roman, pas plus que l’humour omniprésent, qui ne fait cependant pas toujours mouche. On prend cependant dans l’ensemble beaucoup de plaisir à participer à cette grande aventure microscopique, et l’on s’attache volontiers aux pas des protagonistes (avec en ce qui me concerne une mention spéciale pour le philosophe Forficule et l’excité Brocando ; tous les personnages n’ont pas leur épaisseur, si j’ose dire).

 

Mais, à l’évidence, donc, tout Prachett est déjà là, ce qui est en soi assez impressionnant. L’univers est foisonnant, même s’il n’a sans doute pas l’originalité du Disque-monde ; il est cependant tout à fait charmant, et l’on s’amuse bien à fouler le tapis, dénicher une allumette au milieu des poils, ou escalader une pièce à l’effigie d’Elizabeth II. L’histoire, donc, n’est en elle-même pas vraiment originale, mais peu importe ; à vrai dire, comme souvent chez Pratchett, c’est ailleurs que se situe l’intérêt, et notamment dans ce ton très particulier que j’évoquais plus haut, et qui, à certains égards, fait davantage de l’auteur un science-fictionneux qu’un fantaisiste (une histoire de boulons…).

 

À titre documentaire, Le Peuple du tapis est donc tout à fait intéressant, et il y a fort à parier qu’il saura convaincre les fans du Disque-monde et compagnie. On n’en fera certes pas du très grand Pratchett, on ne prétendra pas que ce coup d’essai était déjà un coup de maître, mais cela reste une lecture des plus sympathique, passablement rafraîchissante. Pour ma part, je n’en demandais pas davantage. Et comme davantage il y a malgré tout…

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"Slogans", de Maria Soudaïeva

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SOUDAÏEVA (Maria), Slogans, traduit du russe par Antoine Volodine, [s.l.], Seuil / L’Olivier, 2004, 107 p.

 

Maria Soudaïeva (1954-2003), poète et romancière russe, fondatrice d’un éphémère mouvement anarchiste après la fin de l’URSS, est…

 

 

Bon, d’accord, c’est une « voix du post-exotisme », et donc un des multiples avatars d’Antoine Volodine, qui en a plus d’un dans son sac. Et une voix des plus singulières, oh ça oui. Quand bien même on retrouve dans ces déconcertants Slogans l’univers propre au romancier que j’avais découvert en son temps avec l’omnibus reprenant ses quatre premiers titres en Denoël « Des heures durant… », poussé en cela par Léo Henry et Jacques Mucchielli, dont le « cycle » bâti autour de la ville de Yirminadingrad doit beaucoup audit maître et à ses procédés d’écriture.

 

Je dois cependant dire que je me retrouve du coup ici un peu dans la même situation qu’avec Yama Loka Terminus et compagnie. Comme les plus fidèles d’entre vous s’en souviennent peut-être, l’excellent premier recueil de Yirminadingrad m’avait tellement séduit… que je ne savais pas quoi en dire. Je ne voyais honnêtement pas comment communiquer mon enthousiasme autrement qu’à coups de superlatifs, ou autres « Lisez cette merveille, je le veux, c’est un ordre, il le faut ». Aussi ce maudit livre génial m’avait-il conduit à mettre ce blog en pause… Et je n’avais pas davantage su trouver les mots pour parler des quatre premiers romans de Volodine. Qui m’avaient également passionné et fasciné, hein ; seulement j’étais donc incapable d’expliquer pourquoi ; et à vrai dire, je ne sais même pas au juste de quoi ils parlaient, ce qui rendait même le résumé impossible. C’est là une marque du talent de Volodine, qui, à mon sens, est avant tout un peintre et un poète ; or je ne suis le plus souvent guère sensible à la peinture et à la poésie… Quand c’est le cas, c’est que l’œuvre est particulièrement marquante ; mais, inévitablement, les mots me manquent…

 

Or, pour le coup, les Slogans de Maria Soudaïeva, c’est très clairement de la poésie. Et de la meilleure, mais dans un versant qui le plus souvent me laisse pourtant perplexe ; à savoir que l’auteur verse ici régulièrement dans le surréalisme, et même sans doute dans l’écriture automatique, procédé qui m’a toujours paru friser l’escroquerie.

 

Mais pas cette fois.

 

Non.

 

Parce qu’Antoine Volodine, avec ses injonctions folles en capitales, toujours exclamatives, parvient étonnamment, avec une grâce proprement stupéfiante, à construire tout un imaginaire extrêmement fort. On n’y comprend rien, mais ce n’est pas grave, tant cela va à vrai dire au-delà de la compréhension. Si le poète doit se faire voyant, comme disait l’autre jeune couillon (que j’aime beaucoup par ailleurs…), son art est à son sommet quand il parvient à communiquer ses visions au lecteur le plus rétif. Et Volodine y parvient ici magnifiquement. Ses slogans n’ont le plus souvent ni queue ni tête, mais on voit quelque chose, pourtant. Un monde en guerre, des régiments féminins dans un Est déliquescent, qui se battent contre Marx sait quoi. Créatures étranges, concepts frelatés.

 

C’est une poésie de l’imaginaire, oui, et, autant lâcher le mot : une poésie science-fictive à bien des égards. Volodine/Soudaïeva nous transporte dans un monde secondaire que l’on perçoit plus intuitivement qu’intellectuellement ; ce qui n’empêche pourtant pas le lecteur, au fil des injonctions, de chercher – et peut-être de trouver – du sens à tout cela. Les ordres farfelus, parfois contradictoires, les litanies incantatoires de suggestions et conseils, les appels, les programmes, les instructions de dernière minute dessinent un paysage fascinant.

 

Formellement d’une étrange beauté, à la fois cauchemardesque et non dénuée d’humour (le citoyen Kafka est convoqué d’urgence au bureau number 21308), les Slogans de Maria Soudaïeva bouleversent ainsi sans que l’on sache vraiment ni pourquoi, et avec toujours au fond du crâne cette crainte insidieuse que l’auteur se foute un peu du monde, mais toujours aussi cette réponse inéluctable : « Ta gueule, on s’en fout, c’est puissant, alors admire ! »

 

Une bien étrange odyssée, qui laisse un brin perplexe à l’arrivée – mais qu’est-ce qu’on a lu, bon sang ? –, tout en convainquant intimement qu’il y a là bien plus de travail et de maîtrise qu’il n’y paraît au premier abord.

 

Bref, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j’aime (pas au point d’en faire une lecture indispensable, c’est quand même spécial…). Et je n’en ai de toute évidence pas fini avec Volodine et toutes ses « voix du post-exotisme ».

 

Comment conclure, sinon ? Ben tiens ! Dans l’optimisme, ou, au choix, l’ironie désabusée : « LES MAUVAIS JOURS FINIRONT ! »

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"Cyberpunk", de Mark Downham

Publié le par Nébal

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DOWNHAM (Mark), Cyberpunk, [Cyberpunk], traduit de l’anglais par Aude-Lise Bémer, Paris, Allia, [1988] 2013, 63 p.

 

Aujourd’hui on va faire très bref, pour un tout petit bouquin qui ne mérite en effet guère qu’on s’y attarde. Cet article avait originellement été publié dans Vague en 1988, et visait à décortiquer ou présenter le mouvement cyberpunk, donc. Un courant de la science-fiction qui a longtemps eu ma sympathie, même si je m’y intéresse sans doute moins aujourd’hui que quand j’étais ado, époque où je dévorais les livres de William Gibson, notamment (au point, pour l’anecdote, de tenter de former un groupe d’indus entièrement basé sur Neuromancien et compagnie). J’étais donc curieux de lire ce petit essai, qui portait avec à peine un peu de décalage son regard sur ce grand chamboulement de la science-fiction (et au-delà, sans doute).

 

Las, ça n’est pas passé. Sans doute parce que le journaliste Mark Downham est passablement situationniste. Je n’ai pas vraiment une dent contre le situationnisme, je trouve même ça plutôt intéressant (même si ma connaissance en est très limitée), mais je lui reproche néanmoins une chose, hélas très sensible dans La Société du spectacle pour le peu que j’ai essayé d’en lire : l’usage d’une rhétorique absconse et volontiers jargonneuse, un tantinet pédante tout de même, et franchement hermétique en tout cas. Et ici, ça n’a pas manqué, hélas. Juste un passage, là, comme ça, peu de temps avant que j’abandonne la lecture de ce machin :

 

« Le cyberpunk comprend la violence ultime, les cadavres, le nihilisme des zones mortes urbaines, le Métrophage lui-même et il ne consiste plus en de simples propriétés isolées censées être intrinsèques à un système sémiotique autostabilisant pouvant s'interpréter comme une transmission super-structurelle par laquelle le pouvoir s'exerce – le cyberpunk lutte sans relâche contre un système d'apparences si profondément ancré dans le social et le matériel que ses opérations et celles de l'ordre hégémonique total sont indifférenciables. Elles sont l'ordre hégémonique. »

 

Non mais franchement : « intrinsèques à un système sémiotique autostabilisant pouvant s’interpréter comme une transmission super-structurelle » ? Ce doit être une blague… En fait, c’est très possible. Et possible aussi, pour le coup, que je n’aie pas d’humour. J’ai donc laissé tomber cette horreur à laquelle je ne pannais rien. Vous êtes sans doute plus intelligents que moi, aussi pouvez-vous tenter l’expérience, hein. Mais moi, tout ce que j’en ai retenu, outre cette impression d’un pédant qui se foutait de ma gueule, c’est la liste d’auteurs précurseurs évoquant entre autres « Hailan Ellison », « Samuel Delaney », « Brian Aldis » et « Roger Zelazney » (sic, oui). Z’auraient quand même pu faire un effort…

 

Oui, moi aussi, peut-être. Mais en fait non.

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"Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud", d'Emmanuel Venet

Publié le par Nébal

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VENET (Emmanuel), Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud, Lagrasse, Verdier, 2006, 42 p.

 

Où l’on continue dans les tout petits bouquins. Et cette fois avec une étonnante rencontre de pur hasard. En effet, a priori, rien ne me destinait à lire du Emmanuel Venet ; à vrai dire, la présentation de ses livres – en l’occurrence Précis de médecine imaginaire, celui-ci et Rien, tous trois chez Verdier – me faisait même un peu peur, sans parler de celle de l’auteur : bon sang, Emmanuel Venet n’est pas seulement écrivain, c’est aussi – et avant tout ? – un psychiatre ! Horreur glauque. J’imaginais déjà le pire, du genre le bonhomme qui s’étend à longueur de (courts) récits sur ses deux professions, leur intrication, leurs contradictions, etc. Un écrivain pour psychiatres, ou un psychiatre pour écrivain, ou… bref. Quant à la présentation de Rien, avec son vieux couple qui vient de baiser et s’interroge, ben…

 

Mais voilà : Emmanuel Venet avait été invité à la librairie Charybde (dont on ne dira jamais assez de bien), où il se trouve que je traînais mes guêtres ce jour-là (étonnant, non ?). Désœuvré, pas vraiment désireux de rentrer chez moi, je suis resté pour la rencontre, à tout hasard. J’ai bien fait. Ce fut une très bonne soirée, passionnante de bout en bout, qui a balayé – c’est rien de le dire – mes préjugés, à tel point que j’en suis reparti avec ce Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud, récit vraiment très court, et Rien, dont je vous parlerai prochainement.

 

Mais commençons par ce Ferdière, donc. Le sujet ne m’intéressait guère a priori. Déjà, ainsi que vous le savez peut-être, je suis le plus souvent hermétique à la poésie ; un aimable citoyen avait voulu combattre mes préjugés justement en m’offrant justement un volume d’Antonin Artaud, et l’expérience ne s’était guère avérée concluante (hop). En outre, je voyais déjà derrière la figure de ce Ferdière, psychiatre-écrivain confronté à son écrivain de patient, une projection de l’auteur, ce qui m’ennuie le plus souvent. Mais la présentation de ce tout petit ouvrage par la librairie Charybde et l’auteur lui-même a été tellement passionnante que je ne pouvais repartir sans ; je l’ai donc lu, et je peux confirmer maintenant tout le bien que j’en avais supposé.

 

Ferdière est donc rentré dans l’histoire par la petite porte, en tant que psychiatre d’Antonin Artaud de 1943 à 1946, à Rodez. Un psychiatre très décrié, que l’on a peu ou prou accusé de tous les maux en cette affaire, notamment parce qu’il était grand partisan des électrochocs (après avoir pratiqué la première lobotomie en France et avoir fait l’éloge maladroit de cette méthode, ce qui a ruiné sa carrière). On imagine déjà le vilain tortionnaire, poète frustré qui se venge inconsciemment sur le génie authentique qu’il ne sait pas ou ne veut pas reconnaître en le « démagnétisant »… Ce qui est bien sûr une vision étriquée, bien éloignée de la réalité. Emmanuel Venet ne se livre peut-être pas pour autant à une « réhabilitation » en bonne et due forme, mais livre sans doute un portrait plus juste du bonhomme. Poète frustré, oui, et socialement maladroit, sans doute, mais probablement bien meilleur thérapeute qu’on ne l’a dit, qui avait sans doute saisi au mieux les troubles d’Artaud et avait même obtenu des résultats tout à fait significatifs en le traitant. Un médiocre, peut-être, mais honnête, et capable à son tour de petits héroïsmes, notamment en cette période troublée. Quelqu’un finalement d’assez sympathique, avec ses défauts de quidam et son statut de beau loser. Quelqu’un d’humain assurément.

 

Le nom a été lâché par la libraire lors de la présentation de cet ouvrage, et à bon droit trouvé-je, aussi puis-je le reprendre ici à mon compte : l’approche d’Emmanuel Venet fait ici (et dans Rien également semble-t-il) beaucoup penser à celle d’un autre illustre auteur Verdier, à savoir Pierre Michon, que j’admire énormément ; il y a chez ces deux auteurs le goût de l’illustre inconnu, du petit qui gravite autour du grand et permet de l’envisager sous un autre angle.

 

Et il y a – ce qui a achevé de balayer mes bêtes préjugés – cette plume tout à fait remarquable (instinctivement, j’aurais même envie de dire « extraordinaire »…), qui n’est pas sans évoquer effectivement le meilleur de l’auteur des Vies minuscules, entre autres merveilles. Une plume très précieuse, contournée parfois, mais d’une beauté telle qu’elle ne peut qu’emporter l’adhésion du lecteur. Le style à lui seul pourrait faire l’intérêt de cette brève lecture, et il y a dans la manière d’écrire d’Emmanuel Venet – bien éloignée de la froideur clinique qu’on aurait pu attendre avec un tel sujet et de la part d’un tel écrivain – quelque chose d’une leçon. L’adresse de l’auteur n’est pas pour autant balancée en pleine gueule, mais réside dans une harmonie des formes tout à fait singulière, qui fait de chaque phrase un délice, coulant langoureusement en bouche – on a envie de lire à voix haute tant c’est beau. De la vraie et de la meilleure poésie, en somme.

 

Au-delà, la projection de l’auteur, l’identification presque inévitable avec Ferdière, réserve de belles réflexions (un brin désabusées, certes) sur la nature du génie, sur le dépassement qu’il implique. Et, bien sûr, il y a ce parallèle entre les deux fonctions de Ferdière comme d’Emmanuel Venet, cet antagonisme difficile à gérer entre l’écriture et la psychiatrie…

 

Ce récit court, mais aussi passionnant que beau, est ainsi une vraie réussite, parfaitement enthousiasmante. Merci à qui de droit.

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"Wakefield", de Nathaniel Hawthorne

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HAWTHORNE (Nathaniel), Wakefield, [Wakefield], traduit de l’anglais [États-Unis] par Hélène Frappat, Paris, Allia, [1835] 2012, 43 p.

 

Il y a de cela quelque temps, je vous avais dit tout le bien que j’avais pensé de La Maison aux sept pignons de Nathaniel Hawthorne, lu un peu sur un coup de tête, mais qui m’avait amplement convaincu. Aussi avais-je envie de poursuivre la découverte de cet illustre auteur. Plusieurs pistes s’offraient à moi : son plus célèbre roman, La Lettre écarlate ; ses contes et nouvelles « gothiques » ; et puis cet étonnant petit récit (petit par la taille, hein…) qu’est Wakefield, dont on m’avait dit le plus grand bien (notamment à propos de son édition bilingue aux belles mais chères éditions du Chemin de fer), et qui est semble-t-il considéré comme un texte fondateur de la littérature américaine, ou à tout le moins un classique.

 

Dans la mesure où mon travail ne me permet guère à l’heure actuelle de lire pour ce blog, j’ai eu envie de me tourner vers des textes très courts pour ne pas le laisser totalement en rade. Wakefield était donc des plus approprié pour ce faire ; l’ayant trouvé dans une édition moins chère chez Allia (qui ne néglige pas les effets de mise en page pour autant, la police rétrécissant au fur et à mesure, idée pour le moins pertinente comme on le verra par la suite), je me suis dit que je pouvais bien commencer par là, et, ma foi, je ne l’ai pas regretté. Même s’il s’agit maintenant d’en dire quelques mots, ce qui ne s’annonce guère évident ; je ne me sens guère de faire une critique éminemment subtile de ce classique, et sa brièveté entraîne un gros risque de paraphrase. Bon, verra bien…

 

Wakefield est à l’origine un article inspiré par un étrange fait-divers (peut-on dès lors parler de nouvelle ? c’est une piste de réflexion, en tout cas…). L’histoire se résume en quelques lignes : un homme, un Londonien que l’auteur baptise du nom de Wakefield, décide un jour de quitter le foyer matrimonial… pour s’installer dans un immeuble voisin, où il restera plus de vingt ans, à surveiller sa femme (sa « veuve »). Une bien étrange plaisanterie, poussée très loin, et dont on a du mal à saisir ce qui a pu la motiver. L’histoire en elle-même est assez intrigante assurément pour fournir le canevas d’une nouvelle, et aurait pu appeler bien des développements malgré ce postulat laconique. Mais Nathaniel Hawthorne ne se livre pas véritablement ici à un récit, une histoire commençant à un point a pour finir à un point b ; il dresse surtout une fascinante étude de caractère, un portrait psychologique très fort, appelé à déboucher sur une morale.

 

Un homme disparaît, donc. Un médiocre, sans doute, qui n’a guère trouvé que cette mauvaise blague pour entrer dans l’éternité. Un homme pris au jeu diabolique de sa décision d’un instant, et qui, par un mécanisme fatal, se voit amené à prolonger sans cesse son « auto-bannissement ». Il ne s’absente tout d’abord que pour quelques jours ; puis quelques semaines ; quelques mois… vingt ans. Et rentre enfin chez lui, comme si de rien n’était. La raison d’être de cette bizarrerie restera un mystère. Mais peu importe ; il y a quand même des enseignements à en tirer, sans doute, le fait-divers, aussi absurde soit-il (d’un absurde qui peut d’ailleurs le rapprocher du fantastique, dans un sens, même en l’absence de tout élément surnaturel), pouvant se faire porteur de morale. En Wakefield, c’est ainsi l’humanité qui se retrouve questionnée, l’humanité au sens le plus médiocre et quelconque, avec son désir de se distinguer ; mais par un étrange retournement, c’est bien la disparition qui devient la forme la plus subtile, sinon la plus élégante, de distinction.

 

Hawthorne dissèque Wakefield ; il le suit à la trace, blagueur pervers pris à sa propre plaisanterie, voyeur jamais vu, qui observe sans relâche sa pauvre « veuve » – dont le portrait est par ailleurs singulièrement poignant – et la fuit autant qu’il se fuit lui-même, sous son identité d’appoint, dans son logement d’exil. Ce qui nous vaut des réflexions saisissantes et jamais verbeuses, et quelques superbes images, notamment sur le final.

 

L’étrangeté du fait-divers justifie amplement ces développements ; mais là où quelques lignes suffiraient à raconter l’histoire, à la façon d’une dépêche dans un journal, Hawthorne, en se contentant de l’étirer sur quelques pages, guère plus, lui offre une tout autre dimension. Il prend la vie et y déniche l’art ; la maestria du style chamboule l’anecdote, et la mue en littérature ; et de là, en conte philosophique.

 

En parcourant les réseaux sociaux, je suis tombé il y a peu sur une énième conversation de wannabe-(h)auteurs, alignant les sarcasmes, et affichant semble-t-il un dédain généralisé pour la description ; la chasse au superflu, bien légitime, devenait du coup appel à une narration peu ou prou réduite à l’action pure, comme seule possible après les excès picturaux et, j’imagine, psychologisants de la littérature du XIXe. Ce pseudo-débat passablement pathétique est entré en résonance avec ma lecture de Wakefield. Certes, il n’y a pas véritablement ici de portrait « balzacien » ; mais la description psychologique y atteint des sommets, les « paysages intérieurs » ont rarement été aussi stupéfiants.

 

Aussi n’ai-je pu m’empêcher de voir en la « nouvelle » de Nathaniel Hawthorne une véritable leçon ; un exercice de style, à maints égards, mais qui sublime sa gratuité par la finesse de la réalisation. Wakefield, nous dit l’auteur, devient un banni de l’univers pour s’être effacé un instant ; Hawthorne, en brodant sur l’anecdote, lui a conféré l’immortalité des lettres ; en artiste accompli, il recentre l’univers. Et fait du futile un chef-d’œuvre.

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